Vous êtes sur la page 1sur 11

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39.

© Collège européen de Gestalt-thérapie


A QUOI SERT LA PSYCHOPATHOLOGIE ?
Patrick Colin

Collège européen de Gestalt-thérapie | « Cahiers de Gestalt-thérapie »


Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

2006/2 n° 19 | pages 25 à 34
ISSN 1277-6874
ISBN 2913706363
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-cahiers-de-gestalt-therapie-2006-2-page-25.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Patrick Colin, « A quoi sert la psychopathologie ? », Cahiers de Gestalt-thérapie 2006/2 (n° 19),
p. 25-34.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Collège européen de Gestalt-thérapie.


© Collège européen de Gestalt-thérapie. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière
que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 25

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
A QUOI SERT LA
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

PSYCHOPATHOLOGIE ?

À quoi sert la psychopathologie ?


À faire un diagnostic me direz-vous, à savoir à qui nous
avons à faire, à faire un pronostic de l’évolution possible de
notre patient, à prévoir des risques possibles de fragilisation,
de décompensation peut-être, à avoir une sorte de carte du
monde de notre patient et ainsi pouvoir retrouver la sortie
quand nous sommes perdus.
Bref la psychopathologie sert à des tas de choses. Alors
pourquoi cette question puisque la réponse déjà donnée sem-
ble à ce point évidente et satisfaisante ?

Approchons-nous donc un peu plus près.


La question du diagnostic d’abord : de quel diagnostic
s’agit-il ? Que diagnostiquons-nous ? Des maladies, des sujets,
des structurations psychiques ? Pour quel usage ?
En tant que Gestalt-thérapeute je m’occupe de situation, de
création de Gestaltung. Quel usage puis-je alors avoir de ces
informations qui se réfèrent à un autre registre épistémologi-
que ? En fait tous les bienfaits et usages énumérés plus haut
de la psychopathologie renvoient à une conception de
l’homme structurelle et déterminée, vision du monde assez,
pour ne pas dire très, éloignée de la philosophie de la Gestalt-
thérapie.
Après avoir fondé la légitimité du questionnement, je
repose à nouveau la question : à quoi sert la psychopathologie ?
Cette question est en quelque sorte à deux vitesses : Patrick COLIN
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE 25
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 26

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
La première en tant que questionnement général sur la per-
tinence de la psychopathologie : y a-t-il un discours possible sur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

le pathique de la psyché, un discours qui se voudrait universel,


voire scientifique ?
La deuxième en tant que questionnement plus restreint sur
la pertinence de la psychopathologie, dans son modèle classi-
que psychiatrique, à notre spécificité de Gestalt-thérapeute. À
quoi nous sert la psychopathologie ?

J’ai déjà traité en partie cette question dans un article paru


dans les Cahiers de Gestalt-thérapie sur la pathologie de l’ex-
périence. Je ne vais ici en traiter que certains aspects.
Comme vous le savez, la psychopathologie est née, il y a peu
de temps, du souci du monde médical confronté à ce que l’on
appelle communément la folie. C’est dire que le modèle qui a
servi à son élaboration est un modèle médical, c’est-à-dire le
modèle des sciences de la nature.
Le problème ainsi posé fait déjà apparaître ses limites. En
effet, autant les classifications des maladies somatiques se
basent sur une classification de faits observables et se ratta-
chent à un objet lui-même observable : le corps, autant la clas-
sification des maladies dites psychiques se rattache à un objet
que personne n’a jamais vu : la psyché. Ce qui veut dire que,
dans le premier cas, tout le dispositif d’objectivation dont s’est
dotée la médecine permet une classification de plus en plus
fine et opératoire des maladies, autant dans le deuxième, il n’y
a pas de possibilité probante d’objectivation.

C’est ce dilemme qu’a cherché à résoudre depuis le début,


ce que l’on a appelé le courant organiciste. Celui-ci a toujours
cherché, justement, du côté du corps, soit par des théories
lésionnelles nerveuses, cérébrales, soit par des théories biolo-
giques, à trouver une cause objectivable aux maladies menta-
les. Cet effort reste encore aujourd’hui sans résultat probant
et les soit-disant preuves de dérèglements biologiques dans
certaines pathologies mentales ne prouvent rien si ce n’est de
revenir à l’historique question de la poule et de l’œuf.
Une autre manière plus sournoise, et apparue plus récem-
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
26 THERAPIE
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 27

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
ment, est de contourner la question de l’organicité par la
mesure statistique. C’est le DSM, plus à usage des ordinateurs
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

que des praticiens ! Si ce dernier a le mérite de mettre de côté


l’origine des troubles pour ne s’intéresser qu’aux comporte-
ments induits et manifestes, il a le désavantage d’obliger le
praticien à ne voir les personnes qu’au travers d’items déjà pré-
formés et ainsi de laisser de côté ce qu’il y a de spécifique à
chaque sujet. On pourrait dire que ce risque est celui de toute
nosographie : regrouper des personnes différentes par ce
qu’elles ont en commun et désigner cela d’un nom plus ou
moins exotique. Ce faisant, ce qui fait de la schizophrénie de
Gaston une manière particulière d’être, différente de la schi-
zophrénie d’Émile, ne peut être pris en considération, et donc,
le praticien ne rencontre plus que des schizophrènes et non
plus des personnes. De ce point de vue, le DSM est l’exagéra-
tion de ce système. En effet en se voulant athéorique, il vise
déjà un point de vue impossible, dans le sens où il revendique
un point de vue qui ne serait pas situé quelque part, ce qui est
impossible. Ensuite, et pour la même raison, en faisant l’éco-
nomie d’une description de ses soubassements anthropologi-
ques, il induit de manière sournoise une anthropologie quan-
titative, décrivant l’humain comme un ensemble de compor-
tements, certains étant dits normaux, d’autres, pathologiques,
sans jamais poser le symptôme dans un contexte ni dans une
histoire, c’est-à-dire sans interroger le sens qu’il peut avoir pour
la personne. En ne tenant pas compte du contexte, de la situa-
tion relationnelle de la consultation même, le DSM, à la suite
de la nosographie classique, fige le comportement a-normal
comme un attribut permanent et invariant du sujet. On peut
voir, là encore, une sorte de transposition directe du modèle
médical qui fait que lorsque votre jambe est cassée elle le reste
quel que soit l’environnement dans lequel vous évoluez. Per-
manence et objectivation sont, donc, les deux catégories sur
lesquelles se fonde la pensée médicale en général mais aussi
psychiatrique. Notons au passage que ces deux catégories sont
aussi celles au travers desquelles la métaphysique occidentale
à toujours pensé l’étant : dans son objectité et sa substance,
donc sa permanence.
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE 27
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 28

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
De ce point de vue, il est le reflet typique de notre société
dite libérale et marchande qui ne fait plus de différence entre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

l’humain et la chose là-devant.


La psychiatrie s’est depuis longtemps interrogée sur ce pro-
blème, et, sur ce point, l’apport et la critique des psychiatres
phénoménologues sont prépondérants.
Ils ont été, en effet, les premiers à revendiquer un intérêt
porté à la personne du malade, à son histoire de vie, à la
construction de son monde de significations, au-delà (et non
en deçà) de toute classification nosographique.
Il est clair que, d’un strict point de vue phénoménologique,
la question du normal et du pathologique ne se pose pas. Le
phénoménologue n’a affaire qu’à des manières d’être au mon-
de singulières, ayant, toutes, leur validité propre. Le patholo-
gique ne réside, pour lui, que dans la restriction des possibles
que certains modes d’être au monde impliquent et dans la défi-
cience plus ou moins grande d’une intersubjectivité partagée.

Il apparaît, donc, que le développement de la psychopatho-


logie s’est fondé, depuis son origine, sur la nécessité des psy-
chiatres de pouvoir isoler des pathologies reconnaissables, à
l’image de la pathologie somatique, et, à partir de ce diagnos-
tic, d’établir un pronostic et un traitement.
L’arrivée de la psychopharmacologie a renforcé cette néces-
sité et en a fondé, rétroactivement, l’importance. En effet, on
ne prescrit pas le même traitement médicamenteux à un
dépressif et à un délirant. De ce point de vue et de manière
générale, la psychopathologie a tout son intérêt pour la pres-
cription.
Mais, là encore, faut-il prendre un peu de recul. Un livre
récent, « la dépression est-elle universelle » de Catherine Lutz
explique comment une peuplade d’une île perdue de Microné-
sie, les Ifaluks, ne connaîtrait pas la dépression. Nous pouvons
imaginer nos savants partant à la recherche du gène miraculeux
que posséderaient les habitants de cette île et qui les mettrait
hors d’atteinte de notre fléau occidental. J’imagine qu’ils ne
trouveraient rien. L’observation ethnologique qu’a menée l’au-
teur sur cette île lui a permis de voir, en effet, des personnes tris-
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
28 THERAPIE
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 29

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
tes, abattues, sans goût à la vie. La différence est que, chez ces
gens-là, ces signes ne sont pas signes d’une maladie (ils n’ont
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

d’ailleurs, paraît-il, aucun mot dans leur langue pour désigner


ce que nous appelons le psychisme) mais de difficultés relation-
nelles, avec la communauté dans son ensemble. De ce point de
vue : on peut affirmer que la dépression n’existe pas là-bas.
L’auteur démontre bien que, pour qu’il y ait dépression, il faut
au préalable une construction de monde où ce mot puisse faire
sens. Un monde où les gens se définissent par une intériorité,
un psychisme, un monde où l’individu prime sur le groupe, en
bref, comme elle le dit, un monde américano-européen.
Mais, sortis de cet intérêt prescriptif, que nous dit la psycho-
pathologie ?
Elle nous parle de symptômes dont la collation permet de
diagnostiquer une maladie, c’est-à-dire un état anormal de la
psyché. Dans cette phrase, il y a superposition directe de ter-
mes de la médecine somatique à l’activité psychique : symp-
tôme, maladie, psychisme au lieu de somatique. Nous nous
trouvons face à une transposition imaginaire du somatique à
un autre corps « ethérique » que l’on appelle psyché et auquel
on attribue un fonctionnement soit dérivé et dépendant du
somatique (organiciste) soit indépendant mais organisé à l’ins-
tar du somatique. Il y a, donc, signes, symptôme de ce corps et
organe à la fois qui vont inférer sa maladie.
Je rabâche ce qui semble des évidences, mais c’est peut-être
justement pour questionner ces évidences qui n’en sont peut-
être pas.
Certains, dans la psychiatrie même, sans doute plus hardis
que les autres, ont critiqué, mis en doute la maladie mentale
elle-même, en y voyant un processus d’évolution ou d’ajuste-
ment. Ce fut le cas du mouvement de l’anti-psychiatrie, déve-
loppé en son temps par Laing et Cooper.
La crise qui secoue notre profession actuellement et les
débats qu’elle suscite montrent bien, là aussi, la difficulté à
laquelle nous sommes confrontés, à savoir que, si dans nos thé-
rapies il s’agit de soins ou d’autre chose, cet autre chose reste,
sur le fond, à définir. Et l’on constate qu’en la matière, per-
sonne ne peut donner une parole définitive.
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE 29
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE
Jean-Christophe Philippi
Page 30
17:51
4/04/06
Gestalt 19 bat

30
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 31

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
La psychopathologie est bien le reflet de cette incertitude
quant à l’objet même de son étude. Elle en est le reflet dans
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

la diversité des classifications, des dénominations, des théories


et j’en passe. Cela pour dire le fond d’arbitraire, peut être là
plus qu’ailleurs, qui réside dans la classification psychiatrique
et parfois, du coup, les diagnostics divers qui peuvent être
posés pour une même personne.

Si nous sortons de ce modèle de pensée, essayons d’imagi-


ner un monde non constitué de choses simplement posées là,
face à des sujets déjà constitués (Adam et Ève), mais plutôt de
voir dans les comportements, comme la phénoménologie nous
y invite, des manières de soutenir sa présence au monde. Alors
rien n’est plus la propriété singulière d’un sujet défini une fois
pour toutes.

Ce pas franchi, qu’advient-il de la psychopathologie ?


Est-elle un outil adapté au diagnostic des situations ? À
l’évidence, pas trop, pour ne pas dire pas du tout. La psycho-
pathologie classique est totalement fondée sur une vision close
de l’individu dans une intériorité psychique ; de ce fait, elle ne
peut que décrire des modèles d’organisation du sujet, décrire
des propriétés plus ou moins permanentes de ce sujet, comme
on décrirait les propriétés d’un objet quelconque.

Au questionnement sur le « qui », elle répond par un « quoi ».

Faut-il, donc, en disant cela, jeter tout à la poubelle et


reconstruire sur de nouvelles bases ?
La réponse est à deux niveaux : il y a, d’abord, une demande
actuelle de certains psychiatres d’une refonte globale de la psy-
chopathologie, dans la mesure où ils font l’expérience que le
modèle actuel n’est plus pertinent. Dans ce refondement sou-
haité, la question du paradigme de l’individu n’est presque
jamais remis en question. Il reste un fondement non ques-
tionné puisqu’allant de soi.
Ensuite, il y aurait la question de savoir si, du point de vue
de notre pratique de Gestalt-thérapeute, il y a nécessité ou non
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE 31
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 32

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
d’élaborer une psychopathologie gestaltiste, bien qu’il y ait
déjà, à l’énonciation, contradiction dans les termes. En effet,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

en tant que gestaltiste, l’objet de notre préoccupation est la


Gestaltung, et non la psyché. Alors est-ce qu’une Gestalt-
pathologie est à créer ?
Je dirais qu’elle existe déjà, en ébauche, dans la théorie du
self et qu’il conviendrait juste d’en tirer les conclusions et éla-
borations dans cette direction initiée par Perls et Goodman.
Revient alors la question récurrente de l’utilité, pour nous,
de la psychopathologie dite classique, bien qu’à la regarder de
plus près elle ne soit pas un bloc bien organisé mais plutôt un
ensemble parfois disparate et contradictoire.

De mon point de vue, la vieille psychopathologie a encore


et je dirais malgré tout, des tas de choses à nous apprendre.
Elle ne reste pas simplement un outil de communication plus
ou moins commun à tous les psychothérapeutes, psychiatres et
psychanalystes de la planète, elle est, aussi et surtout, une invi-
tation à la réflexion sur ce que sont l’homme et ses devenirs
multiples. Et il serait dommageable de se passer de cette masse
de connaissances, de ces réflexions en tous sens qui ont tissé,
d’Hippocrate à nos jours, une compréhension de l’humain qui
est, aujourd’hui, la nôtre.

Présenter la psychopathologie comme un produit fini, ce


qu’elle n’est pas et ne saurait être, c’est enfermer l’homme
dans une définition close qui le ravale au rang de l’objet, car
elle évacue ce qui pourrait définir l’essence même de l’existant
humain dans le sens qu’il n’est que ce qu’il devient.

Le problème n’est donc pas la psychopathologie en elle-


même, mais la manière dont elle est enseignée et l’usage qui
en est fait. Soit elle est ouvrante à différentes manières de voir
et, ainsi, enrichissante en horizons de compréhension, soit elle
est fermante quand elle cherche à définir une fois pour tou-
tes ce qui est normal et ne l’est pas, ce qu’est un sujet sain ou
malade.
C’est sur ce point, à mon sens, que l’insistance actuelle de
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
32 THERAPIE
Gestalt 19 bat 4/04/06 17:51 Page 33

Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
notre gouvernement à mettre l’étude de la psychopathologie
comme préalable presque exclusif à la pratique de la psycho-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

thérapie est un danger, danger de réduire l’humain à un objet


de connaissance d’où serait exclue la part d’ombre et de mys-
tère qui le fonde originairement et, ce faisant, de ne laisser de
lui qu’une objectité manipulable pour ne pas dire consomma-
ble.
La psychopathologie est notre os à ronger, dans la mesure
où elle est un fondement à partir duquel nous pouvons user
de notre critique, par rapport auquel nous avons à nous défi-
nir et, ce faisant, nous la faisons évoluer.
Je citerais, à ce propos, Arthur Tatossian qui disait toujours
que la psychopathologie phénoménologique ne visait pas à
remplacer la psychopathologie classique, mais était un plus,
une élaboration critique et constructive de cette dernière.

Pour conclure je dirais, en une forme concise et abrupte


(donc forcément sans nuance) : non, la psychopathologie ne
nous sert absolument à rien, mais son étude est indispensable
à la formation de tout Gestalt-thérapeute.

Patrick Colin
Gestalt-thérapeute
Formateur et superviseur
Directeur de l’IGPL

BIBLIOGRAPHIE

Catherine Lutz. La dépression est-elle universelle ? Ed. Les empêcheurs


de penser en rond, novembre 2004
Pierre Pichot et Werner Rein (sous la direction de). L’approche clini-
que en psychiatrie, Ed. Les empêcheurs de penser en rond, juillet
1999
Arthur Tatossian. La phénoménologie des psychoses, Ed. L’art du com-
prendre, juillet 1997
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE 33
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie
Cahiers n°19, 2006
GESTALT
THERAPIE
Anne-Marie Poitout
Page 34
17:52
4/04/06
Gestalt 19 bat

34
Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 194.214.161.15 - 16/02/2016 11h39. © Collège européen de Gestalt-thérapie

Vous aimerez peut-être aussi