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LA MÉTHODE SKINNERIENNE OU CE QUE L'HISTOIRE NOUS
APPREND SUR LE CONCEPT DE LIBERTÉ
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Frédérique Matonti

Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | « Raisons politiques »

2011/3 n° 43 | pages 133 à 150


ISSN 1291-1941
ISBN 9782724632415
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2011-3-page-133.htm
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Pour citer cet article :


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Frédérique Matonti, « La méthode skinnerienne ou ce que l'histoire nous apprend
sur le concept de liberté », Raisons politiques 2011/3 (n° 43), p. 133-150.
DOI 10.3917/rai.043.0133
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FRÉDÉRIQUE MATONTI
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La méthode skinnerienne
ou ce que l’histoire nous apprend
sur le concept de liberté

OTRE PERSPECTIVE EST D’EXPOSER ce que Skinner

N entend par « liberté », et centralement son insis-


tance sur la dichotomie entre liberté néo-
romaine et « liberté présente dans le libéralisme classique 1 »,
qualifiée parfois de « gothique 2 », – Skinner emploie l’appellation
« néo-romaine » tout en reconnaissant que la dénomination « répu-
blicaine », qu’il juge « anhistorique », s’est imposée 3. Même si nous
évoquerons trois moments centraux de déploiement de la liberté
néo-romaine (le pré-humanisme du regum italicum, l’humanisme
florentin, la Révolution anglaise), nous ne prétendrons pas restituer
ici l’ensemble des travaux de Skinner à propos de celle-ci. C’est
pourquoi nous avons privilégié quelques textes et notamment deux
de ses livres les plus récents (La Liberté avant le libéralisme et Hobbes
et la conception républicaine de la liberté). L’intérêt de décrire après

1. Selon la formule de Quentin Skinner, La Liberté avant le libéralisme, trad. de l’angl.


par Muriel Zagha, Paris, Seuil, 2000 [1998] (Liberty before Liberalism, Cambridge,
Cambridge University Press, 1997).
2. Notamment dans Q. Skinner, Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues,
Cambridge, Cambridge University Press, 2002, chap. « Machiavelli on Virtù and the
Maintenance of Liberty ».
3. Hobbes et la conception républicaine de la liberté, trad. de l’angl. par Sylvie Taussig,
Paris, Albin Michel, 2009, p. 7 (Q. Skinner, Hobbes and Republican Liberty,
Cambridge, Cambridge University Press, 2008).

Raisons politiques, no 43, août 2011, p. 133-150.


© 2011 Presses de Sciences Po.
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Skinner les grands traits de cette théorie néo-romaine de la liberté,

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c’est – au-delà de la connaissance de l’œuvre de celui-ci – de faire
surgir un sens du concept de liberté politique qui a été entièrement
recouvert par la vision libérale de la politique et de la liberté.
Comme Skinner le souligne en effet, l’influence de Thomas
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Hobbes, et des théoriciens qui partagent sa conception, a été


continue au point que les recherches contemporaines de Nozick ou
de Rawls et de leurs successeurs se proposent les mêmes objectifs
qu’eux 4. Mais nous souhaitons tout autant décrire la manière dont
il y parvient. En effet, si les travaux de Skinner portent avant tout
sur l’Italie et sur l’Angleterre, du 13e (les pré-humanistes des « cités-
États 5 ») au 17e siècles (Hobbes et la Révolution anglaise), sa métho-
dologie peut valoir pour d’autres espaces et d’autres lieux, d’autres
espaces-temps politiques. Plus généralement, dans un numéro
consacré à cette thématique, la méthodologie de Skinner, qui
combine souci de l’historicité la plus fine et attention au « contexte
discursif », peut constituer un point d’appui pour réfléchir aux fon-
dements de notre propre conception de la liberté et au-delà intro-
duire une discussion épistémologique.
À des fins de clarté, nous séparerons ici ce qui ne devrait pas
l’être, puisque nous retracerons d’abord à grands traits les diffé-
rentes incarnations de la liberté néo-romaine à quatre moments
politiques avant de revenir ensuite sur la méthode de Skinner.

La liberté néo-romaine (Italie-Angleterre)

Dès Les Fondements de la pensée politique moderne 6, en 1978,


ouvrage qui embrasse du 13e à la fin du 16e siècles, Quentin Skinner
décrit les conditions de possibilité de la « redécouverte des valeurs
républicaines 7 » en Italie. Dans ce texte, comme dans les articles

4. Cf. Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., chap. « Machiavelli on Virtù
and the Maintenance of Liberty », p. 161.
5. En anglais city-republic, terme que nous reprendrons pour des raisons évidentes.
6. Q. Skinner, Les Fondements de la pensée politique moderne, trad. de l’angl. par Jérôme
Grossman et Jean-Yves Pouilloux, Paris, Albin Michel, 2001 (The Foundations of
Modern Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1978).
7. Selon le titre (notre traduction) de l’un des chapitres de Visions of Politics. Vol. II.
Renaissance Virtues, op. cit., qui est, lui-même, une reprise partielle de deux autres
textes plus anciens datant de 1988 et 1990. (Il s’agit là du principe de ces trois volumes
qui se composent de textes non pas simplement rassemblés, mais partiellement ou
largement réécrits par Skinner).
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rassemblés dans le deuxième tome de Visions of Politics, il raconte

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comment, dès 1085 à Pise, puis tout au long du 12e siècle dans
toutes les grandes cités du Nord de l’Italie, est apparue une forme
de gouvernement électif avec à sa tête un podesta, parfois venu d’une
autre cité, payé pour une durée de temps brève et fixée, responsable
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devant l’organe qui l’a élu, et ne disposant pas d’initiative politique.


Les « communes les plus riches du Nord accèdent ainsi au statut
de city-republics indépendantes, dotées de constitutions écrites
garantissant le principe électif et l’auto-gouvernement 8 ». Pourtant
(« techniquement 9 », écrit Skinner), ces cités sont des vassales du
Saint-Empire romain germanique, ce qui se traduit par des guerres
constantes (aux 12e et 13e siècles) dans lesquelles elles se trouvent
entraînées. Ce serait aux yeux de Skinner « ce long combat [qui a
permis] aux cités lombardes et toscanes [...] de se forger un arsenal
d’armes idéologiques qu’elles utilisaient pour tenter de légitimer
leur persistante résistance à l’égard de leur suzerain en titre » – en
l’occurrence « conduire leur vie politique sans aucune ingérence
extérieure » et « leur droit à [...] se gouverner comme bon leur sem-
blait » 10. Le risque entraîné par la vassalité est à la fois conjuré et
redoublé par l’alliance ponctuelle avec le Pape, ce qui conduit paral-
lèlement ces cités à dénoncer les prétentions temporelles de ce der-
nier. Pour produire ces justifications, glossateurs et dictatores
(professeurs de rhétorique) s’appuient sur le Digeste du droit
romain, puis bientôt sur les écrits des historiens et des moralistes
romains comme Cicéron ou Salluste.
On retrouve cet intérêt pour les conceptions pré-humanistes
de la liberté dans les deux articles consacrés aux fresques du Palazzo
Publico de Sienne, peintes par Ambrogio Lorenzetti 11 entre 1337
et 1340, puisque Skinner démontre que ces dernières en sont ins-
pirées à la différence de l’interprétation généralement admise : à

8. Q. Skinner, Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., chap. « The Redis-
covery of Republican Values », p. 10 [Toutes les traductions sont les nôtres, sauf bien
sûr quand nous citons les textes publiés en français].
9. Ibid.
10. Q. Skinner, Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 31.
11. « Ambrogio Lorenzetti and the Portrayal and Glory of Virtuous Governement »
(1987) et « Ambrogio Lorenzetti on the Power and Glory of Republics » (1999),
réunis dans Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., parus en France
sous le titre, L’artiste en philosophe politique. Ambrogio Lorenzetti et le bon gouverne-
ment, trad. de l’angl. par Rosine Christin, Paris, Raisons d’Agir, coll. « Cours et
travaux », 2003.
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savoir qu’elles seraient « aristotélo-thomistes 12 ». Ces thèses pré-

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humanistes – dont Skinner rappelle constamment qu’elles ne sont
pas si unifiées que cette présentation pourrait le laisser penser –
sont, par exemple, la « sauvegarde de la paix sur terre » comme
« valeur la plus précieuse de la vie civique » 13 ; la défaite nécessaire
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des « nombreux ennemis 14 » de la paix que sont la guerre et la


discorde civique ; la nécessité pour y parvenir que « chacun [soit]
induit à placer le bonum commune [...] au dessus des calculs des
intérêts d’un individu ou d’une faction 15 » et de se donner, dans la
lignée de Cicéron, deux fundamenta (« vivre en concordia » et selon
l’aequitas 16) ; la préférence enfin pour une « forme de gouverne-
ment », constituée par une signoria, c’est-à-dire un corps de magis-
trats élus « agissant ensemble en tant que groupe gouvernant 17 » et
« chacun à tour de rôle et sans passion, capables d’accomplir les
devoirs de leurs charges d’une manière exemplaire 18 ».
De ces thèses mises en pratique par le Gouvernement des Neuf
au pouvoir entre 1287 et 1355 et consignées dans la Constitution
de Sienne, Lorenzetti aurait donné « une représentation posté-
rieure 19 », jusqu’au respect de leurs expressions souvent métapho-
riques dans les textes italiens comme chez leurs inspirateurs latins.
Par exemple, la « Pax » est in medio de la composition, c’est-à-dire
au centre exact de la fresque elle-même, manière de figurer le voca-
bulaire de Cicéron et Sénèque. Elle est bien une représentation
pré-humaniste (une paix triomphante qui, ici, pose le pied sur un
casque). Ses deux ennemies, Guerra et Discordia, celle-ci issue de
« la Divisio des factions » et « de la Furor de la populace » 20, sont
représentées à la gauche de la « Tyrannie ». Lorenzetti aurait donc
suivi les prescriptions du florentin Brunetto Latini, ancien profes-
seur de Dante, ce qui a conduit l’historien Daniel Russo 21 à sup-
poser qu’un des dictatores pré-humanistes était en réalité l’auteur

12. Ibid., p. 14.


13. Ibid., p. 19.
14. Ibid., p. 22.
15. Ibid., p. 23.
16. Ibid., p. 26.
17. Ibid., p. 39.
18. Ibid., p. 52.
19. Ibid., p. 75.
20. Ibid., p. 77.
21. Dans une communication lors du séminaire « Les cultures politiques », organisée par
Catherine Brice et Alexandre Escudier, École doctorale, Sciences Po (Paris), 30 mars
2006.
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du « canevas » qui en général définissait très étroitement ce qu’un

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peintre devait illustrer.
Ce premier aperçu permet tout d’abord de souligner l’origi-
nalité du travail de Skinner, amené, comme il le rappelle fréquem-
ment, à s’opposer aux recherches qui s’intéressent peu à ces
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théorisations pré-humanistes et voient dans les thèses républicaines


avant tout l’effet de la diffusion des textes d’Aristote. C’est d’ailleurs
cet intérêt pour le moment pré-humaniste qui conduit Skinner à
préférer la qualification de néo-romaine, à celle de républicaine. Ce
premier aperçu conduit également à souligner l’étendue des sources
de Skinner, nous allons y revenir, qui prend en compte non seu-
lement des textes, mais aussi d’autres supports de sens – les fresques
ici, les livres d’emblèmes et les frontispices dans Hobbes et la concep-
tion républicaine de la Liberté. Il invite encore à souligner la simpli-
cité de ces thèses républicaines ou plutôt néo-romaines : « Le
principe central des dictatores [est] que si vous souhaitez vivre en
paix et atteindre la gloire, alors il vous faut rester fidèles à un sys-
tème électif de gouvernement 22. » Paradoxalement, en effet, ces
thèses et leurs développements ultérieurs tomberont en désuétude
notamment parce qu’elles seront qualifiées de confuses.
Comme le remarque Skinner, cette tradition théorico-poli-
tique, développée ensuite par les humanistes, n’a finalement connu
qu’une courte application dans ces city-republics du Nord de l’Italie.
De ce point de vue, Venise et Florence – jusqu’à la conquête du
pouvoir par les Médicis et l’accession au pouvoir d’Alexandre inau-
gurant une stabilité de deux siècles – constituent bien sûr des excep-
tions. Les humanistes du quattrocento florentin notamment « firent
revivre l’idéal de l’état indépendant (free state), du vivere libero et
l’exposèrent avec une rhétorique particulièrement éclatante 23 ». De
même que Skinner a fait apparaître le rôle des pré-humanistes, il
insiste, en effet, à l’encontre de thèses longtemps acceptées, sur le
substrat pré-humaniste de l’humanisme civique 24.
Certaines préoccupations des dictatores n’apparaissent plus

22. Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., chap. « The Reality of the
Renaissance », p. 5.
23. Ibid., p. 6.
24. Voir par exemple Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 113 et
suiv. Ce sont avant tout la « (...) formation juridique » et des « trajets professionnels
très semblables » (p. 117) (l’enseignement de la rhétorique et l’administration des
Cités ou de l’Église) qui expliquent la parenté de ces deux groupes (dictatores et
humanistes) de producteurs intellectuels des thèses néo-romaines.
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dans ces écrits humanistes florentins, à commencer par la dénon-

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ciation des risques attachés aux factions. D’autres en disparaissent
ponctuellement comme « l’idée que l’augmentation de la richesse
privée puisse constituer un facteur de corruption dans la vie poli-
tique 25 » (on la retrouvera chez Machiavel ou Guichardin). En
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revanche, naît une « nouvelle angoisse 26 » liée à la préférence alors


croissante des citoyens pour des armées mercenaires, et par consé-
quent s’amorce le retour « à l’idéal d’un corps de citoyens et armé
et indépendant, idéal préconisé par Aristote au Livre III de la Poli-
tique 27 ». De même, les Florentins reprennent cette fois au mou-
vement humaniste dans son ensemble, et plus particulièrement à
Pétrarque, le « concept de virtus 28 ». Ils rompent ainsi avec la sépa-
ration médiévale entre l’éducation des gentilshommes (l’épée) et des
clercs (la rhétorique) et surtout font du développement de la virtus
l’objectif de la vie terrestre. En revanche, dans la lignée des dicta-
tores, c’est bien la liberté qui est au cœur des thèses des humanistes
du 15e siècle, définie à la fois contre toute conquête d’un tyran et
par « une constitution libre permettant à chaque citoyen de
s’engager activement et en toute égalité dans les affaires de l’État 29 ».
Toujours dans la continuité des dictatores, les humanistes florentins
se proclament énergiquement anti-monarchistes et républicains.
Enfin, le dernier grand moment du républicanisme de la
Renaissance italienne se situe au 16e siècle, avec la conquête du
pouvoir par les Médicis. Son auteur le plus consacré en est bien sûr
Machiavel 30. Skinner retrace sa formation, en insistant sur les liens
de son père avec les cercles humanistes et en particulier avec le
Premier Chancelier de Florence, Scala, ainsi que ses nombreuses
expériences diplomatiques entre 1500, date à laquelle il devient

25. Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 120.


26. Ibid., p. 121.
27. Ibid., p. 122.
28. Ibid., p. 138. Nous ne traduisons pas ici virtus, ni surtout son adaptation florentine,
virtu. Comme le souligne Skinner – on voit ici apparaître la philosophie du langage
sur laquelle nous allons revenir – ce terme n’a pas de traduction possible en anglais
moderne, tant il s’inscrit dans un « réseau de croyances » dont il faut retracer préci-
sément les « filiations » pour comprendre chacune d’entre-elles, cf. Visions of Politics.
Vol. I. Regarding Method, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, chap.
« Interpretation, Rationality and Truth », p. 49.
29. Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 125.
30. Sur Machiavel, voir Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit. ; Les Fon-
dements de la pensée politique moderne, op. cit., et Machiavel, trad. de l’angl. par Michel
Plon, Seuil, coll. « Points », 2001 [1981].
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Second Chancelier, et 1512, moment de sa révocation avec l’arrivée

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au pouvoir des Médicis. C’est d’ailleurs en partie à ses expériences
diplomatiques exceptionnelles (qui lui permettent par exemple
d’observer l’ascension puis la chute de César Borgia) que Machiavel,
selon Skinner, devrait sa capacité à subvertir les thématiques huma-
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nistes classiques dans Le Prince. Sa sensibilité au « dilemme du


Prince », c’est-à-dire à la nécessité, pour conserver son État,
d’« abandonner les exigences de la vertu chrétienne et se tourner
sans réserve vers la morale fort différente que dicte la situation 31 »,
serait précisément ce qui constitue sa singularité.
Mais si ce premier Machiavel est représentatif de l’inflexion
des thèses humanistes à l’ère des princes, Skinner, après Harrington
et Spinoza, voit néanmoins dans les Discours sur la Première Décade
de Tite-Live, l’argumentaire le plus « incisif 32 » en faveur des thèses
néo-romaines. Machiavel appartient bien, dès sa formation, à un
« cercle de penseurs et de conspirateurs républicains 33 ». Son
objectif propre et général est de « restaurer, reprendre et développer
la défense traditionnelle des formes communales de gouvernement
“libre” 34 ». À la différence des théories « gothiques » de la liberté et
de leurs héritières contemporaines, sa solution pour préserver la
liberté, souligne Quentin Skinner, est complexe. Cette complexité
explique, on l’a dit, que la théorie néo-romaine de la liberté ait été
progressivement recouverte par sa rivale et oubliée – nous allons y
revenir. Or cette insistance sur la complexité ou la simplicité tient
à la philosophie du langage sur laquelle s’appuie Skinner qui invite
à considérer l’efficacité discursive, pourrait-on dire, d’une idée. Si
la solution pour conserver la liberté est complexe c’est que, écrit
Skinner, aux yeux de Machiavel, la « libertà à la fois personnelle et
publique ne peut être préservée que si le corps des citoyens dans
son ensemble possède la virtù 35 ». Or, l’homme est rarement vir-
tuoso, en raison de son penchant à l’inactivité (et non à l’exercice
de la citoyenneté) et de son ambition personnelle. Comment, dès
lors, maintenir la liberté, alors que notre altruisme est limité ou
que les hommes sont aisément trompés par des chefs corrompus,

31. Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 200.


32. Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., chap. « The Idea of Negative
Liberty », p. 196.
33. Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 26.
34. Visions of Politics. Vol. II. Renaissance Virtues, op. cit., chap. « Machiavelli on Virtù
and the Maintenance of Liberty », p. 161.
35. Ibid., p. 163.
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comme l’illustre la subversion de la République romaine par César ?

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La solution suppose une part de « fortune », mais repose avant tout
sur la « force coercitive de la loi 36 ». C’est cette dernière qui permet
de se prémunir contre une prise de pouvoir militaire ou contre les
féodaux qui pourraient lever une armée. Elle encore qui permet de
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maintenir les citoyens dans la pauvreté et interdit par conséquent


la corruption des uns par les autres. La conception néo-romaine de
la liberté dans sa version italienne la plus incisive, pour reprendre
la formule de Skinner, voit donc la loi comme ce qui peut « nous
libérer de notre tendance naturelle mais autodestructrice à la pour-
suite de nos intérêts égoïstes (...), nous permettre de préserver notre
propre liberté ». Autrement dit, Machiavel voit « la loi comme ce
qui peut et doit être utilisé pour nous forcer à être libres 37 ».
Le dernier moment que nous aborderons ici est celui de la
Révolution anglaise où s’affrontent, entre autres, deux conceptions
de la liberté. Les thèses néo-romaines sont particulièrement vivaces
sous la plume de John Milton ou celle de James Harrington pen-
dant la courte période où, sous Cromwell et jusqu’au retour de
Charles II, l’Angleterre est devenue « Commonwealth et État libre »,
mais elles perdurent au-delà, par exemple chez Henry Neville ou
Algernon Sidney, « pour attaquer le prétendu despotisme des der-
niers Stuarts 38 ». Cette reviviscence des thèses républicaines ita-
liennes en Grande-Bretagne s’explique avant tout par la formation
intellectuelle de ces auteurs anglais qui comprenait obligatoirement
la lecture des textes latins et par la réception de Machiavel. De
même que Skinner s’attachait à l’importance de la tradition pré-
humaniste dans les conceptions de l’humanisme civique, de même
il insiste ici sur le rôle (et la bonne interprétation) de la loi romaine
dans la production de thèses républicaines, l’accent étant au
contraire mis traditionnellement sur la common law 39. Quentin
Skinner analyse les grandes lignes de leurs théories tout en demeu-
rant attentif à la fois aux nuances entre ces divers auteurs et à celles
entre eux et ceux de la Renaissance italienne – nuances que nous

36. Ibid., p. 173.


37. Ibid., p. 177. Il s’agit – mais faut-il le souligner ? –, d’un écho sous la plume de
Skinner de la formulation célèbre de Rousseau dans Le Contrat Social.
38. La Liberté avant le Libéralisme, op. cit., p. 20.
39. « Classical Liberty and the Coming of the English Civil War », in Martin van Gel-
dernen et Quentin Skinner (dir.), Républicanism. A shared European Heritage. Vol. II.
The Values of Republicanism in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge Uni-
versity Press, 2006 [2002].
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La méthode skinnerienne ou ce que l’histoire nous apprend... – 141

ne pouvons restituer ici, pas plus que nous n’avons pu le faire

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s’agissant de celles entre les pré-humanistes et les humanistes.
La liberté est vue comme une « condition naturelle de l’huma-
nité 40 », conférée par Dieu et devant par conséquent être préservée
par la liberté civile. Premièrement, celle-ci se définit par l’existence
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d’États libres, c’est-à-dire qu’« aucune contrainte [n’]empêche


d’user de leurs pouvoirs suivant leur propre volonté à poursuivre
les fins qu’ils désirent 41 » – on retrouve ici une thématique identi-
fiée dès les pré-humanistes. Cette conception a des « implications
constitutionnelles 42 » : le consentement de tous les citoyens comme
principe des lois et la participation de chacun d’entre eux à leur
production et ce, en pratique, par l’intermédiaire de représentants
(sur le statut desquels les auteurs peuvent par ailleurs s’opposer).
Deuxièmement, grâce à la réélaboration des auteurs romains
(l’opposition entre les « hommes libres » (free-men) et « ceux qui
vivent dans la servitude » constituant la « distinction primordiale » 43
du Digeste du droit romain), ces auteurs définissent la « servitude
publique 44 » par la colonisation, la tyrannie, la détention par qui-
conque (à commencer par le Roi, bien sûr) d’un droit de veto, et
pour les plus radicaux par l’existence même d’une monarchie.
La deuxième partie de La Liberté avant le Libéralisme (et a
fortiori Hobbes et la conception républicaine de la liberté) est pour
une part consacrée aux critiques très hostiles dont la théorie néo-
romaine fit l’objet, et centralement à celles de Hobbes, constam-
ment reprises ensuite. Aux yeux de ceux qui produisirent ces
critiques, ces « auteurs [...] s’occupent de la liberté des cités, et non
de la liberté des citoyens individuels 45». Skinner s’attache à montrer
comment en raison de l’accession au pouvoir de Cromwell, « les
auteurs néo-romains » ont au contraire « accord[é] une importance
particulière à la capacité de tels régimes [républicains] d’assurer
et de promouvoir les libertés de leurs propres citoyens » 46. C’est
donc bien, à leurs yeux, la « servitude personnelle 47 » et, non plus

40. La Liberté avant le Libéralisme, op. cit., p. 22.


41. Ibid., p. 25.
42. Ibid., p. 26.
43. Hobbes et la conception républicaine de la liberté, op. cit., p. 8.
44. La Liberté avant le Libéralisme, op. cit., p. 27.
45. Ibid., p. 43.
46. Ibid., p. 46.
47. Ibid., p. 52.
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142 – Frédérique Matonti

seulement publique, qui ne peut être écartée que par l’existence

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d’un (et dans un) État libre.
Ce point est tout particulièrement développé dans Hobbes et
la conception républicaine de la liberté. En effet, dès la préface,
Skinner montre tout d’abord qu’à la condition de servitude est
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venue s’ajouter, par rapport aux théoriciens de l’Antiquité, une autre


« façon » de perdre sa liberté individuelle : « [l’entrée] dans une
condition de vasselage 48 ». Mais surtout – et ce point est capital
par rapport aux théories de la « liberté négative » –, même si le
maître ne contredit pas leurs désirs, « les esclaves ne sont en aucune
manière d’authentiques agents 49 ».
C’est contre ces thèses « républicaines », et leurs versions de
plus en plus radicales au fil de la Révolution anglaise, qu’écrit
Hobbes, comme le retrace Skinner notamment dans son dernier
ouvrage. Il s’y montre particulièrement attentif à l’évolution du
philosophe anglais, à ses réponses point par point aux argumentaires
concurrents ainsi qu’à son maniement de l’ironie et à ses « coup[s]
rhétorique[s] 50 ». Hobbes parvient en effet à détruire le fondement
de la théorie de la liberté néo-romaine, c’est-à-dire le lien nécessaire
entre freeman et existence d’un État libre, pour au contraire démon-
trer, en passant un temps par une paradoxale et pragmatique défense
du « Commonwealth » que la forme du régime est indifférente à
la liberté. C’est cette attention aux manières de faire/de dire de
Hobbes, comme celle récurrente à la simplicité ou au contraire à
la complexité des thèses des philosophes qui amène à nous inter-
roger sur la méthode de Skinner.

Ressources méthodologiques

Notre objectif, outre de faire surgir une autre conception de


la liberté politique, est d’introduire à une réflexion méthodologique.
Précisons qu’à quelques exceptions près, comme la courte préface
des Fondements et la troisième partie de La Liberté avant le Libéra-
lisme, sans doute d’ailleurs parce que ce dernier ouvrage est en partie
issu de conférences données au Collège de France en 1997, Skinner
sépare la réflexion méthodologique de ses analyses de cas ou de textes

48. Hobbes et la conception républicaine de la liberté, op. cit., p. 9.


49. Ibid., p. 10.
50. Ibid., p. 201.
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La méthode skinnerienne ou ce que l’histoire nous apprend... – 143

– schéma que nous avons d’ailleurs suivi ici. Si l’on ajoute que ce

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dernier ouvrage (et donc une bonne part de la réception française 51)
n’évoque pas la dimension de philosophie analytique du langage qui
est le soubassement de toute l’œuvre de Skinner, on comprend à la
fois que ses écrits aient pu être tirés vers une histoire des idées
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contextuelle – il y a bien un contexte mais, nous allons y revenir,


il s’agit d’un contexte discursif – voire sociale, ou bien qu’ils aient
pu au contraire être enrôlés par l’histoire conceptuelle.
Notre rapide résumé des différents moments où, selon Skinner,
la liberté néo-romaine a été défendue permet de dégager un certain
nombre de caractéristiques méthodologiques, à commencer par une
grande sensibilité aux inflexions historiques les plus fines des théo-
ries, une prise en compte d’une gamme très étendue d’auteurs,
grands (au sens où la réception les a constitués comme tels) et petits,
ainsi qu’à des supports de sens de nature variée (traités, libelles,
fresques, emblèmes, frontispices, etc.). On y a vu apparaître aussi
une grande attention à ce que l’on pourrait qualifier de socialisation
intellectuelle des auteurs, à leur fréquentation réelle des textes 52,
ainsi qu’aux différents groupes de producteurs. Enfin Skinner arti-
cule systématiquement conflits politiques et productions intellec-
tuelles. Ce sont tous ces traits qu’il s’agit maintenant de ramener à
leurs principes méthodologiques.
Tout d’abord, ce souci constant de l’historicité la plus précise
possible naît de l’opposition de Skinner à l’histoire des idées tradi-
tionnelle, contre laquelle s’est constituée l’« École de Cam-
bridge 53 ». Comme il l’a souligné (par exemple dans le tome 1 de
Visions of politics ou dans quelques-unes de ses préfaces 54), cette
histoire des idées traditionnelle a un certain nombre de traits. Il
s’agit tout d’abord d’une histoire linéaire mais aussi téléologique,

51. Ce n’est notamment pas le cas du texte pionnier de Jean-Fabien Spitz, « Comment
lire les textes politiques du passé ? Le programme méthodologique de Quentin
Skinner », Droits, vol. 10, 1989, puis de celui plus récent de Claude Gautier, « Texte,
contexte et intention illocutoire de Q. Skinner », Revue de métaphysique et de morale,
avril-juin 2004.
52. Hobbes and Republican Liberty retrace ainsi à partir d’un certain nombre de sources
la liste des lectures de Hobbes.
53. Un certain nombre de critiques adressées par Skinner à l’histoire des idées tradition-
nelles en Grande-Bretagne valent plus en France pour l’histoire des idées ou la théorie
politique des juristes et des politistes que pour l’histoire de la philosophie des
philosophes.
54. Cf. Notamment celles de Les Fondements de la pensée politique moderne, op. cit., et de
La Liberté avant le libéralisme, op. cit.
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qui mène donc inexorablement à notre présent (par exemple, et

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ceci est au cœur de La Liberté avant le libéralisme, au triomphe
supposé par là même inéluctable des théories libérales). La philo-
sophie politique se présente, dans le même temps, comme un réser-
voir atemporel de réponses à des questions également atemporelles
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(comment fabriquer une cité avec des individus dissemblables ?


Qu’est-ce que la liberté ? 55). Cette histoire est surtout parcourue
d’un certain nombre de « mythologies 56 ». La première, la « mytho-
logie des doctrines », induit des anachronismes (Marsile de Padoue
qui aurait anticipé sur la séparation des pouvoirs), des extrapola-
tions (Thomas d’Aquin qui n’aurait pas approuvé telle ou telle
politique), des anticipations (Montesquieu anticipant sur le Welfare
State...). Skinner repère aussi une « mythologie de la cohérence »
qui revient à passer sous silence des pans entiers d’une œuvre (la
période « autoritaire » de Locke) ou encore une « mythologie de la
prolepse » : Platon ou Rousseau totalitaires, ce qui revient à subs-
tituer à ce qui est signifié par l’auteur un sens rétrospectif. À ces
mythologies s’ajoutent des « ethnocentrismes 57 » – les dialogues
supposés des grands auteurs entre eux ou la croyance qu’ils se réfu-
teraient les uns, les autres –, ainsi qu’une tendance à transformer
les argumentaires où des éléments nous sont étrangers en une fausse
familiarité (les Niveleurs auraient été favorables au Welfare state).
Cette critique conduit Skinner à élaborer une perspective de
recherche alternative (nous l’unifions plus qu’il ne le fait lui-même
et sans guère tenir compte de ses inflexions au fil du temps 58). Tout
d’abord, il s’agit, comme il l’expose notamment dans La Liberté avant
le libéralisme, de retourner aux « points historiques » où une théorie
s’est imposée contre une autre. En procédant ainsi, on désenchante
les textes philosophiques canoniques qui ne sont plus qu’un élément
parmi d’autres d’un discours politique plus vaste et changeant avec
les circonstances – à condition de préciser, à nouveau, que ces cir-
constances ne sont pas d’abord historiques, mais linguistiques ou

55. Dans l’entretien, « Quentin Skinner, On encountering the Past », avec Pettri Koik-
kalainen et Sami Syrjamaki, Finnish Yearbook of Political Thought 6, il rappelle par
exemple que pour Isaiah Berlin, la philosophie politique tourne autour de la question
« Pourquoi devrais-je obéir à l’État ? »
56. Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, op. cit., chap. « Meaning and Unders-
tanding in the History of Ideas ».
57. Nous traduisons ainsi, faute de mieux, le parochialism plus imagé de Skinner.
58. Pour une mise en perspective biographique, voir par exemple, « « Quentin Skinner,
On Encountering the Past », art. cité.
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encore discursives. Parce que la « grandeur » des textes devient indif-

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férente, Skinner est ainsi conduit à mobiliser toute la gamme de
supports discursifs que nous avons évoquée (traités, libelles, pièces
de théâtre, poésies, livres d’emblèmes, frontispices, etc.), travail
d’exhumation de l’ensemble d’un contexte discursif qui a été par-
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fois qualifié péjorativement, comme il le rapporte lui-même, de


« “manie d’antiquaire universitaire” 59 » ou de « visite guidée d’un
cimetière 60 ». Ce désenchantement tient aussi à la manière dont il
considère que les plus « grands » textes, loin de se tenir sur les « hau-
teurs philosophiques », sont des « intervention[s] polémique[s] dans
les conflits idéologiques [du] temps 61 » et que les concepts normatifs,
de même qu’ils sont « historiques de part en part » sont des « outils »
et des « armes » dans le « débat idéologique » 62.
Cette attention aux conditions discursives, aux messages –
ainsi, il écrit à propos des fresques de Sienne que « bien qu’il soit
évident que ces peintures ne représentent pas un texte de philoso-
phie politique classique, il est tout aussi évident, même aux yeux
de l’observateur ordinaire, qu’elles sont essentiellement destinées à
transmettre une série de messages politiques » 63 – tient bien sûr à
ce qu’il s’inscrit dans la philosophie analytique, notamment dans
la filiation de Wittgenstein et surtout d’Austin. Aux yeux de
Skinner 64 pour découvrir la signification d’un texte, il faut d’abord
considérer sa « force illocutionnaire », c’est-à-dire l’intention de son
auteur, non pas celle qui précède l’action et qui est inconnaissable
(l’intention de faire x – « to do x »), mais « ce qu’il a voulu dire en
disant ce qu’il a dit » (« in x-ing 65 »), véritable garde-fou contre les

59. La Liberté avant le libéralisme, op. cit., p. 70.


60. « Interpretation and the Understanding of Speech Acts », p. 125.
61. Hobbes et la conception républicaine de la liberté, op. cit., p. 13.
62. Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, op. cit., chap. « Retrospect : Studying
Rhetoric and Conceptual Change », p. 177.
63. L’artiste en philosophe politique..., op. cit., p. 13-14.
64. Nous nous appuyons ici notamment sur J.-F. Spitz, « Comment lire les textes poli-
tiques du passé ?... », art. cité et de Claude Gautier, « Texte, contexte et intention
illocutoire de Q. Skinner », art. cité et bien sûr sur notre propre lecture de Vision of
Politics, notamment des chapitres « Meaning and Understanding in the History of
Ideas », « Motives, Intentions and Interpretation », et « Interpretation and the
Understanding of Speech Acts ». Enfin, nous renvoyons à un texte encore inédit de
Mathieu Hauchecorne qui, dans l’introduction de sa thèse en cours consacrée à la
réception des théories de la justice, propose à la fois une analyse des textes métho-
dologiques de Skinner et une mise en parallèle très suggestive de Skinner et de
Bourdieu.
65. Par exemple in « Motives, Intentions and Interpretation », p. 98.
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« mythologies ». Si nous appliquons donc cette précaution à un

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texte politique, cela revient à se demander, pour reprendre la for-
mule de Jean-Fabien Spitz, « quelle forme d’action entend-il pré-
coniser, ou attaquer, ou répudier ou tourner en ridicule 66 ».
L’application de cette hypothèse interprétative que sont les speech
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acts ne se limite pas pour Skinner aux actions linguistiques, puisqu’il


les étend aux « actions cérémonielles et rituelles » (une cérémonie
Yoruba), mais aussi à des cas qui ne sont ni rituels ni linguistiques
(une adolescente, lectrice compulsive, étudiée par Ronald Laing) 67.
Cette définition de l’intention par la simple « force illocution-
naire » qu’il s’agit de retrouver est inséparable d’une réflexion sur
la rationalité et la vérité 68 : que faire par exemple de la croyance de
Bodin en l’existence de sorcières et de la possession démoniaque ?
Refusant d’introduire la question de la vérité (mais par pour autant
celle de la rationalité), Skinner propose simplement de « retrouver
les concepts qui étaient les [nos ancêtres] leurs, les distinctions qu’ils
établissaient, ainsi que les raisonnements qu’ils suivaient dans leur
aspiration à donner du sens à leur univers 69 ». Atteindre des « styles
de raisonnement 70 » différents ne signifie pas pour autant les
ramener à du plus familier – on retrouve ici, mais sous une autre
forme, le souci de ne pas céder aux « mythologies ». On ne s’éton-
nera donc pas qu’outre à Ian Hacking, Skinner se réfère ici à
Clifford J. Geertz avec lequel il a travaillé à Princeton 71.
Enfin, cette interrogation et cet ancrage épistémologique,
comme l’attention aux divers supports de sens, permettent de rap-
procher le travail de Skinner de celui de Michaël Baxandall et
d’éclairer l’un par l’autre. Ainsi, dans Formes de l’intention, ce der-
nier se demande comment penser cet « objet intentionnel » qu’est
le tableau : « pour l’instant, écrit-il, [...] contentons-nous de dire
ceci : le peintre avec son tableau, ou tout autre producteur d’un

66. J.-F. Spitz, « Comment lire les textes politiques du passé ?... », art. cité, p. 138.
67. Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, op. cit., chap. « Social Meaning and the
Explanation of Social Action », p. 134-135.
68. Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, ibid., chap. « Interpretation, Rationality
and Truth ».
69. Ibid., p. 47.
70. Selon la formule (style of reasoning) de Ian Hacking.
71. Le refus d’entrer dans les intentions personnelles de l’auteur (à la différence des
intentions in doing) est à la fois référée à Wittgenstein et à Geertz ainsi cité : « Ideas
are “envehicled meanings” ; they are not, and have not been for some time, unob-
servable mental stuff »), Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, op. cit., chap.
« Motives, Intentions and Interpretation », p. 97.
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La méthode skinnerienne ou ce que l’histoire nous apprend... – 147

artefact historique, affronte un problème dont la solution concrète

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réside finalement dans le produit qu’il nous propose. Comprendre
son travail, c’est tenter de comprendre dans quels termes se posait
le problème auquel il voulait répondre et les circonstances particu-
lières qui l’ont amené à se le poser 72 ». Dans la lignée du refus de
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tout mentalisme et en se référant d’ailleurs en note à Skinner, il


définit l’intention comme l’« aspect “projectif” des choses 73 » et
considère qu’elle « s’applique ici aux tableaux plutôt qu’aux pein-
tres 74 ». Plus précisément, le tableau n’est pas tant une intention
réalisée que d’« innombrables moments intentionnels 75 » – il parle
un peu plus loin de décision I – une suite d’actions et de décisions
et de refus et de décisions négatives. Un tableau, en l’occurrence le
Portrait de Kahnweiler de Picasso devient ainsi « un épisode parti-
culier dans une suite de positions de problèmes et de recherches de
solutions 76 ».
Chez Skinner, c’est finalement le « contexte » qui devient cen-
tral pour statuer sur la force illocutionnaire (et donc sur le sens du
texte) et ne pas en tenir compte, « c’est comme, dans un procès
criminel, écouter seulement l’accusation ou la défense sans avoir
entendu l’autre partie 77 ». Mais c’est la filiation analytique de
Skinner qui, permettant de comprendre que ce contexte est dis-
cursif, éclaire dès lors ce qu’il entend par « point historique » : « il
me semble [...] que c’est la vie politique elle-même qui forme les
grands problèmes dont traitera le théoricien, en rendant certains
champs objets de problèmes et les questions correspondantes objets
de débats 78 ». Enfin, cette comparaison avec le procès, les luttes de
concurrence entre les groupes (et en particulier celles menées par
les « idéologues innovateurs ») aspirant à convaincre leurs auditoires
et leurs lecteurs 79 conduisent Skinner à porter une attention forte
(accrue au fil des années ?) aux stratégies et aux coups rhétoriques
(comme on l’a vu à propos de Hobbes) : introduction de nouveaux

72. Michaël Baxandall, Formes de l’intention, Marseille, Éditions Jacqueline Chambon,


1991 [Yale University, 1995], p. 41. Je remercie Jean-Philippe Heurtin de m’avoir
suggéré ce rapprochement.
73. Ibid., p. 80.
74. Ibid., p. 81.
75. Ibid., p. 113.
76. Ibid., p. 117.
77. « Interpretation and the Understanding of Speech Acts », p. 115 et J.-F. Spitz,
« Comment lire les textes politiques du passé ?... », art. cité, p. 139.
78. Les fondements de la pensée politique moderne, op. cit., p. 9.
79. « Moral Principles and Social Changes », art. cité, p. 14.
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termes ; transformation de termes neutres en termes favorables et

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plus généralement renversements d’usage ; manière dont s’engrè-
nent nouvelles formes de comportement et nouveau vocabulaire,
etc.
La méthode de Skinner pour très heuristique qu’elle soit n’en
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a pas moins un certain nombre de limites 80. La plus centrale à


notre sens est précisément liée à cet ancrage dans la tradition ana-
lytique. En effet, Skinner fait de la vie politique et/ou des contro-
verses intellectuelles le lieu de construction des thèses politiques
et ne laisse guère de place à une explication sociale du triomphe
d’une « thèse politique » sur une autre. Dans La Liberté avant le
libéralisme, il se contente ainsi de mentionner en passant (mais en
insistant plus volontiers et fort logiquement de son point de vue
sur l’obscurité ou la clarté des théories) que la réussite de la théorie
de Hobbes tient aux bouleversements des rapports entre les
diverses fractions de l’aristocratie. De même, à propos justement
des liens entre changement social et changement de vocabulaire,
il explique qu’il n’en a pas de « théorie générale » et plus encore
qu’il « est suspicieux à l’égard de ceux qui en ont une » 81. Plus
généralement, il fait du « contexte social » une sorte de pierre de
touche ultime, une cour d’appel pour décider de la signification
d’un texte lorsque l’histoire des différents usages d’un terme ne
suffit pas 82. Même si n’est pas ici la place de proposer une solution
alternative, on se contentera de suggérer que la réussite d’une
théorie n’a pas que des conditions discursives, mais qu’elle a aussi
des conditions sociales, tous les producteurs intellectuels n’ayant
ni les mêmes ressources ni les mêmes réseaux. Or ce sont notam-
ment ces réseaux (par exemple, composés de revues, d’éditeurs,
d’essayistes, de pamphlétaires, de journalistes ou de publicistes,
etc.) qui rendent possible la diffusion élargie de ces théories. De
même, dans la lignée des travaux d’historiens comme Timothy
Tackett ou Roger Chartier 83, ou de la sociologie des crises

80. Un certain nombre d’objections (auxquelles il répond aussi dans ce texte de Visions
of Politics) lui ont été faites dans James Tully (dir.), Meaning and Context : Quentin
Skinner and his Critics, Cambridge, Polity Press/University of Cambridge, 1988,
p. 203.
81. Visions of Politics. Vol. I. Regarding Method, op. cit., chap. « Retrospect : Studying
Rhetoric and Conceptual Change », p. 180.
82. Par exemple, « Meaning and Understanding in the History of Ideas », art. cité,
p. 85-87.
83. Timothy Tackett, Par la volonté du peuple. Comment les députés français sont devenus
révolutionnaires, trad. de l’angl. par Alain Spiess, Paris, Albin Michel, 1997 et Le Roi
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La méthode skinnerienne ou ce que l’histoire nous apprend... – 149

politiques, peut-on supposer que les événements « font les idées »

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– comme la Révolution a fait les Lumières et les États Généraux
transformé les députés en révolutionnaires – c’est-à-dire qu’ils
modifient l’ordre du questionné et du questionnable. Loin de
revenir à un pur mécanisme matérialiste, on peut en effet faire
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l’hypothèse que, parce qu’elles modifient les trajectoires et les pra-


tiques, les crises politiques modifient les hiérarchies intellectuelles
comme les manières de penser et de lire.

Frédérique Matonti enseigne à l’Université Paris I-Panthéon-


Sorbonne (UMR CESSP). Après avoir consacré sa thèse aux intellectuels
communistes, publié sous le titre Intellectuels communistes : une sociologie
de l’obéissance politique, La Nouvelle Critique (1967-1980), (La Décou-
verte, 2005), elle a progressivement élargi ses travaux au « moment struc-
turaliste » par exemple dans Dominique Damamme, Boris Gobille,
Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-Juin 68 (Éditions de l’Ate-
lier, 2008) ainsi qu’à l’histoire sociale des idées. Une autre partie de ses
travaux porte sur les représentations des corps politiques ainsi que sur le
genre notamment dans Catherine Achin, et al., Sexes, genre et politique,
(Economica, 2007).

RÉSUMÉ

La méthode skinnerienne ou ce que l’histoire nous apprend sur le concept


de liberté
Cet article a un double propos. D’une part, il s’agit d’analyser la définition que
donne Skinner de la liberté, en se centrant sur sa propre distinction entre « liberté
néo-romaine » et « liberté gothique ». Trois moments historiques et idéologiques
sont plus particulièrement évoqués – le pré-humanisme italien, l’humanisme
florentin, et la Révolution anglaise – tandis que sont privilégiés ces derniers livres.
D’autre part, l’article s’intéresse à la méthodologie de Skinner et insiste plus
particulièrement sur son enracinement dans la philosophie analytique.
Skinner’s method or what History is teaching us about Liberty
This article has a double purpose. First of all, it analyses Skinner’s définition of liberty.
It focuses on distinction between “neo-roman liberty” and “gothic liberty”. Three

s’enfuit, Paris, La Découverte, 2004 et Roger Chartier, Le Origines culturelles de la


Révolution, Paris, Seuil, 1990 [rééd. Augmentée], coll. « Points-Histoire », 2000.
140982-PAO
- Folio : p150 - Type : pINT 11-09-23 11:38:09
L : 164.991 - H : 249.992 - Couleur : Black

150 – Frédérique Matonti

historical and ideological moments are particularly high lighted: italian pre-huma-

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nism, florentian humanism, and “Glorious Révolution”, as well as the last Skinner’s
books. Secondly, the article studies Skinner’s methodology, and more particularly stresses
on his analytical philosophy inspiration.
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