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2005/5 Vol. 56 | pages 1089 à 1105
ISSN 0035-2764
ISBN 2724630106
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Arnaud Fougeyrollas*
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Pierre Le Mouël**
Paul Zagamé***
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* École centrale de Paris, Laboratoire E RASME, Grande Voie des Vignes, 92295 Chatenay-
Malabry. Courriel : lemouelp@ecp.fr
** ERASME, École centrale de Paris.
*** Université Paris I, ERASME, École centrale de Paris.
Cet article est issu de contrats financés par la Commission de l’Union européenne (contrat de
recherche TECH-GEM) et par l’ADEME dans le cadre du programme de recherche GICC (Gestion et
Impact du changement climatique). Les remerciements à adresser sont nombreux ; nous avons béné-
ficié plus particulièrement des échanges avec : D. Rossetti (CEE), P. Valette (CEE), J.-M. Salmon
(ministère français de l’Environnement), C. Cros ( ADEME), D. Van Regemorter (KUL), N. Kouvari-
takis (NTUA), et G. Koleda (ERASME) à qui nous devons beaucoup.
Les auteurs sont évidemment seuls impliqués par les résultats présentés ici qui ne représentent
pas nécessairement le point de vue de ces organismes.
1089
INTRODUCTION
Les nouvelles théories de la croissance ont renouvelé la vision du long terme des
économistes : alors que la croissance de longue période était auparavant envisagée
comme indépendante des comportements des agents économiques, aujourd’hui la
« croissance endogène » permet de l’envisager comme une résultante de leurs
décisions d’épargne et d’investissement. On sait bien l’hypothèse qui est à
l’origine d’une telle interprétation : dans la « croissance endogène », on évite le
blocage de la croissance par tête par l’introduction de rendements non décroissants
pour les facteurs accumulables. La prise en compte des transferts de connaissances
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entre acteurs individuels libère le processus de croissance au niveau collectif. Mais
cette hypothèse de rendements sociaux durablement supérieurs aux rendements
privés a été très controversée, en raison surtout des propriétés d’échelle qu’elle
entraîne sur le taux de croissance. Sans se prononcer sur les controverses, on peut
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dire que les nouvelles théories ont eu le mérite de fournir une véritable explication
du processus de croissance économique, en le fondant en particulier sur des
comportements microéconomiques de décision de R&D au sein de l’entreprise (cf.
Aghion et Howitt [1], Barro et Sala-i-Martin [4], Grossman et Helpman [12]) ;
c’est cette dernière approche que nous avons retenue dans GEM-E3-Europe1.
Comme nous le verrons, l’endogénéisation du progrès technique sur la décision
endogène de R&D dans GEM-E3-Europe va modifier l’évaluation des politiques
dites « structurelles » (ici la fiscalité et l’environnement), en raison de nouvelles
propriétés de moyen-long terme du modèle, et élargir le spectre des politiques
évaluables à celles impliquant des systèmes spécifiques d’incitation à la R&D.
L’article est organisé de la façon suivante : la deuxième section présente les
principales raisons qui militent en faveur de l’introduction des nouvelles théories
de la croissance dans les modèles appliqués. La troisième section décrit ensuite
les mécanismes de croissance endogène que nous avons introduits dans le modèle
d’équilibre général GEM-E3-Europe. La quatrième section rassemble alors des
résultats d’évaluation de politiques de lutte contre le réchauffement climatique
(objectifs de Kyoto). Les résultats des politiques fondées sur les instruments
traditionnels (taxation ou, en première approximation, permis d’émission négo-
ciables à titre payant) sont systématiquement comparés selon la prise en compte
du progrès technique utilisée, exogène ou endogène. La cinquième section aborde
enfin un exemple de politique combinant ces instruments traditionnels avec une
subvention à la R&D. La sixième section conclut sur les apports et les limites de
cette endogénéisation du progrès technique dans GEM-E3-Europe.
1. Le modèle GEM-E3 a été construit par un consortium européen coordonné par NTUA (Athènes),
dont les principaux partenaires sont KUL (Belgique), ZEW (Allemagne) et ERASME (France).
1090
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progrès technique et du taux de croissance de la population, tous deux exogènes.
On connaît bien les perspectives ouvertes par les nouvelles théories de la
croissance depuis l’article fondateur de Romer [21] : rendements de certains
facteurs non décroissants (qui constituent le « cœur » de croissance endogène),
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proches de la théorie, alors que les modèles véritablement opérationnels sont
très détaillés au niveau des secteurs et des produits, pour tenir compte de l’hété-
rogénéité des différentes activités du point de vue de la R&D, de l’énergie ou
de l’environnement. C’est le cas de GEM-E3-Europe, dont nous présentons
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LE « CŒUR » DE CROISSANCE
1. Pour une présentation plus détaillées, cf. Fougeyrollas, Le Mouël et Zagamé [9].
2. Cf. Romer [21], Grossman et Helpman [12] (chap. 3), Barro et Sala-I-Martin [4] (chap. 6) sur
les modèles de croissance endogène avec élargissement du nombre de variété de produits et Aghion
et Howitt [1], Grossman et Helpman [12] (chap. 4), Barro et Sala-I-Martin [4] (chap. 7) pour les
modèles avec augmentation de la qualité des produits existants.
1092
La diffusion des savoirs a donné lieu depuis les premiers travaux de Terleckyj
[23] à de nombreuses études (cf. entre autres, Scherer [22] et Jaffe [13]). Pour
mesurer les échanges de connaissances entre secteurs nationaux, nous avons
utilisé dans GEM-E3-Europe les « matrices de proximité technologique » de
Verspagen [25]. Les coefficients de ces matrices, calculés à partir de l’informa-
tion contenue dans les demandes de brevets européens, retracent la proximité des
différents secteurs dans l’« espace technologique ». Les matrices prennent alors
en entrée les stocks de R&D des secteurs et délivrent en sortie leurs stocks de
connaissances d’origine nationale au niveau de chaque secteur. Pour la diffusion
internationale des connaissances, nous avons combiné les matrices de Verspagen
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avec les flux d’échanges commerciaux bilatéraux entre pays. La combinaison
par une fonction Cobb-Douglas des connaissances « propres » au secteur et de
ces externalités d’origine intersectorielle et internationale détermine ainsi le
niveau de « connaissances » technologique du secteur ( KNOWt ), qui est au
centre du processus d’innovation.
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Le processus d’innovation :
innovations de procédé, innovations de qualité
1. Rappelons en effet les similitudes qui existent entre les modèles canoniques de variété et de
qualité (cf. Barro [3], Jones et Williams [16, 17]).
1093
Secteur ou pays
à l’origine
des connaissances Secteur Receveur
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Dépenses en R&D Stock de R&D Stock de R&D Dépenses en R&D
(+)
Connaissances
(–)
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Fishing Out
Innovations Innovations
Passées
Nouveaux produits
et procédés
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La décision de R&D et donc d’innovation
(+) (+)
(Nouvelles unités de Production)
Demande
Décisions
INVESTISSEMENT
et
(-) (+)
Coût d’usage du Capital
d’innovation (1)
Coût d’usage (-)
de la technologie
Effets de
Diffusion sur le marché
des nouveaux produits
Conception de nouveaux l’innovation et
produits et procédés
et procédés
de l’investissement
1095
En fait, il faut bien distinguer, dans cette formalisation, l’innovation qui est la
variation de l’état technologique du secteur, de l’effet de l’innovation qui lui va
dépendre de la taille de la nouvelle unité de production, dont elle va déterminer
le niveau de productivité, même si toutes ces grandeurs sont déterminées simul-
tanément. Il n’existe pas de marché d’actif pour l’innovation, qui devient, dès la
période suivante, une externalité pure venant, au même titre que les investisse-
ments passés de R&D, modifier la productivité du système d’innovation. C’est
ainsi, comme nous l’avons décrit précédemment, le jeu relatif de deux externa-
lités de sens contraire, qui va imprimer le rythme de croissance de long terme du
secteur1.
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Ce qui est important, c’est ainsi que toute augmentation des coûts d’usage de
facteurs relativement à celui de la R&D, va avoir tendance à accroître l’innova-
tion, et ce nouveau mécanisme va permettre d’étudier avec le modèle les impli-
cations de politiques d’aides ciblées à la R&D.
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1. Les variables KNOWt et techt – 1 ayant la même dimension, le taux de croissance de long terme
devrait diminuer dès lors que β > γ, c’est-à-dire lorsque l’effet de fishing-out est le plus important,
pour un investissement en R&D donné. Nous avons utilisé des valeur de β et de γ de 0,7 pour stabi-
liser le taux de croissance dans le scénario de référence. Le module de croissance endogène est alors
calibré pour obtenir un taux de croissance proche de 1,5 % par an en moyenne en Europe, sous l’effet
des innovations, en calibrant le paramètre α proportionnellement à l’intensité de R&D des secteurs
dans chaque pays.
2. Les caractéristiques du modèle GEM-E3 sont assez traditionnelles : tous les secteurs de produc-
tion (au nombre de dix-huit) ont une technologie de production représentée par une CES imbriquée à
trois niveaux. Un premier niveau sépare le capital des autres intrants variables, desquels est isolée
l’électricité à un deuxième niveau. Le troisième niveau distingue les énergies fossiles des consom-
mations intermédiaires et du travail. Le consommateur représentatif a une fonction d’utilité du type
Cobb-Douglas, incluant la consommation et le loisir. Le module environnement transforme les émis-
sions de polluants en dommages qui diminuent le bien-être du consommateur ; il permet d’étudier
les implications des politiques environnementales. Les anticipations sont statiques et le plein-emploi
est supposé.
1096
Nous présentons, dans cette section, des évaluations des politiques de lutte
contre les émissions de gaz à effet de serre, en comparant les résultats issus du
modèle original (à progrès technique exogène) à ceux du modèle intégrant les
décisions endogènes de R&D des firmes. Ces résultats sont extraits d’un
ensemble d’exercices variantiels réalisés pour la direction générale de Recherche
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de la Commission de l’Union européenne, l’ADEME et le ministère de l’Environ-
nement1 sur les modalités de mise en œuvre du protocole de Kyoto en Europe,
dans nous avons retenu les deux scénarios suivants :
1. La taxation des émissions de CO2 des firmes et des ménages, sans redistri-
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Afin d’atteindre les objectifs d’émissions de CO2 fixés pour l’Europe lors du
protocole de Kyoto, différents instruments économiques ont été préconisés : la
taxation avec le choix éventuel du mode de recyclage et les permis d’émissions
négociables avec différents modes d’allocations. Pour contraster nos résultats
entre les hypothèses de progrès technique exogène et endogène, nous présentons
ici le cas d’une taxe sur le CO2, scénario qui impose ex ante le coût le plus élevé
pour les firmes, qui vont ainsi avoir une réponse plus marquée en terme de R&D.
Le schéma de réaction des agents, dans le cas où le progrès technique est
exogène, est limité essentiellement à des substitutions factorielles et à des effets
prix (translation de la taxe) pour les entreprises, et à des substitutions de produits
et des effets revenus pour les ménages.
Dans le cas du progrès technique endogène, ce schéma s’enrichit d’une possi-
bilité pour les firmes de choisir leur niveau de R&D et d’innovation : l’entreprise
va innover pour, soit augmenter la productivité de ses facteurs de production 2,
soit augmenter la qualité de ses produits, afin dans les deux cas de tenter de
réduire les effets pénalisants de la taxe. Cette réduction de coût va être facilitée
par les jeux des externalités technologiques, les firmes d’un secteur donné
pouvant bénéficier de transferts de connaissances d’autres secteurs et pays dont
l’effort de R&D va également se modifier ; c’est ainsi la productivité d’ensemble
du système d’innovation qui va être améliorée.
1097
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tableau 1, qui présente les résultats pour l’Europe, montre que le coût de la
politique en termes de PIB et d’emploi va diverger très substantiellement
selon l’hypothèse retenue pour le progrès technique. Le coût en termes de PIB
(– 0,23 % contre – 0,47 %) et d’emploi (– 233 000 contre – 437 000) est
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1. En supposant que les niveaux d’émissions fixés par le protocole de Kyoto restent identiques
après 2010, scénario dit Kyoto forever. Il s’agit d’un scénario relativement ancien où, en 2010, la
réduction des émissions de CO2 (en écart au compte spontané du modèle) atteint 12 %. Nous avons
conservé cette contrainte bien que les scénarios les plus récents (cf. OCDE [19]) s’appuient sur des
contraintes plus faibles pour 2010, cela afin de mieux faire ressortir les effets sur la R&D. L’objectif
d’abattement de 16 % pour 2020 semble toutefois réaliste dans une perspective « post-Kyoto ».
2. Remarquons que le coût est généralement plus élevé avant 2010 dans le cas de progrès tech-
nique endogène. La raison en est que les firmes doivent, dans un premier temps, financer des inves-
tissement en R&D dont elles doivent supporter le coût, alors que leurs effets positifs en termes de
compétitivité se produisent plus tardivement, en raison de l’hypothèse d’incorporation du progrès
technique et des délais de maturation de la R&D.
1098
2010 2020
Exo Endo Exo Endo
Indicateurs macroéconomiques
PIB ................................................................................. – 0,25 – 0,25 – 0,47 – 0,23
Investissement privé ..................................................... – 0,27 – 0,27 – 0,53 – 0,51
Investissement en R&D ............................................... 0,00 3,48 0,00 3,07
Consommation privée .................................................. – 2,07 – 2,08 – 2,68 – 2,48
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Exportations ................................................................. 1,31 1,33 1,16 1,51
Importations ................................................................. – 1,35 – 1,36 – 1,71 – 1,59
Emplois ........................................................................ – 207,48 – 193,36 – 437,33 – 233,07
Prix
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Lorsque la taxe est redistribuée sous la forme d’un allègement des cotisations
sociales à la charge des employeurs, c’est-à-dire d’une diminution du coût du
travail, les substitutions de facteurs qui se mettent en place vont contribuer à
créer 1 700 000 emplois en 2020 dans l’ensemble de l’Europe. Comme tout le
produit de la taxe est redistribué aux firmes, le coût global de la politique est ainsi
négatif pour elles, puisqu’une partie du prélèvement de la taxe porte également
sur les ménages. Les secteurs intensifs en travail vont le plus profiter de la baisse
des charges, tandis que les secteurs intensifs en énergie vont supporter l’essentiel
de la charge de la taxe sur le CO2. La politique permet ainsi s’accentuer le redé-
ploiement sectoriel des économies européennes vers les secteurs de main-
d’œuvre peu intensifs en énergie (cf. tableau 2) ; il en résulte en définitive une
très légère augmentation du PIB européen, qui dissimule néanmoins une évolu-
tion relative moins favorable pour les secteurs intensifs en énergie, que dans le
cas précédent de taxation sans redistribution.
Le coût ex ante de la politique étant globalement négatif pour les firmes, la
R&D augmente peu et les impacts, également limités sur la qualité des produits
et la productivité des facteurs, reflètent essentiellement les effets du redéploie-
ment sectoriel qui s’opère en Europe. Ces résultats pour l’innovation confirment
ainsi que les créations d’emplois en Europe sont dues essentiellement à un effet
de substitution qui n’est pas contrarié par des gains de productivité.
1099
Tableau 2. Taxe recyclée par une baisse des CSE (Europe des Quinze)
(% d’écart au compte central sauf emploi en milliers)
2010 2020
Exo Endo Exo Endo
Indicateurs macroéconomiques
PIB ................................................................................ – 0,04 – 0,05 – 0,14 – 0,07
Investissement privé .................................................... – 0,04 – 0,05 – 0,08 – 0,09
Investissement en R&D ............................................... 0,00 1,06 0,00 0,63
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Consommation privée .................................................. 0,06 0,04 0,10 0,16
Exportations ................................................................. – 0,78 – 0,80 – 1,06 – 0,95
Importations ................................................................. – 1,10 – 1,11 – 1,43 – 1,39
Emplois ........................................................................ 1 025,96 1 031,96 1 634,35 1 663,94
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Prix
Prix à la consommation ................................................ 1,60 1,63 1,97 1,89
Salaire nominal ............................................................ 2,25 2,26 2,74 2,74
Salaire réel ................................................................... 0,64 0,63 0,81 0,90
Termes de l’échange .................................................... 0,24 0,24 0,38 0,36
Capacité de progrès technique
Indice d’innovation technologique .............................. – 0,02 – 0,02 – 0,03 0,03
Indice de diffusion technologique ................................ 0,11 0,13 0,22 0,29
Qualité des biens
Indice de qualité moy. du panier de cons. .................... – 0,02 – 0,01 – 0,05 0,01
Indice d’efficacité des biens d’investissement ............. 0,00 0,01 0,00 0,03
Émissions de CO2 ........................................................ – 12,43 – 12,43 – 16,04 – 16,04
1100
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procédés de fabrication sous l’effet des innovations technologiques, dont l’indice
augmente de 2,29 %, suite à la très forte augmentation des dépenses de R&D :
+ 24,24 %. C’est donc une croissance fortement « qualitative » qui se met en
place en Europe. Cependant, la forte augmentation de la productivité totale des
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Tableau 3. Taxe recyclée par une aide à la R&D et une baisse des CSE (Europe des Quinze)
(% d’écart au compte central sauf emploi en milliers)
1101
Production Exportations
TS TCS TRD TS TCS TRD
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Gaz naturel .......................................... – 8,21 – 7,89 – 7,59 – 17,77 – 9,39 1,85
Électricité ............................................ – 7,46 – 7,11 – 6,78 – 9,88 – 11,08 – 6,27
Métaux ................................................ – 6,75 – 8,70 – 7,00 – 9,07 – 10,11 – 9,23
Chimie ................................................. 0,00 – 1,34 1,32 – 0,57 – 1,81 3,11
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Autres industries Intérieur en énergie . – 0,40 – 0,79 0,05 – 1,80 – 1,18 0,71
Biens électriques ................................. 1,68 0,83 3,16 3,54 1,63 6,45
Équipements de transport .................... 2,23 1,14 3,76 3,85 1,36 6,11
Autres biens d’équipement ................. 2,00 0,64 2,88 2,79 1,16 4,93
Biens de consommation ...................... 0,60 0,44 1,83 3,03 – 0,01 2,56
Construction ........................................ – 0,75 – 0,05 0,21 4,29 0,33 2,78
Télécommunications ........................... – 0,85 0,97 1,68 5,31 0,50 4,01
Transports ........................................... – 1,99 – 2,35 – 1,61 – 3,61 – 3,30 – 3,13
Crédit et assurance .............................. – 0,55 0,56 0,81 4,17 0,60 1,32
Autres services marchands .................. – 0,87 0,31 0,97 5,64 0,24 – 0,08
Services non marchands ...................... – 0,59 0,35 0,56 2,58 0,58 1,27
TS : Taxe non recyclée, TCS : Taxe recyclée par une baisse des cotisations sociales employeurs, TRD : Taxe recy-
clée par une aide à la R&D et une baisse des CSE.
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CONCLUSION
Nous avons présenté dans cet article un mode d’intégration, dans le modèle
d’équilibre général GEM-E3-Europe, d’un module de progrès technique endo-
gène s’appuyant sur les avancées récentes de la littérature scientifique : le
progrès technique est endogénéisé sur la R&D ; l’innovation qui en résulte prend
les deux formes d’amélioration de la productivité globale des facteurs et
d’amélioration de la qualité ; les transferts de connaissances dus à l’innovation
sont pris en compte par l’intermédiaire de matrices d’échanges technologiques.
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L’utilisation de ce nouveau modèle pour l’évaluation des politiques classiques
de lutte contre le changement climatique permet de déduire que l’endogénéisa-
tion du progrès technique allège le coût de ces politiques, à la fois en terme de
PIB et d’emploi. Cet allègement peut aller jusqu’à 50 % dans le cas où les coûts
initiaux supportés par les entreprises sont les plus élevés, c’est-à-dire dans le
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scénario d’une taxe non redistribuée, ou de celui de permis d’émissions mis aux
enchères.
Dans le débat initialisé par Nordhaus sur les effets du progrès technique induit
par les politiques de l’environnement, nous avons un point de vue relativement
optimiste. Par rapport au modèle à progrès technique exogène, où les firmes ne
répondent que par des substitutions factorielles aux pénalités sur le carbone, les
entreprises étendent ici leurs réponses à la R&D et à l’innovation, ce qui leur
permet de gagner en compétitivité. En ce sens, le progrès technique formalisé ici
améliore nécessairement la performance des entreprises ; on s’écarte de la vision
de Nordhaus dans laquelle le progrès technique induit par les politiques de
l’environnement n’est pas neutre et « évince » un progrès technique favorable à
la performance économique.
Enfin, l’endogénéisation du progrès technique dans un modèle appliqué
permet d’étendre le champ des politiques qu’il est possible d’étudier à celles
axées sur la recherche et l’innovation. En recyclant en partie par une aide à la
R&D le produit de la taxation sur le CO2, ou si l’on veut le produit de la vente
aux enchères de permis d’émissions négociables, on peut améliorer substantiel-
lement le dividende d’emploi et de croissance, ce qui prouve au passage que le
système fiscal peut être amélioré.
Il reste que les résultats présentés dans cet article doivent être nuancés et
réévalués à l’aide d’un modèle décrivant plus finement les incidences économi-
ques de l’innovation technologique, avec introduction d’un progrès technique
non neutre qui permettrait de prendre en compte les effets d’éviction avancés par
Nordhaus entre différents types de progrès technique ; c’est le travail qui est
aujourd’hui réalisé sur le modèle GEM-E3-Europe.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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