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LES NOUVELLES THÉORIES DE LA CROISSANCE EN APPLICATION

L'évaluation des politiques structurelles, le cas du protocole de Kyoto


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | « Revue économique »

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2005/5 Vol. 56 | pages 1089 à 1105
ISSN 0035-2764
ISBN 2724630106
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https://www.cairn.info/revue-economique-2005-5-page-1089.htm
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Pour citer cet article :


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Arnaud Fougeyrollas et al., « Les nouvelles théories de la croissance en application.
L'évaluation des politiques structurelles, le cas du protocole de Kyoto », Revue
économique 2005/5 (Vol. 56), p. 1089-1105.
DOI 10.3917/reco.565.1089
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Les nouvelles théories
de la croissance en application
L’évaluation des politiques structurelles,
le cas du protocole de Kyoto

Arnaud Fougeyrollas*

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Pierre Le Mouël**
Paul Zagamé***
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L’objet de cette contribution est la présentation d’un travail d’incorporation des


nouvelles théories de la croissance dans un modèle d’équilibre général calculable,
le modèle GEM-E3-Europe. Nous en illustrons les conséquences en prenant l’exem-
ple de politiques de lutte contre le changement climatique pour l’Europe à quinze
(objectifs de Kyoto), dont nous comparons les résultats selon la formulation,
« endogène » ou « exogène », retenue pour le progrès technique. Nous présen-
tons ensuite les résultats d’une politique impliquant des aides à la R&D, qui va donc
agir directement sur le taux de croissance des économies européennes.

NEW GROWTH THEORIES IN APPLICATION: ASSESSMENT


FOR STRUCTURAL POLICIES, THE CASE OF THE KYOTO PROTOCOL

This paper presents the mechanisms of an endogenous technical change


module, with endogenous R&D decisions, introduced in the applied general equili-
brium model for European Union, GEM-E3. We use this module (1) to compare
assessments for climate policies (Kyoto Protocol) when technical change is exoge-
nous, with the case it is endogenous and (2) to assess for new R\&D based climate
change policies.

Classification JEL : 033, 038, C68, H23

* École centrale de Paris, Laboratoire E RASME, Grande Voie des Vignes, 92295 Chatenay-
Malabry. Courriel : lemouelp@ecp.fr
** ERASME, École centrale de Paris.
*** Université Paris I, ERASME, École centrale de Paris.
Cet article est issu de contrats financés par la Commission de l’Union européenne (contrat de
recherche TECH-GEM) et par l’ADEME dans le cadre du programme de recherche GICC (Gestion et
Impact du changement climatique). Les remerciements à adresser sont nombreux ; nous avons béné-
ficié plus particulièrement des échanges avec : D. Rossetti (CEE), P. Valette (CEE), J.-M. Salmon
(ministère français de l’Environnement), C. Cros ( ADEME), D. Van Regemorter (KUL), N. Kouvari-
takis (NTUA), et G. Koleda (ERASME) à qui nous devons beaucoup.
Les auteurs sont évidemment seuls impliqués par les résultats présentés ici qui ne représentent
pas nécessairement le point de vue de ces organismes.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Revue économique

INTRODUCTION

Les nouvelles théories de la croissance ont renouvelé la vision du long terme des
économistes : alors que la croissance de longue période était auparavant envisagée
comme indépendante des comportements des agents économiques, aujourd’hui la
« croissance endogène » permet de l’envisager comme une résultante de leurs
décisions d’épargne et d’investissement. On sait bien l’hypothèse qui est à
l’origine d’une telle interprétation : dans la « croissance endogène », on évite le
blocage de la croissance par tête par l’introduction de rendements non décroissants
pour les facteurs accumulables. La prise en compte des transferts de connaissances

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entre acteurs individuels libère le processus de croissance au niveau collectif. Mais
cette hypothèse de rendements sociaux durablement supérieurs aux rendements
privés a été très controversée, en raison surtout des propriétés d’échelle qu’elle
entraîne sur le taux de croissance. Sans se prononcer sur les controverses, on peut
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dire que les nouvelles théories ont eu le mérite de fournir une véritable explication
du processus de croissance économique, en le fondant en particulier sur des
comportements microéconomiques de décision de R&D au sein de l’entreprise (cf.
Aghion et Howitt [1], Barro et Sala-i-Martin [4], Grossman et Helpman [12]) ;
c’est cette dernière approche que nous avons retenue dans GEM-E3-Europe1.
Comme nous le verrons, l’endogénéisation du progrès technique sur la décision
endogène de R&D dans GEM-E3-Europe va modifier l’évaluation des politiques
dites « structurelles » (ici la fiscalité et l’environnement), en raison de nouvelles
propriétés de moyen-long terme du modèle, et élargir le spectre des politiques
évaluables à celles impliquant des systèmes spécifiques d’incitation à la R&D.
L’article est organisé de la façon suivante : la deuxième section présente les
principales raisons qui militent en faveur de l’introduction des nouvelles théories
de la croissance dans les modèles appliqués. La troisième section décrit ensuite
les mécanismes de croissance endogène que nous avons introduits dans le modèle
d’équilibre général GEM-E3-Europe. La quatrième section rassemble alors des
résultats d’évaluation de politiques de lutte contre le réchauffement climatique
(objectifs de Kyoto). Les résultats des politiques fondées sur les instruments
traditionnels (taxation ou, en première approximation, permis d’émission négo-
ciables à titre payant) sont systématiquement comparés selon la prise en compte
du progrès technique utilisée, exogène ou endogène. La cinquième section aborde
enfin un exemple de politique combinant ces instruments traditionnels avec une
subvention à la R&D. La sixième section conclut sur les apports et les limites de
cette endogénéisation du progrès technique dans GEM-E3-Europe.

LA NÉCESSITÉ D’INCORPORER LES NOUVELLES THÉORIES


DE LA CROISSANCE DANS LES MODÈLES APPLIQUÉS

L’écart entre les avancées théoriques et l’état de l’art de la modélisation appli-


quée est aujourd’hui grandissant : de nombreuses théories récentes n’ont pas été
introduites dans les modèles opérationnels, modèles d’équilibre général ou

1. Le modèle GEM-E3 a été construit par un consortium européen coordonné par NTUA (Athènes),
dont les principaux partenaires sont KUL (Belgique), ZEW (Allemagne) et ERASME (France).

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

modèles économétriques. Deux principales raisons peuvent être invoquées pour


cela : les phénomènes décrits par les nouvelles théories conduisent à des formu-
lations complexes difficiles à traduire dans ces modèles souvent de très grande
taille ; par ailleurs, on manque souvent de statistiques pour aboutir à des calibra-
tions fiables ou à des estimations économétriques robustes.
Les nouvelles théories de la croissance sont clairement dans ce cas ; à ce jour,
l’étude des propriétés de long terme des modèles appliqués montre que le schéma
de référence sous-jacent est le modèle de Ramsey-Clark-Solow : une fonction de
production avec progrès technique exogène à rendements partiels décroissants,
conduisant à un taux de croissance de l’économie égal à la somme du taux de

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progrès technique et du taux de croissance de la population, tous deux exogènes.
On connaît bien les perspectives ouvertes par les nouvelles théories de la
croissance depuis l’article fondateur de Romer [21] : rendements de certains
facteurs non décroissants (qui constituent le « cœur » de croissance endogène),
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endogénéisation du taux de croissance de long terme sur les comportements


microéconomiques, justification économique des rendements non décroissants
par les transferts de surplus (rent spillovers) et les externalités de connaissance
(knowledge spillovers) (Griliches [11]). Ce qui nous intéresse plus particulière-
ment ici est la prise en compte de la décision endogène d’investissement en R&D
et les innovations (de productivité, de qualité ou de variété) qui vont en résulter.
L’évaluation des politiques dites « structurelles » conduites à l’aide des
instruments économiques (taxation, subvention) appliqués à l’emploi, l’énergie,
l’environnement et directement à la croissance avec l’ensemble des incitations
liées la recherche (subventions, crédits d’impôt, système de brevets, …) néces-
site la prise en compte de ces nouveaux mécanismes. Dans les modèles de type
Ramsey-Clark-Solow, les réactions des agents économiques à la mise en œuvre
de telles politiques sont limitées aux substitutions de facteurs (ou de produits),
aux comportements de prix, d’épargne et d’investissement, sans effet sur le taux
de croissance de long terme. Avec l’introduction d’un progrès technique endo-
gène, on peut envisager également leurs réactions en termes de décisions de
R&D, avec l’ensemble de ses conséquences : innovations de productivité, de
qualité, de variété ; effets de diffusion des connaissances entre les secteurs de
l’économie et entre les pays ; substitution de qualité de produits ou d’extension
de la variété pour le consommateur, d’efficience de facteurs de production pour
l’entreprise.
Tous ces mécanismes sont de nature à modifier très substantiellement
l’évaluation des politiques. Prenons le cas de la fiscalité applicable à l’énergie
par exemple : la hausse du prix de l’énergie va induire, en plus des substitutions
traditionnelles des modèles à progrès technique exogène, des décisions de R&D
et d’innovation afin de diminuer les consommations d’énergie rapportées au
chiffre d’affaires. Cela passera soit par des innovations de procédé, soit par des
innovations de qualité des produits, soit par l’extension des gammes de produits,
toutes ces innovations ayant pour conséquence de libérer de la croissance, avec
un contenu en énergie davantage réduit que par le jeu des seules substitutions de
facteurs et de produits.
L’intégration des nouvelles théories de la croissance, plus précisément ici de
celles qui formalisent son lien avec les dépenses de R&D, est relativement
récente et peu répandue (cf. Bagnoli [2]). Ces intégrations ont, pour la plupart,
été réalisées dans les modèles d’équilibre général pour des questions d’abord

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Revue économique

relatives au commerce international (Diao et Roe [6], Baldwin et Forsild [20],


Diao et al. [27]), à l’environnement et à l’énergie (van Bergeijk et al. [24],
Carraro et Galeotti [5], Gouldner and Schneider [10], Nordhaus [18] avec le
modèle DICE, Fougeyrollas et al. [2001] avec GEM-E3, et un modèle construit au
MIT par Sue Wing [26]).
Le traitement des nouvelles théories de la croissance est très divers dans les
modèles, qu’il s’agisse des décisions endogènes de R&D, du type d’innovation,
et enfin, plus rarement abordé, des externalités de connaissances entre activités
ou pays. Le niveau de désagrégation est également très variable d’un modèle à
l’autre. Certains modèles, très agrégés, rendent compte de « faits stylisés »

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proches de la théorie, alors que les modèles véritablement opérationnels sont
très détaillés au niveau des secteurs et des produits, pour tenir compte de l’hété-
rogénéité des différentes activités du point de vue de la R&D, de l’énergie ou
de l’environnement. C’est le cas de GEM-E3-Europe, dont nous présentons
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maintenant les mécanismes de croissance endogène, c’est-à-dire le « cœur » de


croissance.

LE « CŒUR » DE CROISSANCE

Cette section décrit les mécanismes de croissance endogène du modèle GEM-


E3-Europe1, en insistant sur la relation fondamentale qui va des dépenses de
R&D aux innovations technologiques puis à la performance économique2. La
diffusion des savoirs technologiques entre entreprises, secteurs et pays joue ici
un rôle central : ces transferts de « connaissances » vont agir comme des exter-
nalités pures qui vont influencer les rendements de la R&D, et expliquer l’écart
entre les rendements privés et sociaux de la recherche, qui justifie la mise en
œuvre de la politique de recherche.

La variable de « connaissances » comme résultante d’efforts


propres et d’externalités

Cette variable résulte au niveau sectoriel de phénomènes d’accumulation des


connaissances technologiques propre au secteur et par l’intermédiaire d’un jeu
complexe de diffusion des savoirs, les externalités de connaissances ou
knowledge spillovers. La prise en compte de ces externalités, qui influencent les
rendements globaux de la R&D, va nous permettre de décrire précisément les
effets d’entraînement et toutes les relations interindustrielles et internationales,
qui passent par les échanges technologiques.

1. Pour une présentation plus détaillées, cf. Fougeyrollas, Le Mouël et Zagamé [9].
2. Cf. Romer [21], Grossman et Helpman [12] (chap. 3), Barro et Sala-I-Martin [4] (chap. 6) sur
les modèles de croissance endogène avec élargissement du nombre de variété de produits et Aghion
et Howitt [1], Grossman et Helpman [12] (chap. 4), Barro et Sala-I-Martin [4] (chap. 7) pour les
modèles avec augmentation de la qualité des produits existants.

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La diffusion des savoirs a donné lieu depuis les premiers travaux de Terleckyj
[23] à de nombreuses études (cf. entre autres, Scherer [22] et Jaffe [13]). Pour
mesurer les échanges de connaissances entre secteurs nationaux, nous avons
utilisé dans GEM-E3-Europe les « matrices de proximité technologique » de
Verspagen [25]. Les coefficients de ces matrices, calculés à partir de l’informa-
tion contenue dans les demandes de brevets européens, retracent la proximité des
différents secteurs dans l’« espace technologique ». Les matrices prennent alors
en entrée les stocks de R&D des secteurs et délivrent en sortie leurs stocks de
connaissances d’origine nationale au niveau de chaque secteur. Pour la diffusion
internationale des connaissances, nous avons combiné les matrices de Verspagen

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avec les flux d’échanges commerciaux bilatéraux entre pays. La combinaison
par une fonction Cobb-Douglas des connaissances « propres » au secteur et de
ces externalités d’origine intersectorielle et internationale détermine ainsi le
niveau de « connaissances » technologique du secteur ( KNOWt ), qui est au
centre du processus d’innovation.
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Le processus d’innovation :
innovations de procédé, innovations de qualité

Nous pouvons maintenant préciser le processus d’innovation qui va de la


dépense de R&D à l’innovation puis à la performance économique. Deux types
d’innovations sont envisagés ici : l’innovation de procédé, qui accroît la
productivité globale des facteurs et l’innovation de produit, qui modifie la
qualité des produits et non leur variété, ce qui aurait été plus difficile à repré-
senter, mais qui aboutit à la même conséquence1, c’est-à-dire, pour un volume
donné de biens, à l’accroissement de l’utilité pour les biens de consommation et
de l’efficacité pour les biens d’équipement. Par souci de simplification, on
admet que les secteurs productifs réalisent soit l’un soit l’autre type
d’innovation : les secteurs de l’énergie et des matières premières améliorent la
productivité globale de leurs facteurs de production, tandis que les secteurs de
biens de consommation, de biens d’équipement et de services améliorent la
qualité de leur production. Cette hypothèse est proche des résultats des
enquêtes européennes sur l’innovation qui révèlent que les innovations de
produit sont plus nombreuses que les innovations de procédé dans les biens
d’équipement, au contraire de ce qui se passe dans l’énergie et les matières
premières, et que les équipements, composants et produits intermédiaires inno-
vants sont une source majeure de progrès technique pour la plupart des secteurs
de l’économie (cf., par exemple, Evangelista et al. [8]).
Dans le schéma retenu, l’innovation va au final soit augmenter le volume de
la production à qualité constante et à quantité de facteurs constante, soit
augmenter la qualité à volume donné, ce qui se traduit également dans le modèle
par une baisse du prix de production qui est ajusté proportionnellement à la
qualité. Le traitement formel des deux innovations dans le modèle GEM-E3-
Europe est donc identique, agissant dans tous les cas comme une translation de
la fonction de production proportionnelle au stock d’innovation du secteur. Par

1. Rappelons en effet les similitudes qui existent entre les modèles canoniques de variété et de
qualité (cf. Barro [3], Jones et Williams [16, 17]).

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contre, l’importance quantitative des deux types d’innovations dans une


économie va dépendre de la structure productive et des rendements de la R&D
dans les différents secteurs. Le passage de l’investissement en R&D à l’innova-
tion est présenté dans la figure 1.

Figure 1. La genèse de l’innovation

Secteur ou pays
à l’origine
des connaissances Secteur Receveur

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Dépenses en R&D Stock de R&D Stock de R&D Dépenses en R&D

(+)
Connaissances

(–)
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Fishing Out

Innovations Innovations
Passées

Nouveaux produits
et procédés

L’innovation résulte de l’investissement en R&D ( IRD t ) dont la productivité


est influencée par deux variables d’accumulation conditionnant l’état du système
d’innovation. La variable traduisant l’état des connaissances, KNOWt, dont nous
avons expliqué la détermination précédemment, influence positivement la
productivité de la R&D. Au contraire, la variable techt – 1 mesurant l’état techno-
logique du secteur, c’est-à-dire ses innovations passées, diminue la productivité
de la R&D. Cette variable a pour effet d’éviter des rendements plus que propor-
tionnels générateurs d’instabilité à long terme. Son introduction dans le
processus d’innovation est justifiée par toute une littérature (Jones [14, 15],
Jones et Williams [16, 17]) qui s’appuie sur une représentation de l’innovation
en terme de fishing-out effect : tout se passe comme si, à l’intérieur d’une grappe
d’inventions majeures, les innovations étaient épuisables en attendant la
prochaine révolution technologique.
La formalisation de ces deux effets emprunte donc la spécification suivante :
innov KNOWtγ
----------------t- = α ------------------------
- ⋅ IRD t (1)
tech t – 1 ( tech t – 1 ) β
avec α, β, γ > 0 et où innov t désigne le flux d’innovations à l’instant t, c’est-à-
dire la variation de l’état technologique du secteur : tech t – tech t – 1.
C’est cette variable, tech t , qui va agir directement sur la qualité ou sur la
productivité des facteurs par l’intermédiaire de la formulation sectorielle pour la
production ( y i, t ) :
1
– ---
y i, t = A ⋅ tech i ( δ I ⋅ I i–, tρ + δ lem ⋅ lem i–, tρ ) ρ (2)
avec A, δ I, δ lem, ρ > 0 les paramètres de la fonction CES. Nous avons ainsi retenu
une hypothèse d’incorporation du progrès technique, que nous avons supposé
neutre au sens de Hicks, et qui n’affecte que le niveau supérieur de la structure

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

productive1, c’est-à-dire la combinaison entre le montant de capital (d’investisse-


ment) affecté à la capacité de génération i à l’instant t, I i, t et lem i, t qui est le
montant de facteurs variables (le travail, l’énergie et les autres consommations
intermédiaires) affecté à cette génération d’équipements. Nous avons utilisé
également l’hypothèse putty-putty, c’est-à-dire que les fonctions de production ex
ante et ex post sont identiques, l’entreprise représentative du secteur étant capable
d’adapter ses coefficients techniques avec les mêmes possibilités de substitutions
sur les équipements existants et sur les nouvelles générations. tech i est finalement
la technologie incorporée dans la génération i, que va choisir la firme.

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La décision de R&D et donc d’innovation

L’investissement dans la recherche, c’est-à-dire dans notre modèle détermi-


niste, la demande d’innovation, résulte de la maximisation de la valeur actualisée
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nette de la firme représentative du secteur. Dans la spécification à générations de


capital que nous avons utilisée, elle va par conséquent résulter de la comparaison
entre le coût d’usage de détention d’une unité supplémentaire d’innovation et le
coût actualisé à la fois du capital et des facteurs de production variables sur la
durée de vie anticipée pour la capacité de production marginale2. Tous les coûts
de facteurs, et donc celui de la R&D, vont ainsi jouer sur cette décision, de même
que la demande adressée au secteur qui va influencer la taille de la capacité de
production marginale (cf. fig. 2).

Figure 2. Détermination et effets des décisions d’investissement en R&D

(+) (+)
(Nouvelles unités de Production)

Demande

Décisions
INVESTISSEMENT

(+) Coût d’usage des facteurs (+)


INNOVATION

variables (Travail, Énergie,


Cons. Interm.) d’investissement

et
(-) (+)
Coût d’usage du Capital
d’innovation (1)
Coût d’usage (-)
de la technologie

Effets de
Diffusion sur le marché
des nouveaux produits
Conception de nouveaux l’innovation et
produits et procédés
et procédés
de l’investissement

1. Se reporter à la note 2 de la page suivante pour une description de la structure de production de


GEM-E3-Europe.
2. Le problème de la firme est en fait plus compliqué, puisqu’il faut également, à chaque période,
déterminer les coefficients optimaux de capital et de facteurs variables sur toutes les générations
d’équipement déjà installées et sur la génération marginale, ainsi que la taille de la capacité de produc-
tion marginale. Il faut ensuite en déduire la forme de la fonction de production agrégée utilisée dans le
modèle GEM-E3-Europe. On peut référer à Fougeyrollas et al. [9] pour la résolution mathématique de
ce programme et une présentation des procédures d’agrégation utilisées, trop longues pour figurer ici.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Revue économique

En fait, il faut bien distinguer, dans cette formalisation, l’innovation qui est la
variation de l’état technologique du secteur, de l’effet de l’innovation qui lui va
dépendre de la taille de la nouvelle unité de production, dont elle va déterminer
le niveau de productivité, même si toutes ces grandeurs sont déterminées simul-
tanément. Il n’existe pas de marché d’actif pour l’innovation, qui devient, dès la
période suivante, une externalité pure venant, au même titre que les investisse-
ments passés de R&D, modifier la productivité du système d’innovation. C’est
ainsi, comme nous l’avons décrit précédemment, le jeu relatif de deux externa-
lités de sens contraire, qui va imprimer le rythme de croissance de long terme du
secteur1.

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Ce qui est important, c’est ainsi que toute augmentation des coûts d’usage de
facteurs relativement à celui de la R&D, va avoir tendance à accroître l’innova-
tion, et ce nouveau mécanisme va permettre d’étudier avec le modèle les impli-
cations de politiques d’aides ciblées à la R&D.
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Les nouvelles informations

Nous ne présentons pas ici le modèle d’équilibre général GEM-E3-Europe,


modèle Économie-Énergie-Environnement qui a déjà fait l’objet de plusieurs
présentations2 (cf. Capros et al. [7]) ; tout au plus, nous soulignerons que les
sorties du modèle s’enrichissent ici de cinq nouvelles informations :
1. Les dépenses de R&D réalisées par chaque secteur ;
2. L’« Indice de qualité des biens de consommation » qui est une pondération
de l’évolution de la qualité moyenne des biens et services consommés par les
ménages ;
3. L’« Indice de qualité des biens d’équipement » reflétant l’amélioration de la
productivité moyenne des biens d’investissement due à l’innovation de qualité ;
4. L’« Indice d’innovation technologique » retraçant le taux de croissance
moyen de l’innovation dans les différents secteurs de l’économie ;
5. L’« Indice de diffusion technologique » exprimant enfin la mesure dans
laquelle les secteurs de production dans un pays bénéficient des innovations mises
en place partout en Europe, sous la forme de baisses de prix (rent spillovers).

1. Les variables KNOWt et techt – 1 ayant la même dimension, le taux de croissance de long terme
devrait diminuer dès lors que β > γ, c’est-à-dire lorsque l’effet de fishing-out est le plus important,
pour un investissement en R&D donné. Nous avons utilisé des valeur de β et de γ de 0,7 pour stabi-
liser le taux de croissance dans le scénario de référence. Le module de croissance endogène est alors
calibré pour obtenir un taux de croissance proche de 1,5 % par an en moyenne en Europe, sous l’effet
des innovations, en calibrant le paramètre α proportionnellement à l’intensité de R&D des secteurs
dans chaque pays.
2. Les caractéristiques du modèle GEM-E3 sont assez traditionnelles : tous les secteurs de produc-
tion (au nombre de dix-huit) ont une technologie de production représentée par une CES imbriquée à
trois niveaux. Un premier niveau sépare le capital des autres intrants variables, desquels est isolée
l’électricité à un deuxième niveau. Le troisième niveau distingue les énergies fossiles des consom-
mations intermédiaires et du travail. Le consommateur représentatif a une fonction d’utilité du type
Cobb-Douglas, incluant la consommation et le loisir. Le module environnement transforme les émis-
sions de polluants en dommages qui diminuent le bien-être du consommateur ; il permet d’étudier
les implications des politiques environnementales. Les anticipations sont statiques et le plein-emploi
est supposé.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

UNE ANALYSE DE POLITIQUES STRUCTURELLES :


LA LUTTE CONTRE LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET
DE SERRE DANS LE CADRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

Nous présentons, dans cette section, des évaluations des politiques de lutte
contre les émissions de gaz à effet de serre, en comparant les résultats issus du
modèle original (à progrès technique exogène) à ceux du modèle intégrant les
décisions endogènes de R&D des firmes. Ces résultats sont extraits d’un
ensemble d’exercices variantiels réalisés pour la direction générale de Recherche

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de la Commission de l’Union européenne, l’ADEME et le ministère de l’Environ-
nement1 sur les modalités de mise en œuvre du protocole de Kyoto en Europe,
dans nous avons retenu les deux scénarios suivants :
1. La taxation des émissions de CO2 des firmes et des ménages, sans redistri-
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bution, les revenus de la taxe venant réduire le déficit des États ;


2. La taxation des émissions de CO2 des firmes et des ménages, avec recy-
clage de la taxe sous la forme d’une réduction des cotisations sociales
employeurs.

Le cas d’une taxe non redistribuée

Afin d’atteindre les objectifs d’émissions de CO2 fixés pour l’Europe lors du
protocole de Kyoto, différents instruments économiques ont été préconisés : la
taxation avec le choix éventuel du mode de recyclage et les permis d’émissions
négociables avec différents modes d’allocations. Pour contraster nos résultats
entre les hypothèses de progrès technique exogène et endogène, nous présentons
ici le cas d’une taxe sur le CO2, scénario qui impose ex ante le coût le plus élevé
pour les firmes, qui vont ainsi avoir une réponse plus marquée en terme de R&D.
Le schéma de réaction des agents, dans le cas où le progrès technique est
exogène, est limité essentiellement à des substitutions factorielles et à des effets
prix (translation de la taxe) pour les entreprises, et à des substitutions de produits
et des effets revenus pour les ménages.
Dans le cas du progrès technique endogène, ce schéma s’enrichit d’une possi-
bilité pour les firmes de choisir leur niveau de R&D et d’innovation : l’entreprise
va innover pour, soit augmenter la productivité de ses facteurs de production 2,
soit augmenter la qualité de ses produits, afin dans les deux cas de tenter de
réduire les effets pénalisants de la taxe. Cette réduction de coût va être facilitée
par les jeux des externalités technologiques, les firmes d’un secteur donné
pouvant bénéficier de transferts de connaissances d’autres secteurs et pays dont
l’effort de R&D va également se modifier ; c’est ainsi la productivité d’ensemble
du système d’innovation qui va être améliorée.

1. Recherche financée par le programme « Gestion et Impact du changement climatique » (GICC)


du ministère de l’Environnement.
2. Le progrès technique endogénéisé sur la R&D étant « neutre » dans GEM-E3-Europe, il n’est
pas possible pour l’entreprise d’adopter une avancée technologique energy saving.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Revue économique

Précisons également que, pour rendre les résultats comparables, le compte


de référence du modèle GEM-E3-Europe est identique, que le progrès technique
soit endogène ou exogène ; les différences de résultats entre les deux versions
du modèle sont ainsi intégralement imputables à la capacité d’adaptation
supplémentaire dont bénéficient les firmes lorsqu’elles vont pouvoir recourir à
la R&D.
Le scénario est prolongé jusqu’en 20201 pour permettre d’analyser pleine-
ment les effets de la taxe sur l’innovation et la performance économique des
firmes, effets qui se diffusent très progressivement en raison de l’hypothèse
d’incorporation du progrès technique retenue dans GEM-E3-Europe. Le

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tableau 1, qui présente les résultats pour l’Europe, montre que le coût de la
politique en termes de PIB et d’emploi va diverger très substantiellement
selon l’hypothèse retenue pour le progrès technique. Le coût en termes de PIB
(– 0,23 % contre – 0,47 %) et d’emploi (– 233 000 contre – 437 000) est
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réduit de près de 50 % sous l’effet des innovations technologiques mises en


place par les firmes2. Le mécanisme sous-jacent est, comme nous l’avons
décrit, que l’augmentation de la R&D, d’environ 3 % en 2020, permet de
restaurer partiellement la compétitivité des firmes européennes. Cela se
traduit par des innovations de procédés et de produits qui vont relancer non
seulement les exportations mais aussi la consommation des ménages dont le
prix se réduit. Notons cependant que, dans les deux cas (progrès technique
exogène ou endogène), la diminution des termes de l’échange est à imputer
principalement à la baisse du salaire réel, sous les effets simultanés des
contractions de l’emploi et du PIB, et au progrès technique endogène aux
innovations induites.
La hausse des exportations, qui est due à la baisse des termes de l’échange,
est renforcée par un effet de recomposition sectorielle : les secteurs manufac-
turés, qui sont également les principaux exportateurs, renforcent leur compétiti-
vité grâce à un coût de main-d’œuvre réduit, tandis que la compétitivité des
secteurs intensifs en énergie se trouve dégradée (cf. tableau 1) ; au niveau le plus
global, l’évolution du solde extérieur est donc plus importante que ne laisse
supposer l’évolution des termes de l’échange.
Cet effet de recomposition sectorielle est également à l’origine de l’augmen-
tation de l’indice de diffusion technologique dans le cas de progrès technique
exogène : le nombre des innovations ne varie pas dans le scénario, mais leur
diffusion est renforcée par la part plus importante qu’y occupent les secteurs
intensifs en R&D, qui sont également les principaux bénéficiaires des effets de
rent spillovers, comme les services de télécommunications par exemple.

1. En supposant que les niveaux d’émissions fixés par le protocole de Kyoto restent identiques
après 2010, scénario dit Kyoto forever. Il s’agit d’un scénario relativement ancien où, en 2010, la
réduction des émissions de CO2 (en écart au compte spontané du modèle) atteint 12 %. Nous avons
conservé cette contrainte bien que les scénarios les plus récents (cf. OCDE [19]) s’appuient sur des
contraintes plus faibles pour 2010, cela afin de mieux faire ressortir les effets sur la R&D. L’objectif
d’abattement de 16 % pour 2020 semble toutefois réaliste dans une perspective « post-Kyoto ».
2. Remarquons que le coût est généralement plus élevé avant 2010 dans le cas de progrès tech-
nique endogène. La raison en est que les firmes doivent, dans un premier temps, financer des inves-
tissement en R&D dont elles doivent supporter le coût, alors que leurs effets positifs en termes de
compétitivité se produisent plus tardivement, en raison de l’hypothèse d’incorporation du progrès
technique et des délais de maturation de la R&D.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

Tableau 1. Taxe sans recyclage (Europe des Quinze)


(% d’écart au compte central, sauf emploi en milliers)

2010 2020
Exo Endo Exo Endo
Indicateurs macroéconomiques
PIB ................................................................................. – 0,25 – 0,25 – 0,47 – 0,23
Investissement privé ..................................................... – 0,27 – 0,27 – 0,53 – 0,51
Investissement en R&D ............................................... 0,00 3,48 0,00 3,07
Consommation privée .................................................. – 2,07 – 2,08 – 2,68 – 2,48

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Exportations ................................................................. 1,31 1,33 1,16 1,51
Importations ................................................................. – 1,35 – 1,36 – 1,71 – 1,59
Emplois ........................................................................ – 207,48 – 193,36 – 437,33 – 233,07
Prix
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Prix à la consommation ................................................ 2,62 2,62 2,97 2,70


Salaire nominal ............................................................ – 0,25 – 0,26 – 0,64 – 0,53
Salaire réel ................................................................... – 2,92 – 2,93 – 3,65 – 3,28
Termes de l’échange .................................................... – 0,34 – 0,35 – 0,12 – 0,19
Capacité de progrès technique
Indice d’innovation technologique .............................. – 0,05 – 0,01 – 0,06 0,23
Indice de diffusion technologique ................................ 0,08 0,13 0,14 0,41
Qualité des biens
Indice de qualité moy. du panier de cons. .................... – 0,02 0,01 – 0,07 0,21
Indice d’efficacité des biens d’investissement ............. 0,00 0,06 0,00 0,33
Émissions de CO2 ........................................................ – 12,43 – 12,43 – 16,04 – 16,04

Le cas « classique » de double dividende emploi-environnement

Lorsque la taxe est redistribuée sous la forme d’un allègement des cotisations
sociales à la charge des employeurs, c’est-à-dire d’une diminution du coût du
travail, les substitutions de facteurs qui se mettent en place vont contribuer à
créer 1 700 000 emplois en 2020 dans l’ensemble de l’Europe. Comme tout le
produit de la taxe est redistribué aux firmes, le coût global de la politique est ainsi
négatif pour elles, puisqu’une partie du prélèvement de la taxe porte également
sur les ménages. Les secteurs intensifs en travail vont le plus profiter de la baisse
des charges, tandis que les secteurs intensifs en énergie vont supporter l’essentiel
de la charge de la taxe sur le CO2. La politique permet ainsi s’accentuer le redé-
ploiement sectoriel des économies européennes vers les secteurs de main-
d’œuvre peu intensifs en énergie (cf. tableau 2) ; il en résulte en définitive une
très légère augmentation du PIB européen, qui dissimule néanmoins une évolu-
tion relative moins favorable pour les secteurs intensifs en énergie, que dans le
cas précédent de taxation sans redistribution.
Le coût ex ante de la politique étant globalement négatif pour les firmes, la
R&D augmente peu et les impacts, également limités sur la qualité des produits
et la productivité des facteurs, reflètent essentiellement les effets du redéploie-
ment sectoriel qui s’opère en Europe. Ces résultats pour l’innovation confirment
ainsi que les créations d’emplois en Europe sont dues essentiellement à un effet
de substitution qui n’est pas contrarié par des gains de productivité.

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Revue économique

Tableau 2. Taxe recyclée par une baisse des CSE (Europe des Quinze)
(% d’écart au compte central sauf emploi en milliers)

2010 2020
Exo Endo Exo Endo
Indicateurs macroéconomiques
PIB ................................................................................ – 0,04 – 0,05 – 0,14 – 0,07
Investissement privé .................................................... – 0,04 – 0,05 – 0,08 – 0,09
Investissement en R&D ............................................... 0,00 1,06 0,00 0,63

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Consommation privée .................................................. 0,06 0,04 0,10 0,16
Exportations ................................................................. – 0,78 – 0,80 – 1,06 – 0,95
Importations ................................................................. – 1,10 – 1,11 – 1,43 – 1,39
Emplois ........................................................................ 1 025,96 1 031,96 1 634,35 1 663,94
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Prix
Prix à la consommation ................................................ 1,60 1,63 1,97 1,89
Salaire nominal ............................................................ 2,25 2,26 2,74 2,74
Salaire réel ................................................................... 0,64 0,63 0,81 0,90
Termes de l’échange .................................................... 0,24 0,24 0,38 0,36
Capacité de progrès technique
Indice d’innovation technologique .............................. – 0,02 – 0,02 – 0,03 0,03
Indice de diffusion technologique ................................ 0,11 0,13 0,22 0,29
Qualité des biens
Indice de qualité moy. du panier de cons. .................... – 0,02 – 0,01 – 0,05 0,01
Indice d’efficacité des biens d’investissement ............. 0,00 0,01 0,00 0,03
Émissions de CO2 ........................................................ – 12,43 – 12,43 – 16,04 – 16,04

Cette politique « classique » de double dividende emploi-environnement, qui


supprime le coût direct supporté par les firmes, est ainsi dans l’ensemble peu
incitative au renforcement de l’effort de recherche, par rapport au cas précédent
de taxation sans redistribution. C’est la raison pour laquelle les deux versions du
modèle, avec progrès technique exogène et avec progrès technique endogène,
fournissent des résultats à peu près identiques au niveau macroéconomique,
même s’il peut exister des différences au niveau sectoriel.

UNE NOUVELLE POLITIQUE IMPLIQUANT LA R&D :


UN DIVIDENDE D’EMPLOI, D’ENVIRONNEMENT
ET DE CROISSANCE

Le nouveau module de croissance endogène du modèle GEM-E3-Europe


permet d’envisager de nouvelles politiques de réduction des émissions de gaz à
effet de serre, consistant par exemple à soutenir l’effort d’innovation technolo-
gique des entreprises à travers des subventions à la R&D. Nous avons étudié dans
cet esprit les impacts macroéconomiques du recyclage d’une partie du produit de

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Arnaud Fougeyrollas, Pierre Le Mouël, Paul Zagamé

la taxation du CO2 par des subventions proportionnelles à la R&D, avec un taux


d’aide limité à 30 %, le solde du produit fiscal étant utilisé, comme précédem-
ment, à réduire le taux de cotisations sociales des employeurs.
Cette combinaison d’instruments permet, comme le montrent les résultats du
tableau 3, de cumuler aux effets positifs sur l’emploi de la baisse du taux de coti-
sations sociales, les bénéfices additionnels de la croissance induite par les aides
à la R&D.
Les créations d’emplois s’élèvent ainsi à 3,1 millions en Europe, soutenues
par la croissance du PIB qui atteint 1,70 % en 2020. La croissance du PIB est due
en grande partie à l’amélioration de la qualité de produits et de l’efficacité des

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procédés de fabrication sous l’effet des innovations technologiques, dont l’indice
augmente de 2,29 %, suite à la très forte augmentation des dépenses de R&D :
+ 24,24 %. C’est donc une croissance fortement « qualitative » qui se met en
place en Europe. Cependant, la forte augmentation de la productivité totale des
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facteurs de production, reflétée par l’évolution de l’indice de diffusion techno-


logique (+ 2,30 %), reste compatible avec un fort contenu en emploi de cette
nouvelle croissance, en raison bien sûr des effets de substitution favorables à
l’emploi entraînés par la baisse du taux de cotisations sociales, mais également
du fort contenu en emploi des activités de R&D.

Tableau 3. Taxe recyclée par une aide à la R&D et une baisse des CSE (Europe des Quinze)
(% d’écart au compte central sauf emploi en milliers)

2001 2005 2010 2015 2020


Indicateurs macroéconomiques
PIB ................................................................ – 0,02 – 0,07 0,16 0,89 1,70
Investissement privé .................................... 0,00 – 0,01 0,01 0,13 0,30
Investissement en R&D .............................. 3,45 17,50 31,53 27,68 24,24
Consommation privée ................................. – 0,04 – 0,13 0,03 0,65 1,32
Exportations ................................................ – 0,09 – 0,35 – 0,27 0,77 1,87
Importations ................................................ – 0,11 – 0,54 – 1,04 – 0,80 – 0,51
Emplois ....................................................... 42,88 315,70 1 138,68 2 020,30 3 161,27
Prix
Prix à la consommation ............................... 0,13 0,64 1,21 0,67 0,25
Salaire nominal ........................................... 0,10 0,61 1,82 2,56 3,54
Salaire réel .................................................. – 0,03 – 0,03 0,61 1,91 3,35
Termes de l’échange ................................... 0,02 0,10 0,14 – 0,02 – 0,17
Capacité de progrès technique
Indice d’innovation technologique ............. 0,00 0,05 0,43 1,25 2,29
Indice de diffusion technologique ............... 0,01 0,12 0,60 1,35 2,30
Qualité des biens
Indice de qualité moy. du panier de cons. ... 0,00 0,05 0,38 1,07 1,90
Indice d’efficacité des biens d’invest. ......... 0,00 0,13 0,71 1,81 3,50
Émissions de CO2 ....................................... – 1,20 – 6,03 – 12,43 – 14,15 – 16,04
% de subvention à la R&D .......................... 4,09 18,12 30,00 30,00 30,00

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Revue économique — vol. 56, N° 5, septembre 2005, p. 1089-1106


Revue économique

Tableau 4. Les résultats sectoriels pour la production et les exportations en 2020


dans les cas progrès technique endogène
(% d’écart au compte central)

Production Exportations
TS TCS TRD TS TCS TRD

Agriculture .......................................... – 0,45 – 0,20 0,08 1,05 – 1,62 0,69


Charbon ............................................... – 33,21 – 34,42 – 34,15 – 3,89 – 26,35 – 22,71
Pétrole ................................................. – 3,91 – 3,59 – 3,28 – 1,92 – 1,19 – 0,03

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Gaz naturel .......................................... – 8,21 – 7,89 – 7,59 – 17,77 – 9,39 1,85
Électricité ............................................ – 7,46 – 7,11 – 6,78 – 9,88 – 11,08 – 6,27
Métaux ................................................ – 6,75 – 8,70 – 7,00 – 9,07 – 10,11 – 9,23
Chimie ................................................. 0,00 – 1,34 1,32 – 0,57 – 1,81 3,11
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Autres industries Intérieur en énergie . – 0,40 – 0,79 0,05 – 1,80 – 1,18 0,71
Biens électriques ................................. 1,68 0,83 3,16 3,54 1,63 6,45
Équipements de transport .................... 2,23 1,14 3,76 3,85 1,36 6,11
Autres biens d’équipement ................. 2,00 0,64 2,88 2,79 1,16 4,93
Biens de consommation ...................... 0,60 0,44 1,83 3,03 – 0,01 2,56
Construction ........................................ – 0,75 – 0,05 0,21 4,29 0,33 2,78
Télécommunications ........................... – 0,85 0,97 1,68 5,31 0,50 4,01
Transports ........................................... – 1,99 – 2,35 – 1,61 – 3,61 – 3,30 – 3,13
Crédit et assurance .............................. – 0,55 0,56 0,81 4,17 0,60 1,32
Autres services marchands .................. – 0,87 0,31 0,97 5,64 0,24 – 0,08
Services non marchands ...................... – 0,59 0,35 0,56 2,58 0,58 1,27
TS : Taxe non recyclée, TCS : Taxe recyclée par une baisse des cotisations sociales employeurs, TRD : Taxe recy-
clée par une aide à la R&D et une baisse des CSE.

Enfin, les améliorations de 3,5 % de la qualité des biens d’investissement et


de 1,9 % de celle des biens de consommation contribuent également au renfor-
cement des gains de compétitivité, avec une augmentation des exportations de
1,87 %.
Cette politique combinant à la fois une aide à la R&D, une taxation sur le CO2
et une baisse du taux de cotisations sociales des employeurs permet ainsi de
renforcer le résultat précédent sur le double dividende emploi-environnement,
avec la création d’environ 1 500 000 emplois supplémentaires ; elle permet
également d’annuler totalement le coût de la taxation pour les entreprises et les
ménages, en raison de gains nets de PIB et de consommation très importants.
Ces résultats agrégés pour l’Europe dissimulent cependant le fait que les
secteurs énergétiques et ceux intensifs en énergie continuent à être lourdement
pénalisés (cf. tableau 4), ce qui doit conduire à envisager de nouveaux modes de
redistribution pour ces secteurs : des aides à la R&D ciblées vers eux ou des aides
à l’investissement qui leur permettraient de bénéficier davantage des retombées
positives des innovations, en accélérant le renouvellement de leurs capacités de
production.

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CONCLUSION

Nous avons présenté dans cet article un mode d’intégration, dans le modèle
d’équilibre général GEM-E3-Europe, d’un module de progrès technique endo-
gène s’appuyant sur les avancées récentes de la littérature scientifique : le
progrès technique est endogénéisé sur la R&D ; l’innovation qui en résulte prend
les deux formes d’amélioration de la productivité globale des facteurs et
d’amélioration de la qualité ; les transferts de connaissances dus à l’innovation
sont pris en compte par l’intermédiaire de matrices d’échanges technologiques.

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L’utilisation de ce nouveau modèle pour l’évaluation des politiques classiques
de lutte contre le changement climatique permet de déduire que l’endogénéisa-
tion du progrès technique allège le coût de ces politiques, à la fois en terme de
PIB et d’emploi. Cet allègement peut aller jusqu’à 50 % dans le cas où les coûts
initiaux supportés par les entreprises sont les plus élevés, c’est-à-dire dans le
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scénario d’une taxe non redistribuée, ou de celui de permis d’émissions mis aux
enchères.
Dans le débat initialisé par Nordhaus sur les effets du progrès technique induit
par les politiques de l’environnement, nous avons un point de vue relativement
optimiste. Par rapport au modèle à progrès technique exogène, où les firmes ne
répondent que par des substitutions factorielles aux pénalités sur le carbone, les
entreprises étendent ici leurs réponses à la R&D et à l’innovation, ce qui leur
permet de gagner en compétitivité. En ce sens, le progrès technique formalisé ici
améliore nécessairement la performance des entreprises ; on s’écarte de la vision
de Nordhaus dans laquelle le progrès technique induit par les politiques de
l’environnement n’est pas neutre et « évince » un progrès technique favorable à
la performance économique.
Enfin, l’endogénéisation du progrès technique dans un modèle appliqué
permet d’étendre le champ des politiques qu’il est possible d’étudier à celles
axées sur la recherche et l’innovation. En recyclant en partie par une aide à la
R&D le produit de la taxation sur le CO2, ou si l’on veut le produit de la vente
aux enchères de permis d’émissions négociables, on peut améliorer substantiel-
lement le dividende d’emploi et de croissance, ce qui prouve au passage que le
système fiscal peut être amélioré.
Il reste que les résultats présentés dans cet article doivent être nuancés et
réévalués à l’aide d’un modèle décrivant plus finement les incidences économi-
ques de l’innovation technologique, avec introduction d’un progrès technique
non neutre qui permettrait de prendre en compte les effets d’éviction avancés par
Nordhaus entre différents types de progrès technique ; c’est le travail qui est
aujourd’hui réalisé sur le modèle GEM-E3-Europe.

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