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ENTREPRISE ET INNOVATION : DE SCHUMPETER AUX QUESTIONS

ACTUELLES

François Martou

De Boeck Supérieur | Reflets et perspectives de la vie économique

2005/1 - Tome XLIV


pages 107 à 113
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ISSN 0034-2971

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Pour citer cet article :


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Martou François, « Entreprise et innovation : de Schumpeter aux questions actuelles »,
Reflets et perspectives de la vie économique, 2005/1 Tome XLIV, p. 107-113. DOI : 10.3917/rpve.441.0107
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Entreprise et innovation :
de Schumpeter aux questions actuelles
François Martou*
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Abstract – The questions about corporate governance and « affairs » such as Enron,
Vivendi… are echoing a series of questions about the firm in the economic theory.
Walras and general equilibrium differ from Schumpeterian views and the conflict
between shareholders and management was already discussed by Bearle and Means
in the 1930s. The regulation of firms in the purpose of corporate social responsibility
needs more than ethics. What can be the role of law, trade unions, society in the crisis
of confidence of the « agency » and the « principal »?
Keywords – Firm, Schumpeter, capitalism, corporate governance, shareholder value,
European social model.

« Je crois que le capitalisme de marché est le meilleur système économique jamais


inventé pour la création de richesse ; mais il doit être honnête, il doit être régle-
menté, il doit être éthique. Les excès des dernières années montrent des échecs
dans les trois domaines. Seuls les capitalistes peuvent détruire le capitalisme1. »
Tel était le diagnostic d’un observateur avisé, Félix Rohatyn, fin novembre 2002.
Ce diagnostic des errements actuels conduit d’abord à un retour en arrière sur les
conceptions de l’entreprise et de l’entrepreneur. Encore faudra-t-il préciser ce que
veut dire honnête, réglementé et éthique.

1 ENTREPRISE ET ENTREPRENEUR :
QUELQUES JALONS D’UNE HISTOIRE
CONTRADICTOIRE
La première conception classique de l’entreprise vient d’une vision walrasienne de
l’équilibre général : un entrepreneur ne faisant ni bénéfice ni perte. Cette vision

* François MARTOU est professeur émérite de l'Université catholique de Louvain et président du


Mouvement ouvrier chrétien (MOC).
1. Félix ROHATYN, “From New York to Bagdad”, New York Review of Books, Novembre 2002.

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FRANÇOIS MARTOU

négative et statique vient d’une construction hypothétique du tâtonnement et de la


concurrence basée sur des conceptions peu réalistes de l’entreprise : produit
homogène, information parfaite, pas de barrière à l’entrée, etc.
La vision dynamique du progrès et de l’entreprise amenée par Schumpeter
vise à dépasser le système néoclassique en intégrant à sa formation marginaliste la
compréhension des analyses de l’école historique et du marxisme2. Dès 1959,
Dupriez, disciple de Schumpeter à Harvard, explique que l’on ne peut plus ana-
lyser l’entreprise dans un état donné de technique et d’organisation3. Ensuite,
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l’École de Louvain, avec notamment Philippe de Woot et Alexis Jacquemin, déve-

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loppera une approche de l’économie industrielle faite de pouvoirs et de responsa-
bilités.
Les grappes d’innovations expliquent les mouvements longs de Kondratiev
qui modèlent la croissance à long terme de la société. Le moteur de l’innovation
est l’entrepreneur. Cet entrepreneur rétablit le primat du capital productif face à la
financiarisation de l’économie.
On oublie que Schumpeter diagnostique des contradictions dans le dévelop-
pement du capitalisme4. La concentration croissante et la culture d’une société de
consommation vont engendrer un climat d’hostilité aux grandes entreprises.
L’évolution routinière du processus d’innovation et l’antagonisme socioculturel
vont provoquer le « crépuscule » de l’entrepreneur d’après Schumpeter dans
Capitalisme Socialisme et Démocratie.
Dès 1932, apparaît une troisième catégorie d’analyse qui nous rapproche des
problèmes actuels. Bearle et Means montrent la distinction croissante entre pro-
priétaires (principal) et manager (agent). La professionnalisation du management
et la maximisation du profit à court terme par l’actionnaire peuvent entraîner un
divorce sur la conception de l’entreprise. Ce ne seraient plus les AG ni même les
CA qui jugeraient la qualité des gestionnaires mais le cours de la Bourse. Conflits
d’intérêts et distinction entre « Shareholder Value » et « Stakeholder Value » appa-
raîtront progressivement dans la littérature. On n’a pas assez retenu les considé-
rations et conséquences des travaux de Stiglitz sur l’asymétrie d’information.
Une quatrième catégorie d’analyse et de comportement viendra du courant
« corporate finance ». En 1959, le théorème Modigliani–Miller révolutionne la
science financière en soutenant que la structure des finances d’une entreprise ne
devrait pas avoir d’impact sur sa valorisation. Ceci impliquerait que le dividende est
indifférent pour les investisseurs. La « corporate finance » valorisera l’efficience
des marchés et poussera les managers aux programmes de fusions-acquisitions,
aux stocks options et au soutien des cours de bourse, au détriment de l’efficacité
du « vrai bénéfice et des dividendes ».
Un cinquième courant se développe à partir de 1985 et de l’ouvrage de
Williamson, The Economic Institutions of Capitalism. Il développe l’économie des
coûts de transactions, la théorie des contrats et des incitants … et la « corporate

2. SCHUMPETER Joseph A., Histoire de l’analyse économique, Paris, Gallimard, 1983, p 201.
3. DUPRIEZ Léon H., Philosophie des conjonctures, 1959.
4. SCHUMPETER Joseph A., Capitalisme Socialisme et Démocratie, Paris, Payot, 1961.

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gouvernance ». Chandler5 saluera son ouvrage comme le meilleur depuis ceux de


Schumpeter pour comprendre l’évolution des institutions modernes. Dans sa
recherche de l’efficacité des fins et des objectifs, Williamson remarquait « des
sacrifices d’efficacité qui sont opérés volontairement et en connaissance de
cause ». Et il ajoutait de manière prémonitoire : « Ces risques de sous-optimisation
et les besoins de contrôle de la véracité sont similaires aussi bien dans les sys-
tèmes socialistes que capitalistes. »
Cette superposition de cinq approches différentes ouvre l’esprit, la recherche
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et l’enseignement à la complexité de l’entreprise. Les enjeux de profits et de pro-

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duction croisent ceux de l’emploi, de l’investissement, des conflits des divers pou-
voirs (managers, actionnaires) et des asymétries d’information.

2 LES ANNÉES 1990 :


EXUBÉRANCE IRRATIONNELLE ET CRISES
« Des dirigeants déjà grassement rétribués ont utilisé pour s’enrichir personnelle-
ment l’information dont ils disposaient, alors même qu’ils exhortaient leurs salariés
à se serrer la ceinture et à conserver l’argent de leur retraite en actions de la
compagnie6. » Si un Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, a écrit une phrase
aussi forte, c’est que le système était en danger.
Après Enron, Vivendi, Worldcom, Ahold, Lernout et Hauspie ou Parmalat, il est
difficile de conclure à la fin de l’histoire (à la suite de Fukuyama) que serait le
modèle anglo-saxon de démocratie et de marché. La corruption, les conflits
d’intérêts, les manipulations de l’information n’ont pas été les méfaits uniquement
des dictatures ou des bureaucraties publiques. L’hystérie libérale des années
1990 n’a eu qu’un rêve face à la chute du modèle soviétique : supprimer l’État, les
syndicats, les règlements, les contrepouvoirs, etc. Le consensus de Washington a
fait croire au monde qu’il fallait confier à la concurrence et privatiser l’eau, l’électri-
cité, la sécurité des aéroports, la santé, etc. On a privatisé 1500 contrats de ges-
tion d’eau dans le tiers monde au profit d’Enron, Vivendi, Suez, etc., avec les
problèmes que l’on a connus. Aujourd’hui encore, un milliard 500 millions de per-
sonnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le tiers monde7. Il y a donc lieu de
porter des remèdes à ces crises, qui heureusement n’ont pas créé un chaos
général mais obligent de diagnostiquer quelques problèmes centraux à la
« corporate gouvernance ».
Le critère de fonctionnement principal, le profit, a posé problème. Maximiser le
profit vise-t-il la plus-value sur le cours de bourse, le dividende, le bénéfice à long ou
à court terme ? Quels que soient les liens entre ces quatre objectifs, la maximisation
de n’importe lequel d’entre eux contre les trois autres entraîne des conséquences

5. CHANDLER A., Stratégie and Structure, Mass. MITpress.


6. STIGLITZ, J., Quand le Capitalisme perd la tête, Paris, Fayard, 2003.
7. MARTOU F., L’eau, le bien commun et la gouvernance, Discussion page, Université du Bien Com-
mun, Porto Alegre, 2003.

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fort différentes pour la gestion de l’entreprise. Les bénéfices de court terme et les
plus values ont été survalorisés par rapport aux perspectives de long terme.
Parallèlement, la rémunération des dirigeants a aussi joué un rôle fort impor-
tant pour perturber la question soulevée ci-dessus. Pour éviter l’antagonisme
entre l’agent (manager) et le principal (actionnaire), on a distribué des stocks
options aux managers pour qu’ils participent et soient surtout incités aux mêmes
objectifs que l’actionnaire : augmenter la valeur de l’entreprise. Si l’on s’en tient à
la liste de la revue Fortune des plus importantes entreprises du marché en 1980, le
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dirigeant moyen gagnait 40 fois plus que la personne moyenne qui travaillait pour

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lui. L’an dernier, en 2003, c’était 530 fois plus, vous avez bien lu cinq cent trente
fois, alors qu’il n’y a pas de relation entre la profitabilité à moyen terme d’une entre-
prise et la rémunération de ses dirigeants8. Comment mettre fin à ces abus ? La
surveillance des entreprises est-elle faite par les conseils d’administration, les ana-
lystes financiers, les auditeurs-réviseurs, les banques d’affaires, les marchés finan-
ciers, les actionnaires de références ou l’éthique des managers ?
Cette question centrale n’a plus de réponse simple si ce n’est le résumé de
J.K. Galbraith : le régime de pouvoir actuel est caractérisé par l’abus de pouvoir
des managers. On ne peut en rester là si l’on ne distingue pas le modèle anglo-
saxon des grandes entreprises et de la bourse du modèle européen et des petites
et moyennes entreprises familiales. Dans le modèle anglo-saxon et la bourse, ce
ne sont pas les actionnaires qui contrôlent directement les managers. Les ana-
lystes financiers et les institutionnels, tels que les fonds de pensions, donnent les
indications à la bourse pour sanctionner en bien ou en mal les actions des entre-
prises et donc les managers qui les dirigent. Les années 90 ont montré que le
marché pouvait être trompé par la collusion des managers, des administrateurs
« indépendants », des réviseurs, des banques d’affaires et des analystes finan-
ciers. La justice, au sens des tribunaux, reste le dernier recours mais elle est lente
et les amendes sont souvent payées in fine par l’actionnaire et le client.
Le modèle social européen n’est pas que rhénan, il est aussi scandinave et
montre une ambivalence de résistance et d’adaptation au modèle anglo-saxon.
Rappelons d’abord que si l’on additionne la création de valeur ajoutée et de pro-
tection sociale, la Finlande, la Suède et le Danemark sont non seulement les pays
les mieux classés en Europe mais aussi dans le monde. Le contrôle par des action-
naires familiaux ou institutionnels fait partie de notre histoire de même que la
cogestion ou le contrôle des travailleurs comme contre pouvoir.
Ces derniers années, les problèmes européens de l’entreprise ont d’abord eu
pour origine les pratiques anglo-saxonnes. L’Europe, ses dirigeants, ses univer-
sités, etc. doivent retrouver une conscience fière du modèle social européen à
créer, plutôt que de suivre par mimétisme le modèle anglo-saxon.

8. Financial Times, 24 août 2004.

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3 DÉBAT ET SOLUTIONS
Le demi-siècle écoulé a vu cohabiter ou s’affronter trois modèles de
développement : communiste, social démocrate et capitaliste libéral. La crise a
touché les trois modèles de société de manière différente.
Le premier n’a pu assurer, par le communisme, ni la liberté ni la prospérité. Le
deuxième, social démocrate, a combiné une forte productivité avec un haut niveau
de protection sociale et le développement de liberté publique. Il a contre lui d’être
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coûteux et de ne pouvoir subsister qu’avec un haut niveau de cohésion sociale et

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de civisme. Quant au troisième modèle, le capitalisme libéral, on a pu croire avec la
chute du mur de Berlin qu’il demeurait le seul. Ce fut pourtant le moment où, privé
de son ennemi, il commença à donner des signes de faiblesse. Miné de l’intérieur
par les questions soulevées plus haut, il a fait croire, après le 11 septembre 2001,
qu’il était attaqué de l’extérieur.
Cela permettait de faire appel aux valeurs morales dans la sphère privée et à
un modèle autoritaire dans la sphère publique et internationale. Si l’on veut se pen-
cher sur l’entreprise contemporaine, la ligne du capitalisme libéral montre ses
limites mais les réformismes du centre et de gauche doivent prouver leur volonté
de réformes et leur efficacité.
Trois perspectives cohabitent et parfois s’affrontent : l’autorégulation par
l’éthique de la responsabilité, la régulation par la société et l’équilibre des pouvoirs,
contre-pouvoirs et règlements, la régulation par l’État et la Loi.
L’éthique n’implique pas uniquement l’autorégulation, il va sans dire que
l’éthique permet d’éclairer les principes et les comportements et n’implique nulle-
ment le renvoi uniquement aux agents décentralisés et aux responsables mais
peut aussi éclairer l’intervention de l’État, des syndicats, de la société civile, etc.
L’éthique protestante avait permis depuis le 17e siècle d’associer mérite, profit et
vertu.
Les questions actuelles, en opposant profit à court terme et à long terme,
opposent quelque chose de facilement mesurable, le court terme (si les comptes
ne sont pas trafiqués) et quelque chose de plus difficile à mesurer, le long terme. Il
s’agit d’associer la plus-value au dividende à court terme à d’autres objectifs :
l’emploi, le développement durable, l’entreprise citoyenne, etc.
Comment conjuguer « Shareholder » et « Stakeholder » value avec
« Corporate Social Responsibility » ? Le profit à court terme des entreprises pro-
ductives de tabac, d’alcool, de médicaments, de soft drinks peut mettre à mal la
santé publique. Que dire alors des armes, du marché noir ou des escroqueries
financières pour l’équilibre social ? La transparence doit aussi clarifier les rémuné-
rations et les responsabilités afin de lutter contre les conflits d’intérêts et la corrup-
tion par les rémunérations.
L’autorégulation serait renforcée par le développement de code des profes-
sions et d’agence de notation sociale et éthique et devrait développer le contrôle
par le marché d’autres critères que les profits financiers. Le cours de Bourse
devrait aussi sanctionner les entreprises non éthiques et non socialement respon-
sables. C’est donc l’influence de l’information sur les aspects éthiques qui permet-

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trait au marché de pondérer les valeurs des entreprises en fonction de ces critères
et aussi de sanctionner les comportements. On notera dans cette perspective les
labels éthiques donnés par des agences comme ETHIBEL et le travail de notation
sociale développé par VIGEO, l’entreprise lancée par Nicole Notat (ancienne
secrétaire générale de la CFDT en France). Dans la perspective de l’autorégulation,
notons aussi la rédaction de codes de bonne conduite de la « Corporate
Gouvernance » du type la commission LIPPENS en Belgique.
Cette vision de l’autorégulation par le marché rencontre trois types de criti-
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ques. La première vient d’un ultra défenseur du marché lui-même Milton

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Friedman : « Peu d’évolutions pourraient miner aussi profondément les fondations
de notre société libre que l’acceptation par les dirigeants d’entreprise d’une res-
ponsabilité sociale autre que celle de faire le plus d’argent possible pour les
actionnaires9. » La seconde critique vise une conception anglo-saxonne du
marché sans actionnaires de référence ou majoritaire, sans contre-pouvoirs tels
que la cogestion et les conseils d’entreprise. C’est ainsi que le rapport LIPPENS
est critiqué par des dirigeants d’entreprises belges cotées, telles que KBC,
COLRUYT, etc. pour la non-reconnaissance du modèle social européen et notam-
ment des actionnaires de référence et majoritaire et le poids exagéré donné aux
administrateurs « indépendants » qui ne le seraient pas autant qu’on le dit. La troi-
sième critique est que l’entreprise devienne de la sorte moins citoyenne, sans la
pression de la législation, des conventions collectives ou des syndicats.
Une autre question, posée par Gérard Fonteneau, est celle de la place du sys-
tème normatif de l’organisation internationale du travail (OIT) et des organisations
syndicales face à la libéralisation de l’organisation mondiale du commerce et du
consensus de Washington avec le FMI et la Banque Mondiale10. Dans le débat sur
la globalisation et le contrôle des entreprises, l’Europe doit faire entendre sa voix et
mieux organiser un modèle de développement durable et de concertation qui cor-
rige les faiblesses et la myopie de l’économie de marché. Dans ce modèle, l’État et
la législation ne sont pas seuls acteurs face au marché. Pour l’instant, la place que
l’autorité publique devrait occuper est fort lacunaire. Les principales dispositions
que la loi et les règlements devraient régler concernent principalement quelques
déviations dans le système de surveillance de l’entreprise et des managers.
Parmi les réformateurs, le premier point à régler par la loi serait les conseils
d’administration et les administrateurs indépendants. En interdisant de choisir
comme administrateurs indépendants les membres de comité directeur d’autres
entreprises, de banques et de banques d’affaires, on diminuerait la cooptation et
donc le manque d’indépendance des indépendants11. Il faut rendre aux conseils
d’administration le rôle de contrepouvoir au manager.
En ce qui concerne les rémunérations des managers, il y aurait lieu de rendre
obligatoire la comptabilisation de tous les avantages du manager et donc aussi les

9. FRIEDMAN Milton, Capitalisme et liberté, Paris, Laffont, 1971.


10. FONTENEAU Gérard, « Responsabilité sociale des entreprises : simple effet cosmétique ? », Dé-
mocratie n° 1819, Bruxelles, septembre 2003.
11. DE KEULENEER Eric, « Aspects éthiques de la surveillance des entreprises par le marché et les
fusions acquisitions », in L’entreprise surveillée, Bruxelles, Bruylant, 2003.

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stocks options. Il faudrait aussi supprimer l’avantage fiscal d’ailleurs bricolé par les
stocks options mais surtout valoriser le lien entre rémunération, bénéfice et divi-
dende.
En ce qui concerne les bénéfices et les plus-values, il y aurait lieu d’égaliser le
régime fiscal des dividendes et des plus-values. La loi et la fiscalité doivent encou-
rager le bénéfice, le dividende et le rôle citoyen de l’entreprise et non les plus-values.
En conclusion, il y a lieu d’insister sur l’importance des réformes. Conjuguer la
voie de l’éthique, de l’autorégulation, de la législation et du contrôle par les syndi-
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cats et la société est sans doute la voie la plus complexe mais la plus réaliste. Mais

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le travail est long pour que la production éthique, réglementaire et intellectuelle ne
soit pas coincée par un débat asymétrique. Il y a donc beaucoup à faire dans le
monde de la recherche (Universités, Business Schools), d’une part, dans le monde
des actionnaires, des syndicats et de la société civile et politique, d’autre part.
Sauver l’efficacité et l’équité de notre système économique et social est une tâche
enthousiasmante et exigeante.

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