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TAUX DE CHANGE ET SOUTENABILITÉ EXTÉRIEURE

Un modèle dynamique

Yannick Bineau, Bernard Dupont

Presses de Sciences Po | « Revue économique »

2004/4 Vol. 55 | pages 675 à 688


ISSN 0035-2764
ISBN 2724629809
DOI 10.3917/reco.554.0675
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-economique-2004-4-page-675.htm
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Taux de change et soutenabilité extérieure
Un modèle dynamique

Yannick Bineau*
Bernard Dupont**

L’article étudie la politique de change qu’une économie doit adopter en pré-


sence de déséquilibres extérieurs susceptibles d’affecter la soutenabilité de sa
dette extérieure. Un modèle macro-dynamique de croissance contrainte par la
balance des paiements, dans lequel les revenus et les flux de capitaux internatio-
naux jouent un rôle fondamental, est présenté. L’article montre que les évolutions
des actifs extérieurs nets sont non linéaires et sensibles à l’environnement écono-
mique dans lequel les dettes sont contractées. Ainsi, le problème de la soutenabi-
lité extérieure de pays ayant des engagements excédant leurs avoirs appelle des
solutions au cas par cas. Une politique d’appréciation ou de dépréciation du change
doit éminemment tenir compte des valeurs prises par les élasticités du commerce
extérieur.

EXCHANGE RATE AND EXTERNAL SUSTAINABILITY:


A DYNAMIC MODEL
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This paper aims to study the way in which an economy must choose its
exchange rate policy, in the case of external unbalance which in turn may affect
external debt sustainability. A macro-dynamic external growth model can be pre-
sented when real income and international capital flows exert a fundamental
influence. The main result is that the dynamics of external net claims are non linear
and very sensitive to the economic context in which external debts are contracted.
For endebted countries, external sustainability needs appropriate solutions that will
vary depending on their specific characteristics. In particular being able to appre-
hend any policy based on a rise or fall in the exchange rate will by definition include
the variables imposed by foreign trade elasticities.

Classification JEL : E40 ; F21 ; F31 ; F44.

* MÉDEE, Université de Lille 1, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, France. Courriel :


yannick.bineau@univ-lille1.fr (auteur correspondant).
** MÉDEE, Université de Lille 1, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, France. Courriel :
bernard.dupont@univ-lille1.fr.
Les auteurs remercient les participants de la conférence Vers des zones monétaires régionales,
(CEPAL, Santiago, Chili, 2002), et des XIXe Journées internationales d’économie monétaire et
bancaire, (GATE, Lyon, 2002), ainsi que deux rapporteurs anonymes, pour leurs commentaires et
suggestions sur une version antérieure de cet article. Les auteurs demeurent responsables des éven-
tuelles insuffisances qui pourraient subsister.

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Revue économique

INTRODUCTION

La littérature contemporaine traitant des relations entre équilibre extérieur,


taux de change et dette extérieure est imposante. Sommairement, elle s’analyse
selon deux courants. Le premier que Corden [1991] qualifia de nouvelle vision
considère le solde courant comme un phénomène intertemporel (Obstfeld et
Rogoff [2000] ; Obstfeld [2000]). Les fondements microéconomiques de cette
vision de l’équilibre extérieur définissent le solde courant comme la somme
actualisée des variations anticipées de l’output net qui correspond au PIB domes-
tique net des consommations publiques et privées ainsi que de l’investissement.
Avec des marchés de capitaux efficients, tout déséquilibre courant dans une
petite économie parfaitement ouverte reflète alors les augmentations anticipées
de l’output net qui sont directement conditionnées par les choix des agents
économiques en matière d’épargne et d’investissement et par le taux d’escompte
exogène. Le déséquilibre extérieur qui s’assimile à un écart entre l’épargne et
l’investissement n’est pas préoccupant puisqu’il procède de plans intertemporels
d’agents rationnels lissant leur consommation sur plusieurs périodes. Cela ne
doit pas s’interpréter comme le signal d’une économie hors de son sentier d’équi-
libre, puisque les modifications de comportements conduisent au respect de la
contrainte extérieure intertemporelle indépendamment de la spécialisation inter-
nationale de l’économie.
Le second courant, bien que plus ancien, fait encore l’objet d’un vif intérêt
(Edwards [2001] ; Marquez [2002]). S’appuyant sur le modèle de Mundell-
Fleming, il définit le solde courant comme l’écart entre les exportations et les
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importations de biens et de services majorée des transferts et des flux nets des
facteurs. Ce courant est réticent à l’égard de tout déséquilibre, source d’endette-
ment extérieur et de dépréciation du taux de change. À croissance économique
donnée, une insertion inadaptée à l’échange international, une compétitivité
insuffisante au regard de la concurrence mondiale, synthétisées par les élasticités
du commerce international de biens et de services (le critère de Marshall-Lerner
et la courbe en J), favorisent le déséquilibre extérieur.
L’objectif de l’article est de revenir sur le lien qui existe entre la position exté-
rieure, le dynamisme économique et les évolutions du taux de change dans une
économie dont les engagements excèdent structurellement les avoirs en adoptant
ce second courant. Pour cela, nous développons un modèle qui s’inspire très
librement de la classe des modèles où le rythme de croissance est contraint par
la nécessité d’assurer constamment un équilibre des comptes courants dans la
lignée des travaux kaldoriens de Thirlwall [1979] et de Hussain et Thirlwall
[1982], dans lesquels les plans intertemporels de consommation des agents
économiques n’exercent aucun rôle d’ajustement des comptes extérieurs. Le
principal apport de notre modèle est de montrer que la politique économique, y
compris la politique de change, est le moyen disponible afin de faire face à un
déséquilibre extérieur puisqu’il montre que l’endettement extérieur résulte du
dynamisme économique. Toutefois, même en admettant une mobilité des capi-
taux, la politique économique peut s’avérer partiellement insuffisante pour
s’affranchir des pressions qu’exerce la contrainte extérieure sur l’économie, en
raison du déterminisme structurel lié aux choix d’orientation de la spécialisation
internationale antérieurement adoptés par l’économie. Ces conclusions tranchent
clairement avec les approches intertemporelles puisqu’elles confèrent aux struc-

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tures productives, à la spécialisation internationale et au dynamisme économique


une influence explicative prépondérante, absente dans ces analyses récentes.
Dès lors, la section suivante présente le modèle théorique. L’accent est mis
sur l’explication du rôle des capitaux internationaux dans la contrainte dyna-
mique de la balance des paiements, comprise comme l’annulation du solde à
financer dans un contexte de déséquilibre commercial. La troisième section
montre que la trajectoire des mouvements financiers est soumise à une loi non
linéaire. Une typologie des dynamiques possibles pour une économie structurel-
lement débitrice est développée. La quatrième section évalue alors les consé-
quences d’une modification du change nominal suivant le contexte dans lequel
la dette extérieure a été contractée et menace de devenir insoutenable.

STRUCTURE DU MODÈLE

Le modèle macro-dynamique se concentre sur une économie dont les perfor-


mances, principalement le taux de croissance du produit intérieur, sont condi-
tionnées par la contrainte d’annulation du solde à financer de la balance des
paiements. Le reste du monde est une entité homogène qui impose ses caracté-
ristiques de manière exogène. L’horizon temporel retenu est le moyen terme.
Les caractéristiques d’insertion sur les marchés mondiaux restent fixes et les
paramètres de compétitivité sont invariables. Le taux de couverture est alors
tenu pour constant. Enfin, les prix domestiques et étrangers peuvent varier sous
la condition que le différentiel d’inflation entre la nation et l’extérieur reste
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constant.
La forme structurelle comprend quatre équations. Les deux premières endo-
généisent les taux de croissance des exportations et des importations de marchan-
dises, biens et services. La troisième exprime la condition de constance du taux
de couverture à moyen terme. La dernière fournit l’expression de la contrainte
dynamique de la balance des paiements1.
Le taux de croissance des exportations en volume, noté ẋ t dépend de la crois-
sance étrangère, ż t, et des variations du taux de change réel pris à l’incertain, ṡ t .
L’élasticité-revenu des exportations α 0 et l’élasticité-prix des exportations α 1
sont des paramètres strictement positifs.
ẋ t = α 0 ż t + α 1 ṡ t (1)
Le taux de croissance des importations en volume, ṁ t , dépend positivement
du rythme de croissance domestique ẏ t , et négativement de ṡ t . L’élasticité-
revenu des importations est strictement positive, β 0 > 0. L’élasticité-prix des
importations est strictement négative, – β 1 < 0.
ṁ t = β 0 ẏ t – β 1 ṡ t (2)

1. Dans l’ensemble de l’article, les conventions suivantes sont adoptées. Les variables écrites en
majuscules correspondent à des niveaux, en valeur ou en volume. Les variables correspondantes en
minuscules sont les logarithmes népériens de leur valeur absolue. Les variables en minuscules
surmontées d’un point sont des taux de croissance instantanés (dérivées du logarithme népérien de
la valeur absolue des variables par rapport au temps). Les variables en minuscules surmontées de
deux points sont des accélérations instantanées.

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Revue économique

Par définition, le taux de couverture à la date t correspond au rapport des expor-


Xt
tations et des importations exprimées dans la même unité monétaire, T t = ----------- ,
St Mt
où X t et M t représentent respectivement les volumes des exportations et des
E t P te
importations et S t le taux de change réel à l’incertain. Ainsi S t = ----------
- où E t est
Pt
l’indice du taux de change nominal, P te l’indice des prix étrangers et P t l’indice
des prix domestiques. Un accroissement de S t s’interprète comme une déprécia-
tion du change réel. L’expression de l’évolution du taux de couverture est déduite
par dérivation logarithmique :

Ṫ t ⁄ T t = ẋ t – ( ṁ t + ṡ t )
Le taux de couverture est supposé constant à moyen terme. Le modèle
concerne alors des zones qui sont en moyenne importatrices nettes, exportatrices
nettes ou commercialement équilibrées sur une période donnée. Lorsque
T t = T, avec T ∈  +* , cela entraîne que Ṫ t = 0. L’équation précédente est
réduite à l’égalité du taux de croissance des exportations en volume à la somme
des taux de croissance des importations en volume et du taux de change réel :
ẋ t = ṁ t + ṡ t (3)
Autrement dit, à taux de couverture constant, le taux de croissance des expor-
tations est aussi égal au taux de croissance du solde commercial, qui lui n’a
aucune raison d’être constant.
La dernière équation du modèle présente la contrainte extérieure. Elle pose
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l’équilibre du solde à financer de la balance des paiements sur le moyen terme1.
Il se décompose en un solde de la balance courante et en une variation des avoirs
nets sur le reste du monde.
Le solde de la balance courante, B t, est la somme du solde de la balance
commerciale, BC t , et du solde des revenus de capitaux, RC t : B t = BC t + RC t.
Par définition, BC t est l’écart entre les exportations et les importations de
marchandises dans le même libellé monétaire, BC t = P t X t – E t P te M t , et les
revenus de capitaux proviennent de l’application du taux de rendement sur le
stock d’actifs nets : RC t = rP t F t, r étant le taux d’intérêt moyen et F t le
volume de l’actif total vis-à-vis du reste du monde. Les mouvements sans
contrepartie ainsi que les revenus du travail sont volontairement écartés en
raison de leur faible importance dans la balance des paiements tant en termes
bruts que nets et de leur faible variabilité. La balance courante s’écrit alors :
B t = P t X t – E t P te M t + rP t F t .
Le solde à financer représente aussi l’accroissement des avoirs nets sur le reste
du monde, notés B t = P t Ḟ t . Les avoirs qui sont retenus ne sont pas monétaires
et ne relèvent pas d’une logique spéculative, puisque l’horizon temporel retenu
dépasse le court terme. Dans cette optique, la contrainte de la balance des paie-
ments en niveaux et aux prix courants correspond bien à un solde à financer nul.

1. La définition du solde à financer selon la nomenclature du cinquième manuel de la balance


des paiements qui fut introduite en France à compter des résultats de 1997 somme la balance des
transactions courantes avec la balance en capital et la balance des investissements directs inclus dans
le compte financier de la balance des paiements.

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L’équilibre entre la balance courante et la variation de l’encours de la dette exté-


rieure donne : P t X t – E t P te M t + rP t F t = P t Ḟ t . En volume et en niveau, la
contrainte extérieure devient : X t – S t M t + rF t = Ḟ t.
Le cas rF t = Ḟ t correspond à une situation singulière où l’accroissement des
avoirs nets sur le reste du monde est toujours égal au solde des revenus de capi-
taux. Le taux de croissance de l’actif net est alors égal au taux d’intérêt. Les
entrées de capitaux correspondent à la rémunération de la créance sur l’extérieur.
À l’inverse, les sorties de capitaux correspondent au remboursement de la dette
extérieure. Ainsi, la balance commerciale est toujours équilibrée.

Pour ----t = f˙t ≠ r , la contrainte dynamique du solde à financer suivante est
Ft
déduite (le détail de la preuve est donné en annexe) :
f˙˙t 
Tẋ t – ( ṁ t + ṡ t ) + ( 1 – T )  f˙t – ------------
- = 0 (4)
 r – f˙  t
La forme structurelle du modèle comprend les équations (1), (2), (3) et (4)
pour les endogènes ẋ t, ṁ t, ẏ t et f˙t . Quelles sont les évolutions de ẏ t et de f˙t
quand les taux de croissance du revenu mondial et du change réel restent
constants : ż t = ż > 0 et ṡ t = ṡ ?

DYNAMIQUES DU PRODUIT INTÉRIEUR


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ET DE LA POSITION FINANCIÈRE

Selon ce modèle, les performances économiques restent entièrement détermi-


nées par l’environnement « réel ». Le rythme de la croissance domestique est
indépendant de la dynamique des flux internationaux de capitaux, du degré
d’intégration financière, donc de l’existence de flux compensateurs de capitaux
et de l’importance du déséquilibre courant. En revanche, la permanence d’un
déséquilibre commercial induit nécessairement des mouvements d’actifs finan-
ciers qu’il est possible de retracer précisément.
En introduisant (1) et (2) dans (3), l’expression suivante du taux de croissance
économique compatible avec la contrainte dynamique d’équilibre du solde
commercial est obtenue :
α 0 ż t ( α 1 + β 1 – 1 )ṡ t
ẏ t = ---------
- + ------------------------------------ (5)
β0 β0
La croissance réelle interne dépend de deux types de facteurs. Le premier
reprend les évolutions macroéconomiques liées à la croissance mondiale et au
taux de change réel. La croissance économique domestique s’intensifie si celle
du reste du monde s’accélère ou si le taux de change réel se déprécie. L’impact
de cette série de variables exogènes est nuancé par les effets des élasticités du
commerce extérieur. Décrivant les caractéristiques fondamentales de
l’économie, ces élasticités montrent que les écarts de croissance entre les nations
ne peuvent être incompatibles avec ce qu’impose le rapport des élasticités-
revenu du commerce extérieur. L’apparition de déséquilibres extérieurs sanc-

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tionne tout manquement à cette contrainte et vient perturber le dynamisme


économique interne. En outre, la dépréciation du taux de change réel n’est
susceptible d’affecter favorablement la croissance intérieure que si la somme des
élasticités-prix est strictement supérieure à l’unité, ce qui correspond à la condi-
tion de Marshall-Lerner.
À partir de (1), (2), (3) et (4), on obtient l’équation différentielle suivante,
valable pour f˙t ≠ r et dans laquelle on a posé ẋ = α 0 ż + α 1 ṡ :
ḟ˙t = ( f˙t – ẋ ) ( r – f˙t ) (6)
˙
Formellement, il s’agit d’une équation différentielle du premier ordre en f t , non
linéaire, dite équation de Riccati. En écartant le cas singulier où le taux d’intérêt est
juste égal au taux de croissance des exportations, elle admet pour solution :
r – ẋ
f˙t = ẋ + ------------------------------------------ (7)
r – f˙
1 + -------------0- e ( r – x˙) t
f˙ – ẋ 0
Une trajectoire-solution du rythme de croissance de l’actif net dépend sans
ambiguïté du taux d’intérêt et du taux de croissance des exportations. L’histoire
influence aussi cette dynamique non linéaire puisqu’elle est éminemment
sensible au taux de croissance initial de l’actif net, f˙0. Cette condition initiale
joue un rôle crucial dans la détermination de l’intervalle maximal d’existence de
la solution, qu’on notera I, et par conséquent de son intervalle d’existence écono-
mique. Les résultats sont les suivants1 :
1. Si f˙0 < min { ẋ, r }, alors I = ] – ∞ ; t * [ avec t * > 0. L’intervalle d’exis-
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tence pertinent pour l’analyse économique est : [0 ; t * [ .
2. Si { ẋ, r } < f˙0 < max { ẋ, r } , alors I =  . L’intervalle d’existence écono-
mique retenu est : [0 ; + ∞ [ .
3. Enfin, si f˙0 > max { ẋ, r } , alors I = [t * ; + ∞ [ avec t * < 0. L’intervalle
d’existence économique considéré est : [0 ; + ∞ [ .
La valeur de f˙0 conditionne la valeur du taux de couverture une fois pour
toutes. Les pays endettés dont les engagements excèdent initialement leurs
avoirs ( F 0 < 0 ) , sont exclusivement considérés. En effet, la résolution de cette
équation impose de nombreux cas de figure, puisqu’on peut considérer finale-
ment des nations qui sont débitrices, créditrices, voire à l’équilibre. Pour simpli-
fier, tous les cas relatifs aux nations créditrices et à l’équilibre ont été éliminés.
Deux grandes catégories de régimes dynamiques sont ainsi repérés. Les premiers
correspondent à ceux où l’économie bénéficie d’un désendettement progressif
de leur dette extérieure, jusqu’à son extinction totale. Les seconds caractérisent
une situation d’endettement extérieur croissant à taux constant, susceptible de
remettre en cause la soutenabilité extérieure.
L’économie peut envisager une extinction certaine de sa dette extérieure
malgré une situation initiale marquée par une position débitrice nette. La situa-
tion est la plus favorable lorsque le taux de croissance de l’actif net est négatif.
L’économie est alors nécessairement excédentaire et le taux de couverture est
supérieur à l’unité. Cet excédent commercial assure un financement satisfaisant

1. La démonstration est disponible à la demande auprès des auteurs.

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Yannick Bineau, Bernard Dupont

du service de la dette extérieure. Il s’ensuit des sorties nettes de capitaux qui


accompagnent l’excédent extérieur et favorisent la diminution relative de la dette
extérieure. Son encours se contracte et la dette extérieure s’éteint à la date t *
(fig. 1 et 2, trajectoires IV).
L’extinction de la dette extérieure s’envisage aussi même si le rythme de
croissance de la dette extérieure est, à l’inverse du précédent cas, positif. Il faut
toutefois qu’il demeure inférieur au taux d’intérêt. En effet, F 0 < 0 et 0 < f˙0 < r ,
alors Ḟ 0 – rF 0 > 0. Il faut dégager un excédent commercial pour équilibrer le
solde à financer X 0 – S 0 M 0 > 0, soit T > 1. À taux de couverture inchangé,
l’encours de la dette extérieure s’éteint automatiquement selon l’ampleur de
l’excédent commercial comparé au service de la dette extérieure, de son montant
initial et du taux d’intérêt. Si le taux de croissance des exportations, qui est égal
au taux de croissance du solde commercial, excède le taux d’intérêt, alors l’excé-
dent commercial croît plus vite que les intérêts dus. L’excédent courant qui se
reproduit de période en période amenuise régulièrement la dette extérieure. Son
taux de croissance s’engage sur une trajectoire décroissante qui tend vers – ∞. À
une certaine date t * la dette extérieure est éteinte (fig. 1, trajectoire III).
Mais si le taux de croissance du solde commercial est, à l’inverse du précédent
cas, plus faible que le taux d’intérêt, il pourrait sembler que la dette va inexora-
blement augmenter parce que le service de la dette excède le solde commercial.
Tout dépend en fait de l’ampleur initiale de l’encours de la dette qui conditionne
le service de la dette. Si les engagements extérieurs sont peu importants, surtout
si 0 < f˙0 < ẋ < r est vérifiée, alors malgré un taux d’intérêt élevé, l’excédent
commercial suffit pour payer les revenus du capital. Cela contribue à réduire le
service de la dette dans le futur. Les surplus commerciaux disponibles pour
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rembourser le principal de la dette augmentent à nouveau et à terme, la dette exté-
rieure s’éteint (fig. 2, trajectoire III).
Mais l’encours de la dette extérieure peut suivre une dynamique différente et
croître à un rythme constant, induisant finalement une élévation sans fin du taux
d’endettement externe de l’économie. Si le rythme de croissance initiale de la
dette extérieure est inférieure au taux d’intérêt, mais plus important que celui du
solde commercial ( ẋ < f˙0 < r ), les excédents commerciaux sont alors insuffi-
sants au regard des intérêts dus. Dès le départ, la dette se met à croître puisque
le solde commercial augmente moins vite que le solde de la balance des revenus
du capital. La dynamique transitionnelle du taux de croissance des actifs nets est
logistique. Dans un premier temps, l’insuffisance des excédents commerciaux
pour assurer le service de la dette alimente un endettement extérieur rapide.
Ensuite, le rythme d’endettement se ralentit au fur et à mesure qu’il se rapproche
du taux d’intérêt qui conditionne le montant du déséquilibre courant à travers le
poste des revenus du capital. La trajectoire de f˙t est toujours croissante. À
mesure qu’il converge vers la valeur r, le rythme de croissance, d’abord rapide,
se ralentit ensuite (fig. 2, trajectoire II).
Dès l’instant où le taux de croissance initial de la position débitrice est positif et
supérieur au taux d’intérêt, la dette extérieure va systématiquement croître. Cela
concerne les économies dont le commerce est structurellement déficitaire car
F 0 < 0 et f˙0 > r impliquent Ḟ 0 – rF 0 < 0, d’où X 0 – S 0 M 0 < 0, soit encore T < 1.
Les intérêts dus et les mauvais résultats de la balance commerciale se conjuguent
pour accroître les engagements vis-à-vis du reste du monde. Aucun mécanisme ne
vient enrayer cette progression en raison des caractéristiques de la spécialisation

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Revue économique

internationale et la dette explose. Asymptotiquement, elle croît à un taux constant


qui dépend de la situation initiale et de l’écart entre le rythme d’évolution du solde
commercial et celui du taux d’intérêt. Tout se passe alors comme si le taux de crois-
sance f˙t allait être aspiré vers la valeur de ẋ ou r qui est la plus élevée. Trois cas où
la dette extérieure augmente systématiquement sont à distinguer.
D’abord, le rythme de croissance de la dette extérieure va augmenter dès
l’instant où elle est initialement contractée à un taux d’intérêt réduit et plus faible
que le taux de croissance du déficit commercial ( r < f˙0 < ẋ ). Le nécessaire
financement du déficit commercial qui se creuse au taux ẋ alimente les augmen-
tations successives des engagements. La trajectoire du taux de croissance des
actifs nets est croissante, logistique et convergente vers la valeur asymptotique
ẋ (fig. 1, trajectoire II).
Un raisonnement similaire s’applique aussi à une situation initiale marquée
par une croissance de la dette supérieure à celle du solde commercial. La trajec-
toire de f˙t est maintenant strictement décroissante vers ẋ. Période après période,
le déficit commercial augmenté du service de la dette a un poids relativement
plus faible dans la dette globale. Le rythme d’endettement externe est excessif
au regard de la croissance du déficit commercial. Il doit se réduire en consé-
quence. La valeur de f˙t se stabilise à un niveau qui souligne le rôle prééminent
joué par la faiblesse de la spécialisation internationale sur l’accroissement des
dettes extérieures (fig. 1, trajectoire I).

Figure 1. Trajectoires de f˙t pour x˙ > r


.
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ft

.
x

II
r

O t

III
IV

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Enfin, dans un contexte de taux d’intérêt élevé et supérieur au rythme de crois-


sance des exportations, alors f˙t décroît régulièrement et tend vers la valeur
asymptotique r. La dette est essentiellement alimentée par les intérêts dus. C’est
le taux d’intérêt qui détermine finalement sa croissance (fig. 2, trajectoire I).
Deux résultats majeurs se dégagent de l’analyse. La croissance du produit intérieur
d’une économie débitrice nette dépend fondamentalement des caractéristiques de son
insertion sur les marchés mondiaux en termes de compétitivité-prix et de compétiti-
vité-hors prix. Ensuite, il n’est pas possible de dégager une loi d’évolution aussi
simple et générale pour ses engagements. La dynamique d’une position débitrice est
en effet largement conditionnée par le contexte dans lequel elle a été originellement
contractée. Soit la dette extérieure s’annule à une échéance plus ou moins brève, soit
elle augmente sans fin à un rythme de croissance qui tend vers une valeur qui est le
taux d’intérêt ou le taux de croissance des exportations. Le respect de la soutenabilité
devient crucial puisqu’il y a explosion de la dette extérieure à taux constant.

Figure 2. Trajectoires de f˙t pour x˙ < r


.
ft

r
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II
.
x

O t

III
IV

SOUTENABILITÉ EXTÉRIEURE ET POLITIQUE DE CHANGE

La position débitrice d’une nation est soutenable tant que les engagements
contractés ne sont pas remis en cause et n’obligent pas les autorités nationales à
modifier leur politique économique ou tant qu’une crise de change n’est pas

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Revue économique

inéluctable. Une telle définition (Milesi-Ferretti, Razin [1996] ; Lane, Milesi-


Ferretti [1999] [2000]) a donné lieu à de nombreux travaux empiriques portant
sur les comptes budgétaires domestiques et sur les comptes extérieurs (Husted
[1992] ; Liu, Tanner [1996] ; Wu et al. [1996]). La modification de politique
économique étant le critère clef, la soutenabilité extérieure s’évalue grâce à
l’économétrie en dégageant des indicateurs macroéconomiques1 afin de dater la
modification de politique économique ou d’évaluer la probabilité de réalisation
d’une crise de change.
Dans cet article, le concept de soutenabilité relève d’une condition asympto-
tique, afin d’insister sur le fait que la soutenabilité ou l’insoutenabilité sont géné-
rées et doivent être gérées dans des situations très diverses, essentiellement
marquées par le niveau du taux d’intérêt, le taux de couverture, les caractéristi-
ques de la spécialisation internationale – et donc les particularités de la compé-
titivité-prix et de la compétitivité-hors prix, et enfin le taux de croissance initial
de la dette. En croisant ces critères, une gamme de trajectoires possibles pour
l’évolution des dettes, entraînant des diagnostics différents, donc des mesures
spécifiques pour assurer la soutenabilité, est mise en évidence.
La position extérieure est soutenable si le ratio du montant de la dette au
F
revenu domestique, ------t-, se stabilise autour d’une valeur constante ou tend vers
Yt
0. La soutenabilité est acquise si lim ( f˙t – ẏ t ) = f˙∞ – ẏ ∞  0 et sera insoute-
t → +∞
nable si f˙ – ẏ > 0.
∞ ∞
Les taux de croissance du revenu mondial et du change réel étant supposés
exogènes et constants, la croissance asymptotique compatible avec la contrainte
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extérieure dynamique est elle-même constante d’après (5). À moyen terme, le
critère de soutenabilité est manifestement tributaire des variations du change réel,
donc de la politique et du régime du change et des variations de prix domestiques.
Les nations qui sont en mesure de dégager des excédents commerciaux à un
rythme constant devraient en principe parvenir à annuler leur dette initiale. Un
taux de couverture supérieur à l’unité est une condition nécessaire à l’extinction
de la dette, mais cela ne constitue pas pour autant une condition suffisante. En
effet, une économie structurellement excédentaire est marquée par un taux de
croissance initial de l’actif net qui est inférieur au taux d’intérêt ( f˙0 < ẋ et
f˙0 < r ), alors f˙∞ = – ∞. Cela entraîne que f˙∞ – ẏ ∞ = – ∞. La soutenabilité est
acquise et la dette extérieure s’annule. Mais si le taux de croissance initial de la
dette est plus élevé que celui du solde commercial, tout en restant inférieur au
taux d’intérêt, le ratio de l’encours de la dette sur le revenu domestique augmente
α 0 ż + ( α 1 + β 1 – 1 )ṡ
au taux f˙∞ – ẏ ∞ = r – ------------------------------------------------- . La soutenabilité n’est nullement
β0
garantie puisque le signe de cette expression ne s’impose pas.
Le problème de la soutenabilité se pose avec plus d’acuité pour les nations
structurellement déficitaires. La dette initiale ne peut que croître sous l’effet

1. Parmi les variables fréquemment adoptées lors de tests empiriques il est possible de citer, sans
exhaustivité, le taux d’endettement extérieur et la composition de l’encours, le taux d’exportations,
le régime de change, le niveau du taux de change réel, de l’épargne et de l’investissement, le solde
budgétaire, le taux d’intermédiation financière, le régime portant sur les flux du compte en capital, …

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Yannick Bineau, Bernard Dupont

conjugué des déficits commerciaux récurrents et des revenus du capital versés à


l’extérieur. La condition initiale étant que le taux de croissance initial de l’actif
net soit supérieur au taux d’intérêt, il convient de distinguer deux cas polaires
selon les valeurs prises par le rythme de croissance des exportations et le taux
d’intérêt.
Dans le premier cas, le contexte est marqué par le niveau élevé du taux
d’intérêt, soit formellement f˙0 > r > ẋ . Il s’ensuit une réduction du rythme de
croissance de la position débitrice vers la valeur asymptotique r. En régime
stationnaire, le ratio de l’encours de dette extérieure sur le revenu domestique
α 0 ż + ( α 1 + β 1 – 1 )ṡ
augmente au rythme f˙∞ – ẏ ∞ = r – ------------------------------------------------- . La dette extérieure est
β0
soutenable tant que la croissance compatible avec la contrainte extérieure excède
le taux d’intérêt. Plusieurs facteurs sont susceptibles de garantir ou de renforcer
la soutenabilité extérieure.
La forte croissance du revenu mondial exerce mécaniquement des effets
d’entraînement venant réduire le poids des engagements extérieurs. Ce premier
effet est renforcé ou au contraire réduit selon la valeur prise par le rapport des
α
élasticité-revenu du commerce extérieur. Plus le rapport -----0- est élevé, plus la
β0
soutenabilité externe est favorisée à la suite de l’intensification de la croissance
mondiale sur l’économie domestique.
Une stratégie active sur le taux de change réel, qui correspond à une politique
sur le change nominal, puisque le différentiel d’inflation demeure inchangé, se
présente comme un moyen d’assurer la soutenabilité extérieure et de réduire le
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poids des engagements extérieurs. Il est nécessaire de considérer les caractéris-
tiques de compétitivité-prix. Si la condition de Marshall-Lerner est vérifiée, la
politique de dépréciation du change favorise la réduction du poids de la dette
extérieure. En revanche, quand la condition de Marshall-Lerner est mise en
défaut, la dépréciation ou la dévaluation est totalement inopportune, et la poli-
tique de change doit garantir la parité des pouvoirs d’achat. Dans une perspective
de long terme, la soutenabilité extérieure est susceptible d’être assurée si des
ajustements structurels sont mis en œuvre, dont le contenu et l’ampleur dépen-
dent conjointement des élasticités-revenu du commerce extérieur et des différen-
tiels de croissance. Mais, à plus court terme, une politique d’appréciation du
change, éventuellement très vigoureuse, constitue une réponse alternative
adéquate au problème du poids des engagements extérieurs. Elle est susceptible
non seulement de compenser le poste des revenus du capital qui augmente à un
rythme important mais aussi de limiter les conséquences d’une insuffisante
compétitivité globale de l’économie. Tout manquement à cet objectif se traduit
à moyen terme par un gonflement sans frein du poids des engagements dans le
revenu national.
Dans le second cas, une nation déficitaire ( f˙0 > r ), qui contracte des
dettes à un taux d’intérêt faible ( r < ẋ ), subit une croissance asymptotique de
sa dette extérieure au même rythme que le solde commercial. En régime
stationnaire, le rapport des engagements extérieurs au revenu croît au rythme
1
f˙∞ – ẏ ∞ = ----- [ α 0 ( β 0 – 1 ) z˙ – ( α 1 + β 1 – 1 – α 1 β 0 ) s˙] . Le taux d’intérêt n’a
β0
aucune influence sur la soutenabilité extérieure dont les seuls déterminants

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Revue économique

sont les exogènes ż et ṡ ainsi que les valeurs des élasticités du commerce
extérieur. Le rôle des variations du change réel apparaît à nouveau crucial
puisque la croissance du revenu mondial est exogène.
Si la configuration des élasticités est telle que α 1 + β 1 > 1 + α 1 β 0 , la condi-
α0 ( β0 – 1 )
tion de soutenabilité est équivalente à ṡ  -------------------------------------------- - z˙. Une position
α1 + β1 – 1 – α1 β0
débitrice nette qui évolue de façon explosive demeure néanmoins soutenable si
la condition de Marshall-Lerner est très « largement » vérifiée, sous contrainte
de dépréciation du change réel, notamment par le biais d’une dépréciation du
taux de change nominal. Au contraire, si les estimations d’élasticités du
commerce extérieur indiquent que la condition de Marshall-Lerner augmentée1
est mise en défaut, ( α 1 + β 1 < 1 + α 1 β 0 ), alors la condition de soutenabilité est
α0 ( β0 – 1 )
vérifiée si et seulement si ṡ  --------------------------------------------
- z˙. Ce n’est plus la déprécia-
α1 + β1 – 1 – α1 β0
tion mais l’appréciation de la monnaie domestique qui apporte une réponse au
problème de la soutenabilité de la dette extérieure. Une nation adoptant cette
stratégie réduit en effet ses importations et finance plus aisément son poste des
revenus du capital.

CONCLUSION

L’article montre, à l’aide d’un cadre théorique qui se réfère aux modèles de
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croissance contrainte par la balance des paiements, que l’analyse de la soutena-
bilité extérieure doit s’effectuer en considérant les multiples contextes dans
lesquels l’endettement international est contracté. Le principal apport du modèle
résulte de l’introduction des mouvements de capitaux. Implicitement, l’hypo-
thèse d’endettement extérieur, par construction absente des présentations anté-
rieures de Thirlwall, est faite, ce qui permet de l’associer à la politique de change.
Ainsi, à moyen terme, le comportement de la dette extérieure dépend forte-
ment de variables sur lesquelles les autorités peuvent n’avoir qu’une emprise
faible comme le taux d’intérêt, le dynamisme du commerce extérieur, voire le
stock initial de dette et le rapport flux/encours de dette. Une configuration a
priori satisfaisante de ces variables n’est nullement la garantie d’une évolution
soutenable de la dette extérieure à cause des caractéristiques de la spécialisation
internationale de l’économie. Dans de nombreux cas, la dette a un profil explosif.
Les principales conclusions déduites sont différentes des enseignements stan-
dard selon lesquels les stratégies de réduction des importations associées ou non
à une relance des exportations permettent de restaurer l’équilibre extérieur. Une
nation structurellement excédentaire n’est pas à l’abri d’une dégradation de sa

1. Les travaux empiriques sur les estimations des fonctions d’exportation et d’importation du
commerce extérieur sont très divers. Leur interprétation et leur comparaison sont très délicates en
raison des échantillons, des séries et des fréquences temporelles et des techniques économétriques
utilisées qui diffèrent. Cependant, même en réalisant des comparaisons prudentes, ces travaux
permettent de mettre en avant de larges tendances dans les caractéristiques structurelles domestiques.
C’est le cas pour les élasticités du commerce extérieur.

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Yannick Bineau, Bernard Dupont

position extérieure si elle prend des engagements dans un contexte de taux


d’intérêt élevés ou si sa monnaie s’apprécie en termes réels alors que la condition
de Marshall-Lerner est remplie.
Une nation structurellement déficitaire est confrontée, quant à elle, aux caracté-
ristiques de son environnement économique et financier. Elle peut mettre à profit
une bonne spécialisation quand le niveau des taux d’intérêt est élevé. Le choix le
plus pertinent consiste à opter pour des spécialisations internationales assurant de
faibles élasticités-revenu des importations au regard des valeurs d’élasticités-
revenu des exportations. Mais sur le plan financier, la stratégie de change est condi-
tionnée par le critère de Marshall-Lerner de sorte que les marges de manœuvre de
certains pays apparaissent alors extrêmement réduites. Certains pays peuvent ainsi
adopter des stratégies de change que ce modèle montre inadéquates. C’est le cas
lorsque les politiques de dévaluation s’avèrent inadaptées au contexte des élasti-
cités-prix, alors que dans l’ensemble les élasticités-revenu sont défavorables.
La politique de change est tout aussi importante dans un contexte de taux
d’intérêt relativement faible. À cet égard, il permet d’avancer une explication
originale concernant les économies qui s’endettent et dont la monnaie nationale
s’apprécie en termes réels. Si les ajustements, tant des taux de change que des
comptes extérieurs, que certaines théories prédisaient ne se réalisent pas, il faut
en conclure que la condition de Marshall-Lerner augmentée n’est pas satisfaite.
Ces évolutions doivent alors s’interpréter comme un moyen dont disposent ces
économies pour assurer leur soutenabilité extérieure à moyen terme, compte tenu
des paramètres d’élasticité. Tout renversement de tendance sur les marchés des
changes risquerait de rendre insoutenable la dette extérieure de ces économies.
Ce dérapage ne pourrait être résolu qu’au prix d’ajustements structurels impor-
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tants, opérés dans un cadre temporel qui n’est pas repris dans ce modèle.

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ANNEXE

EXPRESSION DE L’ÉQUILIBRE DYNAMIQUE DE LA BALANCE DES PAIEMENTS

L’objectif est d’exprimer la contrainte extérieure en taux. Par dérivation de l’équation


du solde à financer X t – S t M t + rF t = Ḟ t , on tire : Ẋ t – Ṡ t M t – S t Ṁ t + rḞ t = Ḟ˙t . D’où,
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pour X t ≠ 0, M t ≠ 0, S t ≠ 0 et rF t ≠ Ḟ t :
r Ḟ t – Ḟ˙t
X t -----t – S t M t  ------t – ----t + ( r F t – Ḟ t ) -----------------
Ẋ Ṁ Ṡ
- = 0.
X t M S t t r F – Ḟ t t
Xt
En tenant compte du fait que T = ----------- et X t – S t M t = Ḟ t – rF t , on obtient la
St Mt
r Ḟ t – Ḟ˙t
nouvelle égalité : Tẋ t – ( ṁ t + ṡ t ) + ( 1 – T ) -----------------
- = 0.
r F t – Ḟ t
rḞ t – Ḟ˙t Ḟ
-. On a, en posant f˙t = ----t :
À présent, examinons -----------------
rF t – Ḟ t Ft

rḞ t – Ḟ˙t rḞ t ⁄ F t – Ḟ˙t ⁄ F t r f˙t – Ḟ˙t ⁄ F t


------------------ = ----------------------------------- -.
- = --------------------------
rF t – Ḟ t ( r – Ḟ t ⁄ F t ) r – f˙t
˙
)

 Ḟ  Ḟ˙ Ḟ 2 Ḟ˙
Comme  ----t  = ----t –  ----t , alors ----t = f˙˙t + f˙t2.
 t
F F t
 F t
 Ft
rḞ t – Ḟ˙t f˙˙t
- = f˙t – ------------
Il en résulte que : ----------------- -.
rF t – Ḟ t r – f˙t
L’équation de la balance des paiements en taux s’écrit bien :
f˙˙t 
Tẋ t – ( ṁ t + ṡ t ) + ( 1 – T )  f˙t – ------------
- = 0
 r – f˙  t

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