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CROISSANCE ÉCONOMIQUE
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Kangni Kpodar(**)
(*) Centre d’études et de recherches sur le développement international (CERDI), Unité mixte de recherche CNRS-Université
d’Auvergne
(**) CERDI et Fonds Monétaire International
E-mail: s.guillaumont@u-clermont1.fr
E-mail: kkpodar@imf.org
Les auteurs remercient pour leurs critiques et suggestions les participants aux Sixièmes journées du réseau « Analyse économique et
développement » de l’AUPELF-UREF, sur «Le financement du développement et la réduction de la pauvreté», tenues à Marrakech
les 4 et 5 mars 2004. Ils remercient aussi leur collègue Jean-Louis Combes pour ses conseils.
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d’investissement et une instabilité des prix relatifs (notamment du taux de change réel) qui
brouille les signaux de prix et entraîne une mauvaise allocation des ressources.
Ces hypothèses théoriques ont été testées à partir de deux équations, l’une expliquant
l’instabilité financière en fonction du niveau du développement financier et de variables
représentant le degré de surveillance bancaire et la situation macroéconomique, l’autre
expliquant la croissance, simultanément par le niveau et l’instabilité du développement
financier et par les variables de contrôle qui figurent habituellement dans les modèles de
croissance.
Ces deux équations ont été estimées séparément sur des données de panel, couvrant cent vingt et
un pays en développement sur la période 1966-2000, divisée en sept sous-périodes de cinq ans
chacune. La méthode d’estimation a été successivement les moindres carrés ordinaires avec
effets fixes, la méthode des moments généralisés en différences premières et en systèmes. La
principale difficulté a porté sur le calcul des variables d’intérêt. Deux indicateurs de
développement financier sont disponibles : le rapport au PIB, soit des actifs liquides, soit des
crédits accordés par les intermédiaires financiers (hors banque centrale et agences
gouvernementales) au secteur privé. Ces deux ratios n’ont pas la même signification. Le
premier prend en compte l’effet sur le développement de la monétarisation de l’économie
(réduction des coûts de transaction, effet de conduit à la McKinnon). Le second, parce qu’il
exclut le crédit au secteur public, représente plus précisément le rôle des intermédiaires
financiers dans le financement du secteur productif. Comme la corrélation entre ces deux
indicateurs du développement financier est élevée, ils ont été utilisés alternativement. À chacun
d’eux est associé un indicateur d’instabilité. Il s’agit de la moyenne, calculée sur chaque
période de cinq ans, des valeurs absolues des résidus de l’estimation de la tendance de long
terme du ratio considéré, effectuée séparément pour chaque pays de l’échantillon sur
l’ensemble de la période d’estimation. Cette mesure de l’instabilité financière revient à
supposer que ce sont les variations absolues du ratio Actifs liquides/PIB ou Crédit/PIB qui
affectent la croissance plutôt que le pourcentage de variation de ce ratio, ce qui aurait conduit à
calculer l’écart moyen (ou l’écart-type) du taux de croissance du ratio de développement
financier. Pour tester la robustesse de nos résultats, nous avons aussi utilisé (avec succès)
l’indicateur de crises financières de Caprio et Klingebiel, variable muette qui prend la valeur 1
lorsque dans l’année considérée le pays connaît une crise financière. L’inconvénient de cette
mesure est de ne considérer qu’une seule face de l’instabilité.
L’estimation de l’instabilité financière n’infirme pas notre hypothèse selon laquelle elle tend à
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La plupart des économistes considèrent que le
développement financier est favorable au L’argumentation théorique
développement économique (Levine, 1997). Cette
opinion est fondée sur une réflexion théorique et de
nombreux travaux empiriques. Mais on doit bien Nous faisons ici l’hypothèse que le développement
reconnaître que la croissance des pays en financier exerce une action directe favorable à la
développement, notamment de ceux qu’il est croissance économique, mais aussi une action
convenu d’appeler les pays émergents, est émaillée indirecte défavorable en augmentant l’instabilité
de crises financières. Nombreux aussi sont les financière. Il convient donc d’analyser en premier
travaux qui ont analysé les conséquences lieu la relation susceptible d’exister dans les pays en
défavorables de ces crises qui ralentissent la développement entre l’instabilité du développement
croissance et aggravent la pauvreté (par exemple financier et son niveau et, dans un deuxième temps,
Banque Mondiale, 2000 ; Barro, 2001 ; Baldacci et la relation entre la croissance économique, le niveau
alii, 2002). En revanche, peu de travaux ont et l’instabilité du développement financier.
considéré simultanément l’impact du niveau du
développement financier et celui de son instabilité L’impact du niveau du développement financier
sur la croissance(1). Tel est l’objet de cet article. sur l’instabilité du développement financier
Dès le milieu des années soixante-dix et plus encore
Si le développement financier et l’instabilité dans les années quatre-vingt, de nombreux pays en
financière exercent des effets inverses sur la développement ont libéré leur système financier des
croissance économique, il paraît indispensable contraintes internes qui en limitaient le
d’explorer le lien susceptible d’exister entre développement : plafonnement des taux d’intérêt,
l’ampleur et l’instabilité du développement réserves obligatoires élevées, allocations
financier afin de bien comprendre le processus par administratives de crédits, barrières à l’entrée de
lequel le développement financier agit sur la nouvelles banques ; ils l’ont simultanément ouvert
croissance. Cependant, ce lien a été rarement pris en sur l’extérieur en allégeant ou supprimant le contrôle
compte dans les analyses empiriques de la relation des changes sur les mouvements de capitaux. Les
entre développement financier et développement premières expériences, menées sous l’influence des
économique. travaux de Shaw (1973) et McKinnon (1973) en
Corée du Sud et à Taiwan dès les années soixante,
Dans une première partie nous présentons les avaient été un succès. Elles avaient entraîné une forte
hypothèses théoriques qui fondent notre analyse augmentation des dépôts bancaires, avaient stimulé
appliquée. Nous analysons d’abord pourquoi le la croissance économique sans compromettre la
développement financier risque d’être une source stabilité monétaire. En revanche, les libéralisations
d’instabilité financière. Ensuite nous analysons les financières en Amérique Latine à la fin des années
raisons pour lesquelles le développement financier soixante-dix (Argentine, Chili, Uruguay) et aux
et son instabilité agissent en sens inverse sur la Philippines comme en Turquie dans les années
croissance économique. Nous justifions ainsi deux quatre-vingt peuvent être considérées comme des
équations relatives aux déterminants de l’instabilité échecs : elles se sont traduites par une hausse
financière et à ceux de la croissance économique. La excessive des taux d’intérêt réel, par des entrées
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financier (Andersen et Tarp, 2003). Une série attachée au privilège bancaire (compte tenu du ratio
d ’ a rg u m e n t s p e r m e t t e n t e ff e c t i v e m e n t d e minimum obligatoire entre capital et actifs risqués).
comprendre pourquoi la libéralisation financière a Cette baisse risque d’inciter les banques à accroître
induit une rapide croissance financière mais aussi leur rendement en acquérant des actifs plus risqués,
une forte instabilité financière dans les pays en autrement dit à avoir un comportement de
développement. spéculateur (Hellmann et alii, 2000). C’est pourquoi
un certain contrôle du taux d’intérêt sur les dépôts
Les différentes raisons pour lesquelles le peut s’avérer utile. Certes, une meilleure régulation
développement financier peut s’accompagner et surveillance bancaires sont susceptibles
d’instabilité financière d’empêcher ce comportement de joueur de la part des
En premier lieu, l’augmentation de la monnaie banques, mais leur mise en place est généralement
scripturale qui accompagne la croissance de la masse au-delà des compétences disponibles dans les pays
monétaire comporte un risque de crise du système en développement (Andersen et Tarp, 2003).
bancaire. La défaillance d’une banque, incapable
d’assurer la liquidité des dépôts, est susceptible de se Une autre explication des prises de risques
transmettre à l’ensemble du système bancaire, en excessives des banques fait référence à un possible
l’absence d’un système efficace de surveillance des comportement d’aléa moral de la part des banques
banques et d’une assurance des dépôts, voire en dans les pays en développement, comportement que
présence d’une défaillance même de l’État l’on ne retrouve pas dans les pays industrialisés.
accumulant des arriérés de paiements. En effet, l’un Cette hypothèse a été présentée dès les années
des rôles principaux des banques est de transformer quatre-vingt par McKinnon lui-même (1988) pour
des titres illiquides en dépôts liquides. Les banques expliquer les crises financières qui ont sévi en
peuvent avoir à faire face à une ruée des déposants Amérique Latine dans les années soixante-dix
dès lors que la valeur de liquidation de leurs actifs est (Chili, Argentine, Uruguay), puis aux Philippines et
inférieure à la valeur des dépôts. Une ruée peut en Turquie (cf. Banque Mondiale, 1989).
toucher des banques en bonne santé en raison des
coûts d’une liquidation brutale des titres et en raison Selon l’analyse de Stiglitz et Weiss (1981), le
d’un manque d’information des déposants sur la comportement normal d’une banque face à
solvabilité des banques, qui empêche les déposants l’incertitude est de limiter volontairement son taux
de distinguer les banques solvables des non d’intérêt et de rationner la demande de crédit afin
solvables. Le comportement individuel de chaque d ’ é v i t e r, d a n s u n c o n t e x t e d ’ a s y m é t r i e
déposant qui retire précipitamment ses dépôts est dès d’information, une sélection adverse du risque et une
lors rationnel. Ainsi un développement trop rapide incitation à une prise excessive de risque par ses
de la monnaie scripturale, qui ne peut s’accompagner clients une fois les crédits accordés (Stiglitz et Weiss,
de la mise en place d’une véritable surveillance 1981), ou tout simplement afin de réduire les coûts
bancaire, risque d’engendrer des défaillances du « monitoring » ou de suivi des prêts qui croît avec
bancaires en série, comme en témoigne l’histoire la probabilité de défaut et donc le taux d’intérêt
monétaire mouvementée des pays industrialisés au (Williamson, 1987).
cours du dix-neuvième siècle et au début du
vingtième et celle plus récente des pays en McKinnon (1988) a montré qu’en revanche, dans les
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permet pas aux actionnaires d’exercer un véritable L’équation de l’instabilité financière (Eq1) est alors
contrôle sur les dirigeants d’entreprise et que la la suivante :
liquidité du marché incite les détenteurs de titres en
cas de difficulté à vendre leurs parts plutôt qu’à faire (1) If i , t = α 0 + α 1 Df i , t + α 2 Y i , t + α 3 Li , t
pression pour un changement de gestion. La
combinaison de ces imperfections de marché conduit + α 4 Infl i , t + α 5 ( Df i , t × Li , t ) + α 6 ( Df i , t × Infl i , t )
selon l’auteur à une allocation inefficace de
l’épargne à l’investissement. Ces imperfections + ui +θ t +ε i, t
augmentent simultanément les risques de crises
financières. Pour expliquer la crise asiatique, il a où If représente l’instabilité financière, Df le niveau
fallu compléter l’analyse de McKinnon en du développement financier, Y le revenu par tête, L
introduisant le rôle spécifique du marché financier l’indicateur de la qualité de supervision et de
dans le déclenchement et le déroulement des crises régulation bancaire, Infl le taux d’inflation, u l’effet
(Krugman, 1999). Dans les pays d’Asie du Sud-Est, spécifique pays, θ l’effet spécifique période, ε le
les banques ont pris des risques excessifs de terme d’erreur, i l’indice pays et t l’indice période.
transformation des liquidités en prêts à long terme
(en particulier au profit du secteur immobilier) et des L’impact du développement financier et de son
risques de change (empruntant des dollars pour instabilité sur la croissance économique
prêter en monnaie nationale), sans doute en raison La contribution du développement financier à la
des liens étroits (notamment familiaux) entre croissance a fait l’objet de très nombreuses études
autorités politiques et dirigeants bancaires. Lorsque théoriques et appliquées (Roubini et Sala-i-Martin,
la confiance des investisseurs dans le soutien des 1992 ; King et Levine, 1993 ; Easterly, 1993 ;
autorités monétaires au système bancaire et financier Pagano, 1993 ; Gertler et Rose, 1994 ; Levine, 1997 ;
a commencé à s’émousser, les non-résidents ont Levine et alii, 2000 ; Khan et Senhadji, 2003 ;
décidé de réduire leur engagement sur ces pays, Christopoulos et Tsionas, 2004). Une synthèse des
notamment en vendant des titres sur le marché arguments théoriques a été présentée par Levine
financier. Crise de change et crise financière ne (1997). Nous rappelons les principaux arguments
pouvaient alors que se renforcer mutuellement : la avant de développer plus longuement les canaux par
dépréciation du taux de change accroît la valeur en lesquels l’instabilité du développement financier
monnaie nationale de l’endettement des banques peut en revanche affecter négativement la
(largement en dollar) ; celles-ci sont amenées à croissance.
vendre leur portefeuille de titres sur le marché
financier pour faire face à leur besoin de liquidité, ce L’impact positif du développement financier sur la
qui induit une baisse des cours des titres qui renforce croissance
le retrait des investisseurs étrangers qui lui-même
relance la dépréciation du taux de change(3). Le développement financier favorise le
développement économique en exerçant une action
L’équation de l’instabilité du développement sur le commerce ou l’intensité des échanges, d’une
financier part, et sur le volume et la qualité de
l’investissement, d’autre part.
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d’information entre prêteurs et emprunteurs, L’impact négatif de l’instabilité financière sur la
notamment parce qu’ils exercent un contrôle sur croissance
l’activité et la gestion des dirigeants d’entreprises.
Les canaux par lesquels l’instabilité du
Ils le font aussi en inventant de nouveaux actifs
développement financier risque, à l’inverse de son
financiers, qui réduisent les risques attachés aux
niveau, d’affecter négativement la croissance sont
activités de prêts et d’emprunts, risques
également nombreux. Notons tout d’abord que
d’insolvabilité, d’illiquidité et de variation imprévue
Ramey et Ramey (1995) ont montré qu’il existe une
du prix des actifs (Banque Mondiale, 1989). Ils
relation statistique négative entre le taux de
remplissent cette fonction, soit en s’interposant entre
croissance moyen des pays et l’instabilité des taux
épargnants et investisseurs, soit en leur apportant
annuels. Il est donc possible que l’instabilité
assistance pour leurs interventions sur les marchés
financière, en entraînant une instabilité du taux de
financiers. Ainsi, les intermédiaires financiers
croissance économique, réduise cette dernière.
ajustent-ils l’offre et la demande de financement à un
Toutefois, ce canal par lequel l’instabilité financière
niveau supérieur, autrement dit ils augmentent le
ralentirait à long terme la croissance n’est pas aussi
volume de l’épargne investie. Simultanément ils
évident qu’il paraît à première vue. On considère
améliorent la sélection des investissements et donc la
parfois que les périodes de récession économique
productivité marginale du capital.
sont favorables à long terme à la productivité des
facteurs, la faillite des entreprises les moins
On considère en général que l’intermédiation
performantes permettant le développement des
financière devrait avoir un impact plus important sur
entreprises les plus innovatrices. Mais d’autres
la productivité du capital que sur le volume de
arguments peuvent être avancés à l’appui d’un effet
l’épargne et de l’investissement. En effet, il est
défavorable de l’instabilité financière sur la
théoriquement possible que la réduction des risques
croissance, qui ne s’attachent pas aux conséquences
attachés aux placements réduise l’épargne de
mêmes des crises mais plutôt à l’impact des
précaution ; il se peut aussi que la hausse du
mouvements successifs d’accélération et de
rendement de l’épargne ait un effet négatif sur son
ralentissement du développement financier sur la
volume si l’effet de revenu l’emporte sur l’effet de
productivité.
substitution entre épargne et consommation. En
revanche, pour de petits producteurs qui n’ont pas
D’une part, comme l’investissement dépend des
accès au crédit des banques et financent leur
conditions de son financement, l’instabilité du
investissement par autofinancement, le fait de
développement financier se traduit nécessairement
pouvoir déposer leur épargne dans une banque en
par une instabilité du taux d’investissement. Il est
touchant un intérêt est un stimulant à
bien connu que dans de nombreux pays en
l’investissement, puisque cela réduit le coût de la
développement, durant les périodes de boom et de
constitution de l’encaisse préalable à
financement facile, des projets sont mis en œuvre,
l’investissement. Les encaisses jouent alors un rôle
souvent avec l’appui ou sous la responsabilité de
de « conduit » pour l’investissement (McKinnon,
l’État, qui sont mal préparés, surdimensionnés et de
1973).
faible productivité. En périodes de récession, la
qualité des projets s’améliore avec un moindre
Les économies en développement sont en général
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manifestations de cette instabilité des prix relatifs. spécifique période,ε le terme d’erreur, i l’indice pays
L’instabilité du taux de change réel est souvent et t l’indice période.
considérée comme un facteur de moindre
productivité. Elle obscurcit les signaux de marché et À partir des équations Eq1 et Eq2, on devrait pouvoir
induit une mauvaise allocation des ressources. On évaluer dans quelle proportion l’impact positif du
s’attend donc qu’elle abaisse le rendement de développement financier sur la croissance est
l’investissement. Il se peut aussi qu’elle diminue le amoindri par la part de l’instabilité financière induite
taux d’investissement par l’incertitude qu’elle par le développement financier lui-même(5).
génère (Guillaumont Jeanneney et Paraire, 1991).
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au secteur privé. Ces deux indicateurs n’ont pas la laquelle ce sont les variations absolues du ratio
même signification. Le premier a l’avantage de sa Actifs liquides/PIB ou Crédit/PIB qui affectent la
généralité et prend en compte l’effet sur le croissance plutôt que le pourcentage de variation de
développement de la monétarisation de l’économie ce ratio. Autrement dit, nous supposons par exemple
(réduction des coûts de transaction, effet de conduit à que si le ratio Crédit/PIB passe transitoirement de
la McKinnon notamment). Le second, parce qu’il 10% à 12% puis à 8% cela aura le même effet sur la
exclut le crédit au secteur public, représente plus croissance économique que s’il passe de 20% à 22%
précisément le rôle des intermédiaires financiers puis à 18%, une fois contrôlé le niveau moyen du
dans le financement du secteur productif. Mais cet ratio ( 1 0 ) . De la même manière, on considère
indicateur est partiel puisqu’il laisse de côté le généralement dans les équations de croissance que
financement par le marché financier qui commence à c’est la variation absolue du taux d’investissement
être important dans certains pays en développement. (liée à celle du taux de crédit) qui influence
Comme la corrélation entre ces deux indicateurs du marginalement le taux de croissance et que, par
développement financier est élevée, nous les conséquent, c’est l’instabilité, en termes de
utiliserons alternativement dans l’estimation de variations absolues, du taux du crédit qui entraîne
notre modèle(7). une instabilité du taux de croissance, et donc une
moindre croissance à long terme.
À chacun de ces indicateurs de développement
financier est associé un indicateur d’instabilité de Les graphiques I.1 à I.5 permettent de comparer le
celui-ci. Deux indicateurs alternatifs sont niveau de développement financier et l’instabilité
généralement utilisés pour mesurer l’instabilité « V » financière mesurés avec le ratio Crédit/PIB. Si l’on
d’une variable quelconque x, soit l’écart moyen (ou se rapporte à l’ensemble des cent vingt et un pays en
l’écart type) du taux de croissance de la variable, soit développement pour lesquels des statistiques
la moyenne des valeurs absolues des résidus (ou la financières sont disponibles depuis 1966, on
racine carrée de la moyenne des carrés des résidus) constate bien une double tendance de croissance et
de l’estimation de la tendance à long terme. Dans le d’instabilité financières. Ainsi, le rapport entre les
cadre de notre analyse, il s’agit : crédits bancaires au secteur privé et le PIB, calculé en
moyenne (simple) pour l’ensemble de l’échantillon,
i) de l’écart moyen du taux de croissance de a doublé entre 1966-1970 et 1996-2000 (graphique
l’indicateur retenu pour mesurer le développement I.1). Cette évolution n’est pas homogène dans
financier, calculé sur chaque période de cinq ans (ou l’ensemble des régions. La croissance financière est
éventuellement de son écart type), soit : plus précoce en Afrique du Nord qu’ailleurs, elle
n’est importante en Amérique centrale et latine
1 5 qu’au cours de la période récente et elle est
V1x = ∑ | g tx − g x |
5 t =1 particulièrement rapide et constante en Asie ; elle est
en revanche quasiment inexistante en Afrique au Sud
avec g x qui est le taux de croissance annuel du ratio du Sahara où l’on observe plutôt une chute du ratio
Actifs liquides/PIB ou du ratio Crédit/PIB ; Crédit/PIB depuis le début des années quatre-vingt.
Ces graphiques permettent également de constater
ii) de la moyenne, calculée sur chaque période de que l’augmentation du ratio des crédits sur le PIB
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Graphique I : évolution du ratio Crédit/PIB et de son instabilité par période et par continent (1966-2000)
0,24
0,22
0,16 1,4
0,20
0,18 1,5
2,5
0,4 2,5 0,25
2,0
0,3 2,0
0,20
1,5
0,2 1,5
0,15
Développement financier (Crédit/PIB) 1,0
0,1 Développement financier (Crédit/PIB) 1,0 Instabilité financière
Instabilité financière
0,10 0,5
0,0 0,5
1 2 3 4 5 6 7
1 2 3 4 5 6 7 Période
Période
I.5 Asie
Crédit/PIB Instabilité de Crédit/PIB
0,4 2,2
2,0
1,8
0,3
1,6
1,4
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0,1 0,8
1 2 3 4 5 6 7
Période
Notes : périodes 1 (1966-1970), 2 (1971-1975), 3 (1976-1980), 4 (1981-1985), 5 (1986-1990), 6 (1991-1995), 7 (1996-2000) ; les données sont en
moyenne simple ; pour chaque pays, l’instabilité du ratio Crédit/PIB est la moyenne par période de la valeur absolue du résidu issu de l’estimation de
l’équation suivante : xt = a+ b * xt − 1 + c * t + ε t , où xt représente le ratio Crédit/PIB et t représente la tendance.
variables qui peuvent influencer l’instabilité du respect de la réglementation. L’État de droit est
financière d’une période à une autre. mesuré par l’indice des libertés civiles de Freedom
House, qui a l’avantage d’être disponible sur une
Les variables de contrôle longue période et pour un échantillon large de pays
La définition et le calcul des variables de contrôle en développement. Cet indice, construit sur une
sont donnés dans l’annexe 1. La seule variable qui échelle de 1 et 7, décroît avec l’amélioration de l’État
pose un problème de disponibilité sur la période de droit. Ainsi la valeur 7 de cet indice correspond à
d’estimation est la surveillance bancaire(13). À défaut l’absence totale de libertés civiles. Le produit par
d’un véritable indicateur de supervision bancaire, tête peut aussi être considéré comme un proxy du
nous utilisons un indicateur de l’État de droit pour degré de surveillance bancaire dans la mesure où les
saisir la qualité de l’environnement légal et capacités administratives augmentent avec le niveau
indirectement la qualité de la supervision bancaire et de développement.
95
La méthode économétrique est estimé simultanément, à l’aide de la méthode des
moments généralisés. Blundell et Bond (1997) ont
Trois méthodes économétriques spécifiques aux testé cette méthode à l’aide des simulations de Monte
données de panel ont été successivement utilisées : Carlo. Ces auteurs ont trouvé que l’estimateur des
une estimation par les moindres carrés ordinaires System GMM est plus efficient que celui des GMM en
avec des effets spécifiques pays et deux estimations différences (Arellano et Bond, 1991) qui n’exploite
avec la méthode des moments généralisés en que les conditions de moments de l’équation en
différences premières (GMM en différences, différences.
Arellano et Bond, 1991) et la méthode des moments
généralisés en systèmes (System GMM, Blundell et Pour tester la validité des variables retardées comme
Bond, 1997). Cette dernière méthode est celle instruments, Arellano et Bond (1991), Arellano et
utilisée dans les travaux appliqués les plus récents Bover (1995), et Blundel et Bond (1997) suggèrent le
sur la relation entre développement financier et test de suridentification de Sargan (remplacé
croissance, notamment ceux de Levine et alii ultérieurement par le test de Hansen)(17) et le test
(2000) ; c’est sur les résultats de cette troisième d’autocorrélation de second ordre. Dans la plupart
méthode que nous fondons principalement nos des régressions, les résultats de ces deux tests sont
conclusions. conformes aux attentes. Les statistiques du test de
suridentification de Hansen ne nous permettent pas
La première méthode permet de contrôler pour de rejeter l’hypothèse Ho, celle de la validité des
l’hétérogénéité des pays et donc pour les variables variables retardées comme instruments sauf pour le
structurelles et stables dans le temps qui ont pu être modèle de croissance estimé avec les GMM en
omises. Deux tests lui sont associés : le test de différences. Pour le test d’autocorrélation, les
Hausman qui permet de choisir entre les effets résultats du test ne rejettent pas l’hypothèse
spécifiques fixes et les effets spécifiques aléatoires d’absence d’autocorrélation de second ordre des
et le F test qui rend compte de la significativité résidus, à l’exception des régressions de l’instabilité
globale des effets spécifiques introduits. Les financière sur le développement financier, lorsque ce
résultats du test de Hausman montrent que dans la dernier est mesuré par le ratio Actifs liquides/PIB
plupart des régressions le modèle à effets fixes est le (tableaux II.2 et II.3).
plus pertinent(14). Quant au F test, il est significatif à
1% dans la totalité des régressions(15). Les effets Pour toutes les régressions, les écarts types des
fixes sont donc globalement significatifs et coefficients sont corrigés de l’hétéroscédasticité par
expliquent une part non négligeable des variables la méthode de White. En effet, l’instabilité de
dépendantes. l’indicateur de développement financier est estimée
séparément pour chaque pays. Par conséquent, on ne
Les estimations en différences premières et en peut pas faire l’hypothèse d’homoscédasticité des
System GMM permettent non seulement de prendre erreurs dans les régressions de l’instabilité
en compte l’hétérogénéité des pays mais aussi de financière, ni sans doute de la croissance.
traiter le problème de l’endogénéité des variables,
qui se pose nécessairement lorsqu’on étudie la Les résultats des estimations
relation entre développement financier et
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financier est d’autant plus instable qu’il est plus type de l’échantillon) augmente l’instabilité de ce
important, en particulier dans les pays à forte ratio de 0,795, soit 49% de sa moyenne dans
inflation. l’échantillon. Quant à la variable d’inflation, elle
accroît significativement l’instabilité financière, à
Sans l’introduction des variables croisées l’exception de l’estimation en effets fixes lorsque le
développement financier et libertés civiles ou développement financier est mesuré par le taux de
inflation (colonnes 2 des tableaux I et II), les crédit. Le coefficient des libertés civiles est, comme
coefficients du développement financier sont attendu, le plus souvent positif, mais n’est
positifs pour les deux indicateurs et significatifs au significatif que dans deux régressions sur six.
moins à 5% quelle que soit la technique d’estimation.
Si l’on se rapporte par exemple à la colonne (2) du Lorsque la spécification multiplicative est testée
tableau I.3, une augmentation de 20 points de (colonne 3 à 5 des tableaux I et II), l’impact du
pourcentage du ratio Crédit/PIB (soit 1,2 fois l’écart développement financier sur l’instabilité financière
97
I.3 : estimations en System GMM (1966-2000)
apparaît comme une fonction croissante du taux mais aussi des chocs externes. Pour tenir compte de
d’inflation dans les régressions estimées en System ces chocs externes, nous utilisons un indicateur
GMM quel que soit l’indicateur du développement d’instabilité des recettes d’exportations en dollars,
financier retenu. Cependant, l’introduction de la ainsi qu’un indicateur d’ouverture financière qui est
variable multiplicative fait alors disparaître la la somme des dettes privées à court et à long termes,
significativité du coefficient de l’inflation. Plus garanties ou non par l’État, rapportée au PIB. Par
l’environnement macroéconomique est instable, ou ailleurs, le système financier comme les autres
plus les politiques économiques sont mauvaises, secteurs de l’économie peut être affecté dans son
plus la croissance du système financier est émaillée développement par des troubles sociaux et
de crises financières. De même, la variable politiques. Les résultats obtenus en System GMM
multiplicative libertés civiles et développement (non présentés ici) montrent que, quel que soit
financier a un coefficient positif, ce qui tend à l’indicateur de développement financier utilisé, le
indiquer que l’impact du développement financier développement financier ainsi que cette même
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98
Tableau II : développement financier et instabilité financière (Actifs liquides/PIB)
II.1 : estimations avec effets fixes (1966-2000)
GMM en différences
Variable expliquée : instabilité financière
(1) (2) (3) (4) (5)
Actifs liquides/PIB 4,144 5,192 5,811 5,669 6,514
(1,43) (2,16)** (1,31) (2,17)** (1,72)*
PIB par tête (log) -3,933 -2,476 -1,447 -2,215 -1,740
(2,10)** (1,63) (0,85) (1,53) (1,14)
Indice de libertés civiles -0,085 -0,102 -0,021 -0,007
(0,35) (0,34) (0,08) (0,03)
Inflation (a) 1,303 1,127 1,966 1,633
(3,87)*** (3,00)*** (2,54)** (1,98)*
(Actifs liquides/PIB)*(libertés civiles) 0,004 0,202
(0,00) (0,18)
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99
II.3 : estimations en System GMM (1966-2000)
System GMM
Variable expliquée : instabilité financière
(1) (2) (3) (4) (5)
Actifs liquides/PIB 4,581 4,897 2,875 4,514 3,083
(4,57)*** (4,73)*** (1,50) (4,69)*** (1,85)*
PIB par tête (log) -0,676 -0,296 -0,197 -0,180 -0,212
(1,81)* (1,30) (0,92) (0,91) (1,12)
Indice de libertés civiles 0,100 -0,027 0,193 0,025
(0,80) (0,14) (1,43) (0,13)
Inflation (a) 1,007 0,819 0,340 0,174
(2,55)** (2,18)** (0,72) (0,38)
(Actifs liquides/PIB)*(libertés civiles) 0,364 0,226
(0,83) (0,60)
(Actifs liquides/PIB)*(Inflation) 7,143 7,112
(1,91)* (1,81)*
Constante 5,354 2,357 2,367 1,107 2,195
(2,23)** (1,39) (1,40) (0,69) (1,30)
Nombre d’observations 563 501 501 501 501
Nombre de pays 117 114 114 114 114
Test de Hansen 0,52 0,36 0,65 0,64 0,98
AR(2) 0,04 0,02 0,02 0,02 0,02
Notes : entre parenthèses, la valeur absolue du t de student corrigée de l’hétéroscédasticité.
* significatif à 10% ; ** significatif à 5% ; *** significatif à 1%.
Des variables muettes temporelles sont incluses dans le modèle. (a) log (1 + taux d’inflation)
AR (2) : probabilité du test d’autocorrélation du second ordre d’Arellano et Bond.
Variable expliquée : occurrence Modèle de probabilité linéaire avec effets fixes pays Modèle Logit avec effets fixes pays
d’une crise financière (1) (2) (3) (4) (5) (6)
Crédit/PIB 0,857 0,929 0,838 5,586 6,175 5,755
(6,14)*** (6,58)*** (5,44)*** (6,16)*** (6,34)*** (5,50)***
PIB par tête (log) -0,536 -0,524 -0,504 -3,619 -3,528 -3,437
(6,78)*** (6,36)*** (6,06)*** (6,19)*** (5,85)*** (5,64)***
Indice de libertés civiles 0,029 0,028 0,196 0,189
(2,04)** (1,95)* (2,03)** (1,96)*
Inflation (a) 0,064 -0,034 0,487 0,082
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qu’un mauvais État de droit ou l’absence de libertés sont là encore concordants quelle que soit la
civiles (indicateur de libertés civiles élevé) l’accroît. technique d’estimation, alors que le caractère
significatif de certaines variables de contrôle
L’estimation de la croissance du revenu par tête s’affaiblit (l’inflation, l’instabilité politique et
Les résultats du modèle de croissance figurent dans l’ouverture commerciale) ou s’améliore
les tableaux IV.1, IV.2 et IV 3 qui concernent (l’éducation et la consommation publique) avec
respectivement l’estimation avec effets fixes, en l’estimation en System GMM.
différences premières(21) et en System GMM. En ce
qui concerne nos variables d’intérêt, les résultats
100
Tableau III.2 : niveau de développement financier (Actifs liquides/PIB) et crises financières :
estimations sur données annuelles (1966-2000)
Variable expliquée : occurrence Modèle de probabilité linéaire avec effets fixes pays Modèle Logit avec effets fixes pays
d’une crise financière (1) (2) (3) (4) (5) (6)
Actifs liquides/PIB 0,346 0,389 0,290 2,478 2,973 2,433
(3,10)*** (3,49)*** (2,30)** (3,12)*** (3,52)*** (2,71)***
PIB par tête (log) -0,332 -0,310 -0,298 -2,151 -2,003 -1,941
(4,48)*** (3,99)*** (3,83)*** (4,28)*** (3,91)*** (3,78)***
Indice de libertés civiles 0,029 0,030 0,210 0,212
(2,03)** (2,08)** (2,23)** (2,24)**
Inflation (a) 0,024 -0,115 0,234 -0,564
(0,35) (1,11) (0,61) (0,95)
(Actifs liquides/PIB)*(Inflation) 1,023 6,214
(1,85)* (1,87)*
Constante 2,455 2,167 2,092
(4,91)*** (4,08)*** (3,93)***
Nombre d’observations 1268 1209 1209 1206 1176 1176
Nombre de pays 71 68 68 62 62 62
R² 0,28 0,28 0,29
Notes : la variable dépendante est issue de la base de données de Caprio et Klingebiel (2003), elle prend la valeur 1 lorsque le pays est en crise
financière et 0 autrement. Entre parenthèses, la valeur absolue du t de student corrigée de l’hétéroscédasticité (sauf colonnes 4 à 6).
* significatif à 10% ; ** significatif à 5% ; *** significatif à 1%.
(a) log (1 + taux d’inflation).
Les résultats corroborent nos hypothèses théoriques. a généralement un effet positif sur la croissance, le
Le développement financier exerce un effet positif coefficient du taux de scolarisation primaire étant
sur la croissance, aussi bien lorsqu’il est mesuré par positif dans toutes les régressions, mais n’étant
les crédits bancaires que par les actifs liquides sur le significatif que dans les colonnes 1, 4 et 5. Par
PIB. Mais cet effet positif est manifestement ailleurs, une inflation et un taux de consommation
amoindri par l’instabilité financière associée à un publique élevés sont néfastes à la croissance
développement financier plus important et plus économique, alors que l’ouverture commerciale la
rapide. En effet, le coefficient de l’instabilité du favorise. L’hypothèse de convergence est également
développement financier, quel que soit l’indicateur vérifiée, comme en témoigne le coefficient négatif et
qui mesure le développement financier, est négatif significatif du PIB par tête initial(24).
de manière significative et l’introduction de cette
variable élève sensiblement le coefficient du Non seulement les variables financières sont
développement financier. En l’absence d’instabilité statistiquement significatives, mais leur impact a
financière, l’impact du développement financier une portée économique. Si l’on se rapporte
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101
Analyse de robustesse des résultats Enfin, pour tester la robustesse des résultats des deux
équations à la composition de l’échantillon, nous
De même que nous avons substitué à l’indicateur avons conduit deux types d’analyses : la sensibilité
d’instabilité financière une variable muette des résultats aux points aberrants et celle en fonction
représentant la présence d’une crise financière dans de l’appartenance géographique des pays. Les tests
la régression explicative de l’instabilité financière ont été effectués sur l’équation 4 du tableau I.3 pour
afin d’en tester la robustesse, nous introduisons ce le modèle d’instabilité financière et sur l’équation 2
même indicateur de crise financière dans la du tableau IV.3 pour le modèle de croissance.
régression relative à la croissance (tableau V)(27).
Nous pouvons constater que les crises financières Pour le modèle d’instabilité financière, nous avons
exercent bien un impact négatif sur la croissance exclu sur la base de l’équation 4 du tableau I.3 les
économique (significatif à 5% lorsqu’on utilise points d’observations dont la valeur prédite du
l’indicateur Crédit/PIB). Lorsqu’on introduit niveau d’instabilité financière était au-delà de la
simultanément parmi les variables explicatives le valeur observée plus ou moins deux fois l’écart type
taux d’investissement, le coefficient des crises de l’échantillon (graphique III.1). Les résultats(28) ne
financières diminue sensiblement (en restant changent pas fondamentalement par rapport au
significatif à 10%), ce qui confirme comme modèle initial, le coefficient du développement
précédemment l’hypothèse que l’instabilité financier passe de 3,858 à 3,795 et reste significatif à
financière affecte la croissance à travers une baisse 1%. Quant à la variable croisée du développement
de l’investissement et une moindre productivité. financier et de l’inflation, son coefficient demeure
positif (6,364) avec une significativité améliorée (le t
102
IV.2 : estimations en GMM en différences (1966-2000)
103
Tableau IV : développement financier, instabilité financière et croissance économique
IV.3 : estimations en System GMM (1966-2000)
104
Tableau V : développement financier, crises financières et croissance économiques ;
estimations en System GMM (1966-2000)
III.1 : effet du développement financier sur l’instabilité III.2 : effet du développement financier et de l’instabilité
financière (régression colonne 4 du tableau II.2) financière sur la croissance économique (régression
colonne 2 du tableau IV.2)
Instabilité estimée
14 Taux de croissance estimé
0,20
12 -2*écart-type +2*écart-type
-1*écart-type +1*écart-type 0,15
10
0,10
8
0,05
6
4 0,00
2 -0,05
-4 -0,20
0 2 4 6 8 10 -0,10 -0,05 0,00 0,05 0,10
Instabilité de Crédit/PIB Taux de croissance du PIB/tête
105
Les implications politiques de l’analyse sont claires.
Conclusion Le développement financier doit être encouragé,
mais il est souhaitable qu’il soit le plus régulier
possible. Cela signifie qu’une politique de
La plupart des études théoriques ou appliquées sur le libéralisation financière ne doit pas être menée dans
rôle du développement financier dans la croissance n’importe quelles conditions. En effet, l’instabilité
économique reconnaissent son effet bénéfique. du développement financier est favorisée par un
Toutefois, d’autres études montrent l’effet souvent contexte inflationniste et un mauvais État de droit.
désastreux des crises financières. Pour tenter de C’est pourquoi le développement financier sera
réconcilier ces deux courants de la littérature, nous d’autant plus favorable à la croissance et à la
avons étudié le lien entre le niveau du réduction de la pauvreté que la politique
développement financier et son instabilité ainsi que macroéconomique sera stable, que l’ouverture
leur impact respectif sur la croissance économique. financière sera progressive et que les banques seront
soumises à surveillance. Cependant, la question de
Divers arguments nous ont conduit à faire savoir quel type de banques et quelle réglementation
l’hypothèse que plus le développement financier est bancaire sont les mieux à même d’assurer la
important, plus l’instabilité financière risque d’être régularité du développement financier demeure une
forte. En effet, l’accroissement du nombre des question largement non résolue (Severino, 2000).
banques et l’accroissement de la concurrence
qu’elles se font réduit la proximité entre les banques
et leurs clients et diminue la qualité de l’information ;
de plus, les banques sont incitées à élever les taux
d’intérêt pour attirer les déposants et à prendre des
risques excessifs. Ce comportement risque d’être
exacerbé dans une situation d’instabilité
macroéconomique, lorsque l’État de droit et la
surveillance bancaire sont défectueux : les banques
sont alors incitées à avoir un comportement d’aléa
moral générateur de crises financières. Les
comportements de spéculation s’accentuent avec le
développement des marchés de titres négociables et
l’ouverture financière extérieure.
106
(17) Le test de suridentification de Hansen est utilisé à la place
Notes du test de Sargan, car le premier est robuste à la présence
d’erreurs hétéroscédastiques.
(18) Nous avons également essayé d’introduire la variable
(1) Une exception est l’étude de Norman Loayza et Romain croisée de l’ouverture financière et du développement
Ranciere (2002) financier sans obtenir des résultats concluants.
(2) La partie suivante présente quelques statistiques illustrant (19) Les régressions effectuées sur données en moyenne par
ce phénomène période de cinq ans donnent des résultats similaires.
(3) De nombreuses crises financières ont aussi leur origine (20) Lorsqu’on introduit la variable croisée du développement
dans un endettement extérieur excessif des États incapables financier et de l’indicateur de libertés civiles, elle n’est
d’assurer l’équilibre des finances publiques (Mexique 1994, significative dans aucune des régressions.
Russie 1998, Brésil 1998-1999, Turquie 2000-2001, (21) Le test de Hansen ne nous permet pas pour les estimations
Argentine 2001). en différences premières de valider les variables retardées
(4) Un indicateur relatif aux crises financières, sous la forme comme instruments, ce qui n’est pas le cas des estimations en
d’une variable muette, égale à 1 les années où sévit une crise System GMM sur lesquelles nous fondons le commentaire de
financière, sera toutefois utilisé dans l’analyse économétrique nos résultats.
afin de conforter les résultats obtenus avec l’indicateur (22) La méthode du boostrap permet d’avoir une
d’instabilité du taux de développement financier autour de sa approximation de l’écart type d’une variable explicative
tendance de long terme. générée (Wooldridge, 2002), à l’exemple dans notre cas de
1 l’indicateur de l’instabilité financière. Ainsi, la régression de
(5) Soit : 100 (| β 3 | (α1+α 5 L+α 6 Infl)
β2 la colonne 2 du tableau IV.3 a été estimée sur 1000
échantillons de pays tirés au hasard et avec remise
(6) L’échantillon des pays en développement est composé des (échantillons de dimension égale à celle de l’échantillon
pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire selon la initial). L’écart type des 1000 coefficients de l’instabilité
classification de la Banque Mondiale (World Development financière (instabilité du ratio Crédit/PIB) obtenus est égal à
Indicators, 2003) 0,0127 et constitue une estimation de l’écart type du
(7) Ces deux indicateurs sont utilisés par Levine et alii (2000) ; coefficient de l’instabilité financière. Il correspond à un t de
nous n’avons pas retenu le troisième indicateur considéré par student de -3,23 contre -3,96 dans la colonne 2 du tableau IV.3.
ces auteurs, à savoir le ratio des actifs des banques La même méthode a été utilisée pour la régression de la
commerciales divisés par la somme des actifs des banques colonne 4 du tableau IV.3 où l’instabilité financière est
commerciales et de la banque centrale, indicateur qui nous a mesurée par l’instabilité du ratio Actifs liquides/PIB. L’écart
paru moins pertinent. type obtenu est de 0,0108, soit un t de student de -2,04 contre
(8) En effet, il n’aurait pas été convenable d’estimer la -2,77 dans la colonne 4 du tableau IV.3. En conclusion, les
tendance période par période de cinq ans ; l’estimer sur 35 ans gains en précision obtenus sont faibles.
(1966-2000) permet de saisir la tendance de long terme mais (23) Pour tenir compte de la sensibilité des résultats aux
présente l’inconvénient de comporter un risque de rupture de variables de contrôle comme Levine et alii (2000), nous avons
la tendance temporelle. vérifié que, avec le minimum de variables de contrôle, à savoir
(9) Ces moyennes ne sont pas égales ici à l’écart moyen des le revenu par tête initial et une variable représentant le niveau
résidus (ni à leur écart type) parce que l’instabilité n’est pas initial d’éducation, les résultats relatifs à nos variables
mesurée sur la période d’estimation de la tendance ; si c’était le d’intérêt ne sont pas différents.
cas, la moyenne des résidus serait par définition nulle. (24) Le coefficient de cette variable est bien inférieur à celui de
(10) Lorsque ultérieurement nous régressons l’instabilité l’estimation avec effets fixes qui biaise vers le haut le
financière sur le niveau du développement financier, retenir coefficient de la variable retardée.
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Annexe 1 : définitions des variables et sources des données
110
Annexe 2 : statistiques descriptives
Nombre
Variables Moyenne Écart type Minimum Maximum
d’observations
PIB par tête (en dollars constants) 570 1862 1988 96 13966
Taux de croissance annuel du PIB par tête 509 0,01 0,04 -0,24 0,14
Taux d’investissement (en %) 555 22,12 7,81 5,26 57,96
Taux d’inflation 552 0,26 0,74 -0,03 8,24
Taux de scolarisation primaire (en %) 517 90,11 24,56 13,29 137,55
Consommation publique (en %) 548 15,10 6,02 3,14 37,53
Ouverture commerciale (en %) 559 70,68 38,56 9,63 206,09
Instabilité politique 562 0,24 0,36 0,00 2,60
Crédit/PIB 570 0,21 0,17 0,00 1,05
Actifs liquides/PIB 568 0,27 0,21 0,00 1,35
Instabilité de Crédit/PIB 570 1,62 1,30 0,00 10,02
Instabilité de Actifs liquides/PIB 555 2,02 1,79 0,10 13,11
Instabilité des exportations 553 0,07 0,20 0,00 1,99
Indice de libertés civiles 519 4,04 1,55 1 7
Ouverture financière 532 0,10 0,14 0,00 2,03
Muette Crise financière 291 0,25 0,36 0 1
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