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Michel Galloux
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- un taux de réserves obligatoires élevé (25 % des dépôts d'échéance inférieu- Etudes
re à deux ans, c'est-à-dire, par définition, des sommes bloquées à la Banque Centra-
le et non rémunérées).
- la gestion de risques de change importants liés à la défaillance de certains
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débiteurs ayant emprunté en devises au début des années 80 et devant rembourser à
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* Voir Alain Roussillon, << Entre al-Jihad et al-Rayyan : phénoménologie de l'i slamisme égyptien >>, in Magh-
reb-Machrek n° 127, 1990.
théoriquement libérés le 3 janvier 1991, le taux d'adjudication de ces bons est en fait
devenu le taux directeur du système, parce qu'il offrait un autre placement possible à
la fois aux banques (limitées par ailleurs dans l'emploi de leurs fonds par un enca-
drement strict du crédit en vigueur jusqu'en juin 1992), et aux déposants. C'est ainsi
que la rémunération des dépôts peut atteindre aujourd'hui 18 % et le taux de base des
banques 22 % à 25 %_ (1)
Dans le domaine des changes, les mesures prises sont plus complexes, dans la
mesure où un double marché des changes a été mis en place : un marché primaire,
sur lequel les taux sont fixés quotidiennement par un comité de banquiers, et un mar-
ché secondaire, où ceux-ci sont déterminés par le jeu de l'offre et de la demande, la
Banque Centrale continuant en fait à exercer une influence sur la fixation des cours.
D'autre part, de nouveaux ratios de liquidité et de solvabilité ont été institués selon
les normes de la Banque des Règlements Internationaux, visant à améliorer les règles
de prudence dans la gestion des créances-clients.
Enfin, le régime des réserves obligatoires a été quelque peu modifié : le taux
de 25 % jusque là en vigueur a été abaissé à 15 %, parallèlement, cependant, à une
Monde arabe extension de l'assiette, le résultat étant en fait une diminution marginale du volume
Maghreb
Machrek
des réserves imposé aux banques.
W141 Autant de mesures dont Salah Hamed, gouverneur de la Banque Centrale,
juillet-août 1993 révèle les enjeux (2) : selon lui , elles doivent accroître la confiance du déposant et de
l'investisseur dans la livre égyptienne et, ainsi, dans le système bancaire du pays.
Egypte
Réforme bancaire
Grâce à la libération des taux d'intérêt, et à la mise en place des bons du Trésor, les
et finance islamique instruments d'épargne seront beaucoup plus attractifs (surtout lorsqu'ils sont, comme
54 les bons du Trésor, exonérés d'impôt), décourageant par là-même la thésaurisation et
les placements immobiliers. D'autre part, la nécessité pour les banques de fixer elles-
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- L'affaire de la BCCI
(3) a/-Ahram al-lqtisadi, n° 1206, 24 février 92. Article de Mohammed Fathi ai-Badawi, Directeur général
adjoint, Arab Gulf Bank.
(4) al-A/am al-Yom , 25/2/92.
- Les sociétés de placement de fonds
L'intervention du gouvernement dans le fonctionnement des sociétés de place-
ment de fonds en 1988, se traduisant par la soumission de ces sociétés à la loi n° 146
de 1988 sur « les sociétés collectant des fonds en vue de leur investissement » , et la
liquidation judiciaire de celles qui ne pouvaient en respecter les termes (prévoyant en
particulier un échéancier de remboursement des déposants), a eu une portée beau-
coup plus considérable que l'affaire de la BCCL En effet, ces sociétés, en une dizai-
ne d'années, étaient parvenues à collecter des sommes considérables, estimées de 10
à 15 milliards de dollars, soit probablement, depuis 1986, au moins 50 % de
l'épargne disponible (5), gagnant la confiance de nombreux épargnants (plus de 5 %
de la population égyptienne) grâce à une stratégie reposant sur deux éléments essen-
tiels : une rémunération des fonds très supérieure aux taux d'intérêt des banques
conventionnelles (de 25 à 30 % par an , couvrant l'inflation), et le recours à un réfé-
rent islamique saillant, présentant leurs opérations comme conformes à la chari'a, car
Monde arabe
basées sur le principe de participation aux pertes ou aux profits des investissements
Maghreb réalisés, et non pas sur celui du taux d'intérêt prédéterminé.
Machrek Là encore, l'existence d'un décalage important entre les accusations officielles
N° 141
juillet-août 1993
et la réalité des enjeux semble hautement probable. Non protection des déposants
face aux risques de pertes, mettant en péril l'ordre économique du pays, spéculations
Egypte internationales sur la base des fonds collectés, rémunération des anciens dépôts par
Réforme bancaire prélèvement sur les nouveaux, tel était l'essentiel de ces accusations, rapportées par
et finance islamique
la presse gouvernementale et d'opposition de gauche. En réalité - et sans nier cepen-
56 dant qu'il y ait eu de telles pratiques de la part de ces sociétés - , l'intervention des
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(5) Ro uss ill o n. A. « Soc iétés islamiques de pl ace ment de fonds el ou verture économ ique » in Dossiers du
CEDEJ. no 3, 1988 .
(6) ai- Chaab. 30 octo bre 1990. Vo ir auss i la déc larati o n du président Mubarak dan s ai-Ahram al- lqtisadi,
6/6/88 : << Celle société de placement de fonds 1Ray yan 1 voulait s'emparer des li gnes de microbus du Caire el
elle aurait pu ainsi meure l'anarchie dans le pays en les paralysant »
(7) C f. certaines déclarations de Zaki Badr, par exemple : Sa li/ ai-A rab, 4110/87 ; ai-Goumhouriyya. 10/9/87.
par laquelle il légitimait du point de vue islamique les diverses catégories de certifi-
cats d'investissement émis par la Banque Ahli (Banque Nationale). Une telle inter-
vention n'était certainement pas neutre politiquement parlant, en pleine affaire
« Rayyan » (dont le procès s'était ouvert un an plus tôt), et deux ans avant l'accord
avec le FMI et le début des réformes financières.
- Le débat religieux
Concrètement, le mufti défendait dans sa fatwa la licéité islamique des trois
types de certificats d'investissement proposés par la Banque Ahli, première banque
d'État du pays, agissant en l'occurrence comme intermédiaire entre l'épargnant et le
gouvernement : les fonds collectés grâce à la vente de ces titres financiers devaient
servir à financer les projets de développement économique dans le cadre du Plan
quinquennal 87/92. Le premier type(« A >>) pouvait être défini comme un « certifi-
cat à valeur croissante >>, dans la mesure où son détenteur le revendait dix ans plus
tard à un cours supérieur déterminé par la banque, le second ( « B >> ), comme « cer-
Monde arabe
tificat à rendement régulier >>, genre d'obligation autorisant le porteur à en retirer un Maghreb
profit à échéances régulières prédéterminées. Le type « C >>, enfin, était un « titre Machrek
assorti d'une prime >> payée par l'État aux heureux gagnants. Or, comme l'avait sou- N° 141
juillet-août 1993
ligné le mufti lui-même dans les colonnes du journal al-Ahram en 1988 (8), c'est-à-
dire un an avant sa fatwa, seul le type « C >> avait été légitimé jusque-là par les ulé- Etudes
mas, les deux autres types étant entachés selon eux de « riba >> (le second, explicite-
ment, par le paiement d'un intérêt prédéterminé, le premier, de façon indirecte, par sa
revente au prix d'achat accru d'une somme également prédéterminée). Et il confirmait 57
dans cet article (et dans d'autres) que seul le dernier type était licite.
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- Conclusion
Monde arabe
Maghreb Clairement, la réforme bancaire de 1991 vise à rehausser l'image de marque
Machrek des banques conventionnelles, et avant tout de celles du secteur public, auprès des
N° 141
juillet-août 1993 épargnants, ternie dans une large mesure par la montée au zénith des sociétés isla-
miques de placement de fonds jusqu'en 1988. Et ceci, beaucoup plus qu'elle ne vise
Egypte à l'instauration d'un véritable système concurrentiel dans le domaine bancaire,
Réforme bancaire
et finance islamique
comme le montrent par ailleurs le rôle essentiel des bons du Trésor dans la fixation
des taux d'intérêt, ainsi que les prérogatives encore non négligeables de la Banque
62 Centrale. Il est encore trop tôt, cependant, au stade actuel des réformes, pour se pro-
noncer sérieusement sur les évolutions à venir.
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