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ASPECTS GÉNÉRAUX DE LA MARQUE EN DROIT FRANÇAIS

Rappel général des conditions de validité, évolution du rôle de la marque, inflation


des dépôts

Véronique Staeffen
© Victoires éditions | Téléchargé le 05/10/2022 sur www.cairn.info par Esso BAKOUBOLO via Université de Lomé (IP: 102.64.220.188)

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Victoires éditions | « LEGICOM »

1997/3 N° 15 | pages 5 à 18
ISSN 1244-9288
DOI 10.3917/legi.015.0005
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-legicom-1997-3-page-5.htm
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ASPECTS GÉNÉRAUX DE LA
MARQUE EN DROIT FRANÇAIS
Rappel général des conditions de validité,
évolution du rôle de la marque,
inflation des dépôts
Par Véronique Staeffen
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Résumé : La marque outil

I
L ne peut être conçu aujourd’hui de lancer un produit sur le marché si celui-
ci n’est pas individualisé, si ses qualités et ses caractéristiques propres ne primordial de la stratégie
de développement de
sont pas mises en valeur, en d’autres termes, s’il n’est pas marqué. l’entreprise est aussi un
instrument essentiel de la
L’identité de la marque, avec tout ce qu’elle comporte, doit être protégée au concurrence entre les
risque qu’elle ne perde de sa valeur. Le droit à la marque peut être défini entreprises. La croissance
comme étant le droit exclusif reconnu à une entreprise de désigner ses produits radicale des dépôts depuis
et/ou services par un signe distinctif déterminé ; ce monopole sur la marque les années 60 en
témoigne. Droit exclusif
confère à son titulaire le droit d’interdire l’usage par des tiers d’un signe de
reconnu à une entreprise
nature à créer des confusions. pour désigner ses produits
ou services, la marque
La marque se compose donc de trois éléments : le signe, les produits et/ou ser- répond à des exigences
vices désignés par la marque, la personne physique ou morale à l’origine de quant aux signes qui la
ceux-ci. Ces trois éléments permettent de distinguer la marque d’autres signes composent, les dénomina-
tions, les signes sonores
distinctifs ne remplissant pas la même fonction que celle-ci.
ou figuratifs ne doivent
pas servir uniquement à
La marque se distingue tout d’abord de la dénomination sociale. Celle-ci a pour décrire le produit et ne
fonction de désigner la personne morale elle-même, tout comme le patronyme doivent pas tromper le
identifie la personne physique. Elle ne distingue pas ses produits. Le droit de consommateur sur ses
la personne morale sur sa dénomination sociale naît de son immatriculation au qualités essentielles.
Le signe doit, d’autre
Registre du commerce et des sociétés. Sa protection s’étend à l’ensemble du
part, être disponible,
territoire national, elle n’est pas limitée par le principe de spécialité. c’est-à-dire ne doit faire
l’objet ni d’une marque
La marque se distingue ensuite du nom commercial, lequel sert à distinguer antérieure ni d'un autre
l’entreprise d’autres entreprises de même nature et s’acquiert par le premier droit privatif détenu par
usage. Elle se distingue également de l’enseigne, qui distingue l’établissement un tiers. Si tel était le cas,
l’intéressé dispose de plu-
commercial. Contrairement à la marque, ces deux signes ne bénéficient que
sieurs types d’action pour
d’une protection territoriale limitée à leur zone d’exploitation, à moins qu’ils faire valoir son droit anté-
ne soient notoires. rieur.

Contrairement aux droits sur les créations nouvelles et au droit d’auteur, la


marque ne constitue pas une création. Elle est un droit d’occupation, un mono-
pole sur un signe et est en cela une atteinte à la liberté du commerce et de
l’industrie. C’est donc la loi qui en a déterminé le principe et le régime.

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 5
Droit des marques et communication d'entreprise

La nature du droit sur la marque a fait l’objet de discussions doctrinales. La


difficulté à confronter ce meuble incorporel à la distinction classique entre les
droits réels et les droits personnels, avait conduit Roubier à en faire une caté-
gorie originale : les droits de clientèle.

La marque demeure cependant un droit de propriété sur le signe pour tous les
produits et/ou services désignés, permettant à son titulaire d’interdire au tiers
de faire usage de celui-ci à quelque titre que ce soit.

L’acquisition du droit sur la marque peut en théorie naître soit de l’usage soit
de l’enregistrement. Contrairement aux systèmes de droit anglo-saxon, tels que
En France, seul le dépôt la Grande-Bretagne et les États-Unis qui accordent au premier utilisateur le
est constitutif de droit au
droit sur la marque et ne reconnaissent aux dépôts qu’un caractère déclaratif de
contraire du droit anglo-
saxon de la marque
droit, le droit des marques français accorde ce monopole sur le signe au pre-
fondé sur l’usage. mier déposant, le dépôt étant constitutif de droit. Le simple usage de la marque
ne confère donc aucun droit en droit français.

Pour pouvoir être enregistrée, une marque doit respecter certaines conditions de
validité, qu’implique la définition même de la marque donnée par l’article
L 711-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) : « un signe susceptible de
représentation graphique servant à désigner les produits ou services d’une per-
sonne physique ou morale ».
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Le nombre toujours croissant des dépôts manifeste l’intérêt des entreprises pour
ce signe dont les fonctions tant juridiques qu’économiques ne cessent d’évoluer.

I – LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DE LA MARQUE

Le droit des marques est actuellement régi en France par les articles L 711-1 à
L 716-15 pour la partie législative et R 712-1 à R 718-1 pour la partie régle-
mentaire du code de la propriété intellectuelle.

Ces dispositions sont issues de la loi du 1er juillet 1992 relative au code de la
propriété intellectuelle, en son livre 7, titre 1 codifiant la loi sur les marques
du 4 janvier 1991 entré en vigueur le 28 décembre 1991.

Les conditions de validité de la marque sont de deux ordres : les unes sont rela-
tives au signe pris en lui-même, les autres concernent la disponibilité du signe
par rapport aux droits antérieurs. Pour constituer une marque valable, le signe
doit pouvoir être protégé en lui-même et être protégeable au regard des droits
préexistants.

A/ Les conditions absolues de validité

Elles sont imposées par les articles L 711-1 à L 711-3 du CPI. Le signe doit
être susceptible de représentation graphique, être distinctif et licite.

1. Les signes susceptibles de constituer une marque

L’article L 711-1 définit la marque comme suit : « la marque de fabrique, de


commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique
servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou mora-
le ».

6 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

Une telle définition n’est pas novatrice dans les principes qu’elle énonce : Les marques peuvent être
– le signe doit être susceptible de représentation graphique ; verbales, figuratives ou
– aucune condition n’est posée quant au titulaire de la marque. même sonores depuis la
loi de 1991 et peuvent
naturellement combiner
Cette définition est complétée par une liste non exhaustive d’exemples de signes ces trois caractéristiques.
susceptibles de constituer une marque :
« a) les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de
mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres,
sigles ;
b) les signes sonores tels que : sons, phrases musicales ;
c) les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs,
hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes notamment celles du pro-
duit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispo-
sitions, combinaisons ou nuances de couleurs ».

a) Les marques verbales

Elles peuvent être constituées d’un ou de plusieurs termes de fantaisie. Ainsi,


la marque “Tendresse” pour un fromage est un signe valable (TGI Paris, 3e ch.,
17 janvier 1997, PIBD n° 632 III 273). Les marques “Ordi”, “Ordi-Écran”,
“Ordi-Lettres” sont valables pour désigner des jeux mettant en œuvre des pro-
cédés informatiques mais qui ne peuvent être réduits à la définition d’ordina-
teurs, leur finalité étant le jeu et non l’ordinateur (TGI Paris, 15 décembre 1994,
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PIBD 584).

La dénomination “Multi-copy” constitue la contrefaçon de la marque antérieure


“Copytop” (TGI Paris, 30 mars 1995, PIBD 593).

Les termes étrangers sont également admis de même que les néologismes
comme le terme “Alcotest” pour désigner un appareil de dépistage et de mesure
de l’imprégnation alcoolique d’un sujet (Paris, 8 décembre 1988, RDPI n° 25,
p. 79 confirmé par Com, 23 octobre 1990, RJDA 1/91 n° 76). La dénomination
“Magnettes” est une marque valable pour désigner des décorations aimantées,
alors que ne l’est pas la dénomination “Magnets” considérée comme étant le
nom générique en anglais (TGI Nanterre, 9 octobre 1995, PIBD 601). En outre,
les noms patronymiques, de même que les prénoms et les pseudonymes peu-
vent constituer des marques valables.

Le droit français admet également en principe le dépôt, à titre de marque, de


noms géographiques. Mais une telle possibilité n’est pas sans limites.

• D’une part, le monopole dont le titulaire de la marque géographique dispose


sur le signe ne doit pas empêcher la fonction localisatrice générale du nom géo-
graphique. En effet, le nom géographique doit pouvoir demeurer de libre usage
pour indiquer la provenance géographique du produit ou du service. Malgré
l’existence de la marque, les producteurs de la région doivent pouvoir indiquer
la provenance géographique de leurs produits. C’est pourquoi, le titulaire d’une
marque contenant le terme géographique “Baccarat” ne peut empêcher d’autres
cristalliers installés dans cette localité d’indiquer le lieu de leur établissement,
sous réserve qu’ils ne le fassent pas d’une manière équivoque qui constituerait
un acte parasitaire (Nancy, 21 février 1980, PIBD 1980, n° 269 III, p. 227).

• D’autre part, le monopole sur le nom géographique est incompatible avec


l’appellation d’origine contrôlée qui est un droit privatif commun à l’ensemble
des producteurs de l’aire géographique considérée qui remplissent les conditions
de l’AOC. Un dépôt de l’AOC à titre de marque la rendrait indisponible pour
les producteurs pouvant légitimement l’utiliser. La protection de l’AOC est très
forte puisqu’elle peut même s’étendre, lorsqu’elle est particulièrement presti-

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 7
Droit des marques et communication d'entreprise

gieuse, au-delà des produits et services identiques et similaires. Ainsi, la marque


“Champagne” pour désigner un parfum a été annulée (Paris, 15 décembre 1993,
PIBD 1994 III p. 92). De même, le dépôt d’une marque géographique ne doit
pas porter atteinte à une indication de provenance.

Les marques verbales peuvent également consister en des lettres ou des chiffres.
Les initiales “YL” ou “SVP”, tout comme “N° 5” ou “Sport 2000” constituent
des signes susceptibles d’être déposés comme marque. La marque figurative
“JPG” constituée des initiales de Jean-Paul Gautier constitue la contrefaçon de
la marque “JP” de Jean Patou, ces deux sigles présentant des ressemblances
d’ensemble (TGI Paris, 25 novembre 1994, PIBD 583, confirmé en appel).

Enfin, les slogans publicitaires peuvent également constituer des marques


valables. Une telle protection est très intéressante, notamment lorsque le slogan
n’est pas suffisamment original pour être protégé par le droit d’auteur.

b) Les marques figuratives

Ces marques peuvent être constituées de dessins, emblèmes, mais également de


formes. Les marques tridimensionnelles sont donc parfaitement admises et per-
mettent ainsi de protéger la forme, le conditionnement d’un produit.

Ainsi, la bouteille de Perrier (TGI Paris, 18 juillet 1994, PIBD 1994, n° 576 III
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p. 548) ou le pot de moutarde de Meaux (Paris, 13 juillet 1974, Ann. 1974,
p. 129) font l’objet d’une protection à titre de marque.

En ce qui concerne les couleurs, la marque permet de protéger non seulement


les combinaisons mais également les nuances de couleur. La nuance “rouge
Congo” est également une marque valable pour désigner des produits pétroliers
(Conseil d’État, 8 février 1974 , 1974 II 17720).

En revanche, une couleur plate ne peut pas constituer une marque valable car
elle ne serait pas suffisamment distinctive. Pour cette raison, le directeur de
l’INPI a rejeté une demande de marque constituée de la couleur bleu pâle pour
des produits des classes 14, 18 et 25 et cette décision de rejet a été confirmée
(Paris, 4e ch., 4 février 1988, PIBD 432 III, p. 191).

c) Les marques sonores

Enfin, parmi les apports de la loi du 14 janvier 1991, refondue dans le code de
la propriété intellectuelle, on relève que : « les signes sonores tels que sons,
phrases musicales » peuvent désormais constituer une marque. Une telle dis-
position a ainsi permis la protection du rugissement du lion de la MGM.

Les seules limites à l’enregistrement de telles marques sont d’ordre technique


Les marques purement et résident dans la faculté de représentation graphique du signe.
descriptives ne sont pas
admises car elles bloque- d) Les marques complexes
raient la dénomination
pour ses concurrents.
Elles combinent au moins deux de ces types de marques, et ouvrent au dépo-
sant des possibilités plus larges encore. Leur validité dépend de la validité des
signes qui la composent.

2. Le signe doit être distinctif

L’article L 711-2 du CPI dispose : « Le caractère distinctif d’un signe de nature


à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services dési-
gnés ». Le législateur donne donc une règle d’appréciation du caractère dis-

8 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

tinctif en précisant qu’il est relatif. La distinctivité signifie que le signe choisi
doit être parfaitement arbitraire eu égard aux produits ou services auquel il est
appliqué. Cette distinctivité s’apprécie au jour du dépôt.

L’article L 711-2 alinéa 2 prévoit des hypothèses dans lesquelles un signe est
dépourvu de caractère distinctif :

« a) Lorsque le signe est exclusivement constitué de la désignation nécessaire,


générique ou usuelle du produit ou du service ; l’appréciation devant se faire
tant au regard du langage courant que du langage professionnel.

Les marques Tickets repas et Tickets Restaurant pour des titres de restauration
ont par exemple été considérées comme des termes nécessaires (Paris 9 juillet
1980, PIBD 1980 III 241). La dénomination “Voyage” pour un parfum est un
terme descriptif de la destination du produit (Paris, 5 janvier 1995, PIBD 589).
La dénomination “Brillance” indique la qualité essentielle d’un produit capil-
laire et est un terme nécessaire à tous les concurrents pour décrire une qualité
de leur produit (TGI Paris, 12 avril 1996, PIBD 615).

b) Lorsque le signe peut servir à désigner une caractéristique du produit ou du


service et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur,
la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la pres-
tation de service ».
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Ainsi, n’a pas été jugée valable la marque constituée par la dénomination
“Tamisée” pour désigner des farines, ce terme indiquant la qualité essentielle
d’une farine (Paris, 4e ch., 28 juin 1979, Ann. 1980 228). En revanche, le terme
“Curriculum vidéo”, déposé pour la réalisation de curriculum vitae sur supports
optiques et auditifs a été jugé protégeable en tant que marque, ce terme ne dési-
gnant pas un genre d’activité et ne constituant pas la description directe et pure
et simple d’une activité, d’un produit ou d’un service (Paris, 4e ch., 18 octobre
1989, PIBD 1989, n° 474 III, 177).

La jurisprudence est relativement souple dans la mesure où des marques sim-


plement évocatrices ont été jugées parfaitement distinctives. Ainsi, la marque
“Zeste” pour une boisson à base d’agrumes a été jugée distinctive bien qu’évo-
catrice (Paris, 17 novembre 1988, PIBD 1989, n° 452 III 170). Le pourvoi formé
à l’encontre de cette décision a été rejeté (Com, 4 décembre 1990, PIBD 1991,
n° 492 III 49).

c) Lorsque le signe est constitué exclusivement par la forme imposée par la


nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier une valeur substan-
tielle.

Il a été jugé que la forme octogonale allongée de la pastille Vichy, bien que
non nécessaire, était usuelle pour désigner ces pastilles et que les marques com-
portant cette forme n’étaient pas distinctives (Paris, 4e ch., 1er décembre 1994,
PIBD 584 III 155).

De la même façon, une marque figurative représentant une brique de jeu de


construction (LEGO) est la forme nécessaire pour obtenir le résultat attendu et
ne peut constituer une marque valable (Paris, 7 novembre 1994, PIBD 581).

Une telle disposition constitue surtout une limite à l’enregistrement de marques


tridimensionnelles, mais laisse tout de même de larges possibilités quant au
dépôt à titre de marque des conditionnements du produit, élément très impor-
tant sur le plan marketing. Ainsi, la forme ovoïde de la bouteille de Perrier a
été jugée parfaitement distinctive (Nîmes, 30 mai 1927, Ann. 1929, 243).

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 9
Droit des marques et communication d'entreprise

En outre, l’article L 711-2 du CPI dispose in fine : « Le caractère distinctif


peut, sauf dans le cas prévu au petit c), être acquis par l’usage ». Des marques
qui étaient à l’origine dépourvues de caractère distinctif, sont donc devenues
des marques valables du fait d’un usage prolongé et important. Mais un tel
usage doit être démontré et ne peut suppléer l’absence d’une autre condition de
validité de la marque.

3. Le signe doit être licite

Certains signes ne peuvent pas être déposés à titre de marque. En effet, l’article
L 711-3 du CPI dispose : « Ne peut être adopté comme marque ou élément de
marque un signe :
a) Exclu par l’article 6 ter de la Convention de Paris en date du 20 mars 1883,
révisée, pour la protection de la propriété industrielle ;
b) Contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dont l’utilisation est
légalement interdite ;
c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la pro-
venance géographique du produit ou du service. »

a) Ce texte renvoie à l’article 6 ter de la convention de Paris, lequel distingue


trois types de signes exclus :
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– Les armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’État des pays de l’Union.
Les armoiries, drapeaux
ou signes officiels français C’est en application de cette disposition qu’a notamment été annulée la marque
ou étrangers ne peuvent de l’Association Médecins sans frontières constituée d’une croix blanche sur
en aucun cas constituer fond rouge en ce qu’elle reprenait l’emblème national Suisse (Paris 17 octobre
une marque protégée. 1989, PIBD 1990, n° 474 III 175).

– Les signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par les


États des pays de l’Union.
Cette disposition a donné naissance à une jurisprudence relative à l’utilisation
du terme France. En effet, dans certain cas, l’utilisation de ce terme peut impli-
quer l’idée d’un contrôle officiel de la qualité du produit.
Ainsi, la marque “France Bijoux” a été rejetée par le directeur de l’INPI au motif
qu’une telle dénomination est propre à tromper le public en laissant supposer
l’intervention d’un organisme officiel garantissant la qualité et l’origine des pro-
duits fournis. Cette décision a été confirmée (Paris, 23 février 1988, PIBD
n° 437 III 311).

– Est également visée toute imitation au point de vue héraldique des signes pré-
cités. À ce titre, la demande d’enregistrement d’une marque semi-figurative
“Europresse” reproduisant le cercle composé de douze étoiles, symbole de
l’Union européenne, a été rejetée. Cette décision de rejet a été confirmée (Paris,
4e ch., 1er juin 1992, PIBD n° 529 III 493).
La prohibition de l’enregistrement, à titre de marque, de ces signes s’étend éga-
lement aux signes de cette nature des organisations internationales intergouver-
nementales dont un ou plusieurs pays de l’Union sont membres.

b) En ce qui concerne les signes qui seraient contraires à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs, on peut citer les exemples donnés par MM. Burst et Chavanne
d’après lesquels de tels signes pourraient consister en un slogan subversif ou
un dessin obscène.

Contrairement aux exemples de signes contraires aux bonnes mœurs qui sont
très rares, les hypothèses de signes contraires à l’ordre public sont plus nom-
breuses. Ainsi, le directeur de l’INPI a rejeté plusieurs demandes de marques
“Napoléon” pour des eaux-de-vie car de telles demandes étaient contraires à la

10 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

réglementation d’ordre public régissant le régime de ces produits. Ces décisions


de rejet ont été confirmées par la cour d’appel de Paris, dans plusieurs déci-
sions du 11 février 1982. Les pourvois formés à l’encontre de ces décisions ont
été rejetés (Com, 4 octobre 1983, PIBD n° 339 III, p. 25 sqq.).

De plus, les signes dont l’utilisation est légalement interdite ne peuvent consti-
tuer une marque valable. Cette prohibition résulte tant de dispositions nationales
particulières que de dispositions internationales. C’est ainsi que l’utilisation
commerciale des cinq anneaux olympiques est interdite par l’article 14 de la loi
du 29 octobre 1975.

c) L’article L 711-3 du CPI prohibe également l’enregistrement à titre de


marque de signes de nature à tromper le public notamment sur la nature, la qua-
lité ou la provenance géographique du produit ou du service.

La cour d’appel de Paris dans une décision du 28 novembre 1985 (Ann. 1985,
173), a jugé que les marques “Romanee Conti” et “Domaine de la Romanee
Conti” étaient trompeuses car elles désignaient les vins en général et non spé-
cifiquement les vins ayant droit à l’appellation d’origine contrôlée “Romane et
Conti”

Le pourvoi formé à l’encontre de cette décision a été rejeté par la chambre com-
merciale de la Cour de cassation dans une décision du 4 novembre 1987 (RDPI
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n° 15, p. 119).

En ce qui concerne le caractère déceptif, eu égard à la nature du produit, les


Les marques déceptives
tribunaux ont eu à connaître d’affaires relatives au dépôt à titre de marque de quant à la nature ou
termes comportant le préfixe ou le suffixe “pharm”. Par exemple, la cour l’origine du produit sont
d’appel de Paris, dans une décision du 7 octobre 1982 (PIBD 1982 n° 312, III, également refusées.
p. 240), a retenu le caractère déceptif de la dénomination “Prépharma” pour des
produits qui n’étaient pas des produits pharmaceutiques et ne relevaient pas du
monopole des pharmaciens. Le pourvoi formé à l’encontre de cette décision a
été rejeté par la Cour de cassation (Com, 7 octobre 1984 - PIBD n° 363, 3e par-
tie, p. 74).

La nature des signes pouvant constituer une marque valable, leur caractère dis-
tinctif par rapport aux produits et/ou services désignés dans le dépôt et leur
licéité font l’objet d’un examen par le directeur de l’Institut national de la pro-
priété industrielle. En effet, celui-ci procède non seulement à un examen de
forme de la demande mais également à un examen de fond des conditions de
validité de la marque.

L’article L 712-7 du code de la propriété intellectuelle dispose : « la demande


d’enregistrement est rejetée :
a) si elle ne satisfait pas aux conditions prévues à l’article L 712-2 ;
b) si le signe ne peut constituer une marque valable par applications des
articles L 711-1 et L 711-2, ou être adopté comme une marque par appli-
cation de l’article L 711-3 ;
c) si l’opposition dont elle fait l’objet au titre de l’article L 712-4 est recon-
nue justifiée.
Lorsque les motifs de rejet n’affectent la demande qu’en partie, il n’est procé-
dé qu’à son rejet partiel ».

Cette liste des motifs de rejet est exhaustive.

En ce qui concerne les deux premiers motifs de rejet, l’examen auquel procède
l’INPI est automatique. Lorsque, sur l’un de ces deux fondements, le directeur
de l’INPI prend une décision de refus d’enregistrement de la marque, le

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 11
Droit des marques et communication d'entreprise

déposant dispose d’un délai de deux mois, renouvelable une fois, à compter de
la notification de cette décision de rejet pour faire valoir ses observations. Ce
n’est que si la décision de rejet de l’administration est maintenue que le dépo-
sant peut alors faire appel de cette décision définitive dans le mois suivant celle-
ci devant la cour d’appel de Paris.

Le déposant peut, dans un En revanche, lorsque la demande satisfait à ces conditions de forme et de fond,
délai de deux mois, la marque est enregistrée.
contester la décision de
refus du directeur de
En ce qui concerne la disponibilité du signe, celle-ci ne fait pas l’objet d’un
l’INPI, en cas de maintien
de ce refus le déposant
examen par le directeur de l’INPI qui n’intervient que dans le cadre d’une oppo-
saisit directement la cour sition formée par un tiers titulaire d’une marque antérieure à l’exclusion de tous
d’appel de Paris. droits de nature différente. Ceux-ci ne pourront être pris en considération
qu’une fois la marque enregistrée dans le cadre d’une instance judiciaire.

B/ La disponibilité du signe

Celle-ci fait l’objet d’un examen administratif limité aux droits de marque anté-
rieurs ainsi que d’un examen a posteriori par les tribunaux.

1. L’examen administratif de la disponibilité du signe :


la procédure d’opposition
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La procédure d’opposition a été introduite très récemment par la loi du 4 jan-
Un tiers peut, sur le fon-
vier 1991 et elle figure aujourd’hui aux articles L 712-4 à L 712-5 du CPI. Elle
dement d’un droit de
marque dont il est titulai-
permet à un tiers, sur le fondement d’un droit de marque dont il est titulaire,
re, faire échec à l’enregis- de s’opposer à l’enregistrement d’une marque postérieure à la sienne. Cette pro-
trement d’une marque cédure n’existait pas sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964.
dans un délai de deux
mois après son dépôt par Bien que la directive sur l’harmonisation de la législation des marques de
la procédure d’opposition. fabrique du 21 décembre 1988 ait renvoyé aux droits nationaux à ce sujet, le
législateur de 1991 a pris le parti d’instaurer cette procédure de manière à régler
rapidement et préalablement à l’enregistrement de la marque la question de
l’existence de droits de marque antérieurs. Cette innovation n’a pas été étendue
à un droit autre que celui sur la marque.

Les droits antérieurs susceptibles de fonder une telle opposition sont mention-
nés à l’article L 712-4 du CPI qui dispose : « l’opposition à la demande d’enre-
gistrement peut être faite auprès du directeur de l’Institut national de la pro-
priété industrielle par le propriétaire d’une marque enregistrée ou déposée
antérieurement ou bénéficiant d’une date de priorité antérieure, ou par le pro-
priétaire d’une marque antérieure notoirement connue ».

Pour permettre aux tiers


L’opposition peut être formée à l’encontre d’une demande d’enregistrement de
de faire opposition les marque dans les deux mois qui suivent sa publication au Bulletin officiel de la
marques déposées font propriété industrielle pour les marques déposées en France et dans le délai de
l’objet d’une publication deux mois à partir du premier jour du mois suivant la réception du bulletin
au Bulletin officiel de la « Gazette OMPI des marques internationales » par l’INPI.
propriété industrielle.

À compter de l’expiration de ce délai, l’administration dispose d’un délai de six


mois pour statuer sur l’opposition. À défaut de décision de l’administration dans
ce délai de six mois, l’opposition est réputée rejetée.

Un tel système paraît satisfaisant pour deux raisons. D’une part, les tiers titu-
laires d’un droit de marque antérieure ont maintenant, à un coût moindre, la
possibilité d’intervenir afin de bloquer l’enregistrement d’une marque plus
jeune dont ils considèrent qu’elle porte atteinte à leur droit. D’autre part, les

12 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

autres étapes de la procédure d’enregistrement de la demande se poursuivent


parallèlement à cette procédure d’opposition. La procédure d’opposition est
donc rapide et ne ralentit pas la procédure d’enregistrement de la demande.

Une telle procédure permet de prendre en considération des droits de marque


antérieurs sans pour autant imposer à l’INPI des recherches d’antériorités qui
accroîtraient considérablement sa mission et ne feraient que retarder les procé-
dures d’enregistrement. Un tel système permet, au contraire, de ménager les
droits des titulaires de marques antérieures en leur évitant ainsi d’avoir à recou-
rir par la suite à des procédures judiciaires souvent longues et coûteuses.

À la suite de cet examen, le directeur de l’INPI peut rejeter la demande de Le directeur de l’INPI refu-
marque s’il juge l’opposition fondée. Il peut au contraire rejeter l’opposition et, sera l’enregistrement de
dans ce cas, la procédure d’enregistrement de la marque se poursuit. En outre, la marque s’il estime
l’opposition fondée, dans
l’opposition peut être reconnue partiellement fondée et, dans ce cas, la demande
le cas contraire il rejette
de marque ne sera que partiellement rejetée. Cette décision du directeur de l’opposition, totalement ou
l’INPI peut, bien entendu, faire l’objet d’un recours qui sera porté devant la cour partiellement seulement.
d’appel de Paris.

Une fois que le directeur de l’INPI a statué sur l’opposition ou dans l’hypothè-
se où aucune opposition n’a été formée, les titulaires de marques antérieures
ne pourront faire valoir leur droit qu’en intentant une action judiciaire, tout
comme les titulaires de droits antérieurs d’une autre nature.
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2. L’examen judiciaire de la disponibilité du signe

L’article L 711-4 pose le principe selon lequel : « ne peut être adopté comme
marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs ». Ce texte donne
ensuite une liste non exhaustive des droits antérieurs rendant le signe indispo-
nible :
– une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue aux sens de
l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété
industrielle ;
– une dénomination ou raison sociale s’il existe un risque de confusion dans
l’esprit du public ;
– un nom commercial ou une enseigne connue sur l’ensemble du territoire
national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
– une appellation d’origine protégée ;
– des droits d’auteurs ;
– des droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;
– un droit de la personnalité d’un tiers, notamment son nom patronymique ;
– son pseudonyme ou son image ;
– le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale.

Cette liste n’est pas exhaustive.

À l’exception de la marque antérieure enregistrée ou notoirement connue, ces


droits antérieurs ne peuvent pas permettre à leur titulaire de s’opposer à la
demande d’enregistrement de la marque postérieure. Mais, une marque réguliè-
rement enregistrée et ayant subi tant l’examen de forme que l’examen du fond
auquel procède le directeur de l’INPI peut être remise en cause à tout moment.
Une action en nullité de
En effet, l’absence d’une ou de plusieurs conditions de validité de la marque l’enregistrement est ouver-
peut constituer le fondement d’une action en nullité. L’article L 714-3 du CPI te à tout tiers qui estime
dispose : « est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une que la marque est consti-
tuée d’un signe illicite ou
marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4 ».
indisponible.

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 13
Droit des marques et communication d'entreprise

L’action en nullité est assez largement ouverte puisqu’elle peut être intentée
lorsque la marque est constituée d’un signe non distinctif, illicite ou trompeur
ou encore non susceptible de représentation graphique, bien entendu lorsque le
signe peut être considéré comme étant non disponible. L’action en nullité peut
être intentée par tout intéressé à titre principal ou à titre reconventionnel pour
tenter d’échapper à une condamnation en contrefaçon.

Le régime de la nullité est maintenant unifié puisque la décision d’annulation


a maintenant un effet erga omnes, effet absolu à l’égard des tiers. La décision
ayant prononcé la nullité d’une marque, à titre principal ou à titre reconven-
tionnel, doit faire l’objet d’une inscription au Registre national des marques.
Bien entendu, lorsque le signe est nul, car antériorisé par un droit préexistant,
les conséquences juridiques sont identiques.

Le risque d’une remise en cause a posteriori du droit sur la marque invite le


déposant à s’assurer préalablement de la disponibilité du signe choisi.

3. Les recherches d’antériorités

Il importe de procéder avant tout dépôt de marque à des recherches d’antério-


rités adaptées permettant de minimiser les risques en décelant l’existence de
droits antérieurs.
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Les recherches d’antériorité
préalables permettent de De telles recherches permettent de déterminer, au cours de la période sur laquelle
vérifier, avant le dépôt, la elles portent, si le signe choisi à titre de marque est disponible ou non et doi-
disponibilité d’un signe. vent permettre au titulaire d’adopter un signe disponible qui ne vient pas imi-
ter ou contrefaire des droits antérieurs. En effet, ces recherches de similitude,
incluant également les marques identiques à celle dont la recherche est effec-
tuée, portent sur l’ensemble des marques valables en France, marques nationales
et internationales désignant la France, ainsi que les dépôts de marques com-
munautaires publiés ou non encore publiés selon l’accessibilité de la banque de
données. Ces recherches portent également parmi les dénominations sociales
antérieures dans la mesure où l’existence d’une dénomination sociale ou d’un
nom commercial antérieur constitue une antériorité pertinente à l’adoption
d’une marque postérieure et vient l’antérioriser.

En ce qui concerne les dénominations sociales, les recherches peuvent être


conduites avec un minimum de sécurité. En revanche, en ce qui concerne les
noms commerciaux, il est plus délicat de conduite ces recherches dans la mesure
où les noms commerciaux ne font pas systématiquement l’objet d’une incrip-
tion au Registre du commerce et des sociétés. En raison du nombre considé-
rable de signes qui font l’objet d’un dépôt à titre de marque, il est extrêmement
rare que la dénomination ou le signe choisi soit disponible. Face à l’existence
d’un droit antérieur, l’entreprise intéressée par une dénomination doit libérer le
signe qu’elle a choisi.

Cette libération de la marque peut être réalisée par divers instruments juridiques :
Les signes indisponibles – il est possible de négocier avec les titulaires de droits antérieurs un accord
peuvent faire l’objet de coexistence aux termes duquel les parties déterminent des limitations
d’accords contractuels strictes de produits, par exemple l’une s’engageant à ne pas opposer son droit
avec les titulaires d’une antérieur au dépôt, à l’enregistrement et à l’usage de la marque postérieure ; ce
marque antérieure.
type d’accord de renonciation à intervenir est très courant ;
– dans l’hypothèse où il existe une marque antérieure identique couvrant des
produits ou services identiques ou similaires, il peut effectivement être utile
d’acquérir les droits antérieurs sur cette marque auprès de son titulaire. un
contrat écrit doit être signé entre les deux parties. Ce contrat doit faire l’objet
d’une inscription au Registre national des marques.

14 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

Dans la pratique, il est extrêmement utile de pouvoir acquérir ces droits anté- Les accords peuvent viser
à acquérir les droits anté-
rieurs puisque l’acquéreur bénéficie ainsi des droits antérieurs sur la marque
rieurs sur une marque ou
remontant au premier dépôt. portent sur une renoncia-
tion pour le premier béné-
Les marques antérieures peuvent être sujettes à déchéance pour non-usage pen- ficiaire à intervenir pour
dant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance peut être demandée faire valoir ses droits.
devant le tribunal. Cette procédure judiciaire permet, là encore, d’éliminer un
obstacle constitué par une marque enregistrée depuis au moins cinq ans et non
utilisée pendant cette période.

Les résultats de ces recherches ainsi que la détermination de la stratégie à adop-


ter dans l’hypothèse où la marque doit effectivement être libérée des droits anté-
rieurs existants, peuvent être analysés par le déposant lui-même.

Néanmoins, il est vivement conseillé de confier ce type d’étude à un profes- Les tiers peuvent aussi
sionnel ayant une formation juridique, et particulièrement un Conseil en pro- engager une action en
priété industrielle qui sera à même de déterminer si le signe choisi est dispo- déchéance de marque
nible ou non et de conseiller l’entreprise au mieux de ses intérêts. L’examen de pour un non-usage de
plus de cinq ans.
cette recherche d’antériorité est, en effet, une opération délicate tant dans
l’appréciation des risques que dans la recommandation des stratégies à adopter.

C’est aussi sur le nom ou le signe ainsi choisi et réputé disponible que l’entre-
prise investira ; les services marketing des entreprises se chargeront de diffuser
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le nom, devenu marque de l’entreprise, et de lui conférer sa valeur.

II – LA FONCTION DE LA MARQUE

Le rôle de la marque comme instrument du commerce international ne cesse de Le nombre des dépôts est
s’affirmer, favorisé par la force attractive dont la publicité sait charger ce sym- en nette progression
depuis les années 60.
bole. Ce phénomène se manifeste par la progression constante du nombre de
dépôt tant en France qu’à l’étranger.

Ainsi, en France, plus de 85 000 marques nationales et internationales visant la


France ont été déposées en 1996.

Dépôts nationaux : Premiers dépôts et renouvellements


– 1950 : 23 052 dépôts
– 1960 : 19 477 dépôts
– 1980 : 44 730 dépôts
– 1990 : 81 139 dépôts
72 598

Dépôts nationaux 1992 1993 1994 1995 1996 95/96


69 481

Premiers dépôts 47 982 49 204 51 394 51 495 51 932 + 0,8 %


65 761
63 364

Renouvellements 12 902 14 160 14 367 17 986 20 666 + 14,9 %


60 884

Total 60 884 63 364 65 761 69 481 72 598 + 4,5 %


13 635

13045

Dépôts internationaux * 1992 1993 1994 1995 1996 95/96


13 413

Premiers dépôts 9 713 10 271 9 489 10 775 10 374 - 3,7 %


12 985
12 393

Renouvellements 3 922 2 774 2 904 2 638 2 611 - 10 %


Total 13 635 13 045 12 393 13 413 12 985 - 3,1 %
* Arrangement de Madrid

92 93 94 95 96
Total des dépôts 74 519 76 409 78 154 82 894 85 583 + 3,2 %
Évolution des dépôts de marques

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 15
Droit des marques et communication d'entreprise

On constate une très forte progression des dépôts à partir de 1980. En effet,
alors que, entre 1960 et 1980, on constate une augmentation des dépôts de
56,4 % en 20 ans, cette progression est de 44,9 % sur 10 ans entre 1980 et
1990. Après une baisse du nombre des dépôts entre 1990 et 1992 de 33,3 %,
on constate une reprise de la progression.

La régression du nombre des dépôts entre 1990 et 1992 coïncide avec l’entrée
en vigueur de la loi du 4 janvier 1991. On peut tenter d’expliquer cette baisse
par le fait que la nouvelle rédaction adoptée par la loi de 1991 a été interpré-
tée par certains comme rendant plus sévère les conditions de validité de la
marque. Cependant, la jurisprudence est ensuite intervenue pour dissiper ces
craintes.

Depuis 1992, la progression du nombre des dépôts s’est poursuivie bien qu’elle
soit plus lente : 16 % entre 1992 et 1996.

Le nombre des dépôts internationaux d’origine française connaît en revanche un


tassement depuis 1992. Leur nombre s’élève à 12 985 en 1996. Cette progres-
sion constante du nombre de dépôts de marque ne fait que refléter l’importan-
ce économique croissante de ce droit. Celle-ci s’explique non seulement par les
fonctions juridiques de la marque mais également par ses fonctions écono-
miques.
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A/ Les fonctions juridiques de la marque

La marque a tout d’abord une fonction de distinctivité, c’est-à-dire qu’elle per-


met à une entreprise déterminée de distinguer ses produits et/ou ses services de
ceux d’une autre entreprise. Elle permet donc à la clientèle de reconnaître un
La marque a un intérêt
très fort de garantie de produit ou un service par rapport à des produits concurrents. Cette fonction est
qualité même si celle-ci ne importante dans la mesure où le nombre de produits ou services mis sur le mar-
conditionne pas le dépôt. ché sont de plus en plus nombreux et que cette offre tend à s’homogénéiser.

La marque remplit également une fonction de garantie de l’origine du produit.


En effet, la marque est une indication qui permet à l’acheteur de reconnaître,
au moment de l’achat, quelle entreprise est à l’origine du produit ou du servi-
ce. Cette fonction de garantie de l’origine du produit a évolué. En effet, on
reconnaît également à la marque une fonction de garantie de la qualité du pro-
duit, celle-ci dérivant de la garantie de l’origine du produit.

La marque est aux yeux du consommateur le gage d’une certaine constante de


qualité due aux efforts de l’entreprise qui fabrique le produit. Il est des
domaines, par exemple celui des hautes technologies, de la parfumerie ou de la
joaillerie où cette fonction qualité joue au maximum.

La marque constitue ainsi une indication de qualité alors que, d’un point de vue
strictement juridique, la marque ne constitue pas une garantie de qualité. En
effet, la qualité du produit ou service revêtu de la marque n’est pas une condi-
tion de validité de celle-ci. Seules les marques collectives de certification ont
juridiquement pour fonction de garantir la qualité du produit.

La marque, en général, n’a pas pour fonction la protection du consommateur.


Celle-ci est assurée par d’autres dispositions, notamment celles relatives aux
fraudes ou à la publicité mensongère.

La fonction de garantie de la qualité du produit n’est donc qu’une fonction déri-


vée de celle de l’origine du produit, le consommateur n’attribuant une certaine
qualité au produit que parce qu’il a pour origine une entreprise déterminée.

16 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3
Aspects généraux de la marque en droit français

La marque apparaît comme une promesse : promesse de confort, de solidité, de


performance, de durée. La marque facilite la décision d’achat du consomma-
teur. En effet, en raison de la multiplication des produits marqués ayant des
caractéristiques proches, le consommateur qui n’est pas un spécialiste se confiera
à la réputation de la marque, gage de qualité et de pérennité.

B/ Les fonctions économiques de la marque

Dans l’Europe du Moyen Âge, les corporations de marchands utilisaient déjà la


marque pour garantir à leurs clients la provenance de leur produit et pour don-
ner aux productions une protection légale.

C’est à partir du vingtième siècle que les marques devinrent déterminantes dans
la compétition économique. La création et le développement de signes de ral-
liement, distinctifs de ceux de la concurrence constituent aujourd’hui un élé-
ment très important du marketing. La marque est, avec
l’emballage ou le slogan
L’évolution du rôle économique de la marque révèle un paradoxe : alors qu’elle publicitaire, l’arme princi-
pale des actions marke-
constitue sur le plan juridique un monopole et donc une atteinte à la concur- ting.
rence, elle est aujourd’hui devenue un instrument essentiel de concurrence entre
les entreprises.
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Elle est au cœur des différentes actions destinées à développer les ventes (publi-
cité, packaging...). Elle est un moyen d’attirer le client en l’informant sur la
qualité du produit et sur les fonctions que le consommateur ne peut pas appré-
cier lors de l’acte d’achat. Cette information se matérialise par le choix d’un
emballage adéquat, et est diffusée par le biais de la publicité qui développe
l’image de la marque et lui donne sa signification.

Ces outils de promotion de la marque font appel aux sentiments les plus intimes
du consommateur. Le choix de la marque devient pour lui une expression de sa
personnalité, elle fait partie de son mode de vie. La marque permet en outre à
l’entreprise de contrôler et d’organiser les marchés.

On constate tout d’abord que, bien que les plus grandes marques demeurent tou-
jours à l’heure actuelle des marques d’entreprises, telles que “Coca-Cola” ou
“Mc Donald”, la diversification des domaines d’activité de ces entreprises a
entraîné une multiplication des marques de produits. Surtout constaté dans le
domaine agro-alimentaire, ce phénomène se justifie par le fait que, dans cer-
tains cas, il est plus judicieux pour une entreprise d’utiliser des marques diffé- La marque pèse parfois
rentes pour des produits différents, en raison des significations psychologiques très lourd dans les actifs
qu’elles recouvrent. de l’entreprise.

En effet, si la marque “Yamaha”, par exemple, parce qu’elle est un symbole de


performance, peut être appliquée à des produits aussi différents que les motos,
les pianos et les guitares classiques, une telle possibilité n’est pas forcément
opportune lorsqu’il s’agit de produits alimentaires d’une part et de produits
d’hygiène corporelle d’autre part.

Il apparaît donc que, pour des produits de nature pourtant très proche voire
même parfois identique, les entreprises choisissent délibérément des marques
différentes. Celle-ci devient alors un instrument de segmentation des marchés,
lesquels se limitent à une gamme très restreinte de produits sur laquelle l’entre-
prise pourra s’imposer plus facilement comme leader.
L’importance économique de la marque, parce qu’elle constitue un signe qui ral-
lie la clientèle, est telle qu’à l’heure actuelle la marque est une valeur patri-
moniale de l’entreprise. Elle fait partie de ses actifs incorporels et constitue la

LÉGICOM N° 15 – 1997/3 – 17
Droit des marques et communication d'entreprise

valeur véritable de l’entreprise. C’est pourquoi certaines entreprises, bien que


déficitaires, ont été rachetées pour des sommes considérables en raison de leur
marque. Celle-ci est un potentiel de bénéfices.

Pour toutes ces raisons, la marque constitue aujourd’hui un élément de straté-


gie de développement de l’entreprise.

Paradoxalement, alors que la marque est un droit national dont l’existence et le


régime sont déterminés par des lois d’une portée territorialement limitée à un
État, son importance devient déterminante dans les échanges commerciaux
internationaux.

Diverses initiatives sont cependant intervenues pour atténuer les inconvénients


de cette territorialité. D’une part, l’accord de Marrakech signé par les membres
de l’OMC, le 15 avril 1994, contient des dispositions relatives à la marque qui
constitueront un minimum de protection commun à un nombre très important
d’États. D’autre part, l’arrangement de Madrid de 1891, révisé à plusieurs
reprises depuis cette date, a institué la marque internationale qui permet, par un
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dépôt unique effectué auprès de l’OMPI, d’obtenir dans les États membres une
protection équivalente à celle qui résulterait d’un dépôt national dans chacun de
ceux-ci.

Pour l’heure, l’entrée en vigueur du Protocole à l’arrangement de Madrid signé


le 27 juin 1989, récemment ratifié par la France, constitue un progrès impor-
tant. Intégrant la marque communautaire dans le système de la marque inter-
nationale et apportant une plus grande souplesse par rapport à l’arrangement de
Madrid, ce texte permet d’étendre un système de marque internationale à des
pays qui le rejetaient jusqu’à présent (États-Unis, Japon et pays nordiques).
L’étendue de cette protection internationale de la marque sur le plan juridique
devrait donc répondre aux attentes des entreprises pour lesquelles la marque fait
partie des instruments de conquête des marchés sur le plan mondial.

Véronique Staeffen
Conseil en Propriété industrielle

18 – LÉGICOM N° 15 – 1997/3

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