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BUSINESS MODELS DES ORGANISATIONS MARCHANDES ET

PRODUCTIVES DE L’AGRICULTURE URBAINE

Véronique Saint-Ges

De Boeck Supérieur | « Innovations »

2021/1 N° 64 | pages 91 à 118


ISSN 1267-4982
ISBN 9782807394520
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Business models des
organisations marchandes
et productives de
l’agriculture urbaine
Véronique SAINT-GES
UMR SADAPT, Université Paris-Saclay
INRAe, AgroParisTech
veronique.saint-ges@inrae.fr
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RÉSUMÉ
L’agriculture urbaine vit un véritable renouveau, notamment en période de
crise tant économique que sanitaire. Cette reterritorialisation de la produc-
tion alimentaire en ville voit le jour avec l’émergence d’organisations mar-
chandes et productives (OMPAU) entrepreneuriales. Notre étude consiste
à identifier, comprendre et analyser les business models (BM) assurant une
certaine pérennité à ces OMPAU. L’angle d’étude par la dimension éco-
nomique est privilégié, notamment car elle est régulièrement questionnée
par l’ensemble des acteurs dont les financeurs publics et privés. Afin d’être
pérennes et rentables, les OMPAU inventent de nombreuses stratégies inno-
vantes pour l’agriculture produisant ainsi une multitude de business models.
Notre enquête auprès de vingt-cinq OMPAU permet de montrer d’une part,
leur originalité et diversité en termes d’activités. D’autre part, nous montrons
l’existence de clés de succès telles que des partenariats avec les collectivités,
les financeurs ou l’enseignement, l’intégration de compétences techniques
appropriées, des activités proposant des valeurs de durabilité. La commercia-
lisation se fait en circuit court, préférentiellement vers des clients très variés,
consommateurs, entreprises ou collectivités.
MOTS CLÉS : Agriculture urbaine, Business model, Viabilité économique, Production
alimentaire, Stratégie
CODES JEL : Q1, Q5, R1

n° 64 – innovations 2021/1 DOI: 10.3917/inno.064.0091 91


Véronique Saint-Ges

ABSTRACT
Business Models of Commercial and Productive
Organizations of Urban Agriculture
Urban agriculture is experiencing a real revival, especially in times of eco-
nomic and health crisis. This reterritorialization of food production in cities
is taking place with the emergence of new market and production organiza-
tions. Our study consists in identifying, understanding and analyzing the
business models (BM) that ensure a certain viability to these market and
productive organizations of urban agriculture (MPOUA). The economic
dimension of the study angle is privileged, especially because it is regularly
questioned by all the actors that are the public and private funders. In order
to be sustainable and profitable, the MPOUA invent many innovative strate-
gies for agriculture, thus producing a multitude of business models. Our sur-
vey of twenty-five MPOUA shows on the one hand their originality and
diversity in terms of activities. On the other hand, we show the existence of
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keys to success such as partnerships with communities, funders or education,
the integration of appropriate technical skills, activities offering sustainabil-
ity values. Marketing is done in short circuits, preferably to a wide variety of
customers, consumers, companies or communities.
KEYWORDS: Urban Agriculture, Business Model, Food Production, Strategy, Short Circuit
JEL CODES: Q1, Q5, R1

Les urbains souhaitent de plus en plus des aliments de qualité à un prix accep-
table issus d’une agriculture de proximité, respectant l’environnement et pou-
vant améliorer leur cadre de vie. Ces interpellations conduisent les citoyens,
les responsables des politiques publiques françaises à repenser les systèmes
d’approvisionnement des villes. Ainsi l’agriculture urbaine, qu’elle occupe
des surfaces sur les toits, les balcons, les interstices, ou les friches, etc. est en
plein essor, portée par de multiples organisations (entreprises, associations,
pouvoirs publics). Cohabitent, donc, en ville une agriculture urbaine non
marchande, représentée par les jardins familiaux ou partagés, et une nouvelle
agriculture marchande représentée par des fermes urbaines low-tech (hors-sol
ou pleine terre) ou high-tech (fermes verticales ou indoor) faisant appel à des
innovations. Le terme d’organisations marchandes et productives de l’agri-
culture urbaine (OMPAU) sera utilisé pour représenter l’ensemble des fermes
urbaines commerciales, quel que soit leur statut juridique. Les OMPAU pro-
duisent en situation contrainte sur de petites parcelles, la mise sur le marché
de leur production alimentaire ne suffit pas à assurer un chiffre d’affaires
suffisant pour leur équilibre financier. En conséquence, elles développent en
parallèle de la production alimentaire d’autres activités (Daniel, 2018), telles

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Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

que la vente de services (ateliers thérapeutiques à destination des enfants


malades, création et entretien de potagers, formation, ateliers de sensibili-
sation, évènements culturels, contrôle etc.) ou encore la vente d’agroéqui-
pements, à savoir les équipements utilisés pour une activité agricole (serres,
systèmes lumineux, gouttières ou bacs de culture, système de production clé
en main, etc.)
L’agriculture urbaine mobilise une multiplicité d’acteurs, des politiques aux
citoyens, des architectes, urbanistes, paysagistes aux promoteurs ou encore des
chercheurs aux entrepreneurs. Elle permet de rendre une certaine résilience
à la ville, suscitant des impacts positifs sociaux et environnementaux, cer-
tains y voyant un véritable eldorado à même de résoudre les problématiques
complexes des métropoles. Face à cet engouement et au développement de
nombreux projets urbains entrepreneuriaux agricoles d’une nouvelle forme,
se pose de façon prégnante la question de leur pérennité et viabilité écono-
mique (Chang, Morel, 2018). Notre étude cible les dimensions économique
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et stratégique de ces OMPAU en identifiant leur business model (BM). Sur la
base de premiers travaux (Morel-Chevillet, 2017) mettant en avant la pluriac-
tivité agricole et non agricole des OMPAU, nous faisons l’hypothèse qu’elles
ont un business model différent selon la combinaison de leurs (s) activité (s)
principales, vente de biens (production alimentaire, vente agroéquipement)
et/ou de services. En mettant en relation les business models avec les activi-
tés dominantes nous pensons pouvoir en inférer des indications quant aux
conditions de succès et de pérennité des OMPAU ici appelées clés de succès.
La première partie de l’article présente les raisons qui nous ont conduits
à mobiliser les concepts de multifonctionnalité et de business model. D’une
part, la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine (Duchemin et al., 2008)
propose des externalités positives ici revendiquées par les OMPAU comme
autant de valeurs proposées. D’autre part, le business model explicite comment
les projets entrepreneuriaux créent, délivrent et capturent de la valeur (Teece,
2010) afin d’assurer une viabilité économique. Dans une deuxième partie,
la méthodologie d’enquête par entretiens et leur analyse sont explicités. La
troisième partie s’appuyant sur la dimension économique montre la diversité
des OMPAU avec une tentative de définir des catégories de BM fonction de
leurs activités. La quatrième partie, conclusive, présente les clés de succès des
OMPAU pouvant conduire à la possible pérennisation des OMPAU.

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Véronique Saint-Ges

Cadre d’analyse

Multifonctionnalité et valeur
L’agriculture urbaine est si multiforme que certains parlent d’agricultures
urbaines (Aubry, 2012). La diversité se situe aux niveaux des pratiques et
techniques agricoles, des supports et des lieux de production, des business
models, des types de productions végétales ou animales, ou encore des par-
ties prenantes concernées (Daniel, 2018). Pour la FAO, l’agriculture urbaine
comprend la culture de plantes et l’élevage d’animaux à l’intérieur des villes.
Certains, tels Mbaye et Moustier (2010) y ajoutent une notion supplémen-
taire, celle de la destination des produits vers la ville, alors que Mougeot
(2005), par exemple, y adjoint la nécessité d’utiliser des ressources humaines
et matérielles, des services et des produits issus de la ville et du péri-urbain
(Lagneau, 2016).
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Ces définitions emboitées semblent réduire l’agriculture urbaine à une
seule activité, la production alimentaire. Cette fonction nourricière est,
certes, très importante dans les pays du Sud mais dans les métropoles des pays
du Nord elle n’est pas la seule externalité (Duchemin et al., 2008). Plusieurs
autres fonctions développées à des degrés variés par l’agriculture urbaine
concernent, la fonction sociale, telle que l’intégration et la collaboration
entre différentes catégories d’habitants urbains, la fonction environnemen-
tale (restauration de la biodiversité ou diminution des déchets organiques
urbains par la fabrication de compost), la fonction de préservation ou de pré-
vention de la santé humaine (production de légumes sains, sans pesticides et
frais), la fonction éducative (apprentissage de la saisonnalité des produits, ou
de la cuisine aux enfants et aux adultes), la fonction d’amélioration de l’es-
pace et de l’habitat urbain (paysages comestibles améliorant le bien-être en
ville), la fonction économique (création de nouveaux emplois) et la fonction
de loisir, le jardinage permettant de détourner des écrans (B. Moustier, 2010 ;
Lovell, 2010 ; Wakefield et al., 2007).
Le concept de multifonctionnalité regroupe l’ensemble de ces fonctions
(Landais, 1998). Il permet de mettre en exergue à côté des fonctions mar-
chandes, production de biens ou de services, les fonctions non marchandes,
notamment, de l’agriculture urbaine. La multifonctionnalité des OMPAU
est ici mobilisée, traduisant les multiples facettes de leurs activités produi-
sant richesses matérielles ou non matérielles que, seul, le marché ne peut
gérer dans sa totalité (Duvernoy et al., 2005 ; Fleury, 2005). Les richesses
immatérielles ont une double nature : celle de biens privés (valorisation des
immeubles au voisinage d’espaces végétalisés) ou celle de biens communs

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Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

(environnement, aménagement urbain). Elles sont, cependant, moins faciles


à cerner et, à quantifier que les richesses matérielles notamment, s’agissant
de services rendus à la société, tels que la diminution des ilots de chaleur en
milieu urbain ou encore la diminution des coûts liés à la santé par la guérison
plus rapide des malades qui jardinent ou par un meilleur bien-être au travail.
Les OMPAU revendiquent ces externalités comme autant de valeurs
qu’elles proposent au travers de leurs activités (Morel, 2016). Par exemple,
concernant la production de légumes en ville au plus proche des consomma-
teurs, la valeur est non seulement pour les consommateurs et les OMPAU,
mais aussi pour l’environnement et la société. En effet, la production locale
émet des quantités de CO2 moindres que celles des produits alimentaires par-
courant des milliers de km (Millstone, Lang, 2003). Ou encore la présence
de vergers en ville ou de paysages comestibles en pied d’immeuble apporte
non seulement alimentation mais aussi des effets inattendus mais reconnus.
Par exemple, cette présence permet aux urbains une meilleure connaissance
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des procédés de production induisant de meilleurs comportements alimen-
taires et par conséquent une santé mieux préservée. Ces valeurs initialement
manquées (« value missed », Yang et al., 2017) par l’agriculture éloignée de la
ville, il semble que les OMPAU en fasse une valeur proposée, notamment
par les services tels que des visites de fermes urbaines. Ainsi, un parallèle
peut être établi entre cette multifonctionnalité de l’agriculture urbaine et les
démarches de durabilité qui, selon Biloslavo et al. (2018), créent un triangle
de valeur vertueux à la fois pour la société, les consommateurs et les parties
prenantes des OMPAU. C’est ainsi que les fonctions rendues par les OMPAU
sont ici identifiées comme de potentielles valeurs proposées.

Le concept de business model


La question de la viabilité économique des OMPAU est une question cen-
trale pour les parties prenantes. Les modes de production alimentaire sont
nouveaux, les surfaces cultivées sont inhabituelles et petites. En conséquence,
les stratégies des OMPAU impliquent dans le milieu contraint urbain des
compromis dans le choix des activités. L’analyse de cette dimension écono-
mique des OMPAU, actuellement en constante évolution tant en nombre
qu’en type d’organisations et de stratégies de croissance, nous fait revenir au
fondement du concept de business model (BM). Dans la pratique, les déci-
deurs publics (collectivités) ou privés (financeurs, bailleurs) demandent aux
OMPAU de présenter leur BM afin d’examiner la réalité de leur projet. Le
BM permet de façon compréhensible d’expliciter le fonctionnement mis en
place par les organisations pour être viables avec des codes partagés par tous
(salariés, partenaires, institutionnels, etc.). Le BM accepté par les parties

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Véronique Saint-Ges

prenantes doit permettre de mobiliser les ressources humaines, matérielles,


financières et cognitives nécessaires à la réussite du projet.
Le concept de BM a donné lieu à de multiples définitions dans la litté-
rature (Arlotto et al., 2011 ; Shafer et al., 2005) qui varient suivant qu’on les
approche par les activités de l’organisation marchande et productive, par la
valeur créée par celle-ci, par la compétitivité ou par l’innovation. Toutefois,
ces définitions s’accordent toutes à mettre en évidence le concept clé de valeur
(Lambert, Davidson, 2013). La littérature (Linder, Cantrell, 2000 ; Magretta,
2002 ; Rajala, Westerlund, 2007 ; Zott et al., 2011) définit le BM comme la
façon dont l’organisation crée de la valeur, la distribue de façon à en tirer des
revenus qui vont lui permettre d’être viable et pérenne. Fréquemment utilisé
depuis l’arrivée des start-ups du numérique et de l’internet (Hedman, Kalling,
2003 ; Porter, 2001) pour expliciter leur création de valeur centrée sur des
activités immatérielles difficiles à quantifier, le BM a depuis donné lieu à un
nombre croissant d’articles scientifiques.
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Bien que le recours au BM ne soit pas nécessairement facteur de réus-
site, cette approche systémique permet d’aborder d’une part, la stratégie et les
moyens que met en œuvre une organisation pour assurer à la fois sa pérennité
et sa compétitivité face à la concurrence. D’autre part, le BM rend possible
l’analyse et l’élaboration des fonctions de l’organisation dans leur ensemble
et leur interdépendance dynamique les unes par rapport aux autres et non pas
comme la somme des parties de ces fonctions (Verstraete et al., 2012).
La littérature ne s’accorde pas totalement sur les éléments composant le
BM (Shafer et al., 2005 ; Guo, 2016), rendant parfois aux yeux de certains
le concept « flou ». Le BM doit montrer comment l’organisation organise
ses relations avec ses partenaires, ses clients (Geoffrion, Krishnan, 2003 ;
Mendelson, 2000). De même, comment elle mobilise de façon viable ses res-
sources internes et/ou externes pour produire biens ou services répondant aux
attentes du marché (Morris et al., 2005) tout en détenant un avantage com-
pétitif par rapport à ses concurrents (Porter, 1991). La complexité du concept
de BM a conduit Osterwalder, en 2004, à schématiser sa représentation en
CANVAS. Ainsi, le CANVAS modélise le BM de l’organisation en prenant
en compte les clients, l’offre, les infrastructures, la viabilité financière, ainsi
que leur interrelation aboutissant à une schématisation selon 9 items : Quelle
est l’activité ? Quels sont les partenaires ? Quelles sont les valeurs ? Quelles
sont les ressources ? Quels sont les clients et leurs caractéristiques ? Quelles
sont les relations avec les clients ? Quel réseau de distribution ? Quelle est la
structure des coûts ? Quels sont les revenus ? CANVAS reflète les visions de
l’entrepreneur en termes d’outils de production et des modalités d’accès au
marché et de sources de revenus.

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Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

Cette vision a ses limites. En effet, les années 2000 voient apparaître des
demandes citoyennes prégnantes pour un développement économique asso-
cié aux enjeux environnementaux et sociaux. Des BM plus durables sont
attendus par l’entreprise. Le monde agricole ne faisant pas exception, il est
lui-même interpellé sur ses pratiques. Les BM doivent, donc, combiner enjeux
de performance et de compétitivité à ceux de la durabilité, jugés parfois anta-
gonistes. Lüdeke-Freund (2010), en premier lieu, puis Bocken et al. (2014) ou
Joyce et Paquin (2016), Yang et al. (2017), définissent un BM soutenable et
en font un outil permettant aux entreprises de répondre aux enjeux écono-
miques, sociaux et environnementaux. Leur prise en compte permet de créer
des innovations et par là même des BM innovants.
Notre étude utilise le CANVAS pour représenter le BM des OMPAU en
nous attachant à la dimension économique. En effet, au stade de nos investi-
gations, il nous apparaît prématuré de définir ex-ante comme soutenables les
BM des OMPAU, ne bénéficiant pas d’études quantifiant les valeurs imma-
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térielles environnementales et sociales revendiquées. De plus, ces dernières
ne sont pas nécessairement rémunérées, directement ou indirectement, par le
marché fragilisant ainsi la viabilité économique des OMPAU.

Champ de l’étude et
méthodologie d’analyse

Panel des OMPAU


Les organisations se réclamant de l’agriculture urbaine ont en commun
de produire des plantes et /ou d’élever des petits animaux en ville avec,
cependant, des formes et des objectifs très variés. Notre étude s’intéresse aux
OMPAU pouvant être autrement appelées agriculture urbaine profession-
nelle ou porteurs de projets ou micro-fermes ou fermes urbaines, etc. Ces
formulations ne sont pas reprises ici faisant référence respectivement à la pro-
fession d’agriculteur urbain (non normalisée ce jour), à une temporalité anté-
rieure à la création de l’OMPAU, ou à la taille de l’exploitation. Les OMPAU
sont entendues ici comme toute entité située en ville utilisant les cultures
agricoles pour tout ou partie de leurs activités consacrées à la production et
commercialisation de produits, biens ou services, quel que soit leur statut juri-
dique. Les OMPAU exercent sous des statuts juridiques divers (SCOP, SARL,
association, EURL, SAS, etc.), non représentatifs de la présence ou absence
d’activité commerciale.

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Véronique Saint-Ges

Le panel des 25 OMPAU françaises (14 en Île-de-France et 11 en province)


a été constitué, entre l’automne 2017 et le printemps 2019, à partir de notre
réseau de recherche et d’évènements professionnels. Ce groupe représente
environ ¼ des OMPAU identifiées à cette date. L’AFAUP1, interprofession
créée pour représenter le secteur compte environ 80 adhérents. Ainsi, avec
25 OMPAU enquêtées les résultats de notre enquête possèdent une certaine
représentativité permettant d’identifier de grandes tendances quant aux BM
développés. Les organisations sont choisies afin d’avoir la plus grande diver-
sité possible en termes de types de production, d’activités, et de technolo-
gies. Parmi les entreprises contactées, 23 ont accepté de participer à notre
recherche, les données de 2 d’entre elles sont obtenues à partir de leur site
internet et/ou des réseaux sociaux, de la presse professionnelle ou généraliste.

Enquête des OMPAU françaises


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Notre enquête auprès des OMPAU selon une méthode qualitative de col-
lecte de données se justifie par le caractère précurseur de notre objet d’étude,
les BM des OMPAU, dont on soulignera encore la jeunesse. D’une part, la
méthode qualitative permet la collecte de données de terrain prenant en
compte la diversité des organisations interviewées dans leur environnement
respectif, la proximité du face-à-face permettant l’obtention de témoignages
et d’observations concrètes (Paillé, Muchielli, 2016). D’autre part, l’analyse
qualitative permet d’expliciter le sens que les interviewés accordent aux
données, via l’explication plus approfondie de notre question de recherche
(Kohn, Christiaens, 2014).
La collecte de données par entretien individuel en face-à-face, semi-
directif, alternant questions fermées et ouvertes, a ainsi permis d’identifier
les points de vue et de réaliser quelques quantifications pour en déduire des
tendances dans les composantes des BM des OMPAU en partant de leurs
activités. Le guide d’entretien est structuré en plusieurs sous thèmes relatifs
au BM. Les questions fermées concernant les activités, le type de clientèle,
les réseaux de distribution, proposent un choix de réponses identifiées lors
de travaux antérieurs et confortées lors d’entretiens préalables (une dizaine)
auprès des agriculteurs urbains. Les réponses proposées à la question concer-
nant les valeurs correspondent aux fonctions caractéristiques de l’agriculture
urbaine (Wegmuller, Duchemin 2010). Un premier thème concerne leur outil
de production (nombre et qualité de leur personnel, techniques, localisation
et type de production) ainsi que les ressources clés tant en termes de compé-
tences, que de financement ou de matières premières. Un deuxième thème

1. AFAUP : Association Française de l’Agriculture Urbaine Professionnelle.

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Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

interroge par une question à choix multiple le type d’activités réalisées :


Comment définiriez-vous vos activités : production alimentaire ou vente
d’agroéquipements ou de services (formation, team-building, installation et
entretien de fermes) ? Un troisième thème questionne par un choix multiple
la valeur proposée par les OMPAU à leur client : « Quelles sont parmi les
huit valeurs suivantes celle ou celles que vous proposez à vos clients : amé-
nagement urbain, protection de l’environnement, santé des consommateurs,
éducation, économie, sécurité alimentaire des villes, loisir ? » L’identification
de ces valeurs s’est faite, notamment, à partir de la littérature (Aubry, 2012 ;
Duchemin et al., 2008). Un quatrième thème cherche à identifier quels sont
les clients des OMPAU, la façon dont elles les atteignent et les fidélisent. Le
type de clients des OMPAU est déterminé par la question fermée : « Quels
sont les clients cibles : entreprises, ou particuliers, ou restaurateurs ou asso-
ciations citoyennes ou collectivités territoriales ? » Un cinquième thème
cherche à connaître les origines des coûts et le flux des revenus des OMPAU.
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Les OMPAU interviewées sont jeunes, leur création datant rarement de
plus de 2 ans, et de petite taille, seules 2 possèdent plus de 10 salariés. Au sein
des OMPAU, est interviewé le dirigeant, ou le responsable du service agri-
culture urbaine ou l’un des associés, à savoir des personnes impliquées à part
entière dans la réflexion et la construction de la stratégie de développement
de l’organisation. Les OMPAU indiquent très souvent qu’elles sont très sol-
licitées et manquent de temps. Malgré cela, lors des visites, comprenant que
leur expérience peut servir à d’autres, elles ont été très coopérantes, les entre-
tiens ayant eu une durée moyenne de 2 heures. Certaines informations telles
que le chiffre d’affaires ou les méthodes de production considérées comme
sensibles par les interviewés sont parfois peu partagées. Pour obtenir des ren-
dez-vous, une publication anonyme des résultats leur a été assurée.
Les prétentions statistiques de l’analyse de l’enquête sont limitées par
le caractère qualitatif de certains items, et exploratoire de notre recherche.
Néanmoins, les réponses permettent d’obtenir une bonne image des prin-
cipales variables différenciant ou réunissant les OMPAU. Les réponses aux
questions fermées ont été comptabilisées sur la base d’un item équivalant
à une citation. Concernant la question ouverte relevant des ressources clés
des OMPAU, une grande diversité dans les réponses nous ont conduit à en
regrouper certaines sous des items génériques. Ainsi, sous l’item compétences
sont regroupées toutes les citations correspondant aux métiers, chacun étant
compté pour une citation. Sous l’item technologies sont inclus tous les types
de technologies citées, chacune étant comptée comme une citation. Des tris
à plat ont été réalisés de façon systématique faisant apparaître les grands
traits de notre échantillon. Le tri croisé « type d’activités » des OMPAU par

n° 64 – innovations 2021/1 99
Véronique Saint-Ges

agrégation des réponses de chaque OMPAU au regard des 8 autres items du


business model CANVAS a été réalisé avec l’hypothèse sous-jacente à notre
problématique. L’objectif du tri croisé est de mettre en évidence les carac-
téristiques les plus saillantes d’une typologie de BM des OMPAU étudiées
en relation avec leurs activités. En effet, les entretiens préliminaires nous
ont montré que les OMPAU diversifient leurs activités pour augmenter leur
chiffre d’affaires par la vente de produits alimentaires mais aussi par la vente
d’agroéquipements ou de services et qu’ainsi elles doivent donc définir des
stratégies associées à chaque produit.

Résultats : des OMPAU diverses et


diversifiées en termes de business model
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Les pratiques agricoles des OMPAU
L’ensemble de nos enquêtés possède des activités agricoles de maraîchage,
sous serre ou non, en pleine terre ou sur substrats divers (terre végétale, marc
de café, déchets urbains recyclés, etc.) ou indoor. Les OMPAU utilisent un
ou plusieurs supports de culture, cependant une grande majorité (64 %) n’en
utilise qu’un. Malgré le peu de terres disponibles en ville pour l’agriculture,
44 % des OMPAU cultivent en pleine terre, les autres pratiquant l’aquapo-
nie2, l’hydroponie3, ou l’aéroponie4 (Tableau 1). Ces pratiques demandent une
technicité plus importante mais sont utilisables sur toute surface (dalle, par-
king, trottoir, friche, pied d’immeuble ou toit) et usuellement inutilisables
pour l’agriculture (Tableau 2).

Tableau 1 – Techniques de culture utilisées par les OMPAU

Techniques de culture Nombre d’OMPAU


Aéroponie 1
Aquaponie 3
Aquaponie, hydroponie, pleine terre, substrat 1
Aquaponie, pleine terre, substrat 1
Aquaponie, Substrat 1

2. « L’aquaponie est le fait de cultiver des végétaux en symbiose avec des poissons. Les poissons produisent des
déjections pleines d’ammonium qui sont transformées naturellement en nitrates par des bactéries. Les plantes
consomment ces nutriments pour leur croissance et filtrent alors l’eau des poissons qui leur revient propre ».
Source : Fédération française d’aquaponie.
3. L’hydroponie est une technique de cultures de plantes sur un substrat inerte parcouru par une solution
contenant les éléments nutritifs.
4. L’aéroponie consiste en une saturation de l’atmosphère des racines en humidité grâce à une brumisation
de la solution nutritive.

100 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

Techniques de culture Nombre d’OMPAU


Hydroponie 5
Pleine terre 4
Pleine terre, substrat 6
Substrat 3

Les OMPAU interviewées exploitent les espaces laissés libres par la ville
(dalle, friche, toit, etc.), souvent loués à bas prix par les municipalités ou les
promoteurs ou les bailleurs. Le prix de location des terres en ville pour un
usage agricole n’est pas régulé. L’utilisation de 2 types de surfaces concerne
24 % des OMPAU, tandis que 12 % produisent à 3 endroits différents et
une OMPAU adopte les 4 types. Les dalles des villes sont les surfaces plus
fréquemment employées alors que les toits sont le moins couramment usités,
leur nombre étant peu élevé ou leur portance insuffisante.
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Tableau 2 – Diversité des lieux d’implantation des OMPAU

Lieu d’implantation des OMPAU Nombre d’OMPAU


Champ 6
Champ, dalle, friche, toit 1
Dalle 4
Dalle, friche 2
Dalle, friche, pied d’immeuble 2
Dalle, friche, toit 1
Dalle, pied d’immeuble 1
Dalle, toit 2
Friche 1
Friche, toit 1
Pied d’immeuble 1
Toit 2
Toit, pied d’immeuble 1

La production alimentaire est très diversifiée chez les OMPAU, elle


concerne des aromatiques, des légumes (feuilles, racines, choux, tomates, etc.),
des fleurs comestibles (capucines, violettes, etc.), des champignons à forte
valeur (shitaké, pleurotes), des fruits (fraises, framboises, pommes, poires, etc.)
et des poissons (truite, saumon). Une OMPAU produit des aromatiques, des
fleurs comestibles et des micro-pousses, deux cultivent des champignons, des
endives et des micro-pousses, cinq produisent des aromatiques et des légumes,
des fleurs comestibles et des légumes, trois des aromatiques, des légumes et
des poissons, un produit des petits fruits.

n° 64 – innovations 2021/1 101


Véronique Saint-Ges

Organisation des OMPAU pour réaliser leurs activités


Les activités des OMPAU sont renseignées par la question à choix mul-
tiple : « Votre OMPAU produit-elle et vend-elle de l’alimentation et/ou des
agroéquipements et/ou des services ? ». La pluriactivité apparaît comme majo-
ritairement partagée par les OMPAU (Figure 1). Plus de 59 % ont deux acti-
vités soit la vente d’une production alimentaire et de services, soit la vente
de production alimentaire et d’agroéquipements, et 16,7 % vendent à la fois
production alimentaire, services et agroéquipements. Ainsi, 63 % OMPAU
produisent et vendent des produits alimentaires, d’autres (33 %) des agroéqui-
pements (serres, gouttières, containers, systèmes de production clé en main,
etc.) et 96 % vendent des services. Ces derniers concernent la location d’es-
paces comestibles, l’assistance à la mise en œuvre et/ou l’entretien de jardins
nourriciers ou de potagers, ou la réalisation d’ateliers de team-building ou de
sensibilisation ou de formation au maraîchage ou jardinage ou à une meil-
leure alimentation, l’organisation d’évènements. Une OMPAU est en phase
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de R&D.

Figure 1 – Nombre d’OMPAU en fonction de leurs activités

En termes de partenariat, les OMPAU apparaissent assez dépendantes des


collectivités (municipalités ou communautés d’agglomérations) car ces der-
nières instaurent les règles d’urbanisme permettant d’introduire l’agriculture
en ville (Figure 2). Elles peuvent être des clients potentiels, détenir le fon-
cier, et mobiliser des bailleurs afin de mettre à disposition des surfaces culti-
vables (exemple : « Parisculteur »). Les fournisseurs des OMPAU ne semblent
pas primordiaux bien que pouvant accorder des délais de paiement pour les
approvisionnements en équipement, notamment.
Concernant la question des ressources clés, les OMPAU répondent à une
question ouverte (Figure 3). La ressource « compétences » est énoncée en
premier lieu. Sont regroupés sous ce terme les métiers cités : agronome, auto-
maticien, commercial, électronicien, informaticien, gestionnaire, logisticien,
leader, technicien, animateur, aquaculteur, maraîcher, paysagiste. Le finan-
cement et les technologies (regroupant les citations capteur, automatisme,

102 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

informatique, électronique, génie des procédés) avec 12,4 % des citations


permettent de mettre en œuvre les activités des OMPAU. Les bénévoles, élé-
ments pourtant indispensables à certaines OMPAU, et le foncier sont peu
cités. Les matières premières (eau, semences, substrat), l’énergie et la forma-
tion, sont faiblement citées, bien que souvent énoncées comme facteur limi-
tant au développement.

Figure 2 – Nombre de citations par partenaire


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Figure 3 – Pourcentage des ressources clés

n° 64 – innovations 2021/1 103


Véronique Saint-Ges

À la question ouverte « Quelle est votre structure de coût ? », les OMPAU


déclarent comme principale dépense les ressources humaines, puis l’achat de
matériel et la R&D cités chacun 19 fois. Les catégories de coûts annoncées
par les OMPAU ne semblent pas être totalement fonction de leur type d’acti-
vités. Parmi les 52 % des OMPAU déclarant comme coûts le matériel, la
R&D et les ressources humaines, 4 d’entre elles vendent des équipements,
de la production alimentaire et des services, 1 seulement une production ali-
mentaire, 5 de la production alimentaire et services et 4 des équipements et
des services. Au sein des 24 % énonçant des coûts représentés par l’achat de
matériel et les ressources humaines, 5 vendent de la production alimentaire
et des services et une seulement de la production alimentaire. Au sein des
8 % dont les coûts comprennent la R&D et les ressources humaines, 1 vend
seulement des agroéquipements et une autre des biens et services. Notons la
limite de ces observations relatives à la structure des coûts : d’une part, nous
pouvons penser que les OMPAU énoncent les coûts les plus importants à
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leurs yeux ; d’autre part, les OMPAU ne fournissent par les proportions cor-
respondant à chaque poste de dépenses.

Valeurs, clients et revenus des OMPAU


La multifonctionnalité de l’agriculture urbaine (Duvernoy et al., 2005 ;
Orsini et al., 2013 ; Lovell, 2010), recouvre 8 fonctions, que nous rapprochons
de la notion de valeur proposée. Les réponses des OMPAU à la question à
choix multiple, montrent que si on s’attache à la fréquence des citations, la
préservation de la santé (sous-entendu action positive sur la santé humaine
et des plantes) et l’environnement (sous-entendu une meilleure protection de
l’environnement) avec respectivement 21 % et 20 % de fréquence de cita-
tions sont les valeurs prédominantes (Figure 5a). Viennent ensuite l’économie
(citée 18 fois), l’aménagement urbain, cité 15 fois ; la sécurité alimentaire,
citée 13 fois ; la création de lien social et l’éducation, citées chacun 12 fois, la
valeur de loisir étant la moins citée.

104 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

Figure 5 – Proportion des citations pour les valeurs, les types de clients,
les réseaux de distribution et ressources financières des OMPAU
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Lors des entretiens, les clients identifiés concernent 5 catégories : les
particuliers, les associations (citoyennes, de quartier), les entreprises (GMS5,
PME, grands groupes), les restaurateurs et les collectivités. La plupart des
OMPAU adressent leurs biens ou services à plusieurs types de clients (Figure
5b). Cependant, 4 d’entre elles ne s’adressent qu’aux entreprises et 4 seule-
ment aux particuliers. Par fréquence de citations, les clients des OMPAU
sont les particuliers (28 %), les entreprises (26 %), les restaurateurs (23 %) et
les collectivités (17 %) sachant que les associations sont peu citées (4 %). À
ce stade de l’étude, la typologie des clients d’une OMPAU ne semble pas être
liée aux valeurs proposées qu’elle énonce.
Pour atteindre leurs clients, les OMPAU possèdent un site internet et/
ou une page sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, etc.). Les réseaux

5. GMS : grandes et moyennes surfaces.

n° 64 – innovations 2021/1 105


Véronique Saint-Ges

de distribution usités sont les AMAP, des prescripteurs (architectes, bureau


d’études, etc.), les restaurateurs, les marchés, les épiceries (de luxe ou soli-
daires), la GMS (Figure 5c). Certaines OMPAU vendent leur production aux
particuliers directement sur le lieu de production par la cueillette ou la vente
de panier. Les OMPAU atteignent les clients-entreprises principalement par
la réponse à des appels d’offres, et/ou la réponse à des sollicitations ponc-
tuelles, notamment, quand ce sont les promoteurs qui les sélectionnent après
avoir réalisé du benchmark. Les sites internet, les réseaux sociaux ou encore
la communication virale sont des moyens pour proposer sa production ou
ses services. Les collectivités sélectionnent les OMPAU pour développer de
l’agriculture urbaine et ses services associés sur leur territoire majoritairement
par des appels d’offres ou à manifestation d’intérêt financés par des fonds
européens, régionaux, départementaux et/ou municipaux.
Concernant l’origine des sources de revenus des OMPAU (Figure 5d),
celle-ci est difficile à obtenir, les dires des OMPAU étant souvent vagues
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voire absents, les informations proviennent de la littérature blanche, grise,
etc. À notre connaissance, une seule OMPAU obtient ses ressources de la
vente de ses services en agriculture urbaine. 2 OMPAU en stade de dévelop-
pement ont obtenu leur capital via la BPI, des fonds privés et des subventions.
Ici, ces dernières sont entendues comme des aides à l’innovation, des mises à
disposition de foncier et /ou de locaux gratuitement ou à des tarifs modérés,
ou en échange de services tels des ateliers de sensibilisation des écoliers, la
visite de lieux de production etc. Selon nos entretiens et recherche dans les
médias, 24 OMPAU ont perçu directement ou indirectement ce type de fonds
pour leur développement. Cependant, la vente de biens (production alimen-
taire, agroéquipement) ou de services est une source de revenus importante.

De grandes tendances pour les


business models des OMPAU
À partir de notre enquête peut-on dégager des profils types de BM des
OMPAU en relation avec leurs activités ? Pour cela, les CANVAS de chaque
OMPAU sont réalisés en croisant les 8 autres éléments structurels avec cha-
cune des 5 associations d’activités rencontrées : 1 - vente de services, 2 -
vente de production alimentaire et de services, 3 - vente de la production
alimentaire, 4 - vente d’agroéquipements et de services, 5 - vente d’agroéqui-
pements, de la production alimentaire et de services. Cela nous permet de
mettre en exergue non seulement les points partagés mais aussi les différences
au sein des éléments structurels du CANVAS.

106 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

BM des activités vente production alimentaire – services


Le CANVAS (Tableau 3) des 10 OMPAU dont les activités sont la vente
de leur production alimentaire associée à celle de services, montre la réalité
de partenariats privilégiés avec les collectivités, les associations citoyennes
permettant de fournir de la main-d’œuvre (bénévoles), et les financeurs. Les
clients, la recherche et l’enseignement (apporteur de savoirs et de stagiaires),
ainsi que les bailleurs et les pôles de compétitivité n’apparaissent pas comme
des partenaires indispensables. La maîtrise des pratiques agricoles est primor-
diale, les métiers relevant de l’agronomie sont fortement demandés ainsi que
ceux de l’animation par rapport à ceux de la gestion d’entreprise. La structure
des coûts trouvée pour ces 10 OMPAU est retrouvée pour l’ensemble des
OMPAU interviewées.

Tableau 3 – Business model des 10 OMPAU dont les activités sont à la fois de
la vente de production alimentaire et de services. (n) = nombre de citations
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Relations
clients
Activités clés
B2C (9)
Partenaires Vente
B2B (7)
clés production
Proposition Communauté
Collectivités alimentaire et
valeur (6)
(8) services (10)
Environnement Contrat (5) Clients
Associations
(10) Direct (5) Particuliers
citoyennes
Santé (10) Réseaux (10)
(7)
Éducation (8) distribution Restaurants
Bénévoles (6)
Ressources Lien social (8) AMAP (6) (5)
Financeurs
clés Aménagement Marchés (4) Entreprises
(5)
Compétences urbain (7) Restaurants (4)
Clients (4)
techniques Économie (6) (4) Collectivités
Rech-Ens (4)
(18) Sécurité ali- Réseaux (3)
Bailleurs (3)
Finances (7) mentaire (5) sociaux (4)
Pôle de com-
Bénévoles (6) Loisirs (1) Appel offre
pétitivité (1)
Matières pre- (3)
État (1)
mières (5) Lieu produc-
tion (2)
GMS (1)
Flux de revenus
Structure des coûts
Vente (10)
Ressources humaines (10)
Subvention (9)
Matériel (10)
Fonds privés (3)
R&D (4)
BPI (1)

Bien que l’ensemble des valeurs soient citées par une typologie d’OMPAU,
la santé et l’environnement sont les plus citées, viennent ensuite l’éduca-
tion et la création de lien social. Ces services écosystémiques sont apportés
par les activités d’animation et de sensibilisation ou de team building, que
peuvent réaliser ces OMPAU. L’aménagement urbain (compris comme une

n° 64 – innovations 2021/1 107


Véronique Saint-Ges

amélioration du cadre de vie en ville), l’économie, la sécurité alimentaire


sont des valeurs plus faiblement citées, la valeur loisir n’étant citée qu’une
fois. Les clients de ces OMPAU sont, en premier lieu, les particuliers acces-
sibles en circuits courts, sur le lieu de production, les marchés ou par l’in-
termédiaire d’AMAP ou des réseaux sociaux. Les restaurateurs achètent la
production alimentaire selon des contrats annuels alors que les entreprises et
les collectivités achètent plutôt des services (installations de potagers ou ate-
liers d’animation) par voie d’appel d’offres. Quant aux flux de revenus (dont
on ne peut connaître les proportions) des OMPAU de cette catégorie, elles
disent toutes avoir un chiffre d’affaires obtenu en partie par la vente, 9 d’entre
elles perçoivent des subventions (aide au foncier, aide à l’équipement, etc.), 3
d’entre elles reçoivent des fonds privés pour leur développement.

BM des activités vente agroéquipements – services


Les OMPAU vendant à la fois agroéquipements et services ont un
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CANVAS sensiblement différent (Tableau 4). En premier lieu, sont retrouvés
les partenaires habituels de l’innovation, financeurs (fonds privés, incuba-
teurs, business angels), la recherche et l’enseignement. Pour s’adapter au milieu
contraint urbain, les agroéquipements nécessitent R&D, connaissances nou-
velles et finances. Les fournisseurs des OMPAU peuvent aider en apportant le
savoir-faire et des technologies. Ainsi, les clients et les associations citoyennes
jouent un moindre rôle. L’appui des collectivités est important aux dires des
OMPAU. Les compétences techniques sont ici aussi primordiales avec cepen-
dant une demande équivalente pour les compétences agricoles et technolo-
giques (maîtrise des capteurs, de l’électronique, de l’automatisme pour une
agriculture de précision).
Ici, les propositions de valeurs économie (relocalisation, création d’em-
plois, par exemple) et sécurité alimentaire arrivent en second lieu. Les clients
de 3 de ces OMPAU sont des entreprises qui sont approchées par appels
d’offres, salons professionnels ou en direct, une seule d’entre elle a des clients
particuliers formant une communauté qui est en grande partie obtenue par
communication virale. Une OMPAU n’a pas de revenus, encore en phase de
R&D.

108 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

Tableau 4 – Business model des 4 OMPAU dont les activités


sont de vendre des agroéquipements et des services

Relations
Partenaires clés Activités clés clients
Financeurs (4) Vente agroé- Proposition B2B (3)
Rech-Ens** quipement et Valeur B2C (1)
(4) services (4) Environnement Communauté
Collectivités (4) (1)
Clients
(2) Ressources clés Santé (4)
Entreprises
Fournisseurs Compétences Économie (3) Réseaux
(3)
(2) techniques Sécurité alimen- distribution
Particuliers
Business angels (16) taire (3) Appel offre (1)
(1)
(2) Technologies Éducation (1) Internet (1)
Incubateur (2) (14) Aménagement Réseaux
Associations Finances (3) urbain (1) sociaux (1)
citoyennes (1) Matières pre- Lien social (1) Direct (1)
Clients (1) mières (2) Nd** (2)
Énergie (1)
Flux de revenus
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Structure des coûts
Fonds privés (4)
Ressources humaines (4)
Subvention (4)
R&D (4)
Vente (3)
Matériel (3)
BPI (2)

* Rech-Ens : recherche – enseignement.

** Nd : non déterminé.

Tableau 5 – Business model des OMPAU dont les


activités sont la vente de services

Relations
Proposition clients
Partenaires B2B (5)
Activités clés Valeur Clients
Clés
Vente de ser- Santé (5) Contrats (5) Collectivités
Collectivités
vices (5) Environnement B2C (1) (4)
(4)
(4) Communauté Particuliers
Rech-Ens (4)
Aménagement (1) (2)
Associations
Ressources Clés urbain (4) Réseaux Associations
citoyennes (3)
Compétences Économie (3) Distribution citoyennes
Bénévoles (3)
techniques (8) Éducation (3) Appel offre (2)
Bailleurs
Associations Sécurité alimen- (5) Entreprises
sociaux (2)
de quartier (2) taire (3) Réseaux (1)
Clients (1)
Bénévoles (2) Loisir (1) sociaux (1)
Finances (2) Direct (2)
Flux de revenus
Structure des coûts
Vente (5)
Ressources humaines (5)
Subvention (3)
R&D (1)
BPI (1)

n° 64 – innovations 2021/1 109


Véronique Saint-Ges

BM des activités vente de services


Les 5 OMPAU proposant des services (création et entretiens de pota-
gers, ateliers) sont considérées comme appartenant aux formes d’agriculture
urbaine, leurs services étant élaborés sur la base d’une production alimen-
taire. Le CANVAS (Tableau 5) leur est propre, bien que chacune possède sa
spécificité en termes de statut juridique, vocation, ou taille. La dépendance
aux collectivités apparaît plus forte. En effet, en échange d’ateliers de sensibi-
lisation dans les écoles ou les quartiers ou autres évènements liés à l’alimenta-
tion, l’accès au foncier public est gratuit ou loué à un prix faible. La recherche
et l’enseignement sont recherchés pour la réponse à des appels à projet éma-
nant de fondations caritatives, ce qui peut être croisé avec le fait que la R&D
ne soit citée qu’une fois dans l’origine des coûts. Les associations citoyennes
et les bénévoles représentent des ressources clés et des partenaires proches,
l’initiative de créer des potagers dans les quartiers est souvent à l’origine de
l’initiative des urbains. Les bailleurs sociaux, quant à eux, incluent l’agricul-
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ture dans leur projet en réponse aux collectivités souhaitant une agriculture
associée à l’habitat pour développer lien social et éducation à une meilleure
alimentation. En termes de ressources clés, les compétences techniques sont
nécessaires avec des demandes plus particulières en termes d’animation, ou
encore de maraîchage et parfois de gestion. La main-d’œuvre comme coût
principal est une donnée classique d’entreprises fournissant des services. La
santé est affichée comme valeur première suivie de près par l’aménagement
urbain et l’environnement. La clientèle de ces OMPAU est très différente,
certaines ciblent de façon principale des entreprises, tandis que pour d’autres
ce sont des particuliers ou des associations citoyennes. Cependant, toutes
vendent aussi aux collectivités. Leurs canaux de distribution sont essentiel-
lement la réponse à des appels d’offres, internet et les réseaux sociaux. La
fidélisation de leur clientèle se fait suivant les cas par contrat et abonnement
ou par la communauté. Ces OMPAU affirment avoir un chiffre d’affaires pro-
venant de la vente, trois d’entre elles ont dit percevoir des subventions pour
porter des projets ou encore pour des innovations.

BM des activités de vente production


alimentaire - services – agroéquipements
En ce qui concerne les OMPAU vendant agroéquipements, production
alimentaire et services là aussi on observe un modèle CANVAS particulier
(Tableau 6). Les collectivités et les financeurs sont des partenaires princi-
paux, les premières mettant du foncier à disposition et les seconds permettant
de financer la R&D nécessaire aux OMPAU pour leurs techniques agricoles
principalement en hors-sol. Malgré cela, la recherche et l’enseignement en

110 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

Tableau 6 – Business model des 4 OMPAU dont les activités sont de produire,
vendre des agroéquipements, de la production alimentaire et des services

Activités clés Relations


Vente agroé- clients
quipement et B2B (4)
Partenaires clés
production Proposition B2C (3)
Collectivités Clients
alimentaire et valeur Contrat (3)
(4) Entreprises
services (4) Environnement Direct (3)
Financeurs (4) (3)
(4) Réseaux distri-
Clients (2) Restaurants
Ressources clés Santé (4) bution
GMS (2) (3)
Compétences Aménagement Appels offres
Rech-Ens (2) Particuliers
techniques urbain (3) (4)
Fournisseurs (2)
(14) Économie (3) Réseaux
(1) Collectivités
Technologies Sécurité alimen- sociaux (2)
Écosystème (1)
(7) taire (1) Magasin spé-
(1)
Finances (3) cialisé (2)
Foncier (1) GMS (1)
Marché (1)
Flux de revenus
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Structure des coûts
Vente (4)
Ressources humaines (4)
Fonds privés (3)
Matériel (4)
Subvention (3)
R&D (4)
BPI (2)

tant que partenaire ne sont cités que pour 2 d’entre elles. Deux de ces entre-
prises semblent attirer la GMS qui leur fournit relativement aisément un
canal de distribution tout en testant le marché. Les fournisseurs de technolo-
gies ainsi que le capital-risque cités une fois sont aussi parmi les partenaires.
Les compétences techniques sont, selon les interviewés, des ressources clés
indispensables avec une forte demande pour des agronomes, des aquaculteurs,
des informaticiens, des électroniciens, des ingénieurs des procédés ou encore
des spécialistes des techniques de production en lumière artificielle, ou en
hors-sol, etc. Les technologies sont aussi citées comme ressources clés ainsi
que les finances et dans une moindre mesure le foncier. En effet, la plupart des
OMPAU utilisent des surfaces souvent délaissées. Seulement 5 valeurs sont
ici mentionnées : l’environnement, la santé, l’aménagement urbain, l’éco-
nomie et seule une OMPAU cite la sécurité alimentaire. Selon nos sources
trois d’entre elles vendent aux entreprises, laissant à penser que ce sont des
systèmes clés en main comprenant les agroéquipements, leur maintenance et
la vente de la production alimentaire. Certaines vendent aux restaurateurs
des produits (légumes, herbes aromatiques, fleurs comestibles) à haute valeur
ajoutée en termes de qualité gustative et de fraîcheur. Selon toute vraisem-
blance, elles atteignent leur clientèle à la fois par la réponse à des appels
d’offres publics ou privés, ou par les canaux de distributions tels que la GMS
ou des épiceries spécialisées de luxe ou solidaires. La vente de leurs produits

n° 64 – innovations 2021/1 111


Véronique Saint-Ges

est source de revenus pour les quatre OMPAU, les fonds privés et subventions
finançant la R&D, les investissements et la BPI l’innovation et du capital.

Discussion

Illustration de la diversité croissante sur


la dimension économique des BM
Cette étude apporte une première contribution montrant que sur la base
de la dimension économique, il existe une diversité de BM des OMPAU. La
littérature présente divers BM pour l’agriculture urbaine. Pölling et al. (2017)
se plaçant du côté du marché énoncent des BM de différentiation, de diver-
sification et de low-cost. Certains entrepreneurs les abordent par la source de
revenus. Lambert et Davidson (2013) différencie les BM par la performance,
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la classification des entreprises et l’innovation. Liu (2015) inventorie les BM
par les pratiques, la qualité des OMPAU (économie circulaire, économie
sociale et solidaire, l’économie de la fonctionnalité) et Van der Schans et al.
(2016) parle de l’expérience client. Notre positionnement établissant les BM
des fermes urbaines en fonction d’activités génériques met en exergue que
les OMPAU en milieu contraint urbain (petites surfaces, mauvaise accessibi-
lité, etc.) diversifient leurs activités pour être pérennes en inventant de nom-
breuses stratégies inhabituelles pour le monde agricole. En effet, à la vente
et la production alimentaire sont associées à la vente d’agroéquipements ou
celle de multiples services dont des événements culturels, éducatifs, la créa-
tion et l’entretien de potager ou encore la maintenance de fermes urbaines.
Face aux enjeux de compétitivité, sont apparues des exploitations agricoles
de taille importante prenant des caractéristiques de firme au sens de l’éco-
nomie industrielle où la rentabilité est l’objectif principal (Nguyen, Purseigle,
2012). Face aux crises et aux enjeux environnementaux d’autres exploitations
agricoles, plus ancrées dans les territoires, développent des stratégies de diver-
sification : polyculture, transformation de produits, la vente en circuit court
ou l’agrotourisme (Gafsi, 2017 ; Aubry, Kebir, 2013 ; Rose, 2018). Ces der-
nières stratégies sont à rapprocher de celles des OMPAU françaises ainsi que
celles des fermes urbaines aux USA, au Royaume-Uni (Dimitri et al., 2016),
au Québec (Duchemin, Vermette, 2019).
Notre contribution appelle une perspective très prometteuse de cartogra-
phier de la diversité des BM avec l’étude de nombreuses OMPAU permet-
tant de suivre et d’analyser la trajectoire dynamique des BM et d’essayer de
compléter et chiffrer les données économiques. La lourdeur de telles ana-
lyses engendre sans doute un réductionnisme avec l’analyse sur la dimension

112 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

économique. En effet, plusieurs travaux ont souligné l’importance de capter


et d’analyser la multifonctionnalité de l’AU en termes d’attributs de valeurs
(Zanada, 2011 ; Yang et al., 2017 ; Bocken et al., 2014 ; Biloslavo et al., 2018).
Certains, sur la base d’études de cas, préconisent de s’appuyer à la fois sur
les dimensions économiques, sociales et environnementales afin de mieux
rendre compte des BM (Joyce, Paquin, 2016). Ceci serait pertinent si l’en-
semble de ces dimensions pouvaient être quantifiées auprès de ces OMPAU,
aujourd’hui peu de données quantitatives existent. Notre étude montre qu’il
y a besoin de capter et analyser la diversité des BM, et ce même en focalisant
sur une dimension précise. La multiplicité des modèles questionne l’idée de
trajectoires historiques qui permettrait de mieux comprendre l’évolution et la
diversité des OMPAU.

Les clés de l’évolution dans la diversité


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des OMPAU pour leur succès
Notre deuxième apport original montre une diversité de composantes
du CANVAS en relation avec leurs activités, tout en mettant, en exergue
l’existence de composantes principales retrouvées dans chacun des BM des
OMPAU (Tableaux 3 à 6), que l’on peut appeler « clés de succès » (Tableau 7).
Il n’existe que peu de littérature sur le sujet, notamment Boons et Lüdeke-
Freund (2013) mettent en lumière le manque d’approche par les BM. Van
der Schans et al. (2016) proposent 4 types de BM, dont les composantes des
éléments structurels des CANVAS font, toutefois, défaut.

Tableau 7 – Quelques clés de réussite des OMPAU

Clés de succès
Collectivités
Partenaires Financeurs
Recherche-Enseignement
Associations citoyennes
Compétences agronomiques
Ressources clés Et Connaissance des technologies
Et Compétences commerciales
Proposition de valeur Environnement
Santé
Clients Fonction des activités
Réseaux de distribution Appels offre

n° 64 – innovations 2021/1 113


Véronique Saint-Ges

Les partenaires tels que les collectivités sont, d’après nos entretiens,
essentiels pour les OMPAU françaises, de même pour celles de Rome ou de
Buenos Aires (Torquati et al., 2018). Elles interviennent à plusieurs niveaux :
politique incitative, règles d’urbanisme intégrant l’agriculture en ville, mise
à disposition de surfaces, achat de services pédagogiques, etc. Ces OMPAU
doivent intégrer à la fois des connaissances agronomiques dont la maîtrise des
technologies agricoles, et celles d’animation, de marketing, ou de logistique,
clés de succès essentielles à leur innovation (Ode, Ayavoo, 2020). L’ensemble
des OMPAU doivent prendre en compte le temps et le coût du travail néces-
saires à des productions régulières, à la commercialisation, ou à la réponse
aux appels d’offres public-privés, etc. Les OMPAU revendiquent les proposi-
tions de valeur « environnement et santé » correspondant aux attentes des
consommateurs proches et urbains. Le ciblage de la clientèle des OMPAU est
à penser selon leurs activités. Les particuliers via les réseaux de commerciali-
sation alternatifs et les restaurateurs adressés directement sont le plus cités par
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les OMPAU vendant leurs production alimentaire et services, alors que, les
entreprises sont les clients préférentiels de celles vendant agroéquipement et
services. Des données quantitatives permettant d’appréhender la réalité des
bénéfices financiers n’ont pu être recueillies ce qui constitue une limite quant
à l’évaluation de la viabilité sur le long terme.

Conclusion
Plusieurs travaux identifient la multifonctionnalité de l’agriculture
urbaine mais la dimension économique restait à approfondir. Les business
models selon les activités des OMPAU inférés par notre étude, circonscrite à
la dimension économique, permettent d’appréhender leur diversité ainsi que
les éléments indispensables à leur développement optimal. L’article montre
que la pérennité peut découler de la mise en œuvre de clés de succès : choi-
sir ses partenaires, associer les compétences appropriées, s’adapter à l’éco-
système urbain, connaître la physiologie des plantes ou des animaux, et les
techniques agricoles, commerciales et d’animation. Quant à la survie et à la
pérennité de ces OMPAU, à ce stade de la recherche, il est vraisemblable de
croire que certaines ont de grandes chances de survivre et d’autres moins.
Des études systématiques des OMPAU quantifiant leur structure de coûts
et leurs revenus permettraient l’identification d’indicateurs économiques. De
plus, au-delà des déclarations de durabilité des activités des OMPAU il s’agira
de mesurer leurs véritables impacts, des travaux en cours visent à déterminer
ces indicateurs. Cela ouvre le champ à des recherches futures appréhendant
les business models non seulement par leur compétitivité économique mais

114 innovations 2021/1 – n° 64


Business models des organisations marchandes et productives de l’agriculture urbaine

en se saisissant aussi des dimensions environnementales et sociales. Ce qui


permettrait sans doute de mettre en évidence des business models soutenables
chez certaines OMPAU.

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