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LE TRAVAIL AVEC LES FAMILLES AU CSAPA MONCEAU : PERTES

AMBIGUËS, LIENS AMBIGUS ET ADDICTION


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Nathalie Duriez

Érès | « Cliniques »

2012/2 N° 4 | pages 84 à 98
ISSN 2115-8177
ISBN 9782749234342
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cliniques-2012-2-page-84.htm
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© Pierre-Georges Despierre

« La perte ambiguë est la plus stressante


car elle ne peut être dépassée et génère des perceptions confuses
concernant qui est à l’intérieur ou à l’extérieur d’une famille donnée. »
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Le travail avec les familles


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au CSAPA1 Monceau :
pertes ambiguës, liens ambigus
et addiction
Family therapy: amiguous loss,
amiguous relationships and addiction

Nathalie Duriez Nathalie Duriez,


psychologue
clinicienne et
thérapeute
familiale au
CSAPA Monceau,
Paris 9e, maître
de conférences
en psychologie

L
clinique et
psycho-
pathologie à
l’IED-université
a prise en charge des personnes addictées nous confronte aux Paris 8,
phénomènes de codépendance ou d’aliénation des liens dans Laboratoire de
psycho-
lesquels sont enfermées les familles. C’est pourquoi la pratique pathologie et de
neuro-
institutionnelle du centre Monceau s’est orientée vers le travail psychologie,
systémique avec les familles depuis sa création, en 1980, par EA 2027.
1. Centre de soins
S. Angel. Les conduites addictives mettent en acte le manque lié d’accompa-
à la perte, la peur de perdre encore et le fait de ne pas savoir ce gnement et de
prévention en
qu’on a perdu et ce qu’on risque de perdre. Dans cet article, nous addictologie.
présenterons une vignette clinique pour illustrer le modèle de la 2. L’expression
« perte
perte ambiguë 2 de P. Boss (1999) et son intérêt dans la prise en ambiguë » est
utilisée pour
charge des familles à transaction 3 addictive. désigner la
souffrance causée
par une perte qui
LE TRAVAIL AVEC LES fAMILLES occasionne de la
confusion, de
l‘incertitude : la
Le modèle d’intervention du centre Monceau auprès des personne est
physiquement
familles à transaction addictive est basé sur les thérapies …/…

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Cliniques 4

familiales systémiques. Le travail thérapeutique est polarisé


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sur les relations familiales en considérant que la relation
avec le toxique n’est qu’une métaphore des relations intra-
familiales perturbées à la suite de pertes qui peuvent prendre
différentes formes. La dépendance sera donc présente sous
une forme ou une autre dans toutes les transactions familiales
qui mettront en scène la question des pertes subies par la
…/… famille et le sentiment de manque que font vivre les absents,
présente mais décédés ou vivants.
psychiquement
absente (maladie Pour explorer la nature de ces relations, nous travaillons à
d’Alzheimer, partir de deux niveaux d’analyse, un niveau visible, le niveau
traumatisme
crânien, etc.) ou des transactions, et un niveau invisible, le niveau des liens :
la personne est
physiquement
– au niveau des interactions visibles (disputes, réconciliations,
absente mais communication, passages à l’acte, etc.), nous allons repérer des
psychiquement
présente (cas répétitions afin de clarifier la chaîne circulaire des patterns
d’une rupture, transactionnels propres à la famille. Cette chaîne obéit à
une personne
incarcérée, certaines règles justifiant le mode de communication et les
un parent
biologique réponses comportementales qui se répètent dans différents
inconnu, etc.). contextes ;
3. « On peut
définir une
– au niveau des liens, nous allons dégager des règles qui ne
transaction sont pas immédiatement accessibles à l’observation, mais qui
comme une
interaction se situent à un niveau méta qui permet de comprendre diffé-
stabilisée, de remment le sens des interactions familiales visibles. Ce niveau
manière implicite
ou explicite, par intègre les règles phénoménologiques, les métarègles et le but
un deutéro-
apprentissage » spécifique de la famille. Il constitue en quelque sorte une
(Miermont, 1987, théorie de la famille sur elle-même qui précise ce qui la diffé-
p. 569).
4. « La notion de rencie des autres familles et que nous pouvons appeler un
mythe familial se « mythe familial 4 » (ferreira, 1977). C’est seulement en respec-
rapporte à un
certain nombre tant ce niveau que nous pourrons travailler avec la famille.
de croyances
assez bien
systématisées, LA fONCTION Du SyMPTôME :
partagées par
tous les membres L’ADOLESCENT fAIT EXPÉRIMENTER
de la famille, à SES PARENTS uN VÉCu DE PERTE AMBIGuë
concernant leurs
rôles mutuels
dans la famille et
la nature de leur La demande des familles qui viennent consulter au centre
relation » Monceau concerne bien souvent la consommation de cannabis,
(ferreira, 1977,
p. 85). de cocaïne ou d’alcool de leur enfant, et le désinvestissement

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Le travail avec les familles au CSAPA Monceau

scolaire qui en résulte. C’est dans ce contexte de l’adolescence


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et de la construction d’une identité nouvelle que la famille est
en souffrance. Les parents ont tenté plusieurs réponses, ils sont
souvent devenus violents envers leur enfant mais sont restés
impuissants pour arrêter ce phénomène de mise en scène de
la perte. Les enfants semblent mettre à l’épreuve leurs parents
pour trouver de nouvelles solutions et repenser cette question
de la perte. Tout en s’inscrivant dans la lignée et dans une
loyauté familiale, leur symptôme vient questionner l’organi-
sation familiale et l’absence de contenance. Ils interrogent les
scénarios fantasmatiques parentaux, réveillent l’expérience
traumatique de chaque parent et celle de la rencontre du
couple parental, et remettent en question les attitudes éduca-
tives parentales.
Très vite, nous sommes amenés à travailler avec la vulnéra-
bilité des parents. S’ils ne peuvent accompagner leurs enfants
dans ce moment délicat qu’est le passage vers l’âge adulte et
vers l’autonomie, c’est généralement car l’adolescence repré-
sente pour eux une perte qui fait écho à d’autres pertes. La
perte est devenue une réalité psychique à laquelle tous les
membres de la famille peuvent s’identifier et que l’addiction
fait vivre en permanence, entraînant une rigidification de la
famille autour de cette identité bien particulière. Si la perte
de l’enfance peut être aisément définie avec l’apparition de
la puberté, la perte induite par l’addiction est beaucoup plus
ambiguë dans sa définition. Quand l’enfant est-il présent ?
Quand l’enfant est-il absent ? Les parents n’ont de cesse de
contrôler les pupilles de leur enfant pour répondre à cette
question. Ils fouillent, ils questionnent, ils harcèlent.
L’adolescent est physiquement présent mais psychiquement
absent, ce qui lui permet d’échapper d’une certaine manière
à cette emprise parentale. Les parents n’ont pas réellement
perdu leur enfant mais leur vécu est celui d’une perte.

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LE MODèLE GÉNÉRAL DE LA PERTE AMBIGuë (BOSS, 1999)


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P. Boss parle de perte ambiguë pour toutes les situations où
la perte n’est pas définitive, où aucun rituel n’est possible
pour accompagner le processus de deuil. Il s’agit par exemple
de la maladie, d’un accident entraînant un handicap, d’un
divorce, de la migration, etc. La perte ambiguë est la plus
stressante car elle ne peut être dépassée et génère des percep-
tions confuses concernant qui est à l’intérieur ou à l’extérieur
d’une famille donnée. La personne aimée que l’on a « perdue »
fait-elle encore partie du système familial ? Parfois oui, parfois
non. En quelque sorte, le système familial comprend deux
frontières 5 avec l’extérieur, celle qui inclut la personne perdue
et celle qui l’exclut. La famille ne sait jamais vraiment où est
placée la frontière qui demeure ambiguë. P. Boss propose d’en-
visager cette ambiguïté selon un continuum commençant par
la perception d’une basse ambiguïté et se terminant par la
perception d’une ambiguïté élevée. Celle-ci est un facteur de
risque pour le bien-être individuel et relationnel et un obstacle
pour gérer le stress puisqu’un membre de la famille est perdu,
5. La frontière est tout en étant toujours vivant. Cette ambiguïté élevée empêche
un concept issu
de l’approche
les processus de résilience. P. Boss (2004) représente son
structurale modèle de la perte ambiguë à partir de quatre facteurs qui s’in-
(Minuchin, 1978).
Les frontières fluencent mutuellement.
d’un système
sont déterminées
PERCEPTION
par les règles (frontière
définissant les de l’ambiguité,
relations à etc.)
l’intérieur du
système et entre
le système et son
environnement. ÉVÉNEMENT DEGRÉ DE
STRESS ET
La fonction des Ou SITuATION
TRAuMA
frontières est de (perte
ambiguë) (Bas – Élevé)
protéger la
différenciation
du système. La
clarté des RESSOuRCES
frontières à (individuelles,
l’intérieur d’une familiales,
famille est un communautaires)
paramètre utile
pour l’évaluation
du fonction- fig 1 : un modèle du stress familial basé sur l’ambiguïté de la perte
nement familial. et l’ambiguïté des frontières (Boss, 2004, p. 554).

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Le travail avec les familles au CSAPA Monceau

Pour entretenir une frontière (dans le sens sociologique) entre


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la famille et l’extérieur, et pour fermer la frontière (dans le sens
psychologique), nous avons besoin de clarifier qui fait partie
du système et qui n’en fait pas partie et se trouve à l’extérieur
de la frontière. Cette perception n’est pas toujours aisée. Sur le
plan structurel, la perte ambiguë est un problème quand elle
mène à l’ambiguïté des frontières. un enfant pourra difficile-
ment obéir à son parent s’il le perçoit à l’extérieur de la fron-
tière du fait d’une dépression, d’une addiction ou d’une perte
de repères culturels liés à la migration. Les rôles parentaux
sont alors ignorés, les décisions sont mises en attente, les
tâches routinières ne sont plus faites, les individus ignorent les
autres membres de leur famille ou sont en rupture avec eux,
les rituels et les célébrations sont abandonnés alors qu’ils sont
le ciment de la vie familiale. Sur le plan psychologique, la perte
ambiguë est un problème quand les sentiments de désespoir
qui mènent à la dépression, la passivité et des sentiments
d’ambivalence donnent lieu à la culpabilité, l’anxiété et la
paralysie. La situation insoluble tend à bloquer la pensée, le
coping, la capacité à gérer le stress et à geler le processus de
deuil (Boss, 1999). Le deuil peut alors durer sur plusieurs
générations et constituer une identité de la famille. Les symp-
tômes résultent du stress permanent d’avoir à vivre sans
réponse, sans savoir comment se situer par rapport à l’autre
plutôt que d’une faiblesse psychique ou familiale.

ILLuSTRATION CLINIQuE

Nous allons illustrer notre travail par le cas de la famille de


Baptiste, 16 ans, envoyé en thérapie familiale avec ses parents
par le juge des enfants, après une condamnation pour des actes
de délinquance et du trafic de drogue. Baptiste a un frère, Jules,
âgé de 13 ans, absent lors de la première séance. Comme c’est
souvent le cas pour les familles à transaction addictive, il y a
toujours un ou plusieurs absents aux séances, absents néan-
moins psychiquement présents par l’expérience de l’absence
qu’ils font vivre aux autres. Les parents, Lazlo et Ayana, se sont

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Cliniques 4

séparés quand Baptiste avait 6 ans, après de nombreux


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épisodes de violence conjugale. Aujourd’hui, Jules est en garde
alternée et Baptiste vit tantôt chez sa mère, tantôt chez son
père. Ayana est originaire du Mali. Lazlo a des origines
slovaques du côté de son père. La famille est suivie par deux
thérapeutes, Anne Huntzinger et Nathalie Duriez.
Dès la première séance, les difficultés de communication
entre tous les membres de la famille sont manifestes. Entre
Baptiste et sa mère : « Je parle de quelque chose, ma mère
parle de l’opposé. Quand je parle avec elle, je vais lui parler
de pepsi, elle va comprendre du coca. C’est comme ça que je
le vois depuis que je suis comme ça (il met sa main près du
sol pour indiquer la toute petite enfance), depuis que je
parle. Après on m’engueule parce que je suis censé avoir dit
ça mais je ne l’ai pas dit. » Entre Baptiste et son père : pour
éviter les conflits, Lazlo coupe la communication et démis-
sionne de son rôle de père. Baptiste crie sa colère quand son
père s’adresse enfin à lui : « Tu ne veux pas me parler ! Ne me
parle pas ! Cela ne sert à rien de me parler parce qu’on est
dans cette pièce et qu’il y a une caméra et des gens en train
de nous regarder, ce n’est pas parce que la juge a dit qu’il
fallait qu’on se parle qu’il faut me parler. Tu ne voulais pas
me parler à la base, je ne vois pas pourquoi tu vas venir me
parler parce qu’on est réuni ici. C’est trop facile ! Quand je
t’appelle, tu ne réponds pas ! Voilà, c’est tout ! » Baptiste est
dans l’impossibilité de se confronter à son père et tente, par
ses actes de délinquance, de le remettre à sa place. Entre
Jules et son père (sixième séance avec la présence du grand-
père) : Jules regarde son père à un moment où il est ému,
Lazlo ne le regarde pas, il semble ailleurs. Jules a beau lui
toucher le bras pour qu’il se tourne à nouveau vers lui, son
père l’ignore et ne peut répondre à la demande de son fils.
finalement, Jules se lève et va s’asseoir près de son grand-
père. Entre Lazlo et son propre père : « Je suis fatigué de
dépenser une énergie dans une communication qui n’aboutit
jamais à rien. »

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Le travail avec les familles au CSAPA Monceau

Par leur caractère répétitif, ces discordances et ruptures dans


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la communication ont une dimension fractale dans la structure
familiale, c’est-à-dire qu’on les retrouve à un niveau micro-
scopique dans les interactions les plus banales. Cela implique
qu’à un niveau macroscopique, dans cette famille, il n’est pas
possible de se parler sans s’énerver, alors mieux vaut se taire,
« faire le mort » ou s’absenter avec l’aide du cannabis car on
ne peut être entendu. Dès qu’il y a une tentative de commu-
niquer autrement que par le silence, la colère monte et la
charge émotionnelle, trop intense, débouche sur des passages
à l’acte et des échanges violents au sein de la famille. Chacun
des parents, tour à tour, met Baptiste à la porte. Il va alors vivre
chez l’autre parent qui se dit « contraint et forcé » d’accepter
sa présence.
à travers ses va-et-vient entre le domicile de son père et celui
de sa mère, il questionne ses parents sur les frontières de la
famille. à quel moment fait-on partie de la famille ? à quel
moment en est-on exclu ? C’est une question récurrente dans
l’histoire transgénérationnelle de ses parents. Bonne élève, après
le décès de son père, sa mère est envoyée à 16 ans en france
pour faire des études qu’elle ne commencera même pas, privée
du soutien familial et de la présence maternelle. à l’âge de
11 ans, Milos, le grand-père paternel de Baptiste, du fait de ses
résultats scolaires spectaculaires, a été envoyé en france dans un
internat pour enfants surdoués. Aucune explication n’est
donnée par les parents dont il est séparé brutalement.
Aujourd’hui âgé de 88 ans, il pleure en racontant ce trauma-
tisme : « J’étais dans un pensionnat magnifique en Tchécoslo-
vaquie et encore aujourd’hui je ne comprends pas pourquoi (il
s’étouffe et ne peut reparler qu’après un certain temps), parmi
tous ces pensionnaires j’étais le seul à partir en france, dans
une usine à apprendre… Aujourd’hui, à mon âge, je cherche
pourquoi j’étais le seul à partir. » La question de la perte,
qu’elle soit ambiguë ou réelle (migration, décès, emprisonne-
ment, voyages, addiction), est présente dans l’histoire des
deux parents de Baptiste. Elle occupe une telle place dans la

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Cliniques 4

fantasmatique familiale qu’une croyance implicite s’est consti-


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tuée au fil des générations : les morts ont plus de place que les
vivants, les absents ont plus de place que les présents. C’est donc
en menaçant l’autre de son absence physique que l’on peut
occuper son espace psychique. Prendre la place de celui qui est
perdu ou que l’autre risque de perdre est une façon de prendre
le pouvoir dans la famille, de mobiliser les autres autour de soi,
de les toucher émotionnellement.
Les membres de la famille de Baptiste ne manquent pas de
créativité pour prendre cette place. En réponse à la migration
forcée et à l’absence de sa mère auprès d’elle, Ayana entre dans
la délinquance plutôt que de faire les études attendues, puis
elle épouse un homme blanc. En réponse aux voyages profes-
sionnels de son père à l’étranger et à son absence au quotidien
durant son enfance, Lazlo refuse de faire les études souhaitées
par son père puis épouse une femme noire. De manière para-
doxale, en refusant de faire ce qui est attendu d’eux et en
construisant un couple mixte, ils s’inscrivent dans le mythe
familial et aucun d’eux ne sera vraiment rejeté de sa famille
puisque pour appartenir à la famille, il faut s’exclure de la
famille. Milos, déjà à 11 ans, rêvait d’un ailleurs mais cet
ailleurs, ce n’était pas la france mais l’Afrique, continent dans
lequel il va finalement travailler. Les choix, les décisions
respectent l’ambiguïté contenue dans ce mythe familial.
L’ambiguïté de la perte constitue un attracteur autour duquel
s’organise la stabilité structurelle de la famille, elle vient
réguler le système familial et assure la cohérence, voire la
finalité de la famille (Duriez, 2009). Entre une situation claire
et une situation ambiguë, c’est vers la seconde que les
membres de la famille seront attirés. Ces choix ont un coût sur
le plan émotionnel. La perte est un danger toujours présent,
dans les relations et les addictions, ce qui empêche une régu-
lation émotionnelle satisfaisante du fait de vivre dans la peur
de la perte en permanence (Duriez, 2011).

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Le travail avec les familles au CSAPA Monceau

DEuIL IMPOSSIBLE ET TIERS PESANT (GOLDBETER, 1999)


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à un autre niveau, la rencontre du couple Ayana-Lazlo se
fonde autour d’un sentiment partagé d’avoir perdu définiti-
vement un parent aimé. Ces deuils viennent s’inscrire dans
le contexte de pertes ambiguës que nous avons décrit. Le fait
d’être coutumier de l’ambiguïté n’aide pas à accepter le
caractère définitif de la perte et à envisager une réorganisa-
tion de la famille. Le grand-père commence la séance en
disant : « Je suis veuf depuis 1983. La grand-mère, cela
manque beaucoup aux petits-enfants. J’essaie de la
remplacer, j’espère que je l’ai remplacée, j’ai fait ce que j’ai
pu… Je gardais les petits, j’étais toujours là […] Tant qu’ils
étaient avec moi, cela allait bien. à partir du moment où ils
étaient tout seuls (suite au déménagement), à partir du
moment où les parents ont commencé à se disputer, cela
n’allait plus. » Il conclut la séance avec l’idée que les
problèmes de Baptiste reposent sur deux pertes : le décès de
la grand-mère en 1983 et le début de sa surdité en 1989 :
« Voilà la séparation, voilà les deux fautes, les deux choses
qui font obstacle à tout. Quoi faire ? Ce sont deux obstacles
irremplaçables ! » Alors qu’il parle un français irréprochable,
il dit « irremplaçables » plutôt qu’« insurmontables », signi-
fiant ainsi l’impossibilité du deuil.
Marie-Claire, la grand-mère décédée de Baptiste, semble avoir
une place particulière dans la famille. Elle était très proche de
son fils, Lazlo, d’autant plus que son mari était souvent en
voyage. C’est elle qui maintenait l’équilibre émotionnel du
système familial. E. Goldbeter (1999) nous invite à réfléchir à
la place des absents, et en particulier ceux qui ont joué un rôle
vécu comme crucial dans la famille, qu’elle nomme « tiers
pesants ». Milos dit au sujet de son épouse défunte : « J’avais
une femme formidable à tous les points de vue. » Le décès du
tiers pesant laisse la famille dans un grand désarroi. C’est
une perte particulièrement difficile à élaborer dans la mesure
où cette élaboration implique de repenser les relations et en

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Cliniques 4

particulier les relations de dépendance. Elle nécessite la mise


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en place d’une nouvelle organisation, un nouveau type de rela-
tions, ce qui n’a pas pu être possible dans cette famille.

LA PLACE Du THÉRAPEuTE

Pour aider la famille, nous allons nous intéresser tout autant à


notre propre personne qu’à la famille, dans la mesure où la
rencontre entre les deux systèmes vient modifier ces deux
systèmes (thérapeutes et famille). Notre épistémologie repose
sur les apports de la deuxième cybernétique (foerster, 1988) :
l’observateur fait partie du système observé. Le temps des
séances, le thérapeute baigne dans cette ambiance familiale
particulière, touché par la communication dissonante et la
violence des interactions de Baptiste avec ses parents.
L’expérience émotionnelle partagée pendant les narrations
autour de la perte ne laisse pas indemne le thérapeute et peut
l’amener à remanier sa propre vision des autres et du monde,
mais aussi la façon dont il envisage la perte dans son histoire
personnelle. Pendant les séances, il occupe une position signi-
ficative dans les patterns relationnels de la famille, il est pris dans
les nœuds et les tensions qui entravent la famille. J.-f. Mangin
(1997) explique que le thérapeute est amené à prendre une
place dans la famille, « à s’asseoir sur une chaise » qui définit
une place symbolique. Dans tous les cas, « si la famille propose
au thérapeute de s’asseoir sur une chaise mythique, ce dernier
peut décider d‘y prendre place activement, mais à sa manière,
en introduisant sa/ses différence(s), sa propre identité, sa propre
singularité 6 ». La façon dont le thérapeute va s’intégrer dans la
famille lui est tout à fait personnelle, mais dans l’interaction avec
la famille, le thérapeute va découvrir de nouvelles modalités
6. J.-f. Mangin,
« Du thérapeute d’être en relation, d’appartenir à un groupe. En nous appuyant
adaptable
au thérapeute
sur le modèle de D. Vallée (1995) sur les relations d’apparente-
adoptable, ou ment avec les familles à transaction addictive, et le modèle du
chronique
d’une rencontre tiers pesant d’E. Goldbeter (1999), nous nous sommes interro-
annoncée… », gées sur la place que nous avons prise dans cette famille d’ab-
Générations,
n° 11, 1997, p. 16. sents présents et de présents absents.

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Le travail avec les familles au CSAPA Monceau

L’affiliation 7 est un concept essentiel de la thérapie familiale


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qui comprend les techniques et les actes du thérapeute pour
nouer des liens avec la famille. Pour s’affilier à un système
familial, le thérapeute doit accepter l’organisation, les règles et
le style de la famille, et s’y fondre avec respect. Pour cela, il faut
les identifier, ce qui n’est pas simple puisque la famille elle-
même communique et agit en ignorant qu’elle répète les
mêmes schémas depuis des années, obéissant à des règles qui
se sont souvent construites sur plusieurs générations. « Par le
dégagement de sens, l’autorité du thérapeute fonctionne
comme un contenant. C’est probablement parce que le théra-
peute est capable de contenir la famille en la rejoignant, d’une
certaine manière là où elle est, que cette famille, du fait de ce 7. L’affiliation
contenant qui fait limite, peut commencer à exprimer quelque (joining) est
le processus qui
chose de ses angoisses, à se porter au devant du thérapeute et permet
s’autoriser à dévoiler son fonctionnement dans toute sa la construction
d’un lien entre
violence 8. » Avec les familles à transaction addictive, l’illusion le système
auquel
de parenté est le préliminaire à toute affiliation à l‘intérieur du appartiennent les
contexte thérapeutique pour créer un contexte « autonome ». thérapeutes et
le système
Nous avons analysé la puissance de cette relation d’apparen- familial.
Ce processus
tement lors d’une recherche sur les modérateurs et les média- permet
teurs en thérapie familiale (Duriez, 2009). la construction
d’un système qui
aura sa propre
Pour soigner les addictions, deux types de thérapie sont envi- organisation,
sageables : une thérapie du sevrage ou une thérapie du le système
thérapeutique.
manque. Pour travailler la dimension relationnelle du manque C’est un concept
issu
et permettre une réparation ou une élaboration des pertes, de l’approche
nous travaillons selon le deuxième modèle qui nous permet de structurale
(Minuchin, 1978).
respecter la relation au produit et les liens de dépendance. Les 8. f. Rougeul,
thérapeutes du manque ont des modèles d’intervention qui Formation
du système
prennent en compte la fonction de la drogue dans les relations thérapeutique et
affiliation au cours
et le fait que cette fonction est indispensable pour l’homéo- du premier
stasie du système familial. Il s’agit donc non pas de supprimer entretien, thèse
pour le doctorat
le cannabis chez Baptiste mais de substituer la relation théra- de psychologie
clinique,
peutique à la drogue, ce que D. Vallée (1995) appelle un appa- université
rentement thérapeutique : « Il s’agit là de provoquer une sorte de de Paris X,
Nanterre, 1988,
substitution du produit par la thérapie en créant une relation p. 436.

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à la thérapie qui ait des caractéristiques analogues à la dépen-


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dance. Ce type d’affiliation par l’apparentement est une façon
d’être codépendant au phénomène thérapie, en tant que
produit, plutôt que d’être dépendant à la personne du théra-
peute. Ce dernier est, lui aussi, dépendant de la thérapie 9. »
à l’issue de la séance avec le grand-père, celui-ci dit à son fils
qu’il ne reviendra pas, mais il ajoute : « c’est là (au centre
Monceau) qu’il faut aller pour résoudre les problèmes de
Baptiste », mettant ainsi l’institution et la thérapeute dans la
place de la grand-mère défunte. Est projetée de cette façon sur
la thérapeute une fonction qui permet l’homéostasie de la
famille, la fonction d’écoute, de contenance. Cela permet de
libérer le grand-père de son rôle de remplaçant qu’il ne parve-
nait pas à tenir auprès de son fils. Il peut continuer à être sourd
tout en étant rassuré du fait qu’une personne peut remplir la
fonction de la grand-mère. « Le modèle du tiers pesant tient
compte de l’intersection entre les attentes de la famille concer-
nant une fonction qu’elle tente de restaurer “en utilisant” le
thérapeute, et celles du thérapeute concernant la place qu’il
voudrait se voir offrir au sein d’une (de sa ?) famille 10. »
Au fil des séances et des absences-présences de Baptiste chez
lui, Lazlo élabore une nouvelle image de son fils : « Je dirai
maintenant que c’est un peu un ado comme les autres », et il
prend conscience de sa propre ambiguïté dans la relation :
« J’assume un rôle de père parce que je suis son père et parce
9. D. Vallée, que j’ai une éducation et un conditionnement qui m’obligent
« Les familles
dépendantes.
à réagir de cette façon, mais je ne vivrai pas plus mal que
Introduction Baptiste ne soit pas avec moi. » Il nous dit être touché par
à la clinique de
systèmes flous », Baptiste car il sent que « Baptiste est incompris, pas accepté par
Générations, n° 2, les autres ». Nous explorons ce vécu : « Pour qu’il vous touche,
1995, p. 17.
10. E. Goldbeter- il faut que vous imaginiez qu’il est rejeté ? », et il répond : « Oui
Merinfeld, et en même temps je me dis que la position dans laquelle il est
Le deuil
impossible. maintenant n’est pas compatible avec sa personnalité, ses
Familles et tiers
pesants, vraies aspirations, il va très vite se retrouver devant un mur.
Bruxelles, Je me dis que ce serait dommage de gaspiller un potentiel
De Boeck, 2005,
p. 171. comme le sien et de faire comme moi j’ai fait. Je m’aperçois que

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j’ai gâché beaucoup d’opportunités. Probablement en écoutant


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un peu plus les avis de mon père, des anciens, je n’en serais pas
là aujourd’hui sur le plan de mon travail et j’aimerais que
Baptiste évite ces écueils. » Projection ? Identification ? Les rela-
tions peuvent être enfin parlées et les pertes pourront proba-
blement être clarifiées. Le cannabis chez Baptiste, le rejet chez
ses parents n’auront alors plus de fonctionnalités si chacun
peut redéfinir sa place dans la famille et son appartenance sans
passer par l’« absence » et la menace de faire vivre à l’autre une
nouvelle perte. L’écoute apportée par la thérapeute qui vient
remplacer la grand-mère permet de penser les jeux relationnels
au sein de la famille et d’en inventer de nouveaux, dans la
sécurité de ce lien d’apparentement. Le lien thérapeutique
restera stable et contenant, quelles que soient les attaques du
cadre avec le jeu des présences-absences. Il permettra à la
famille d’expérimenter une présence qui ne fait pas défaut.

BIBLIOGRAPHIE

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Résumé
La question de la perte est au cœur du travail que nous faisons avec les
familles à transaction addictive au centre Monceau. Après avoir présenté le
modèle de la perte ambiguë de P. Boss (1999), nous verrons à partir d’un cas
comment le vécu de perte, par sa dimension fractale, participe à la construc-
tion d’une définition de la famille et représente une condition pour appar-
tenir à cette famille. fragilisée par les pertes ambiguës occasionnées par une
migration non désirée, la famille ne peut avancer dans un processus de
deuil après le décès d’un « tiers pesant » (Goldbeter, 1999). Pour retrouver son
homéostasie, elle va mettre le thérapeute dans cette position de « tiers
pesant » afin de récupérer ce qui manquait. L’élaboration devient alors
possible, une nouvelle temporalité mieux adaptée à l’âge des enfants s’ins-
talle, chacun trouve enfin une place mieux définie et le processus de deuil
peut avancer.
mots-clés
Thérapie familiale, deuil, perte ambiguë, migration, addiction, relation théra-
peutique.
abstract
The question of loss is at the heart of the work we do with families at the Monceau
Centre for family therapy. This article first describes the ambiguous loss model
developed by Pauline Boss (1999) and then presents a case study that shows how the
experience of loss, through its fractal organization effect, helps to create a definition
of the family and comes to represent a condition for belonging to the family. Weakened
by ambiguous losses caused by unwanted migration, the family in question is not able
to engage in the process of mourning following the death of a weighty third
(Goldbeter, 1999). In order to regain stability, the family places the therapist in this
key position at the heart of the family in an attempt to replace what they have lost.
Transformation then becomes possible; conditions within the family becomes more
appropriate to the age of the children, each family member finally finds themselves
in more clearly defined position and the grieving process can progress.
Keywords
Family therapy, grief, mourning, ambiguous loss, migration, addiction, therapeutic
relationship.

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