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D’UN TREMBLEMENT À L’AUTRE, L’ADOPTION AU RISQUE DU SÉISME.

ÉTUDE QUALITATIVE DES REPRÉSENTATIONS DES PARENTS FRANÇAIS


AYANT ADOPTÉ EN 2010 UN ENFANT NÉ EN HAÏTI

Anaelle Klein, Pauline Lefebvre, Laelia Benoit, Aurélie Harf, Thierry Baubet

Presses Universitaires de France | « La psychiatrie de l'enfant »


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2019/1 Vol. 62 | pages 79 à 116
ISSN 0079-726X
ISBN 9782130821588
DOI 10.3917/psye.621.0079
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2019-1-page-79.htm
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D’UN TREMBLEMENT À L’AUTRE,
L’ADOPTION AU RISQUE DU SÉISME.
ÉTUDE QUALITATIVE DES REPRÉSENTATIONS
DES PARENTS FRANÇAIS
AYANT ADOPTÉ EN 2010 UN ENFANT NÉ EN HAÏTI
ANAELLE KLEIN 1, PAULINE LEFEBVRE 2, LAELIA BENOIT 3,
AURÉLIE HARF 4*, THIERRY BAUBET 5*

D’UN TREMBLEMENT À L’AUTRE, L’ADOPTION AU RISQUE DU SÉISME.


ÉTUDE QUALITATIVE DES REPRÉSENTATIONS DES PARENTS FRANÇAIS
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AYANT ADOPTÉ EN 2010 UN ENFANT NÉ EN HAÏTI

Le 12 janvier 2010, un terrible séisme détruit Port-au-Prince et affecte trois millions et


demi de personnes. Cet événement constitue une crise majeure dans le parcours des parents
français ayant, à l’époque, entrepris les démarches pour adopter un enfant né en Haïti. À la
suite à la mobilisation de collectifs de parents, le gouvernement français décide fin janvier le
transfert d’enfants pour lesquels un jugement d’adoption était prononcé. Les parents adoptants
rencontrent alors pour la première fois leur enfant aux aéroports d’Orly et de Roissy, sous le
regard des journalistes et des politiques. Grâce à une étude qualitative de type phénoménolo-
gique, nous avons exploré, six ans après, les représentations que les parents adoptifs ont
construites autour des premières rencontres avec leur enfant et proposé des recommandations en
cas de nouvelle catastrophe naturelle. À notre connaissance, aucune recherche équivalente n’a
été menée sur le sujet. Conformément à la législation internationale, l’adoption ne peut pas être
une réponse à l’urgence. La préparation de l’enfant et du (ou des) parent(s) adoptant(s) est
primordiale pour éviter un traumatisme surajouté. Ces adoptions marquées par le séisme incitent
à penser de manière plus fine les difficultés auxquelles sont confrontés les parents adoptants, et
donc l’ensemble des questions filiatives.
Mots-clés : Adoption internationale, représentations parentales, séisme, traumatisme psy-
chique, narrativité.

1. CCA en pédopsychiatrie, APHP, Hôpital Avicenne, Service de psychopathologie de


l’enfant et de l’adolescent, de psychiatrie générale et addictologie, 93000 Bobigny, Université
Paris-13. Cet article est extrait du travail de thèse de médecine de l’auteure, dirigé par Dr. Aurélie
Harf, et soutenu le 22 juin 2016.
2. Praticien hospitalier en pédopsychiatrie, responsable de la Maison des Adolescents
(CASITA), APHP, Hôpital Avicenne, Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent,
de psychiatrie générale et addictologie, 93000 Bobigny, Université Paris-13.
3. CCA en pédopsychiatrie, APHP, Maison de Solenn – Maison des Adolescents de Cochin,
CESP, Inserm 1178.
4. Praticien hospitalier en pédopsychiatrie, responsable de l’hôpital de jour et de la consulta-
tion adoption, APHP, Maison de Solenn – Maison des Adolescents de Cochin, CESP, Inserm
1178, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.
5. PUPH en pédopsychiatrie, APHP, Hôpital Avicenne, chef du Service de psychopathologie
de l’enfant et de l’adolescent, de psychiatrie générale et addictologie, 93000 Bobigny, CESP,
Inserm 1178, Université Paris-13, EA4403.
* Ces deux auteurs ont contribué de manière égale à ce travail.

Psychiatrie de l’enfant, LXII, 1, 2019, p. 79 à 116


80 Anaelle Klein et al.

FROM ONE QUAKE TO ANOTHER: ADOPTION IN THE FACE OF EARTHQUAKES.


A QUALITATIVE STUDY OF THE REPRESENTATIONS OF FRENCH PARENTS WHO,
IN 2010, ADOPTED A CHILD BORN IN HAITI

On January 12, 2010, a terrible earthquake destroyed Port-au-Prince, affecting 3.5 million
people. Following the event, French parents trying to adopt children born in Haiti were faced
with a major crisis. After activism by parents’ collectives, the French government decided in
late January to transfer children for whom adoption decisions had been made. The adoptive
parents met their children for the first time at the Orly and Charles de Gaulle airports in Paris,
before an audience of journalists and politicians. Six years later, we use a phenomenological
qualitative approach to explore the representations that the adoptive parents constructed around
their first meetings with their children, and we offer recommendations for future natural cata-
strophes. To our knowledge, no equivalent work on this topic exists. In line with international
legislation, adoption cannot be an emergency response. It is crucial to prepare the child and the
adoptive parent(s) if additional trauma is to be avoided. The adoptions carried out in the
wake of the earthquake push us to think in a more nuanced way about the difficulties adoptive
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parents face, and therefore about questions of filiation as a whole.
Keywords: international adoption, parental representations, earthquake, psychological
trauma, psychoanalysis, narrativity.

Lors d’une adoption internationale, les premières rencontres entre l’enfant


et son (ou ses) parent(s) adoptant(s) ont lieu, la plupart du temps, dans le
pays de naissance de l’enfant. Idéalement, ces rencontres sont progressives, sur
plusieurs semaines, et médiatisées dans la langue maternelle de l’enfant par les
intervenants locaux, référents de ce dernier (Crine et Nabinger, 2007). Elles
sont décisives puisqu’elles sont le moment à partir duquel va être racontée la
relation filiative, début de la « troisième histoire » (Golse, 2007). Selon
B. Golse, le récit de la nouvelle famille, cette « troisième histoire », s’enracine
dans les deux précédentes : celle de l’enfant et celle de ses parents, pour les
dépasser et ouvrir sur un espace de liberté, de créativité. Mais, dans les situa-
tions d’urgence humanitaire, ces premières rencontres au pays ne peuvent avoir
lieu du fait de la désorganisation engendrée par la guerre ou les catastrophes
naturelles.
Le 12 janvier 2010 à 22h53, un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de
Richter détruit Haïti et sa capitale, Port-au-Prince. Le tremblement de terre a
été décrit comme le pire qu’ait connu la région au cours des deux cents der-
nières années, affectant trois millions et demi de personnes (ONU 2011). Entre
250 000 et 300 000 morts sont dénombrés et au moins autant de blessés
(Ministère des Affaires étrangères et du Développement international). Le
contexte politique du pays est instable ; violence et misère font partie du quoti-
dien de la population haïtienne. Devant l’insécurité et le chaos régnant sur le
pays, l’UNICEF (UNICEF, 2010) et l’ONU (ONU, 2010) expriment très vite
des inquiétudes concernant le devenir des mineurs : crainte d’abus sexuels, de
violences, d’enlèvements, de vente et de trafic d’enfants.
En France, au même moment, des parents adoptants attendent et rêvent
leur enfant à venir. Au petit matin, sidérés, ils découvrent à la télévision les
images d’un pays dévasté. En janvier 2010, Haïti est le premier pays de nais-
sance des enfants adoptés en France à l’international : près de 1100 enfants
sont en procédure d’adoption par des familles françaises (Service de l’Adoption
Internationale, 2010) et attendent la finalisation de documents administratifs
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 81

avant d’être cherchés dans leur pays de naissance par leurs parents adoptifs.
Ces derniers, qui ont jusque-là des nouvelles régulières de leur enfant, perdent
le contact au moment du séisme, et certains restent plusieurs jours sans nou-
velles (Romano, 2010). Les parents se regroupent en collectifs et associations,
participent à des manifestations ou pétitions, demandant le transfert accéléré
des enfants (Libération, 2010). Cette mobilisation, ainsi que les images cata-
strophiques des conséquences du séisme en Haïti (Boéchat, 2010), vont proje-
ter l’adoption internationale et ses conditions sur le devant de la scène
médiatique (EFA, 2010).
Le 18 janvier, la France annonce un « transfert accéléré » concernant uni-
quement les enfants dont le jugement d’adoption a été rendu. Il s’agit d’un
« transfert accéléré » ou « convoyage » d’enfants ayant un jugement d’adoption
avec une accélération des procédures post-jugement, et non une « adoption
accélérée » dont le but serait de diminuer le laps de temps entre les différentes
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étapes du processus d’adoption. Conformément aux recommandations du
Service Social International (Dambach et Baglietto, 2010), le gouvernement
français décide d’un gel des procédures d’adoption pour les candidats n’ayant
pas bénéficié d’une attribution d’enfant avant la catastrophe, ou qui avaient eu
un apparentement (attribution d’un enfant à une famille) mais avec des
démarches administratives moins avancées. Entre le 22 janvier et le 11 février
2010, 371 enfants arrivent en France par le biais d’un dispositif aéroportuaire
exceptionnel, après le plus souvent une escale (en Martinique ou en Guade-
loupe). Leur arrivée dans les aéroports de Roissy et d’Orly est très médiatisée,
journalistes et politiques sont présents (Le Parisien, 2010). Les Cellules
d’urgences médico-psychologiques (CUMP) de Seine-Saint-Denis et du Val-
de-Marne, coordonnées par le Professeur T. Baubet et Mme H. Romano, sont
déployées pour repérer d’éventuels troubles psychiques chez les enfants et
accompagner la rencontre avec les parents adoptants. Suite à cet accueil, cer-
tains psychiatres et psychologues alertent sur les répercussions de ce transfert
organisé dans l’urgence. T. Baubet (Dambach et Baglietto, 2010) et
H. Romano (Romano, 2010) décrivent des enfants profondément blessés psy-
chiquement et physiquement (certains par le séisme, d’autres par des infec-
tions, malnutritions, carences…) et se demandent comment penser la
rencontre entre parents adoptifs et enfant dans ce contexte d’urgence. À travers
l’observation de 63 enfants à l’aéroport, H. Hemdane (Hemdane, 2011) décrit
la difficulté de faire le lien entre les symptômes observés et un seul événement,
tant les vécus des enfants suggèrent des traumas répétés, réactivés par le trans-
fert, avec des conduites d’évitement de la situation d’arrivée à l’aéroport. Elle
souligne que la discontinuité et les vécus de rupture peuvent avoir engendré
plus de traumatismes chez les enfants que le tremblement de terre en lui-
même. P. Levy Soussan et S. Marinopoulos décrivent l’arrivée d’enfants à
Orly :
« Alors que nous entendons dans l’espace public que tout est fait en tenant compte
de règles éthiques et juridiques sévères, nous assistons médusés à la séparation de
jumeaux arrivés dans deux avions différents, adoptés dans deux familles différentes ;
deux enfants adoptés dans la même famille devenant frère et sœur sans aucune prépara-
tion ; des parents adoptifs déchirant une lettre d’une mère de naissance ne souhaitant
rien garder du passé […] » (Levy-Soussan et Marinopoulos, 2010).
82 Anaelle Klein et al.

Selon le rapport du Service Social International (Dambach et Baglietto,


2010), les enfants n’étaient pas suffisamment préparés psychiquement à leur
voyage et à leur rencontre avec leurs futurs parents, manquant par exemple de
vêtements adaptés à la saison hivernale. Toujours selon ce rapport, peu de
gouvernements étaient prêts à accueillir des groupes aussi importants d’enfants
dans les aéroports, surtout en ce qui concerne le nombre de professionnels
spécialistes de l’urgence et de l’adoption. Les conditions d’accueil ont été
inadéquates dans de nombreux pays comme la France, les familles manquant
d’intimité pour leur première rencontre avec l’enfant.
« Quitter son pays, soudainement, quand celui-ci se trouve en plein désastre, ne
peut être qu’un traumatisme surajouté pour tous les enfants qui ont vu leur pays s’effon-
drer – au sens propre comme au sens figuré. Quitter Haïti en catastrophe pour être
accueilli par sa future famille d’adoption, à l’autre bout du monde, pose encore davan-
tage de problèmes, car mal quitter son pays d’origine ne prépare en rien à bien arriver
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dans son pays d’accueil » (Golse, 2010).

Pour J. Hintzy (Hintzy, 2010c), président de l’UNICEF France en 2010,


les enfants, sortant de ce séisme « atroce », ont vécu « trois déracinements en
quarante-huit heures » : quittant leur institution, ils sont confiés dans l’avion à
des travailleurs sociaux, puis retrouvent à Roissy ou Orly les « troisièmes bras »
des parents adoptants. Il décrit avoir vu certains parents de naissance « qui
avaient perdu des enfants sous les décombres, revenir chercher les enfants
qu’ils avaient laissés car ils n’avaient pas les moyens de s’en occuper, de les
faire vivre : ils venaient maintenant les récupérer » (Hintzy, 2010b) 1. Il affirme
que l’adoption internationale est un dernier recours, à condition que le proces-
sus soit extrêmement encadré et respectant les conventions internationales qui
ont été fixées (Hintzy, 2010a).
Une mission mandatée par le gouvernement français (Rosset, 2010) se rend
en Haïti du 26 février au 7 mars pour visiter une vingtaine de crèches 2. Le
rapport décrit des conditions de vie très disparates, dont une crèche située à
côté de ruines où sont encore enfouis des cadavres. Certaines nourrices
semblent épuisées, peu disponibles psychiquement. Le rapport préconise la
création d’une longue escale en Guadeloupe, appelée « SAS », pour s’assurer
que les enfants reçoivent des soins psychiques, somatiques et que tout est res-
pecté sur le plan légal avant leur arrivée en France. Ce projet, permettant que
la rencontre avec le parent adoptant puisse être progressive, sur plusieurs jours,
est soutenu par de nombreux pédiatres, psychologues ou psychiatres. Cette
escale ne concernera finalement qu’une centaine d’enfants 3. D’autres parents
adoptants vont directement chercher leur enfant en Haïti 4.
Suite à une épidémie de choléra (Radio-Canada, 2010), un remaniement
ministériel (RFI, 2010a) et la mort de six enfants en procédure d’adoption
(RFI, 2010b), le gouvernement français organise à nouveau un « transfert » de
318 enfants en décembre 2010.

1. Pour plus de précisions sur la culture du fosterage en Haïti, se référer à la thèse de médecine
de l’auteure (Klein, 2016).
2. Nom donné aux orphelinats haïtiens.
3. Selon l’association Enfance et Famille d’Adoption (Claire Tridon, contactée le 17/05/16).
4. Idem.
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 83

Sur l’ensemble de l’année 2010, environ 1000 enfants ont été accueillis par
leurs familles en France (Ministère des affaires étrangères et européennes). Le
flou, ainsi que l’impact des débats politico-médiatiques qui suivirent le séisme
ont marqué et changé durablement le visage de l’adoption internationale à
l’étranger et en France.
Cinq familles françaises ont accepté de participer à une recherche qualita-
tive six ans après ces événements. En janvier-février 2010, suite aux premiers
transferts en urgence depuis Haïti, ils ont accueilli leur enfant dans les aéro-
ports parisiens sous le regard des médias et des politiques. L’étude proposée
analyse le vécu parental et la construction des représentations parentales six
ans après l’arrivée de l’enfant. Notre recherche s’inscrit dans la continuité des
celles menées par le service de psychiatrie d’Avicenne sur le traumatisme
(service dirigé par le Professeur T. Baubet), et par la Maison des Adolescents
de Cochin sur l’adoption (service dirigé par le Professeur M.R. Moro). À notre
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connaissance, aucune recherche similaire n’a été menée à ce jour.

MATERIEL ET MÉTHODE

POPULATION
Les participants sont des parents vivant en France, ayant adopté un enfant
à l’international, en Haïti, au cours de l’année 2010. Par conséquent, les
démarches d’adoption étaient engagées avant le séisme du 12 janvier 2010. Le
recrutement s’est effectué par deux voies :
– via les dispositifs aéroportuaires collectifs organisés à Orly et Roissy en
janvier et février 2010 ;
– via les services de pédopsychiatrie d’Avicenne ou de la Maison des Adoles-
cents de Cochin.
Sur les 365 familles contactées, seules vingt-sept familles ont donné leur
accord, finalement cinq d’entre elles ont pu être inclues dans notre recherche.

RECUEIL DES DONNÉES


Chaque famille a passé un entretien semi-structuré développé par l’équipe de
recherche « Adoptimoun » de l’hôpital Avicenne (Bobigny), et de la Maison des
Adolescents de l’hôpital Cochin (Paris). Le lieu où se déroule l’entretien est décidé
par le parent : à son domicile, dans le service où travaille le chercheur… Les parents
choisissent également de convier l’enfant ou non. La longueur des entretiens est
variable en fonction des parents et dure en moyenne une heure trente. Chaque
entretien est enregistré puis retranscrit. Les principaux points explorés dans le guide
d’entretien (voir annexe) sont : le choix du pays Haïti, les conséquences du séisme
pour l’enfant et les parents, la rencontre avec l’enfant à l’aéroport…
Le consentement écrit des parents a été obtenu avant la passation des entre-
tiens. Les prénoms des enfants ont tous été changés. Cette recherche a été
soumise à la Commission nationale Informatique et Liberté (CNIL), sous le
numéro 1850203, et au Comité éthique local d’Avicenne (CLEA), qui a donné
84 Anaelle Klein et al.

son accord, estimant qu’elle ne relevait pas de la contrainte d’un comité


d’éthique ou bien d’un comité de protection des personnes (CPP).

ANALYSE DES DONNÉES


L’analyse des données a été faite selon un modèle de recherche qualitative
phénoménologique. En effet, celle-ci permet une meilleure compréhension de
l’expérience vécue par un sujet (Aubin-Auger et al., 2008). La méthode
d’analyse qualitative phénoménologique employée est l’Interpretative Phenome-
nological Analysis (ou IPA) (Smith et al., 2009). L’analyse de la forme du récit
s’est appuyée sur des critères définis dans plusieurs études : une analyse de la
forme du récit de l’adoption (Harf et al. 2008), une méta-analyse sur le thème
« narrativité et état de stress post-traumatique » (O’Kearney et Perrott 2006),
ainsi que les critères en faveur d’un trauma irrésolu décrits dans l’Adult Attache-
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ment Interview (George et al., 1985).
Afin d’augmenter la validité de notre recherche, l’analyse des données a été
effectuée par plusieurs chercheurs qui discutent et comparent les résultats
(Mays et Pope, 1995). Une attention particulière est portée sur les « cas néga-
tifs », éléments semblant contradictoires avec l’explication émergente, afin de
les intégrer aux résultats. L’analyse a été discutée au cours de réunions avec
les autres membres de l’équipe de recherche, qui ont également lu les entre-
tiens, ainsi qu’au sein de réunions « So Quali » (groupe de recherche de la
Maison des Adolescents de Cochin) et en supervision au sein du Master 2 de
recherche de l’université Paris 13. La recherche qualitative intègre au sein de
sa méthodologie la subjectivité du chercheur, l’analyse de son contre-transfert
culturel permettant la réflexivité.

RÉSULTATS

Tableau I
Présentation des familles qui ont participé à la recherche

Entretien I II III IV V
Situation Mère Mère Mère
Couple marié Couple marié
des parents célibataire célibataire célibataire
Nom
Alain Téo Zoé Mathis Christophe
de l’enfant
Non,
Présence 16 sur 70
Oui Non Oui rencontré
de l’enfant minutes
ensuite
Âge pendant
8 ans 10,5 ans 13 ans 7,5 ans 7,5 ans
la recherche
Date d’arrivée
27/01/10 27/01/10 02/02/10 26/01/10 02/02/10
de l’enfant
Âge
1 an 9 mois 4 ans 6 mois 6 ans 11 mois 1 an 6 mois 1 an 7 mois
à l’arrivée
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 85

L’analyse a permis de mettre en évidence des thèmes et sous thèmes récapi-


tulés dans le tableau II et que nous développerons.

Tableau II
Thèmes et sous-thèmes issus des résultats
Thèmes Sous-thèmes
La survenue de la crise dans le parcours Pourquoi Haïti ?
d’adoption
Impact du séisme sur la procédure, la rencontre,
le regard d’autrui
L’annonce du séisme
Le transfert
La rencontre
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Le retour à la maison et les répercussions de la
crise
Les théories étiologiques des parents face aux
troubles de leurs enfants
La construction du lien filiatif Impact du séisme en Haïti sur le récit des
origines
Le devenir des parents de naissance
La représentation d’Haïti après l’adoption
Penser (ou panser) la crise : les recommandations
des parents
Structure du récit : analyse des marques Récits très détaillés sans évocation du vécu
traumatiques interne
Désorganisation du discours
De la banalisation au déni

SURVENUE DE LA CRISE DANS LE PARCOURS D’ADOPTION


Bien avant le séisme, les parents ont entrepris les démarches juridiques et
administratives en vue d’une adoption (agrément, apparentement…).

Pourquoi Haïti ?
Certains parents avaient, pour diverses raisons, choisi délibérément Haïti
comme pays d’adoption :
« Haïti, c’était un vrai choix ! […] Je voulais un enfant des rues » (mère de Zoé).
« À la façon dont c’est en Haïti, ça peut être aussi que la maman qui s’occupe des
enfants et c’est quand même assez fréquent, ce n’est pas quelque chose qui les choque
[…] qu’ils soient élevés par une femme seule » (mère de Mathis).
Bien que toutes les familles n’aient pas nécessairement opté en première
intention pour ce pays, tous les parents adoptants mentionnent le fait qu’Haïti
était à l’époque un des pays les plus accessibles pour adopter à l’international :
86 Anaelle Klein et al.

« On s’est renseigné et on a vu qu’Haïti il y avait beaucoup… C’était le premier pays


à l’époque » (père d’Alain).

Alors que les parents se préparaient à accueillir leur enfant, une crise sans
précédent impacte leur projet. Plusieurs étapes émergent du récit des parents :
annonce du séisme, de la survie de l’enfant, du transfert, et enfin première
rencontre avec l’enfant, tant attendu.

Impact du séisme sur la procédure, la rencontre, le regard d’autrui


À l’exception d’une famille, le séisme et le transfert des enfants ont accéléré
la procédure de quelques semaines à quelques mois :
« Ce sont les événements qui ont tout précipité, il aurait dû arriver un an après, non
6 mois, l’été d’après » (mère d’Alain).
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Pour certaines familles (II-IV), le séisme et ses conséquences ont désorga-
nisé, voire « gâché » la rencontre :
« Peut-être que si ça avait été une rencontre organisée, en effet, ça aurait été beau-
coup plus dans l’émotion, quelque chose de positif » (mère de Mathis).

Une famille n’est pas de cet avis :


« C’était moins intime. Mais en soi, euh, ça ne changeait pas grand-chose » (père de
Christophe).

Trois familles (I-II-III) regrettent le fait de ne pas avoir pu partager un


moment de vie, des souvenirs, dans le pays de naissance de l’enfant. Une
culpabilité et des reproches de la part de l’enfant ont été décrits par une
famille :
« Euh, ma fille me l’a beaucoup reproché. […] Je pense que ça a modifié la donne.
Vraiment. J’ai… Le fait que je sois venue, que j’aie vu l’orphelinat, que j’aie vu sa
chambre, je pense que c’était hyper important pour elle » (mère de Zoé).

Trois familles (I-II-V) dénoncent l’amalgame dont ils ont pu être affublés,
celui d’avoir adopté leur enfant suite au séisme :
« Alors, ça par contre, c’est ce qui a été véhiculé pas mal par l’opinion publique, et
euh, qu’on a reçu, nous, en tant que parents. Moi ça m’est arrivé, sur le marché, qu’on
me dise que je l’avais volé suite au séisme » (mère de Christophe).

Cette crise a permis une exposition médiatique pour une famille, permet-
tant la notoriété dans le village :
« Donc il y avait eu un article sur le séisme en Haïti, avec Téo, euh, peut-être pas
en première page, et encore, je me demande, mais avec la photo d’Téo tout ça. […]
Donc le village connaissait Téo avant qu’il arrive déjà ! » (mère de Téo).

L’annonce du séisme
Trois familles (I-III-IV) ont appris la nouvelle par le biais des médias, l’une
d’elle évoque une « prémonition » :
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 87

« Alors ça c’est quand même un truc assez bizarre qui m’est arrivé, parce que moi,
quand il y a eu le séisme, je me suis réveillée au moment du séisme, chez moi, à la
maison. Et j’ai pas allumé la télé. J’ai allumé la radio. Pourquoi ? Je ne sais pas… »
(mère de Zoé).
La famille de Mathis l’apprend par un autre couple adoptant. Une autre
mère reçoit un coup de téléphone de sa propre mère qui ne l’avait pas soutenue
dans sa démarche d’adoption :
« Et donc le mercredi matin, à 7 heures, un coup de fil à la maison, et donc c’était
ma mère ! Elle m’appelle jamais à 7 heures, quoi ! Elle m’a dit : « Téo c’est fini ! Y’a
plus de Port-au-Prince, y’a un acc… un tremblement de terre, surtout n’écoute pas la
radio, euh, mais c’est fini » (mère de Téo).
Si le père de Christophe décrit une « grosse inquiétude », la mère de Zoé
parle de « dévastation ». La mère de Téo se souvient avoir hurlé, elle décrit un
sentiment d’« horreur » avec une hypermnésie : « Alors là je me souviens de
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toutes les secondes (rire) ».
Deux mères décrivent clairement avoir pensé leur enfant mort, mais une
autre avait l’intuition qu’il avait survécu :
« Moi tout de suite, je me suis dit : il est pas concerné quoi […] enfin… J’ai eu
l’impression qu’il était pas concerné » (mère de Christophe).
Seuls les parents d’Alain n’expriment pas clairement leur ressenti interne,
et décrivent la situation d’un point de vue extérieur :
« Tout a commencé à sonner, tout le monde était en alerte. »
Si la plupart des familles ont essayé d’avoir un maximum d’informations
via les médias, la mère de Zoé se démarque en ne regardant pas la TV, pour
se protéger des images, et en essayant de récolter des informations par des
collègues de travail :
« J’ai pas voulu regarder la télé parce qu’alors là… ».
La mère de Téo consulte son médecin traitant pour lui demander de l’aide,
tant son angoisse est massive :
« Donc je me suis précipitée chez elle, et je lui ai dit : “Donnez-moi quelque chose
tout de suite, pour m’endormir ou pour me faire…”. Vraiment, j’étais dans un état !
Mais l’horreur quoi ! Parce que moi je pensais vraiment que Téo était mort quoi en
fait ! » (mère de Téo).
Si toutes les familles ont été rassurées le soir même via internet, néanmoins
la famille de Christophe a continué de douter plusieurs jours. Deux familles
(II-III) décrivent l’impression d’un coup de chance, d’un miracle, à l’annonce
de la survie de l’enfant :
« Les orphelinats ont été fissurés, mais pas un seul s’est effondré. Pas un seul ! Tous
les enfants ont survécu ! Voilà ! » (mère de Zoé).

Le transfert
Avant le transfert des enfants, tous les parents ont continué à être inquiets
et décrivent cette période comme une longue attente pénible. Deux familles
88 Anaelle Klein et al.

(I-II) rapportent des troubles du sommeil, associés à des troubles de l’ali-


mentation :
« Ça faisait deux semaines que je ne dormais plus et tout, donc c’était vraiment très
très dur, quoi. Niveau … moral, physique et tout. […] Donc à l’aéroport, moi j’étais
dans un état de … de fatigue incroyable, et d’émotion incroyable […] J’avais pas mangé
pendant deux semaines. » (mère de Téo).

Trois familles (I-II-III) déplorent un manque crucial d’information. Plu-


sieurs familles décrivent de l’hyperactivité (I-II-III-V), pour avoir des informa-
tions (V), pour se préparer à accueillir l’enfant :
« Alors, pour tout vous dire, j’ai refait tous les travaux de l’appartement » (mère
de Zoé) ;

ou pour mobiliser le gouvernement :


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« J’étais tout le temps, en fait, après dans l’action parce que après on s’est dit “faut
qu’on les sorte de là !” » (mère de Téo).

Toutes les familles se souviennent très précisément du jour et de ce qu’ils


faisaient lorsqu’on leur a annoncé le transfert de leur enfant :
« Quand mon mari m’a dit au téléphone qu’Alain arrivait avec l’avion, j’étais dans
la rue, je marchais avec des collègues et moi en fait “pof”, j’ai lâché mon sac, comme
on dit les bras m’en tombent. » (mère d’Alain).

Seule une famille a été prévenue plusieurs jours à l’avance, pour les autres
la veille ou le jour même. Plusieurs familles décrivent un moment de panique,
par peur que l’enfant n’arrive pas (II) :
« Le deuxième avion je me suis rendue compte qu’il n’était pas sur la liste. Et j’ai
commencé à paniquer. Je me suis dit : mais il ne va jamais y être » (mère de Téo).

Ou bien à l’arrivée de l’enfant (III-V) :


« Est-ce que je vais lui plaire, est-ce qu’elle va m’aimer ? Est-ce que la maison va lui
plaire ? Est-ce qu’elle va s’intégrer ? Comment elle va par rapport au séisme ? Qu’est-
ce que je vais lui dire ? » (mère de Zoé).

Seul un père se souvient d’un moment heureux :


« Mais le moral était bon ! (rires) Je ne vous le cache pas ! » (père de Christophe).

La rencontre
Toutes les familles ont rencontré pour la première fois leur enfant à l’aéro-
port. Les parents décrivent tous une longue attente à l’aéroport, pénible, mais
utile pour une maman, qui a pu se décontracter :
« À 11 heures j’étais très émue, et à 15 heures j’étais détendue quoi ! Donc je pense
que ce n’est pas inutile » (mère de Christophe).

Deux familles évoquent le moment de la rencontre comme d’un mauvais


souvenir uniquement :
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 89

« Ce n’était pas un moment formidable en fait » (mère de Mathis) ; « Pas bien du


tout ! » (mère de Zoé).
Le père de Christophe en parle comme d’un « bon souvenir », « magique ».
Deux familles (I-II) font un récit plus ambivalent, mêlant bons et mauvais
souvenirs.
Un sentiment d’étrangeté se dégage dans tous les entretiens :
« bizarre » (I-II), « moment incroyable » (II), « surnaturel » (II), « hallucinant » (II).
« Il y avait des enfants qui pleuraient mais on avait l’impression que tout était capi-
tonné. Tout était comme au ralenti » (mère d’Alain).
« En plus, il neigeait, on a eu de la neige sur la route ! Donc tout était épique ce
jour-là (rires) » (mère de Christophe).
Ce sentiment d’étrangeté est également décrit par quatre familles (I-II-III-
IV), lors de la première vision de leur enfant. Le mauvais état de santé de
l’enfant ou son retard staturo-pondéral est mis en avant par tous les parents.
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Les parents d’Alain décrivent :
– Mère : « Quand Alain est arrivé, il avait un pyjama de petite fille de 6 mois, il
avait 21 mois. Il est tout petit, tout rachta, tout voilà et il mettait du 6 mois voilà. »
– Père : « Il était ballonné, le ventre gonflé. Il était dénutri, une dénutrition proti-
dique. Le ventre gonflé, par contre les bras et les jambes tout maigres. Il faisait 8 kilos
quand il est arrivé ! […] »
La mère de Téo montre un écart avec ses mains :
« C’était un tout petit ! Comme ça ! Il m’arrivait ici quoi ! C’était vraiment… Je
pense qu’il leur avait… Il était complètement rasé. Et puis, il était habillé… Ils leur
avaient trouvé des fringues d’hiver, donc voilà. C’était… Ça n’allait pas du tout avec,
les fringues étaient complètement bizarres » (mère de Téo, il était âgé de 4,5 ans à son
arrivée).
Trois familles (I-IV-V) font par la suite la description de troubles dermato-
logiques et infectieux importants, qu’ils n’évoquent pas spontanément lors du
récit de la rencontre :
« Quand il est arrivé, il était couvert d’eczéma. On aurait dit comme un serpent, sa
peau s’est refaite » (mère de Mathis).
Pour autant, aucune famille n’exprime de dégoût ou de rejet de l’enfant au
moment de la rencontre.
Ce moment, charnière dans l’histoire de l’enfant, est comparé à une nais-
sance dans quatre entretiens (I-II-III-IV). Trois mamans, dont l’enfant est
arrivé hypotrophe, en parlent comme d’un nouveau-né. Mathis arrive dans les
bras d’une dame, probablement de la Croix-Rouge :
« Il était tout riquiqui et elle l’avait dans ses bras […]. On avait l’impression qu’elle
avait un petit bébé dans ses bras » (mère de Mathis, celui-ci avait 1,5 ans à l’arrivée).
Les parents décrivent la multiplicité des intervenants à l’aéroport : agents
administratifs, professionnels de soins, politiques, journalistes… La mère de
Téo (II) s’est sentie pressée par les professionnels :
« Et en plus après ça, on avait pas trop le temps, parce que après ça il fallait qu’une
autre famille vienne dans la salle [pour accueillir leur enfant]. Donc fallait qu’on parte ! »
(mère de Téo).
90 Anaelle Klein et al.

Plusieurs familles (II-IV-V) parlent de la présence de multiples profession-


nels comme les exposant au regard d’autrui, rendant la rencontre « moins
intime » (mère de Christophe).
La mère de Mathis (IV) se souvient du premier moment de change qu’elle
a vraiment mal vécu. L’exposition et le manque de soin avant l’arrivée de son
enfant semblent avoir entravé la rencontre :
« Il avait des diarrhées avec des fortes odeurs, je ne te dis pas ! […] Le change s’est
fait en plein milieu de tout le monde. C’était très bizarre comme situation et là j’ai
vraiment été professionnelle, je n’étais pas maman, ça m’a bien aidé d’être infirmière à
ce moment, vraiment sincèrement. Je me suis protégée car je sentais que je paniquais
totalement » (mère de Mathis).

Le retour à la maison et les répercussions de la crise


À l’arrivée à la maison, les parents décrivent des troubles physiques et psy-
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chiques chez leur enfant, qui sont d’ampleur inégale et, pour certains, mis en
lien avec le vécu traumatique du séisme et de ses conséquences. Mathis et
Alain ne marchaient plus :
« On s’est rendu compte qu’il n’avait plus de force et ça c’était dur : il n’arrivait pas
à se soulever, il retombait comme ça » (mère de Mathis).

Nous avons déjà mentionné que trois enfants (I-IV-V) présentent des
troubles dermatologiques et infectieux paraissant importants. Trois enfants
semblent asthéniques, pour l’un d’entre eux une probable hypersomnie (I) :
« Il dormait beaucoup beaucoup beaucoup. Dès qu’on s’allongeait, dès qu’on se
mettait dans le canapé » (mère d’Alain).

Trois familles décrivent des enfants ayant des conduites hyperphagiques (I-
II-V) :
« Il avait faim tout le temps… Impossible de le rassasier » (mère de Téo).
Plusieurs enfants (I-II-V) présentent des hurlements incompréhensibles,
des changements brutaux d’humeur ou des terreurs nocturnes :
« Il rigolait très vite, beaucoup, c’était impressionnant quoi. […] Mais en même
temps, je sentais qu’il avait été rempli d’angoisse, quoi, de peurs et de pleurs, parce
qu’il pleurait quand même beaucoup beaucoup beaucoup » (mère de Téo).

Elle décrit la première visite à la maison de sa famille :


« Et là c’était l’horreur, mais il s’est mis à hurler, hurler, hurler. […] Parce que
c’était beaucoup trop pour lui. Je ne sais pas ce qu’il avait imaginé. Qu’on allait le
reprendre ou je sais pas quoi » (mère de Téo).

Tous les parents ont dû faire face à des accès de colères importants, voire
des accès de rage (III) :
« Il a fait des crises, beaucoup de crises… de colère ou de panique ou de désespoir,
je crois qu’on appelait ça comme ça » (mère de Mathis).

Tous les enfants paraissent fortement angoissés, avec des conduites d’évite-
ment pour deux d’entre eux (II-III) :
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 91

« Zoé ne voulait pas rentrer dans une maison. Elle voulait dormir dehors. Donc
c’était l’hiver, quand elle arrivée, il y avait de la neige » (mère de Zoé).

Christophe semble présenter des signes d’hypervigilance anxieuse :


« Le bruit de la porte du garage le faisait tout le temps tressaillir » (mère de
Christophe).

Trois familles (I-II-IV) décrivent des moments de régression :


« Il a pu faire caca dans des endroits inappropriés, des choses alors qu’il était déjà
grand, des choses de la régression » (mère de Mathis).

Les théories étiologiques des parents face aux troubles de leurs enfants
Certains troubles peuvent être banalisés (I-II-III-IV-V) :
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« Des cauchemars classiques chez les enfants. Il y a eu des nuits où tout d’un coup
il se mettait à hurler » (mère d’Alain).

Toutes les familles sont allées consulter psychologues ou psychiatres, une


famille fait exception (IV), Mathis a consulté uniquement un psychologue sco-
laire pour un bilan :
Chercheur : « Avez-vous déjà eu besoin de consulter un psychologue ou un psy-
chiatre ? » Mère de Mathis : « Pour moi ? (rires) Franchement non car je trouvais que
les problèmes n’étaient pas… […] Tant qu’il disait les choses, ce qu’il pensait, je ne
voyais pas ce qu’il aurait dit de plus. »

Les parents d’Alain (I) évoquent la mise en place d’un suivi psychologique :
« Plus par désir, souci d’accompagnement. Pas par nécessité. » Actuellement, il y va
tous les deux ans : « C’est plus un suivi classique » (mère d’Alain).

Les parents de Christophe (V) s’interrogent :


Père : « Il peut nous arriver de chercher des explications à des comportements…
dans son histoire » ; Mère : « On a tendance à se dire : mais il a ce comportement, car
c’est un enfant du séisme, qu’il est adopté, mais je suis en train de me dire… » ; Père :
« Excusez-moi, mais c’est pas sûr du tout ! » (Christophe était âgé de 1 an et 7 mois
quand il a été transféré en France).

Deux mères parlent ouvertement de traumatisme (I-II) :


« Vraiment la marque du traumatisme elle était évidente pendant vraiment plusieurs
semaines » (mère de Téo).

D’autres le formulent moins directement (III-IV-V) :


« Un enfant marqué par la vie, par sa vie… » (mère de Zoé, sa fille est arrivée en
France à l’âge de 6 ans et 11 mois).

L’état de l’enfant est-il dû à l’abandon ? À la vie en institution ? Au séisme ?


Au transfert en urgence ? La mère de Téo (II) parle de double deuil :
« Il a deux deuils à faire quoi, l’abandon par rapport à ses parents, et puis le séisme »
et d’un enfant « complètement déraciné ». Elle poursuit son propos : « Je pense que
dans son comportement actuel ça doit vraiment… le séisme… malheureusement… quoi
92 Anaelle Klein et al.

c’est… pffff… ça doit être… ça… c’est… c’est… quelque chose en plus dans son histoire
qui est assez lourd. »

La mère d’Alain (I) ne pense pas que le séisme soit seul responsable :
« Pour le coup on parle du syndrome post-traumatique au séisme mais […] Je pense
qu’il y a tout un tas de réactions plus liées au vécu sur une longue durée, aux carences
alimentaires… à la crèche. »

La mère de Mathis se représente son fils :


« J’ai quand même cette vision de courage, d’instinct de survie ». Elle décrit une
« sensibilité assez surprenante pour son âge », en lien avec le séisme. Il est « très mature,
il voit les choses, il a un côté psychologue (rires) ». Il est « très imaginatif », « Je pense
que c’est un peu un refuge aussi ». « Comme il s’intéresse à vraiment beaucoup de
choses […] ça m’impressionne. Est-ce que ça m’impressionne plus par ce qu’il a vécu ?
Non je ne pense pas, pas forcément. Non je ne pense pas (silence) ». Néanmoins, la
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maman de Mathis le valorise d’avoir survécu : « Des fois je lui dis quand il n’arrive pas
à quelque chose je lui dis tu te rends compte tu as déjà survécu à un tremblement de
terre, tu es courageux… »

Au moment où son fils hurle sans raison, la mère de Téo est rassurée par sa
psychologue à l’idée que les autres enfants ont le même comportement que lui :
« Ils sont tous comme ça, apparemment, ils pleurent beaucoup, c’est normal quoi. »

Mais les symptômes d’autrui sont perçus comme inquiétants ou plus


sévères par deux familles adoptantes (I-IV). Une mère protège son fils d’une
contagion traumatique, justifiant son positionnement par les propos de sa
pédiatre :
« D’ailleurs, après, on nous a dit que si on pouvait éviter qu’il côtoie, qu’il ait une
proximité avec des enfants haïtiens qui ont vécu le séisme ce n’est pas plus mal. Éviter
de remettre de l’huile sur le feu ! » (mère d’Alain).

Trois mères (II-III-IV) insistent sur la vertu thérapeutique de la parole ou


des crises de larmes. Même si Téo ne souhaite pas parler de sa vie d’avant, sa
mère insiste.
Elle le convie au début de l’entretien : « Quand y’a une brèche j’essaye de m’engouf-
frer ». Elle l’emmène voir une pédopsychiatre, dans le but qu’il se livre et parle de son
passé : « Et même là, le psy a du mal à lui faire parler d’Haïti, en fait. »

Pour les deux autres mères, il s’agit « d’expulser » son passé traumatique
(III-IV).
« Il fallait que ça sorte d’une manière ou d’une autre et c’est sorti, c’est peut-être
mieux comme ça. Avec Mathis ça sort en tout cas, il ne garde pas rentré en lui » (mère
de Mathis).

Si tous les parents s’interrogent sur l’étiologie de certains symptômes de


leur enfant, la mère de Christophe se questionne sur ses propres angoisses :
Mère : « J’ai toujours eu peur qu’il se passe quelque chose. Que maintenant qu’il
est là, qu’il se passe quelque chose. Je me dis : “Je vais pas le garder, il va mourir, il va
se passer quelque chose, ou je vais mourir” » ; Père (coupant la mère) : « Mais ça c’est
pas dû au… » ; Mère : « Mais ça c’est pas dû au séisme en fait ! »
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 93

LA CONSTRUCTION DU LIEN FILIATIF


Deux familles décrivent la création du lien comme un processus « facile »
(I-V). Pour les parents de Christophe (V), le lien était déjà fort dès le
premier jour :
Père : « Oui un sentiment, quand même, je pense de plénitude, parce que dès ce…
Dès le premier jour, en fait, on a eu l’impression de… ben… » ; Mère : « …que ça
marchait ! »

Pour d’autres familles, ce lien semble fragilisé au départ (II-III-IV) :


« Même si vraiment je sentais que c’était mon enfant, mais c’est tellement difficile,
euh, niveau relationnel ! » (mère de Téo, en l’absence de Téo).

Le contexte n’a pas permis d’installer directement un lien de filiation :


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« Je crois que j’ai été sa bouée de sauvetage, une maman je ne sais pas ce que ça
représentait pour lui, en tout cas une bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher après
avoir été trimbalé comme ça » (mère de Mathis).

Impact du séisme en Haïti sur le récit des origines


Deux familles ont amené l’enfant à l’entretien (I-IV), une a fait le choix de
le convier partiellement (II), les deux autres de ne pas le convier (III-V). Faut-il
protéger l’enfant de son histoire précoce dans un contexte de catastrophe
humanitaire ? Faut-il la lui raconter ou la lui conter ?
Le séisme envahit des représentations du pays de naissance : il est difficile
pour les enfants de se représenter leur pays de naissance en dehors du séisme
ou autrement que détruit par le séisme (II-III) :
« Les seules fois où Téo me parle d’Haïti, c’est par rapport au séisme » (mère de
Téo).

Le pays d’accueil est vu décrit comme un lieu sûr (II-III) par les parents.
Il s’agit de rassurer l’enfant sur l’absence de danger :
« Je lui dis que en France, euh, déjà où on habite ça bouge pas ça c’est sûr ! Qu’il
n’y a pas à avoir peur. Et que où je l’amène en vacances, qu’il n’a pas de craintes à
avoir, que ça bouge… que la terre bouge pas. Et que voilà… Je le rassure au maximum »
(mère de Téo).

Même au prix de quelques mensonges, pour protéger :


« Je ne lui ai pas parlé de la Manche, parce qu’il semblerait qu’on soit un peu sur
la ligne avec la Manche, j’en ai pas parlé à Zoé ! Euh. Elle l’apprendra bien. Je ne
pouvais pas lui dire quoi » (mère de Zoé).

Le séisme est inscrit, pour une mère, comme un marquage indélébile :


« Mais le séisme, pour moi, c’est marqué, marqué à jamais dans ma mémoire ! C’est
vraiment très très… C’était une période, donc c’est vraiment, c’était très très doulou-
reux ! » (mère de Téo).

D’autres séismes dans le monde peuvent ouvrir la discussion (II-IV-V) :


94 Anaelle Klein et al.

« Elle m’a dit : “C’est arrivé en Haïti, c’est arrivé au Népal !” Elle a su qu’il y en
avait eu un au Japon. Parce que de ça, je ne lui en avais pas parlé à l’époque ! Euh…
Mais bon, les enfants, ils savent, hein ! » (mère de Zoé).

Dans les deux entretiens où l’enfant était présent au récit de la crise, les
parents (I-IV) souhaiteraient que l’enfant soit témoin de sa propre histoire. Le
souvenir partagé semble important pour eux. Ils sollicitent l’enfant, afin qu’il
se souvienne :
« Tu te souviens ? » (mère d’Alain, faisant le récit de l’arrivée de son fils à 1 an et
9 mois).

Les deux enfants adoptés tardivement (6 ans et 11 mois pour Zoé et 4,5 ans
pour Téo) ont parlé du séisme au début, mais n’en parlent plus depuis.
« Elle se rappelle… Enfin je crois qu’elle a oublié… Elle se rappelle… Elle a oublié
peut-être pas, mais enfin c’est dans un coin de sa tête » (mère de Zoé).
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« Son vécu, ben une fois, deux fois, il m’a dit qu’il avait eu p… Mais est-ce que
c’est moi qui avais orienté trop la question ? Il m’a dit oui oui j’ai eu très peur. Euuuh
ça a bougé, ça a beaucoup bougé. Euh. Je sais pas si c’est un souvenir vraiment ! »
(mère de Téo).

La mère de Téo (II) a plusieurs hypothèses sur le fait que son fils reste
aujourd’hui silencieux à ce sujet. Est-il capable d’en parler ?
« Il n’arrive pas à parler [du séisme] ». « Il est un peu dans le déni en fait par rapport
à ça ». « Il est pas du tout curieux par rapport à Haïti ». « Il n’a pas envie de savoir ! ».

Seul un enfant pose souvent des questions à ces parents sur le séisme (V) ;
Christophe veut avoir des informations sur ce qu’il faisait pendant le séisme (il
avait alors 1 an et 7 mois) :
« C’est que des questions. Il n’a aucun souvenir. » Madame décrit son questionne-
ment : « Qu’est-ce que j’ai fait ? Est-ce que j’ai pleuré ? Est-ce que ça a bougé ? Où
j’étais ? etc. » Elle a essayé de se renseigner : « Donc j’ai demandé à l’organisme et la
réponse a été : on ne sait pas à ce moment-là il y avait d’autres priorités que de s’occuper
de ceux qui allaient bien. Donc on n’a pas de réponse. » Elle décrit Christophe comme
« passionné » par « la géologie, les îles, les plaques tectoniques, les volcans, les séismes »,
« Il a vu des reportages ! Donc là, il est demandeur d’informations, mais pas en tant
que l’ayant vécu, c’est parce que ça l’intéresse » (mère de Christophe).

Mathis pose souvent des questions sur son pays de naissance, mais la
maman ne précise pas s’il s’agit de questions concernant le séisme. Alain
préfère le récit de son adoption :
« Il veut qu’on lui raconte quand on est allés à l’aéroport, quand on l’a attendu, etc.
mais c’est tout » (mère d’Alain).

Les enfants construisent des souvenirs et imaginent (I-IV). Mathis se vante


auprès de ses amis :
« Il racontait qu’il avait conduit l’avion ! Et une fois il a raconté à ses copains qu’il
avait ramené un caillou du tremblement de terre. Il voulait jouer un peu les héros, c’est
vrai ça rend les choses un peu plus belles que ça ne l’est en réalité » (mère de Mathis.
Ce dernier a été adopté à l’âge d’un an et demi.).

Deux familles (IV-V) assument l’idée d’une reconstruction du souvenir :


D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 95

« Parfois il raconte des trucs par rapport à ce que je lui ai raconté » (mère de Mathis).
Les parents de Christophe brodent autour d’une histoire supposée : « Éventuelle-
ment, on lui a raconté des choses, mais qui ne sont pas forcément vraies. Par exemple,
au début, il faisait la course à quatre pattes avec mon mari. Donc on imaginait : “Ah,
ben t’as dû le faire là-bas, avec tous les petits enfants”. Donc c’est des souvenirs qu’on
lui a créés ! »

Le devenir des parents de naissance


Deux familles ne savent pas ce qu’il est arrivé aux parents de naissance
suite au séisme (IV-V). Si la mère de Mathis attend que la demande vienne
de son fils, les parents de Christophe se sont renseignés à sa demande, sans
succès :
« Depuis le séisme, on ne sait pas si sa mère a survécu. Ça on n’arrive pas à savoir
et ça c’est une demande aussi de sa part. Voilà… Mais sur son histoire, nous, ça nous
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suffit. Et lui, pour l’instant, il veut pas trop en entendre parler » (mère de Christophe).

Deux familles (II-III) ont eu la confirmation que les parents de naissance


étaient vivants après le séisme, mais continuent de douter. La mère de Zoé a
été informée par la directrice du passage de la mère de naissance de Zoé à
l’orphelinat :
« qui était fermé à clefs, qui n’existe plus. Elle a été à l’orphelinat pour avoir des
photos des filles. […] Donc en 2012, ce que j’ai dit à Zoé : “Ta maman était vivante,
en 2012 !” Maintenant, je ne sais pas ! » Une psychologue lui aurait conseillé de dire
que sa mère de naissance était morte, pour « faire le deuil et avancer ! » La mère de Zoé
réagit alors vivement : « Je ne peux pas dire que sa maman est décédée si sa maman est
vivante ! On ne sait pas ! » et décide de changer de psychologue : « On ne peut plus
continuer comme ça. Je ne suis pas du tout d’accord avec la méthode. »

Une famille n’aborde pas cette question (I).

La représentation d’Haïti après l’adoption


Aucun des parents n’a pu se rendre à la « crèche » où était accueilli leur
enfant. En effet, seule la mère de Mathis s’était rendue en Haïti avant le séisme,
pour signer des papiers, mais elle avait fait le choix de ne pas rencontrer
Mathis :
« Je n’avais pas envie qu’il me voie et qu’après tout de suite je parte. Je trouvais que
c’était cruel. »

Les parents se sont donc représentés le lieu de vie de l’enfant sans y être
allés, en fonction de ce qu’a pu dire l’enfant, d’autres parents adoptants, cer-
tains professionnels ou de contacts téléphoniques, ou par internet. Deux
familles (I-IV) ont une vision positive du lieu d’accueil de leur enfant et
l’appellent exclusivement « crèche ». Les autres parents (II-III-V) se repré-
sentent un lieu de vie difficile. La localisation d’une « crèche » hors Port-au-
Prince a pu protéger un peu l’enfant (I) :
Mère : « Il a été plus protégé. Il a sans doute eu un traumatisme lié à l’inquiétude,
au stress, au choc, mais contrairement aux enfants de Port-au-Prince qui ont été blessés
96 Anaelle Klein et al.

ou qui ont vécu la terre trembler […] » ; Père : « Aux Cailles ça a dû bouger aussi, c’est
à 130 kilomètres seulement. »

Deux enfants (I-III) semblent être dans le déni concernant l’état du pays.
La mère de Zoé (III) montre des photos d’Haïti à sa fille et rapporte ses
propos :
« C’est pas possible, c’est pas possible, ils ont tout reconstruit ! »
« Y’a des… certains trucs, elle est dans le déni, quoi. C’est des mauvaises images
quoi ! »

Elle décrit que sa fille l’empêche de regarder des reportages sur Haïti, en
raison de sa trop forte émotion. Elle rapporte les paroles de sa fille :
« Oh ben non ! Tu pleures, c’est pas la peine ! (long silence) Je veux pas que tu
regardes. » Parce qu’elle me disait : « Toi tu pleures, ça te fait mal ! »
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Penser (ou panser) la crise : les recommandations des parents
Des entretiens des parents se dégagent quelques recommandations pour le
futur, si malheureusement une autre catastrophe devait survenir. Les conseils
des parents sont exprimés indirectement, ou de manières plus explicite. Les
parents de Christophe participent à la recherche, comme témoignage, pour
contribuer au changement du mode d’arrivée des enfants, si une autre cata-
strophe naturelle survenait :
« Si la finalité, c’est que ça peut permettre effectivement d’améliorer l’accueil
d’enfants, c’est… c’est une bonne chose, vraiment ! » (père de Christophe, en fin
d’entretien).

Une meilleure préparation des enfants doit commencer dès l’orphelinat. La


mère de Téo s’interroge sur ce que son fils a pu ressentir le jour où il a quitté
Haïti :
« (Avant le séisme) On disait juste : “Maman va venir” et voilà, c’est tout quoi […]
Sans leur expliquer vraiment […] Donc là avec le séisme, je sais pas du tout ce que la
directrice leur a, lui a expliqué à Téo. […] Ce jour-là, il est même pas parti avec les
petits copains de la crèche quoi. Elle a dû l’emmener quelque part, au consulat, à
l’ambassade, je sais pas où. […] (elle prend une forte inspiration) Mon dieu ! Je n’ose
même pas imaginer ce qu’il a dû penser. »

La mère de Christophe regrette le nombre d’intermédiaires :


« Elle l’a confié à l’orphelinat. C’est un premier déchirement. Il s’installe à l’orpheli-
nat, boom le séisme ! Et ensuite, boom on prend tous les gamins pour les mettre en
catastrophe dans un avion, boom on les met dans les bras d’une dame, boom on les
met dans les bras d’une autre dame, boom on les met dans les bras… Il en a eu quatre
quand même à l’arrivée ! À chaque fois, il a hurlé ! Donc, parce qu’on l’arrachait à
quelqu’un ! »

Une prise en charge somatique préalable est nécessaire. En effet, Mathis


n’a pas eu de soins somatiques avant son arrivée en France :
« Il avait dû souffrir pendant le voyage en fait et beaucoup pleuré parce que ça devait
être un peu paniquant quand même. […] C’était long tout ça et il ne voulait plus boire
en fait. Ils n’arrivaient plus à le faire boire » (mère de Mathis).
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 97

Deux parents étaient favorables (II-V) à l’idée d’une escale longue, comme
celle qui a été créée en Guadeloupe, même s’ils n’en ont pas bénéficié :
« Après toutes les critiques qui ont été faites sur le fait qu’il soit arraché, directement
mis dans un avion et tout […] oui, oui, je pense qu’effectivement ça n’a pas dû aider !
[…] Le fait de ne pas avoir le parent qui va chercher sur place l’enfant ça doit quand
même être un traumatisme supplémentaire » (mère de Téo).

Certains parents (II-III) n’ont pas eu connaissance du trajet de l’enfant,


depuis Haïti, ce qui ajoute encore une part de mystère, d’ombre :
« Donc, j’ai compris qu’elle était allée en Guadeloupe. Euh alors j’ai jamais réussi à
savoir si elle était restée plusieurs jours, une heure, si elle n’avait fait qu’une escale. Je
pense qu’elle y avait… qu’elle y était restée quelque temps parce qu’elle m’a dit, m’avait
fait comprendre qu’elle s’y était fait coiffer » (mère de Zoé).

La mère de Christophe (V) aurait souhaité échanger davantage avec la


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dame qui l’avait accompagné dans l’avion, seul lien avec la vie de là-bas :
« On a très peu pu échanger avec elle ! Y’en a qui étaient assez indifférents, qui
racontaient comment c’était passé le voyage ! Là, elle était très émue, elle ne pouvait
rien nous raconter. »

Une mère décrit un manque d’information sur l’histoire de l’enfant, terrible


de conséquences. En effet, Zoé a été séparée de ses sœurs, sans aucune pré-
paration :
L’une est « restée coincée en Guadeloupe, parce que les papiers n’étaient pas termi-
nés. » La seconde sœur de Zoé était dans le même avion : «Sauf que comme on ne savait
pas avec l’autre maman qu’elles étaient sœurs […], elles ne se sont pas dit au-revoir,
elles ne se sont pas parlé, enfin, elles… elles se sont séparées comme ça ! »

STRUCTURE DU RÉCIT : ANALYSE DES MARQUES TRAUMATIQUES


L’analyse de la forme du récit des parents met en évidence la présence de
marqueurs traumatiques dans chacun des cinq entretiens, en grande majorité
dans le récit de l’annonce du séisme, de l’arrivée de l’enfant et lors du retour
à la maison en compagnie de l’enfant. Nous appelons « marques traumatiques »
les éléments de la structure du récit orientant vers l’hypothèse d’un trauma
sous-jacent, en nous appuyant sur des critères définis dans plusieurs études
(Harf et al., 2008), (O’Kearney et Perrott, 2006) (George et al., 1985). Une
précision s’impose : cette analyse ne permet en aucun cas de poser de diagnos-
tic clinique. Néanmoins, la présence de ces marques, au sein de l’analyse de la
forme de tous les entretiens, interroge sur le vécu des parents d’expériences
potentiellement traumatiques, en lien avec le séisme et ses conséquences.

Récits très détaillés sans évocation du vécu interne


Tous les entretiens sont longs, avec de longues réponses aux questions et
une attention portée, à certains passages, sur les détails. Il existe, dans deux
entretiens (I-III), la présence de passages très factuels lors du récit de la ren-
contre avec l’enfant, avec plus de références à des éléments extérieurs (ou à
autrui) qu’à un vécu interne :
98 Anaelle Klein et al.

Chercheur : « Et la rencontre à l’aéroport, vous pourriez me raconter ? » Mère :


« C’était très long. On avait rendez-vous à 22 heures. » Père : « À partir de 20h30 on y
était et Alain, on l’a vu il était 1 heure du matin ou plus tard » Mère : « Peut-être même
un peu plus, car on est partis de l’aéroport il était 4 heures et on est arrivés à 6 heures.
On a pris du temps, les enfants sont arrivés à 23 heures, ils ont été toilettés, vu un
médecin, auscultés, certains ont mangé, dormi » (parents d’Alain).
Dans l’entretien de cette famille, la description des troubles dermatolo-
giques d’Alain est très descriptive et détaillée.

Désorganisation du discours
La dissociation entre mémoire sémantique (connaissances générales sur soi
et le monde) et épisodique (évènements autobiographiques vécus émotionnel-
lement) peut être la marque d’un trauma non résolu. On observe, dans les cinq
entretiens, un contraste entre leur façon de qualifier les souvenirs, en général,
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et l’expérience décrite précisément. Au niveau de la mémoire sémantique,
générale, les parents expliquent avoir eu des facilités, de la chance :
« Donc c’était une période très, très… très heureuse, évidemment ! » (père de Chris-
tophe, parlant de l’arrivée de son fils à la maison).
Au niveau de la mémoire épisodique, émotionnelle, les parents sélec-
tionnent des événements difficiles, violents, choquants. Quelques phrases plus
loin, le père poursuit :
« Ça s’est déclenché chez (prénom de sa femme), et elle était vraiment malade…
Euh. Elle marchait à quatre pattes… »
Cette absence de cohérence entre les représentations généralisées et les sou-
venirs spécifiques peut être considérée comme une marque de trauma irrésolu.
Certains passages présentent une apparente absorption de la personne dans la
scène racontée. Des temps de longs silences et des passages inachevés sont
présents dans tous les entretiens. Cette fragmentation témoigne également
d’une absorption, interrompant la production verbale. Dans une famille, cette
fragmentation est présente à de nombreuses reprises, tout au long du récit
(dans 22 passages) :
« Ça s’est passé le mardi, donc… Et à 7 heures, euh… donc… moi j’ai perdu mon
père en 2006, je… donc j’ai annoncé la nouvelle de l’adoption euh… à… en 2006…
Oui, c’est ça en fait ! » (mère de Téo qui commence le récit de l’annonce du séisme).
La mère se disperse en cours de récit et demande de répéter plusieurs ques-
tions : sur l’histoire de l’enfant, et sur la manière dont elle avait imaginé
l’enfant, la rencontre, et son arrivée à la maison avant le séisme. On constate
une désorientation spatiale (I-II) ou temporelle (I-II-III-V). Plusieurs familles
(I-II-III) se trompent sur la date du séisme du 12 janvier 2010 :
« Le séisme a eu lieu le 10 janvier » (mère de Zoé).

De la banalisation au déni
Le discours de tous les parents présente, de manière plus ou moins
marquée, des passages de minimisation, voire de banalisation, pouvant aboutir
à un déni de leurs propres difficultés ou de celles de l’enfant :
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 99

Chercheur : « Nous arrivons à la fin de l’entretien, donc qu’est-ce que vous


en avez pensé ? » Mère de Téo : « Ben c’était rapide, hein ! (rire) C’est tellement
facile quand on parle d’un sujet comme ça. »

DISCUSSION

Ce travail s’articule autour d’un axe central : les représentations parentales


et leur devenir suite au tremblement de terre de 2010. Dans une perspective
complémentariste (Devereux, 1972), alliant psychanalyse, transculturel, et nar-
rativité, les représentations parentales peuvent être pensées selon plusieurs
facettes, que nous allons développer.
Nous intégrerons quatre livres écrits par des parents en cours d’adoption
pendant le séisme de 2010. Un livre est qualifié de « roman » mais fait écho à
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un vécu personnel : L’enfant du séisme de Sophie Noël (Noël, 2015). Trois
livres sont explicitement autobiographiques : Angeline, ma Princesse Haïtienne,
petite fille miraculée de Corinne Martini (Martini, 2015) ; D’une île à l’autre…
De Haïti à Belle-île-en-Mer de Tanguy Hebert (Hebert, 2013), L’enfant du
séisme, récit d’une adoption de Diane Lavoie (Lavoie, 2014), qui décrit tout son
parcours au Québec. Si ces quatre parcours sont singuliers, leurs histoires sont
étroitement reliées à celles des cinq familles de nos entretiens. En effet, même
si les récits issus de ces livres ne suivent pas la trame du questionnaire de
notre recherche, et n’ont pas été recueillis au cours d’un entretien, les thèmes
retrouvés par le biais de notre analyse concordent avec les écrits de ces parents.
Nous allons les mettre en parallèle, afin de mettre en relief nos résultats et
permettre une triangulation des sources.
Au fil de notre discussion, des ponts seront faits entre représentations
parentales en situation adoptive et non adoptive. À l’évidence, les deux cas ne
sont pas en tout point comparables. Néanmoins, la résonnance entre les deux
est fondamentale, permettant au clinicien une élaboration qui ne serait pas
entravée par le prisme de l’adoption.
Lors du parcours de l’adoption, la période qui va de l’agrément à la ren-
contre a été décrite comme une grossesse psychique (Golse, 2004), remanie-
ments représentationnels se déroulant dans la tête de tous les futurs parents. La
transparence psychique, période où des fragments de l’inconscient reviennent
à la conscience en raison d’une certaine levée du refoulement, a été décrite lors
des grossesses biologiques (Bydlowski, 1991), mais aussi lors des grossesses
psychiques du parent adoptant, dans les cas les plus heureux (Golse, 2012).
La transparence psychique débouche sur la préoccupation maternelle primaire
(Winnicott, 1956), permettant à l’adulte de s’adapter aux besoins du nouveau-
né ou de l’enfant adopté. Cette bascule de l’un à l’autre passe par le processus
d’objectalisation (Bydlowski et Golse, 2001). Dans les cas de grossesse phy-
sique, il s’agit du passage de l’objet interne, enfant imaginaire encore à l’inté-
rieur, à l’objet externe, un bébé de chair et d’os qui est sujet à part entière.
« Avant sa conception, l’enfant existe “en puissance” pour ses futurs parents »
(Missonnier, 2004). S’inscrivant dans ce processus d’objectalisation, la « rela-
tion d’objet virtuel » (Ibid.) est un processus dynamique et adaptatif, corres-
pondant à l’ensemble des comportements, des affects et des représentations
100 Anaelle Klein et al.

parentales (conscientes, préconscientes et inconscientes) à l’égard de


l’embryon puis du fœtus. Selon B. Golse, dans le cas de l’adoption, « ce proces-
sus d’objectalisation ne se joue pas, ici, entre un enfant-dans-le-ventre et un
enfant-dans-la-tête, […] mais entre un enfant-dans-la-tête et un enfant-réel-
encore-ailleurs ce qui, mutatis mutandis, peut tout de même comporter
quelques analogies » (Golse, 2007). Avant la rencontre réelle, l’enfant existe
déjà « en puissance » pour les parents adoptants, à travers la relation d’objet
virtuel.
Dans le contexte spécifique du séisme d’Haïti de 2010, la grossesse psy-
chique a été perturbée par l’annonce du séisme et la crise a désorganisé la
rencontre. Parents et enfants, insuffisamment préparés, ont dû s’adapter l’un
à l’autre. Peut-on considérer le séisme et ses conséquences comme une expé-
rience potentiellement traumatique pour les parents ? Quel a pu être l’effet
d’un possible traumatisme de l’enfant sur son ou ses parent(s) ? Quelles ont
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pu être les conséquences sur l’interaction parent-enfant ? Comment les parents
ont-ils tissé la troisième histoire, et co-construit la filiation narrative (Golse et
Moro 2016) ?

LE SÉISME ET SES CONSÉQUENCES, UN TRAUMA POTENTIEL SURAJOUTÉ ?


Peut-on parler de traumatisme ?
Les concepts de trauma, traumatisme, état de stress post-traumatique ont
des définitions variables en fonction du cadre théorique utilisé.
Pour Freud, la rencontre entre des expériences potentiellement trauma-
tiques et une vulnérabilité peut faire effraction et donc trauma. Un événement
n’est donc pas traumatique en soi, son impact psychique dépend de chaque
individu. Pour qu’une expérience soit effractante, son contenu doit être violent,
potentiellement traumatogène, mais également non préparé. L’effet de surprise
peut faire effraction et rompre la barrière de défense protectrice du psychisme,
le pare-excitant : « Pour l’issue d’un grand nombre de traumatismes, le facteur
décisif serait la différence entre systèmes non préparés et systèmes préparés par
surinvestissement » (Freud, 1920). La susceptibilité, état psychique du sujet au
moment de l’événement, est déterminante. L’événement traumatique s’accom-
pagne d’une sensation d’effroi, de néant, d’arrêt des pensées et des affects.
Le concept de « névrose traumatique », maladie consécutive à un traumatisme
psychique, regroupe une symptomatologie large : syndrome de répétition,
angoisse, dépression, troubles du caractères, plaintes somatiques et maladies
psychosomatiques (Lebigot, 2009). Les psychiatres américains vont redécou-
vrir ce concept à la suite de la guerre du Viêt-Nam et vont faire du traumatisme
« une variété de stress, en regroupant les troubles sous l’appellation posttrauma-
tic stress disorder (PTSD), état de stress post-traumatique (ESPT) en français »
(Lebigot, 2009). Avec la publication du Diagnostic and Statistical Manuel of
Mental Disorders-III (DSM-III, 1980), l’ESPT entre officiellement dans la
nosographie internationale. Les critères actuels du DSM-V (DSM-V, 2013)
sont précis : suite à l’exposition à un événement traumatogène, le sujet déve-
loppe pendant plus d’un mois des symptômes d’intrusion, d’évitement, une
altération négative des cognitions et de l’humeur associée à l’événement et
une altération de la vigilance et de la réactivité. Un témoin indirect peut vivre
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 101

l’exposition au trauma d’un proche dans son entourage amical ou familial


comme un événement traumatogène (DSM-V 2013).
Même si elles ne recouvrent pas exactement le même champ, nous avons
fait le choix d’avoir recours à ces deux conceptions du traumatisme, l’une
moderne, l’autre plus large, psychanalytique.
Il convient de rappeler qu’on ne peut, bien évidemment, pas porter de
diagnostic d’ESPT chez les enfants ou les parents à partir de nos entretiens, le
diagnostic étant avant tout clinique. Néanmoins, à travers la description fine
des troubles des enfants, les parents posent la question d’un potentiel trauma
infantile. De plus, les résultats interrogent sur le vécu d’expériences potentielle-
ment traumatiques des parents.

Trauma du parent et impact de la crise


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Les parents adoptants ont affronté la crise avec leur vécu, leur passé, leurs
fantômes, leurs possibles traumatismes. Au moment du séisme, les parents
n’avaient pas encore rencontré l’enfant qu’ils allaient adopter, mais avaient
investi son histoire, sa photographie, sa voix au téléphone. À travers la relation
d’objet virtuel, l’enfant existe déjà « en puissance » pour les parents adoptants,
pour reprendre l’expression de S. Missonnier (Missonnier, 2004). Trois
annonces (séisme, survie de l’enfant, transfert) impactent cette dernière phase
de la grossesse psychique. La dynamique semble osciller entre sidération et
accélération : les parents décrivent bien l’attente, la précipitation, l’hyperacti-
vité. L’analyse a mis en évidence la présence de marques traumatiques, majori-
tairement présentes dans le récit de cette dernière étape et lors du retour à la
maison en compagnie de l’enfant.
– Le péril de l’enfant imaginaire
L’impact d’une mauvaise nouvelle en fin de grossesse sur les représenta-
tions parentales a été étudié dans le cadre de la pédopsychiatrie de la périnata-
lité. Pendant la grossesse, en période de transparence psychique, les angoisses
de mort et de malformations sont fréquentes chez tout parent. S. Missonnier
utilise le terme « d’identifications projectives » (Missonnier, 2009) en référence
à M. Klein (Hinshelwood, 2000), puis W. Bion (Bion, 1959), en se concen-
trant sur le devenir parent. Lorsqu’ils sont confrontés au diagnostic prénatal :
« L’intensité et la métabolisation du choc de la révélation aux parents d’une
anomalie réelle, de la plus légère à la plus lourde, dépendront, en partie, de la
nature et du devenir de leurs identifications projectives anténatales, dont les
craintes de malformation sont un des témoins privilégiés » (Missonnier, 2009).
La suspicion ou annonce d’une anomalie fœtale à l’échographie peut attaquer
la capacité de symbolisation des parents et des soignants (Soulé et al., 2011).
La contradiction entre l’enfant virtuel parental et l’actuel infantile est d’une
violence traumatique variable pour la famille (Missonnier, 2004). Nous
pouvons faire le parallèle entre les identifications projectives anténatales et
celles qui précèdent l’adoption, présentes lors de la transparence psychique.
Des fantasmes ou craintes d’enfant malade ou affaibli ou angoisses de mort
peuvent être présents chez tout parent adoptant, lors de la grossesse psychique.
L’intensité et la métabolisation du choc de l’annonce du séisme dépend, en
partie, de la nature et du devenir des identifications projectives pré-adoptions.
102 Anaelle Klein et al.

Lorsque T. Hebert (Hebert, 2013) apprend le séisme, il décrit son effroi :


« Mon sang s’est figé. » Ce premier temps de sidération psychique, de gel de la
pensée ou des affects, est retrouvé dans les entretiens des parents. Il s’approche
alors de la télévision : « J’ai vu l’inimaginable, ces effroyables images resteront
à jamais dans mes pensées. » Ce marquage indélébile témoigne de la violence
de cette nouvelle, de la douleur ressentie par tous les parents, et de la
sidération.
Face au séisme, les parents ont donc pu être exposés au trauma, celui du
péril de « l’enfant imaginaire » (Alvarez et Golse, 2014). L’effroi suscité a pu
modifier ou arrêter la dynamique de la grossesse psychique et a certainement
modifié les identifications projectives pré-adoptions.
Deux mères ont cru leur enfant mort, soit en regardant les images du cata-
clysme à la télévision, soit parce qu’une personne leur a annoncé le séisme
comme un deuil. Ont-elles commencé le deuil de leur parentalité, renonçant à
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l’objet virtuel (Dollander, 2014) ? D. Lavoie (Lavoie, 2014) exprime claire-
ment ses angoisses : « Etait-elle morte ? Etait-ce le pire ? Etait-elle sérieusement
blessée ? Handicapée ? Démembrée, dévisagée ? » Elle fait des liens avec la
situation non adoptive : « Est-ce qu’une mère dit “non merci” quand elle voit,
à l’accouchement, que l’enfant ne va pas aussi bien que prévu ? »
– L’impact du « transfert accéléré » des enfants :
parents impréparés, parents prématurés ?
Pour quatre familles sur cinq, les enfants ont été transférés rapidement,
« prématurément » en France, bouleversant la démarche d’adoption, l’imagi-
naire parental et l’ordre symbolique (Romano, 2010), car c’est l’enfant qui est
venu aux parents et non le parent qui est venu chercher l’enfant dans son pays
de naissance, comme dans la majorité des adoptions. Trois familles ont appris
l’arrivée de l’enfant la veille ou le jour même. Quatre familles décrivent un
moment de panique. Lorsque D. Lavoie apprend l’arrivée imminente de sa
fille, elle se retrouve dans une situation similaire aux parents de Christophe :
« Zéro meuble d’enfants, zéro vêtement, zéro préparatif. » Insuffisamment pré-
parée, elle cherche à avoir des « cours condensés sur l’adoption catastrophe par
une mère catastrophée » (Lavoie, 2014).
Il nous semble pertinent de faire le lien entre ces parents adoptifs et les
parents « biologiques » qui ont vécu l’impact, l’interruption brutale de la der-
nière phase de la grossesse psychique, comme dans la prématurité (Rufo,
2010). Bien entendu, il ne s’agit pas de nier la spécificité de la situation de
prématurité : par exemple, certains traits liés à la prématurité du bébé (réacti-
vité particulière, hyperexcitabilité ou au contraire apathie) (Mazet et Stoleru,
2003) vont interférer dans la relation parent-bébé, et ne permettent pas une
généralisation à la situation d’adoption. Néanmoins, un rapprochement peut
être fait sur certains aspects du vécu parental. De plus, dans les cas où le terme
de la grossesse est normal, il peut exister des accouchements psychiquement
prématurés quand les parents n’ont pas pu mener suffisamment à bien leur
travail d’élaboration (Bruschweiler-Stern et Stern, 2009). Ces adoptions pré-
maturées ont créé des « parents prématurés » (Buchs-Renner et Iacobelli,
2009), comme dans le cas de la néonatalogie. En effet, l’arrêt brutal et précoce
de la grossesse physique ne laisse pas le temps aux parents de finir de se prépa-
rer à accueillir l’enfant. L’accouchement est prématuré tant pour les parents
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 103

que pour le bébé (Mazet et Stoleru, 2003). Les parents avec un bébé préma-
turé sont plus à risque que les parents de nouveau-nés à terme de présenter
un état de stress post-traumatique, et ce même au-delà de la première année
de vie (Kersting et al., 2004) (Gamba Szijarto et al., 2009) (Nix et al., 2010).
Toute l’histoire psychique parentale peut alors s’engouffrer dans la souffrance
ouverte par la naissance prématurée (Ansermet, 2012). Certaines études ont
montré à quel point les représentations parentales sont modifiées par la notion
même de prématurité (Stern et Hildebrandt, 1986) (Stern et al., 2000) (Stern
et al., 2006). La grossesse psychique est amputée, interrompue brutalement,
ou bien se poursuit dans la couveuse (Cognet et Du Peuty, 2013), le séjour en
néonatalogie faisant fonction d’espace transitionnel (Winnicott 1975). De plus,
l’enfant souffrant de complications de sa prématurité va être médicalisé,
intubé, scopé. Les premiers moments de partage peuvent être différés au profit
de soins urgents, comme dans le cas de Mathis. La rencontre de l’enfant réel et
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des parents prématurés a lieu sous le regard d’autrui (Moulin, 2010), soignant
inconnu, dans un service où la technicité prime. Les rencontres à l’aéroport
d’Orly et de Roissy ont aussi été placées sous le sceau de l’exposition de
l’intime, les enfants tentant d’emmener avec eux leur espace transitionnel
(Durieux, 2011) entre Haïti et la France, les parents achevant brutalement leur
grossesse psychique en public.
– « La rencontre du troisième type »
À un moment de vulnérabilité psychique majeure qui fait suite à une
période d’hyperactivité intense, les parents adoptants sont confrontés à la ren-
contre avec l’enfant réel, tant attendu. « Une collusion entre deux états psy-
chiques incompatibles, l’accueil d’un enfant et le combat avec la réalité
externe, semble être un facteur de risque traumatique » (Harf et al., 2008). Un
sentiment d’étrangeté émane de tous les entretiens, que ce soit sur le chemin,
à l’arrivée de l’aéroport, ou lors de la rencontre, appelée « rencontre du troi-
sième type » par D. Lavoie (Lavoie, 2014). Cet épisode, difficile à qualifier, est
comparé à une naissance dans de nombreux entretiens. Si l’arrivée de tout
enfant comporte sa part d’étrangeté, d’une double étrangeté (Golse, 2012) en
cas d’adoption internationale (en raison de son origine géographique, culturelle
et ethnique), les enfants transférés d’Haïti sont porteurs d’une triple étrangeté.
En effet, si chaque adopté a son histoire singulière faite de potentiels traumas,
le séisme a exposé directement ces enfants à la mort. Les caractéristiques onto-
logiques de l’enfant ont fait qu’il a survécu. À l’instant même où les parents
ont appris le séisme, certains ont cru immédiatement à la survie de leur enfant :
« Elle n’avait pas pu mourir ni même être blessée, ça aurait été trop absurde »
(Lavoie, 2014). Cette croyance, pensée magique, est à l’évidence une tentative
désespérée de protection face à des affects trop intenses. La confirmation de
cette prémonition transforme l’enfant, « miraculé » (Martini, 2015), en survi-
vant. L’exposition a, comme dans tout trauma, définitivement changé son
statut. « Revenant » (Semprun, 1994) (Baubet et Moro, 2000), marqué à
jamais par le tremblement de terre, il est devenu « l’enfant du séisme » (Lavoie,
2014) (Noël, 2015) (expression également utilisée par la mère de Christophe).
Dans certaines représentations parentales, le séisme a donc changé l’essence
même de l’enfant (Sarthou-Lajus et Rechtman, 2011). Le livre de Tanguy
Hebert s’ouvre sur un proverbe haïtien : « Le poisson qui cuit dans la marmite
104 Anaelle Klein et al.

n’a plus peur du piment. (Quand on connaît le pire, on n’a plus rien à
craindre) » (Hebert, 2013). Mais l’enfant, devenu quasi-invincible, courageux,
peut également faire peur. Les descriptions de l’enfant à l’aéroport sont saisis-
santes : enfant malade, castré, difforme, méconnaissable, voire possiblement
handicapé. Cette triple altérité a pu creuser l’écart entre enfant imaginaire et
enfant réel et entraver l’inscription de l’enfant dans la filiation imaginaire.

Trauma de l’enfant
Si tous les enfants adoptés d’Haïti en 2010 ont été exposés à des événe-
ments traumatogènes, ils ne sont pas tous traumatisés. « L’enfant peut traverser
une expérience on ne peut plus néfaste sans pour autant être traumatisé,
c’est-à-dire qu’il peut y faire face grâce à l’un ou l’autre des mécanismes de
son moi. Dans ces cas, on ne devrait pas parler de traumatisme » (A. Freud,
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1965). Les parents inclus dans notre recherche ont tous décrit des troubles
pédopsychiatriques majeurs chez leur enfant, évoquant un ou plusieurs trau-
matismes. Cette observation est compatible avec celle faite par la CUMP à
l’arrivée des premiers avions venus d’Haïti (Hemdane, 2011) : soixante-huit
pour cent des enfants présentaient au moins un des critères de la triade des
symptômes de psychotraumatisme (reviviscence, évitement ou hypervigilance).
L’apparition des symptômes peut être immédiate, post-immédiate ou différée
(Baubet et al., 2006) : « Vivre une catastrophe sans témoin qui puisse en
prendre acte, sans témoin à qui pouvoir le dire et qui puisse le redire, redouble
le traumatisme » (Golse, 2007). L’arrivée de l’enfant, comparée à une
« tempête » (Lavoie, 2014), engendre chez tous les parents une importante
fatigue physique. De nombreuses inquiétudes et d’intenses questionnements
les assaillent dès l’arrivée de l’enfant, mais aussi par la suite, lorsqu’ils doivent
mettre du sens à certains comportements de l’enfant. De quel(s) trauma(s)
souffre l’enfant ? Est-ce que le traumatisme peut rejaillir à l’adolescence ? Pour
pouvoir construire la troisième histoire, et tisser le lien de filiation imaginaire,
les parents sont tenus de ne pas être trop paralysés par le début de l’histoire
de l’enfant, histoire à trous béants, source d’incertitudes. Leur pensée ne doit
pas se figer par traumatisme secondaire. Si la transmission du trauma d’une
mère à son bébé est de plus en plus étudiée (Laroche Joubert, 2014) (Ouss-
Ryngaert, 2006), qu’en est-il de la transmission du trauma d’un bébé ou d’un
petit enfant à ses parents ?

Conséquences sur les interactions parent-enfant


À chaque image d’Haïti, une mère adoptive s’effondre. Sa fille tente de
l’empêcher de regarder. Cette dynamique ne peut être comprise que sous un
angle interactif. Les conséquences du trauma de l’enfant ou de celui du parent
sur l’interaction parent-enfant ont été décrites : état de stress post-traumatique
à deux (Drell et al., 1993) ou état de stress post-traumatique relationnel
(Scheeringa et Zeanah, 2001), spirale interactive entre le parent et l’enfant, à
vocation auto aggravante majeure. Ces états sont décrits même lorsque les
parents ont été absents au moment de l’événement traumatogène. Oscillant
entre dédramatisation et l’expression « thérapeutique », les parents ont dû
s’adapter à la souffrance de leur enfant. Les réflexions de certains parents
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 105

aboutissent à un double questionnement, sur l’étiologie des angoisses de


l’enfant, mais aussi de leurs propres angoisses. On constate donc que la ques-
tion du traumatisme infantile, parental, mais également partagé, est ouverte-
ment posée par les entretiens des parents. Malgré l’exposition, l’effraction, la
sidération, parents et enfants ont dû trouver ensemble le moyen de construire
la troisième histoire.

LE TISSAGE DE LA TROISIÈME HISTOIRE


Toute rencontre entre un adulte, devenu parent, et un nouveau-né est sin-
gulière et s’inscrit dans un authentique « espace de récit » (Golse, 2014), véri-
table co-construction entre les enfants et les adultes. La mise en récit des
origines de tout enfant (adopté ou non) est le quatrième axe de la filiation, la
filiation narrative. « Il n’y pas de filiation sans mise en récit, sans récit, sans
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narrativité de la filiation » (Golse et Moro, 2016).
Le récit de l’adoption est fondateur, mythique (Harf et al., 2008), car il
concerne la naissance de la relation entre parent et enfant, repère fondamental
pour l’histoire et l’appartenance de l’enfant. Ce récit des origines ne serait pas
complet sans l’histoire d’avant l’adoption, même si les parents n’en ont pas
une connaissance complète. Ils doivent trouver le moyen de mettre des mots
sur l’histoire de l’enfant dans le pays de naissance puis à son arrivée en France,
pour l’inscrire dans la filiation narrative et permettre à l’enfant de construire
son identité narrative (Ricœur, 1990). L’existence de ce récit, et non son
contenu, joue donc un rôle fondamental dans le développement de l’enfant.
La narration d’une vie permet de faire médiation, tisser des liens, entre des
discordances (éclats, ruptures, revers, rebondissements) et les concordances
(agencement d’ensemble) d’une vie (Ricœur, 1991) (Coopman et Janssen,
2010). Cette narration est primordiale pour l’enfant, mais également pour le
parent (pour sa propre identité narrative et pour sa parentalité). Maternité et
paternité naissent « d’un processus de narration » (Marinopoulos, 2011). La
filiation narrative, co-construction universelle, prend une dimension particu-
lière pour les parents de notre recherche : le séisme et ses conséquences
s’invitent en protagonistes.

Crise et narrativité
Selon Bruner (Bruner, 2002), la dynamique du récit ne se déclenche que
lorsqu’apparaît une rupture dans la banalité. L’unique moyen de maîtrise dont
nous disposons sur notre condition humaine, pour appréhender l’imprévu, est
de construire une histoire. « Ainsi, les histoires apprivoisent le temps, domes-
tiquent l’inattendu et permettent de transformer ce dernier en événement et
non en traumatisme, l’événement faisant progresser le récit tandis que le trau-
matisme le rompt » (Zigante et al., 2009). Il est possible de transformer un
traumatisme en événement, en changeant son rapport avec sa propre histoire
grâce à une mise en récit. « Tous les chagrins sont supportables, si on en fait
un récit » (Semprun, 1994). Ainsi, le récit des parents adoptants est ponctué
par trois annonces (le séisme, la survie de l’enfant, le transfert), puis par
l’arrivée effective de l’enfant. Ces événements structurent l’attente : avant le
106 Anaelle Klein et al.

séisme, avant l’arrivée de l’enfant, à l’aéroport, au retour à la maison. La mise


en récit permet sa concordance, au-delà de la discordance constituée par
« l’effet de rupture des évènements imprévisibles qui la ponctuent » (Ricœur
1990).
– Structure du récit
La capacité d’une personne de raconter son histoire de manière cohérente
reflète le degré d’assimilation de celle-ci dans son système de représentation
(Pierrehumbert et al., 2005) : la dissociation entre la mémoire sémantique et
épisodique peut témoigner d’une attitude défensive par rapport à l’acceptation
d’expériences menaçantes. Le travail réflexif permet l’intégration des événe-
ments passés dans les représentations. Or, tous les entretiens présentent des
passages allant de la banalisation au déni, concernant les difficultés des enfants
ou des parents. La désorganisation du discours est présente dans tous nos
entretiens : phrases fragmentées, passages inachevés, absorption dans la scène,
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désorientation spatiale et temporelle. Ces marqueurs traumatiques, au-delà de
questionner sur la non-résolution d’un possible trauma, posent également la
question de leur transmission. Le petit enfant ou le bébé, très sensible à la
forme du langage, perçoit toutes ces petites marques et les intègre dans son
psychisme. En effet, le récit, d’abord préverbal puis verbal de l’adoption,
fournit à l’enfant un axe narratif essentiel (Golse et Moro, 2017).
– Mémoire et récit
Les souvenirs de la plupart des enfants de notre recherche sont refoulés
par amnésie infantile. Pourtant, les parents sollicitent l’enfant lors du récit de
l’adoption, pour en partager le souvenir. Ils souhaiteraient que l’enfant soit
témoin de sa propre histoire. La volonté de construire un récit commun des
souvenirs est donc partagée par les enfants, mais aussi par grand nombre de
parents. Or le séisme a empêché tous les parents d’aller chercher l’enfant dans
le pays de naissance. Seule une mère s’y était rendue avant le séisme, mais
n’était pas allée dans l’orphelinat. La grande majorité des parents n’ont donc
pas pu visiter les lieux de la première vie et expérimenter des sensations haï-
tiennes (aliments, odeurs). Ils n’ont pas rencontré les possibles figures d’atta-
chement à la crèche et n’ont pas partagé avec elles d’antérieures expériences
de vie de l’enfant. Ils ont été presque totalement privés de ce support de récit,
présent dans la grande majorité des filiations adoptives. Toutes les informa-
tions qu’ils ont pu glaner par internet, grâce au dossier de l’enfant, ou par
téléphone, ont été mises à mal par le séisme, puis par le choléra et l’extrême
instabilité du pays depuis 2010. Que reste-t-il de la crèche et des « nounous »
qui y travaillaient ? Que sont devenus les parents et la fratrie de naissance ?
Deux familles ont appris que les parents de naissance avaient survécu au séisme
mais continuent de douter. Ce socle de connaissances est instable, extrême-
ment poreux, friable. Les parents ont dû s’en contenter et composer selon leur
histoire personnelle et leur personnalité.
Les filiations adoptives se construisent sur une histoire à trous, sur des
scotomes (Asensi et Lachal, 2006), des secrets authentiquement partagés par
tous (parents et enfant). Tout récit autobiographique est empreint de variation
imaginative : les événements historiques et le récit de fiction s’emmêlent
(Herlant-Hémar, 2013). Plusieurs stratégies de contournement du scotome
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 107

sont utilisées par les parents ou les enfants : reconstruction du souvenir en


brodant autour de l’histoire de l’enfant, imagination, transparence totale. Mais,
à la différence des autres filiations adoptives, la catastrophe terrible du séisme
a rendu ce trou béant. En plus de l’abandon initial, le scotome vient amputer
le récit du vécu du tremblement de terre, seconde source de fantasmes. Le
récit mythique devient alors « épique » (expression de la mère de Christophe).
Héros d’une épopée, l’enfant va se construire avec ces représentations et
« devoir se débarrasser, pour lui et dans le regard des autres, de l’image de
survivant, d’enfant sauvé, et de la dette qui en découle » (Baubin 2010).

Des questions universelles, marquées du sceau du séisme


Le questionnement de tout parent adoptant fait écho aux questions univer-
selles de la filiation, dont celle de la dette. Dans notre recherche, les réflexions
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« classiques » des parents adoptants à l’internationale sont inextricables des
questions spécifiques liées au séisme, et entrent en collusion. Si l’adoption est
« le lieu idéal de projection des fantasmes communs de l’humanité » (Soulé
et Noël, 1985), le séisme agit comme double « amplificateur fantasmatique »
(Marcelli et Braconnier, 2013).
L’exemple le plus emblématique est celui de la dette, du conflit de loyauté,
à élaborer dans toute adoption, mais aussi dans toute filiation. Au sein de la
filiation imaginaire, la question de la dette de l’enfant ou dette du parent adop-
tant est centrale car elle est un facteur classique d’entrave à la parentalité
(Soulé et Lévy-Soussan, 2002). En effet, dans toutes les adoptions, l’enfant a
une double dette (Rosenfeld et al., 2006) : une dette de vie (Bydlowski, 1997)
à l’égard de ses parents de naissance, mais aussi une dette envers ses parents
adoptifs. Du côté des parents adoptifs, la stérilité les laisse porteurs d’une dette
de vie inconsciente envers leurs propres parents, dont l’acquittement peut être
à l’origine du désir d’adoption (Veuillet, 2001). L’accès à la parentalité, par
l’adoption, crée une dette vis-à-vis de l’enfant et de ses parents de naissance
(Harf et al., 2006). En outre, la logique marchande, introduite dans le lien de
filiation par la question du coût de l’adoption, peut alimenter des fantasmes
de rapt ou d’achat d’enfant (Harf, 2014).
Dans ce système de don/contre-don, le séisme agrandit l’endettement. À
l’évidence, le séisme maximise la dette de l’enfant à l’égard de ses parents
adoptifs. Désiré de longue date par ses parents adoptants, il a été « sauvé » d’un
pays en ruine, de l’extrême pauvreté, du choléra. Mais le séisme vient redou-
bler également la dette envers les parents de naissance car s’ils ne sont pas
morts, ils vivent sûrement dans des conditions désastreuses. Comment
s’acquitter de toutes ces dettes, sans risquer d’entraver la filiation ?

CONTRE TRANSFERT DU CHERCHEUR


Dans son ouvrage princeps De l’angoisse à la méthode dans les sciences du
comportement, Devereux place l’analyse du contre-transfert du chercheur
comme « la donnée la plus cruciale de toute science du comportement » (Deve-
reux, 1967). Les chercheurs ont, comme tous, suivi les événements de 2010
108 Anaelle Klein et al.

largement médiatisés et politisés. Nos « propres scotomes, angoisses, inhibi-


tions » (Devereux, 1967) en lien avec le contre-transfert culturel suscité par la
rencontre avec ces familles ont été consignés par écrit, pour affiner le regard
porté sur le sujet.
Le deuxième point que nous avons analysé dans notre contre-transfert de
chercheur est sa dimension traumatique. Toutes ces rencontres et des mul-
tiples lectures nous ont confrontés à des sentiments parfois très forts, parfois
déjà éprouvés par le passé. « Le trauma est fait pour être transmis, telle semble
être une de ses caractéristiques majeures » (Moro, 2006). Quatre pièges ont
ainsi été définis et sont à prendre en considération (Ouss-Ryngaert et Dixmé-
ras, 2003) lorsqu’un travailleur humanitaire est exposé au traumatisme : sidé-
ration, fascination, savoir, distance excessive. Ces quatre écueils ont été
rencontrés tour à tour par les chercheurs lors de toutes les étapes de la
recherche (rencontre avec les familles, retranscription du verbatim, codages,
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rédaction) et analysés par oral et par écrit.

LIMITES
Notre étude comporte certaines limites. Tout d’abord, ce travail ne permet
pas de mettre en évidence l’évolution des représentations parentales, qui sont
appelées à être remaniées tout au long de la vie, en fonction de l’âge de l’enfant
et des événements vécus. Il pourrait être intéressant de rencontrer à nouveau
ces familles dans quelques années, pour analyser le changement. Le corolaire
de cette première affirmation est que, bien entendu, les représentations paren-
tales ont déjà été remaniées depuis le séisme et la crise. Il ne s’agit pas du
récit direct de l’expérience mais bien d’une reconstitution rétrospective, dans
le discours parental.
Une deuxième limite est liée au fait que peu de participants ont pu être
inclus dans notre recherche. Il s’agit d’un véritable résultat en soi. Les nom-
breux refus peuvent en partie être expliqués par la volonté de certains parents
de ne plus être exposés, comme ils ont pu l’être au moment de l’arrivée des
enfants à l’aéroport. S’agit-il d’une conduite d’évitement pour certains parents
voulant se protéger d’une réexposition traumatique ? Néanmoins, les entre-
tiens, très longs et fouillés, ont permis de dégager de nombreux thèmes. En
raison de la richesse des entretiens, d’autres thèmes ont émergé mais n’ont pas
été encore développés. Nous n’avons pas encore utilisé la validation par les
participants, or cela permet de déterminer le degré de résonance entre les
thèmes trouvés et le vécu des parents (Plummer, 2001). Pour des raisons
éthiques, nous n’enverrons les résultats aux familles que si celles-ci les
demandent.
Choisir les représentations parentales comme objet de recherche semble
évincer les protagonistes les plus essentiels : les enfants (Harf, 2014). Il n’en
est rien. Le travail de la parentalité est fondamental pour tout pédopsychiatre :
« La culture de la parentalité est au sens des psychanalystes, psychologues,
psychiatres mais aussi des philosophes, enseignants, des éducateurs, des poli-
tiques, le défi du vingt-et-unième siècle » (Moro, 2014). Grands oubliés de la
majorité des travaux concernant l’adoption (Harf 2014) (Golse et Moro,
2017), les parents occupent pourtant en clinique une place centrale : ils sont
D’un tremblement à l’autre, l’adoption au risque du séisme 109

porteurs de la demande, les premiers porteurs du récit et permettent à l’enfant


adopté de forger son identité narrative (Ricœur, 1990).

PERSPECTIVES
Notre choix méthodologique princeps de nous centrer sur le discours
parental ne nous a pas permis de faire une observation clinique des enfants et
de leur discours. Au vue de nos résultats, il apparaît indispensable qu’une
prochaine recherche s’intéresse au récit des enfants ou à leurs productions
(dessins, jeux). Toutefois, le futur chercheur risque également d’être exposé à
des difficultés de recrutement. Notre méthode ne nous permet pas de comparer
ces entretiens avec ceux effectués auprès d’autres parents adoptants à l’interna-
tional, analyser ce point pourrait être intéressant.
Des entretiens des parents émergent des propositions pour le futur, en cas
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d’une nouvelle catastrophe naturelle. Nous y ajouterons que la législation inter-
nationale doit être respectée dans l’intérêt de l’enfant, de ses parents adoptants
et de naissance. Face à l’urgence, l’adoption doit être suspendue, comme le
recommandent les instances internationales. L’accélération des procédures
n’est pas la réponse première : « Aussi paradoxal que cela puisse paraître,
l’urgence peut impliquer de prendre le temps » (Cosculluela et Peyré, 2010).
Séparer des fratries, sans un mot, dans un aéroport, ajoute une nouvelle cata-
strophe à une situation extrêmement fragile, les conséquences ne peuvent
qu’être désastreuses pour chacun.
Sur proposition du Conseil Supérieur de l’Adoption, une enquête (CREAI,
2013) a été commandée par plusieurs ministères. Son but est de prévenir les
risques et d’améliorer le processus d’adoption des enfants adoptés en France
et à l’international. À la demande du commanditaire, parmi les 1241 question-
naires envoyés à des familles adoptives, les familles ayant adopté en 2010 en
Haïti sont surreprésentées. Cette enquête aboutit à des préconisations décou-
lant de l’analyse des questionnaires. Les auteurs insistent sur l’information du
grand public à propos des spécificités de l’adoption et sur la formation des
professionnels de soins et dans l’Éducation nationale. Ils proposent un accom-
pagnement des familles pendant l’agrément et en post-adoption juste après
l’arrivée de l’enfant, puis d’établir ensuite un contact annuel. Ils demandent
également la mise en place d’une instance nationale qui soit un lieu ressource
d’action et de réflexion sur l’adoption nationale et internationale. Il est effecti-
vement primordial que les professionnels de santé soient formés aux questions
spécifiques de l’adoption. Un travail de prévention avec les familles (Harf,
2014), en amont de la rencontre, est incontournable pour les protéger au
maximum d’un possible trauma. En cas de circonstances exceptionnelles, cette
préparation doit être renforcée du côté du parent et de l’enfant. L’accompa-
gnement doit être également soutenu, et à long terme, pour aider la co-
construction de la troisième histoire. Cette histoire ne doit pas occulter les
parents de naissance. Janice Peyré l’affirme : « Les enfants ne sont pas nés du
séisme, ils avaient un avant, et au-dessus de la rupture produite par la cata-
strophe, il [est] nécessaire de jeter un pont, fragile, mais indispensable » (Peyré,
2010).
110 Anaelle Klein et al.

CONCLUSION

Cette étude qualitative a permis, six ans après, d’avoir accès aux représenta-
tions des parents ayant adopté en 2010 un enfant né en Haïti. Ces adoptions
ont été marquées par la survenue d’une « crise » humanitaire sans précédent
touchant Port-au-Prince. Le lendemain du séisme, les parents sidérés
regardent en boucle à la télévision les images d’un pays fracassé par la terre.
Le « miracle » de la survie de leur enfant laisse difficilement le temps de se
préparer à l’accueillir. Après quinze jours d’hyperactivité, la grossesse psy-
chique des parents adoptants s’achève alors brutalement à l’aéroport, en com-
pagnie des médias et des politiques. Exposé au trauma, aux ruptures et à la
médiatisation, l’enfant a traversé seul les mers, bouleversant ainsi l’ordre sym-
bolique. Orly et Roissy sont les théâtres de rencontres heureuses, mais aussi
de rencontres déstabilisantes avec des enfants porteurs d’une « triple étran-
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geté ». De retour à la maison, les parents doivent commencer le précieux tissage
de la troisième histoire, et tentent de donner du sens aux comportements de
l’enfant, en co-construisant avec lui leur filiation narrative.
Conformément à la législation internationale, l’adoption ne peut pas être
une réponse à l’urgence. La préparation de l’enfant et du (ou des) parent(s)
adoptant(s) est primordiale pour éviter un traumatisme surajouté. Ces adop-
tions marquées par le séisme forcent tout professionnel à penser de manière
plus fine les difficultés auxquelles sont confrontés les parents adoptants, et
aident à penser l’ensemble des questions filiatives.

REMERCIEMENTS

Madame la Professeure Marie Rose Moro, Monsieur le Professeur Bernard


Golse (qui a trouvé le titre de l’article), Marie José Durieux, Jonathan Lachal,
Claire Tridon, Janice Peyré (de la fédération Enfance et Familles d’Adoption).

RÉFÉRENCES

Alvarez L., Golse B. (2014). L’enfant imaginaire (fantasmatique, rêvé, narcissique, et


mytho-culturel). Dans B. Golse & MR. Moro (dir.). Le développement psychique
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Printemps 2018
Dr Anaelle Klein
Service de psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent,
de psychiatrie générale et addictologie
129, rue de Stalingrad
93000 Bobigny
ANNEXE : GUIDE D’ENTRETIEN

– Pourriez-vous vous présenter ?


– De quoi est composée la famille ? Avez-vous d’autres enfants ? Si besoin : Quel âge
ont-ils ? Comment s’appellent-ils ? Ont-il été adoptés ? Si oui : Dans quel pays ?
– D’où vient (ou viennent) le (ou les) prénom(s) de votre enfant et comment l’avez-
vous choisi ?
– Si besoin : Est-ce que ce (ou ces) prénom(s) ont une signification particulière pour
vous ?
– Si le prénom de l’enfant a été gardé : Comment s’est fait le choix de garder son
prénom de naissance ?
– Si le prénom de naissance n’a pas été gardé : Connaissez-vous son prénom de nais-
sance ? (Si non connu du chercheur avant l’entretien : Quel âge avait-il/elle lorsque
vous l’avez adopté ?)
– Aviez-vous une préférence de sexe ou d’âge ?
– Pourriez-vous nous dire pour quelles raisons vous avez choisi l’adoption ?
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– Qu’est-ce qui vous a amené à choisir d’adopter un enfant dans ce pays, Haïti ?
– Êtes-vous déjà allés en Haïti ? Si oui : Pour quelles occasions ?
– Si rencontre de l’enfant adopté : Comment s’est passée cette rencontre en Haïti ?
Avez-vous rencontré les parents de naissance ou d’autres membres de la famille de
votre enfant ? Dans quel contexte ?
– Que connaissez-vous de l’histoire de votre enfant avant l’adoption ?
– Est-ce que votre enfant vous parle de son pays de naissance et de sa vie là-bas ?
– Est-ce que vous lui parlez de son pays de naissance et de sa vie là-bas ?
– Depuis combien de temps avant son adoption attendiez-vous cet enfant ?
– Comment aviez-vous imaginé cet enfant, votre rencontre avec lui, son arrivée dans
votre foyer ? (si besoin, préciser : avant l’annonce du séisme)
– Vous souvenez-vous du moment où vous avez appris la nouvelle du séisme ? Pouvez-
vous nous raconter ce que vous avez pensé et ressenti à ce moment-là ?
– Comment s’est passée pour vous l’attente de l’enfant avant son arrivée en France ?
– Votre enfant vous parle-t-il de son vécu du séisme ? Si oui : Que vous raconte-t-il et
que lui répondez-vous ?
– Comment s’est passée votre rencontre à l’aéroport ? Si besoin : Comment était
l’enfant quand vous l’avez accueilli ? Pouvez-vous nous dire ce que vous avez ressenti
à ce moment-là ?
– Comment s’est passée son arrivée à la maison ?
– Qu’avez-vous éprouvé dans les premiers mois de son accueil ?
– Comment s’est-il habitué aux nouveaux repères (alimentaires, sommeil, organisation
du quotidien, vie de famille, modes de garde, école, etc.) ?
– A-t-il eu ou a-t-il des réactions qui vous étonnent ou qui vous inquiètent ?
– Votre enfant a-t-il eu des problèmes de santé ?
– Est-ce que votre enfant a déjà consulté un psychologue ou un psychiatre ou un ortho-
phoniste ? Si oui : Pour quelles raisons ?
– Qu’est-ce que votre famille élargie (grands-parents, tantes, oncles) et amis vous disent
par rapport à votre enfant ?
– Pensez-vous aller un jour en Haïti avec votre enfant ? Si oui : Pour quelles raisons ?
– Pensez-vous que le séisme ait eu ou ait des conséquences à ce jour pour votre enfant
ou pour vous ?
– Pensez-vous que le fait d’avoir adopté votre enfant dans les suites immédiates d’une
grande catastrophe humanitaire ait modifié vos rapports avec votre enfant ?
– Nous arrivons à la fin, que pensez-vous de cet entretien ?
– Y a-t-il des choses qui vous semblent importantes dont nous n’avons pas parlé ?
– Questions « facultatives » : Racontez-nous un souvenir joyeux avec votre enfant.
Qu’est-ce que vous aimeriez transmettre aux mères et aux pères en situation
d’adoption ?

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