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LE PIS, OU L’INVENTION DE LA MÉMOIRE IDENTITAIRE

Frédéric Zalewski

Presses Universitaires de France | « Revue d’études comparatives Est-Ouest »

2020/1 N° 1 | pages 7 à 26
ISSN 0338-0599
ISBN 9782130823445
DOI 10.3917/receo1.511.0007
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-etudes-comparatives-est-ouest-2020-1-page-7.htm
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LE PIS, OU L’INVENTION
DE LA MÉMOIRE IDENTITAIRE
Frédéric Zalewski
Maître de conférences de science politique, université Paris Nanterre,
Institut des sciences sociales du politique (UMR CNRS 7220) ;
fzalewski@parisnanterre.fr

REVUE D'ÉTUDES COMPARATIVES EST-OUEST, 2020, VOL. 51 / N° 1, 7-26


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Un an après l’arrivée au pouvoir du PiS (Prawo i Sprawiedliwość, Droit
et Justice) en novembre 2015 en Pologne, la Revue d’études comparatives
Est-Ouest consacrait un dossier aux transformations politiques occasion-
nées en Europe centrale par l’émergence de pouvoirs nationalistes et hos-
tiles à l’Europe communautaire depuis les années 2000. Centré sur la
Pologne et la Hongrie, ce dossier prenait le parti d’appréhender ces
régimes à travers la catégorie de « révolution conservatrice » (Zalewski,
2016). Il s’agissait d’envisager à nouveaux frais des processus que leur
catégorisation habituelle à travers les catégories canoniques et fatiguées
de « populisme » ou de « régime illibéral » conduit à réduire à quelques
propriétés élémentaires, sur une base empirique étroite (données électo-
rales agrégées et manifesto analysis), par ailleurs rarement travaillée de
manière critique. Cette catégorisation alternative n’était pas sans inconvé-
nient non plus, puisque les conservatismes classiques auxquels éventuelle-
ment adosser ces transformations sont, en Pologne comme en Hongrie,
fortement médiatisés par des enjeux locaux qui en modifient substantielle-
ment les contours. Mais au moins devenait-il possible de relever plus
finement ce que ces transformations impliquaient de restauration sociale
et d’hostilité solidement ancrée aux modalités libérales de construction de
la démocratie après 1989.

Le présent dossier renoue avec ce fil de démonstration, en explorant


de manière plus intensive l’un des aspects de ces « révolutions conserva-
trices ». Sous un angle monographique assumé, il rassemble des contribu-
tions consacrées à la politique historique en Pologne, autrement dit,
d’après leur nom entré dans l’usage, les politiques de mémoire dans ce

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pays. Catégorie de la pratique, la notion de politique historique s’est
imposée dans le lexique des politiques mémorielles polonaises au moment
de la création, en 2004, du musée de l’Insurrection de Varsovie, patronné
par Lech Kaczyński, alors maire de Varsovie, avant son élection à la prési-
dence de la République l’année suivante. Reprendre la notion, non pas à
des fins analytiques mais de façon descriptive, permet de mettre en
évidence l’émergence d’un récit victimaire, centré sur les souffrances
polonaises et fondé sur la thèse des « deux totalitarismes » selon laquelle
la séquence historique ouverte en 1939 ne s’est refermée qu’en 1989.
L’idéalisation de la Pologne de l’entre-deux-guerres comme seule
expérience d’indépendance authentique de l’État polonais depuis les
partages 1 apparaît comme le corollaire de cette transformation. Ce
dossier soutient donc que l’examen de la politique mémorielle du PiS
permet de voir la mémoire comme une catégorie régulatrice non
seulement de l’action publique mais aussi des luttes politiques, dans une
optique agonistique, et qui doit aux yeux de ses promoteurs contribuer à
une hégémonie culturelle conservatrice plus large (Hall, 2010 ; Bluhm,
Varga, 2019).

En se consacrant aux politiques mémorielles du PiS, ce dossier ne sug-


gère aucunement leur singularité ou leur incommensurabilité à des enjeux
partagés par d’autres pays d’Europe centrale et orientale. Une abondante
littérature illustre d’ailleurs le profit que l’on peut tirer d’un regard compa-
ratif et circulatoire, indispensable pour saisir l’inscription de ces politiques
mémorielles dans un cadre européen élargi (Mink, Bonnard, 2010 ; Mark,
2010 ; Mink, Neumayer, 2013 ; Neumayer, 2019). En revanche, le regard
monographique permet tout à la fois de montrer la diversité et l’intensité
de cette politique mémorielle, tout en l’articulant plus explicitement à une
entreprise redéfinissant le politique à travers les catégories du national,
de l’identité et, pourrait-on rajouter dans le cas polonais, du fait religieux
(Zawadzki, Tartakowsky, 2017). Certains auteurs n’hésitent pas à mobili-
ser la notion, issue du monde de l’art, de performance pour décrire une
« nation du spectacle » dans laquelle l’identité nationale est systématique-
ment mise en scène dans des dispositifs visant à l’expressivité et à la trans-
mission émotionnelle du sentiment d’appartenance nationale (Kosiński,
2019). De fait, d’autres politiques symboliques se révèlent connexes à la

1. En référence au démembrement de l’État polonais entre les années 1770 et 1790, avant le
rétablissement de l’indépendance dans de nouvelles frontières en 1918.

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politique historique et poursuivent, peut-on supposer, les mêmes fins :
que l’on pense ici aux commémorations mensuelles de la catastrophe de
Smolensk, à la participation régulière des membres du gouvernement aux
célébrations géantes du média catholique radical Radio Maryja ou encore
à la constitution en 2018 (année de célébration du centenaire de l’indé-
pendance en 1918) d’un cortège officiel pour participer à la Marche de
l’Indépendance, événement nationaliste trouvant son origine dans les
manifestations de rue de l’extrême droite néo-fasciste. Peut-être davantage
qu’une politique de mémoire, la politique historique s’avère être, pourrait-
on oser non sans quelque provocation, une politique identitaire et particu-
lariste, en rupture avec les prémisses universalistes des politiques mémo-
rielles (Gensburger, Lefranc, 2017).

1. LES « PAGES BLANCHES » DE L’HISTOIRE ÉCRITE


SOUS LE COMMUNISME
Cette perspective conduit à inscrire les jeux mémoriels dans les compé-
titions qui, dès les années 1990, ont opposé la droite polonaise à l’hégémo-
nie que les libéraux et la « gauche » de Solidarność 2 avaient, à leurs yeux,
instaurée dans la Pologne post-communiste. Un détour s’impose donc par
cette situation, dans laquelle ni « mémoire » ni « politique historique »
n’étaient des catégories bien constituées aux yeux des acteurs.

Au tournant des années 1990, le rapport à l’histoire et notamment à


l’histoire récente se cristallise pour l’essentiel autour des pages blanches
(białe plamy, litt. « tâches blanches ») de l’histoire officielle, portée par le
régime communiste (Paczkowski, 1993). Était ordinairement appréhendé
comme pages blanches l’ensemble des faits historiques que l’historiogra-
phie officielle passait sous silence, et qui étaient constitués pour l’essentiel
d’épisodes de l’histoire d’après-1945, dont l’évocation même aurait mis
en lumière certains héritages du pouvoir communiste. L’histoire officielle
s’accommodait ainsi mal de l’ensemble des répressions commises dans les

2. La « gauche » de Solidarność désigne communément la frange de l’opposition démocratique


issue du mouvement révisionniste de l’après 1956 (tentative de débureaucratisation de l’appareil
de pouvoir communiste) et plus précisément du KOR (Komitet Obrony Robotników, Comité de
Défense des Ouvriers), groupe d’opposition démocratique fondé en 1976. L’intellectuel et ancien
opposant Adam Michnik, pour son ouvrage prônant un rapprochement entre l’Église et la gauche
démocratique en Pologne (Michnik, 1979), est souvent pris pour cible du discours de dénoncia-
tion de cet héritage politique.

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années 1940 à l’encontre des représentants légaux de l’État polonais
d’avant 1939 et de la résistance qui lui était affiliée, ainsi que contre
l’opposition légale des années 1940, qui était représentée en majeure
partie par le parti paysan continuateur du radicalisme agraire de l’entre-
deux-guerres. Sur ce dernier point, par exemple, les historiens proches du
régime étaient cantonnés à l’évocation des luttes paysannes des années
1930 contre le régime « fasciste » de la Sanacja 3 ou, s’ils souhaitaient
davantage de liberté, à l’histoire de l’émergence des partis paysans dans
la Pologne d’avant 1914 (Zalewski, 2002). Les épisodes qui impliquaient
l’Union soviétique, comme le pacte Molotov-Ribbentrop ou le massacre
de Katyn, figuraient également dans ces non-dits de l’histoire officielle.
Ces pages blanches étaient cependant un peu différentes des épisodes que
le régime mobilisait à des fins de légitimation, mais dont il présentait une
version discutable (insurrection de Varsovie en 1944, relations polono-
juives pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, qui furent après
1945 insérées dans le récit anti-fasciste dominant de la période).

Les pages blanches ont progressivement été constituées en objet poli-


tique dès lors que le régime s’est délité et s’est transformé, selon le mot
d’Adam Michnik, en « communisme aux dents ébréchées », vers le milieu
des années 1970 (Michnik, 1983). En premier lieu, c’est le régime lui-
même qui s’est appuyé sur le tournant vers le « communisme national »
opéré dans les années 1956-57. Réinvestir l’histoire nationale permettait
de suppléer l’érosion idéologique du régime et la déprise évidente de
son orientation prolétarienne. Ce constat vaut particulièrement pour la
première moitié des années 1980, durant lesquelles le pouvoir du général
Jaruzelski – issu de l’instauration de la loi martiale en décembre 1981 – a
tenté de s’appuyer sur la frange nationaliste des organisations officielles du
régime, dont certaines tenaient même un discours teinté d’antisémitisme.

Le pouvoir communiste prenait cependant cette orientation en grande


partie sous la contrainte de l’émergence progressive, dans le sillage de l’opposi-
tion démocratique, d’une historiographie plus critique, qui revisitait l’histoire
récente de la Pologne et la rendait accessible par des publications « sous le
manteau » toujours plus nombreuses. Le premier ouvrage publié par les

3. Le régime de la Sanacja désigne le pouvoir autoritaire qui s’est imposé en 1926 à la suite du
coup d’État du maréchal Piłsudski. Ce régime fut marqué par une dérive droitière et fascisante
après la mort de Piłsudski en 1935.

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éditions clandestines Nowa, en 1977, fut De l’origine du système (Pochodzenie
systemu), du sociologue Jakub Karpiński, consacré aux crises politiques de la
Pologne populaire, qui remontaient selon lui aux origines soviétiques du régime
(Dudek, 2015). Ce fut surtout la publication de l’ouvrage de l’historienne Kry-
styna Kersten, en 1984, Les origines du système de pouvoir. La Pologne de 1943 à
1948 (Narodzenie systemu władzy. Polska 1943-1948) aux éditions clandestines
Krąg, traduit en langue anglaise, qui lança une nouvelle étude critique de la
prise du pouvoir par les communistes dans les années 1940 (Kersten, 1991).
L’opposition disposait en outre de moyens imaginatifs pour diffuser son contre-
récit historique, comme en atteste l’exemple de la poste de Solidarność, consis-
tant à diffuser des timbres officieux commémorant des épisodes non représen-
tés par le discours officiel (Panné, 1990). Ce processus, pris dans son ensemble,
a pu être qualifié par l’historien Andrzej Paczkowski de « guerre civile pour les
traditions », signalant ainsi une course à l’appropriation du passé récent par
deux camps politiques antagonistes (Paczkowski, 1993).

Ce processus avait cependant pris une telle ampleur qu’il est difficile
de s’en tenir à cette opposition schématique entre une historiographie
officielle, contrainte par les récits politiques du régime et une histoire,
abritée par l’opposition démocratique, ouvrant le chantier des pages
blanches. En réalité, cette opposition traversait le pouvoir comme l’oppo-
sition, quoique très différemment. On peut en prendre deux exemples,
pour illustrer notre propos. Au cours des années 1970, d’intenses polé-
miques opposaient entre eux les intellectuels de l’opposition, et l’histoire
pouvait en devenir l’un des enjeux dès lors qu’elle servait à légitimer des
positions politiques et des formes d’actions opératoires face au régime.
L’une des plus célèbre de ces controverses a mis aux prises Adam Michnik
à l’essayiste Piotr Wierzbicki, à propos du Traité des larves (Traktat o
gnidach), publié par ce dernier. La polémique portait ainsi sur le rôle des
intellectuels sous le communisme, mais Michnik s’y appuyait sur la figure
du maréchal Piłsudski pour définir un patriotisme « ouvert », conduisant
à récuser les postures nationalistes qui pointaient dans l’opposition démo-
cratique (Michnik, 1983) 4. Second exemple, concernant le régime cette
4. Le même Wierzbicki a créé dans les années 1990 le journal de droite anticommuniste Gazeta
Polska, qui est devenu dans les années 2010, grâce aux clubs de Gazeta Polska (Kluby Gazety
Polskiej), l’un des principaux espaces de mobilisation active d’un conservatisme populaire teinté
de religiosité. Très en pointe sur les enjeux mémoriels, les clubs de Gazeta Polska ont été l’un
des vecteurs des perturbations survenues à Paris en 2019 lors d’un colloque sur les travaux
d’historiens polonais de la Shoah dans le contexte très tendu ayant suivi la promulgation d’une
loi en Pologne qui pénalisait l’usage de la dénomination de « camps polonais » pour les camps
d’extermination nazis (Szurek, 2010, 2019).

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fois, celui des organisations de masse du régime des années 1970-1980,
pour lesquelles cette conjoncture de réexamen du passé récent constituait
un espace de ressources politiques inédites. Des figures du radicalisme
agraire de l’entre-deux-guerres furent ainsi réhabilitées par les organisa-
tions paysannes du régime, processus qui prit davantage d’intensité vers
1988 et suscita des réserves de la part des dirigeants communistes eux-
mêmes, qui y virent le spectre de « l’agrarisme » d’avant-guerre
(Paczkowski, 1993 ; Zalewski, 2002).

En 1989, le régime fit des pages blanches un enjeu de premier plan


au moment de la préparation des premières élections semi-libres. Dans
l’immédiat, la réécriture de l’histoire des années 1940 devenait en effet
pour les communistes une contrainte forte, pour réinventer une tradition
social-démocrate dont ils pourraient se prévaloir pour la suite des
réformes pluralistes. Mais cette ouverture nouvelle à l’histoire récente
confirmait aussi la force accumulée par les revendications de dépolitisa-
tion de l’histoire, dans les années qui avaient précédé.

2. LES JALONS D’UN RAPPORT CRITIQUE ET RÉFLEXIF À L’HISTOIRE


Au cours des années 1980, la vie intellectuelle polonaise a par ailleurs
été marquée par les débats sur l’histoire occasionnés par certains essais
très commentés. Le plus éminent est certainement un texte de l’historien
et essayiste Jan-Józef Lipski publié en 1981, d’abord en Pologne en édition
clandestine puis dans la revue polonaise d’émigration Kultura (Lipski,
1982). Dénonciation sans concession de la xénophobie et de l’antisémi-
tisme en Pologne, intitulé dans sa version polonaise « Deux patries, deux
patriotismes. Réflexions sur la mégalomanie nationale et la xénophobie
des Polonais », ce texte aborde frontalement le rapport au passé récent
et pose les linéaments d’une mémoire se confrontant aux « passés doulou-
reux », y compris dans les relations entre Polonais, Allemands, Ukrainiens
et Lituaniens. Le texte évoque très amplement la question des relations
polono-juives et saisit dès cette époque l’ensemble des enjeux de mémoire
des années ultérieures : antisémitisme de la droite nationale de l’entre-
deux-guerres se prolongeant pendant la Seconde Guerre mondiale, persis-
tance de l’antisémitisme dans la Pologne communiste, vague antisémite
en1968, etc. L’importance de l'essai de Lipski pour notre propos tient
moins à la catégorisation de ces enjeux en termes de mémoire, qu’à

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l’opposition qu’il établit entre patriotisme et nationalisme, qui est devenue
par la suite canonique dans le débat intellectuel et politique polonais et
s’est trouvée contestée par les tenants de la politique historique.

Durant la même période, les relations polono-juives sont ainsi devenues


un espace d’émergence d’un rapport plus réflexif sur le passé. Y ont égale-
ment contribué la diffusion en Pologne du film Shoah, de Claude Lanz-
man, et l’affaire du Carmel d’Auschwitz 5. En 1987, l’historien Jan Błonski
publiait un texte, resté célèbre, dans les colonnes de l’hebdomadaire
catholique Tygodnik Powszechny, « Les pauvres polonais regardent le
ghetto » (Błonski, 1989). Błonski y questionnait encore une fois les
impensés des relations polono-juives et plus particulièrement le déni de
l’attitude antisémite de nombreux Polonais envers les Juifs pendant la
Seconde Guerre mondiale. Vers la fin des années 1990, ce rapport réflexif
à l’histoire récente avait pris assez d’ampleur pour contribuer à irriguer la
politique mémorielle de l’État polonais, notamment après la publication
de l’ouvrage de Jan Gross, Les voisins, en 2001, dans lequel celui-ci mon-
trait que les Polonais du village de Jedwabne, dans le nord-est de la
Pologne, avaient assassiné leurs voisins juifs, montrant ainsi la participa-
tion des civils polonais aux exécutions de masse de Juifs pendant la
Seconde Guerre mondiale (Gross, 2002). Accompagnée d’une intense
polémique, la parution de ce livre avait cependant donné lieu à des
excuses du président polonais Aleksander Kwaśniewski, sur les lieux
mêmes du drame en 2001.

3. L’ÉMERGENCE D’UNE MÉMOIRE IDENTITAIRE :


LA « POLITIQUE HISTORIQUE », DES ANNÉES 2000 AUX ANNÉES 2010
À partir des années 2000, l’émergence de la notion de « politique histo-
rique » atteste d’une repolitisation du rapport à l’histoire et de la place
de celle-ci dans le discours que la Pologne post-1989 tient sur elle-même,
sur la base d’une critique acerbe du « patriotisme critique » qui avait
émergé dans les années 1980. Les mobilisations qui ont donné lieu à ce
tournant sont complexes et celles des milieux conservateurs ont pris

5. Dans les années 1980, des religieuses de l’ordre des Carmélites s’installèrent dans un bâtiment
situé dans l’enceinte du camp, suscitant les protestations de nombreuses organisations juives
contre ce qui était perçu comme une tentative de « christianisation » des lieux. Le Carmel fut
finalement fermé en 1993.

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prendre place dans un espace élargi de prises de positions, sur l’histoire
et sur les premiers pas de la démocratie après 1989.

La première transformation d’ampleur réside dans la création en 1999


de l’IPN (Instytut Pamięci Narodowej, Institut de la mémoire nationale).
Cette institution originale a pris modèle, pour partie, sur la gestion des
archives politiques de l’ex-RDA après 1989, en réunissant les dossiers
accumulés par les institutions responsables de la répression à l’époque
communiste (Bensussan, Dakowska, Beaupré, 2003). Mais elle a égale-
ment eu pour vocation de prolonger les compétences judiciaires détenues
jusque-là par la Commission d’enquête sur les crimes commis contre la
nation polonaise, créée en 1991, elle-même héritière de la Commission
d’enquête des crimes nazis en Pologne, créée en 1945. L’IPN a également
été doté par le législateur d’une fonction de recherche et d’éducation du
grand public, notamment avec la création du BEP (Biuro Edukacji
Publicznej, Bureau d’éducation publique). La création de l’IPN peut diffi-
cilement passer comme le seul fait de la droite polonaise, dans la mesure
où les libéraux ont activement contribué à le façonner au fil des ans.
Comme le souligne Robert Traba, cette institution a fait naître des espoirs
de meilleur contrôle des archives du communisme, censées être sous-
traites aux usages partisans, mais aussi des espoirs de connaissance des
réalités de la Pologne communiste par les spécialistes comme par le public
(Traba, 2010).

Dans son article sur la politique historique, publié en traduction dans


le présent numéro de la RECEO, Michał Łuczewski souligne le rôle par
ailleurs structurant de l’essai de Jan-Józef Lipski, pour organiser un nou-
veau discours sur l’histoire, tout en suggérant que c’est le débat vif et
passionné suscité par la publication des Voisins en 2001 qui lui a donné
ses contours (Łuczewski, 2016). Cette thèse, reprise par la plupart des
auteurs qui se sont intéressés à la formation de la politique historique
(Wolff-Powęska, 2007 ; Traba, 2010 ; Tokarz, 2011), conduit à conférer
un rôle éminent à un groupe d’historiens conservateurs, qui ont été liés
au cours des années 2000 à la création du musée de l’Insurrection de
Varsovie, souvent désignés sous le terme de muzealnicy (les muséo-
graphes). Le groupe visé par cette thèse émerge vers la fin des années
1990, à partir d’affinités politiques et intellectuelles qui se forgent d’abord
autour de la revue Arcana, dirigée par l’un des historiens adeptes de la

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politique historique, Andrzej Nowak, dans le groupe varsovien du WKKP
(Warszawski klub krytyki politycznej, Club varsovien de la critique poli-
tique) et enfin, à partir de 2003, autour de la revue Teologia polityczna
(Théologie politique), ainsi nommée en référence directe à Carl Schmitt.
Ce groupe, parmi lequel on retrouve Dariusz Gawin, Tomasz Merta,
Pawel Kowal ou encore Robert Kostro, s’avère le plus actif dans les années
2001-2005, période à l’issue de laquelle le PiS remporte les élections légis-
latives et présidentielle. Selon une acception restreinte communément
admise, la politique historique passe pour la politique de mémoire promue
et définie par ce groupe au tournant des années 2000.

La plupart des auteurs intéressés à spécifier les propriétés de ce groupe


des muzealnicy l’a cependant abordé comme communauté épistémique,
soudée par des représentations du politique fortement unificatrices. Même
si les mentions relatives à leurs positions dans les espaces académiques
concernés peuvent apparaître incidemment au fil des pages de certains
textes (Wolff-Powęska, 2007), il est cependant assez peu considéré en tant
que groupe social. Ce biais intellectualiste explique probablement que ces
analyses se déploient la plupart du temps à la fois selon un premier
registre d’objectivation des contours intellectuels de la politique histo-
rique, et selon un autre registre plus normatif, relatif aux pratiques de
mémoire qu’il conviendrait d’opposer à celle-ci. Le texte de Łuczewski
dans ce numéro de la RECEO ressortit d’ailleurs assez largement de cet
ensemble. Schématiquement, les auteurs s’accordent pour unir les tenants
de la politique historique autour de quelques tropes idéologiques
communs :

1. une dénonciation du mythe de la « fin de l’Histoire » porté par la


chute du communisme, plus spécialement en Pologne, conduisant la
démocratie polonaise de l’après 1989 à voir la référence au passé comme
un archaïsme ;

2. une opposition à une histoire désincarnée, propre aux démocraties


libérales post-nationales de l’après 1989, pour rebâtir une démocratie
authentique à partir d’un destin collectif partagé dans la communauté
nationale ;

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18 Frédéric Zalewski
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3. une réfutation de l’histoire critique, qui surexpose aux yeux du public
les pages les plus sombres du passé, cultive la « honte » et occulte l’entiè-
reté du passé national. Contre cette histoire critique, une histoire
« héroïque » est celle qui permet de mettre en regard les aspects glorieux
du passé et les épisodes devant être l’objet de réprobation et de condam-
nation (Wolff-Powęska, 2007 ; Traba, 2010 ; Tokarz, 2011, Łuczewski,
2016).

Cette interprétation centrée sur les muzealincy et leurs affiliés retrace


avec précision l’émergence des schèmes qui vont construire un récit sacrifi-
ciel et héroïque après les années 2000. Mais c’est cependant un espace plus
vaste d’intellectuels et d’universitaires conservateurs qui se dotent au cours
des années 1990 de lieux de publications, qui est engagé par l’émergence de
ce discours. Cet ensemble contribue, durant cette période, à acclimater en
Pologne les idées du tournant conservateur opéré en Europe et en Amé-
rique du nord, au cours des années 1980, à dénoncer la sécularisation de la
société polonaise et à combattre activement ce qui lui apparaît être l’hégé-
monie de la « gauche » et des libéraux en Pologne (Zalewski, 1999). Ainsi
comprise, la politique historique apparaît comme l’une des facettes d’un tra-
vail politique de construction d’une hégémonie conservatrice.

À de nombreux égards, les textes des intellectuels engagés dans ce tra-


vail sur l’histoire se rattachent à la production conservatrice plus large de
cette période, comme en atteste, par exemple, cette prise de position de
Zdzisław Krasnodębski, pour qui le libéralisme polonais « se caractérise
par la conviction que la liberté signifie l’absence de contrôle et de normes
affirmées, ainsi qu’un pluralisme culturel sans limite, qu’un État faible et
une société post-nationale sont inévitables à la faveur de la mondialisation,
que le marché remplace la communauté. C’est l’idéologie libérale polo-
naise et l’utopie d’une société ouverte […] qui ont nié la nécessité d’une
mémoire collective et d’une politique historique de la part de l’État »
(cité par Wolff-Powęska, 2007, p. 20). La politique historique offre ainsi
un espace de mise en forme et de légitimation des luttes politiques,
comme peut également le montrer la multiplication des mises en cause
de Gazeta Wyborcza comme l’un des tenants d’une histoire critique – ce
qui prolonge l’hostilité plus générale des milieux conservateurs polonais
contre ce titre de presse, dirigé par Adam Michnik et pour cette raison,
suspecté de reproduire les positions idéologiques de la « gauche » de
l’opposition démocratique d’avant 1989.

RECEO
Le PiS, ou l’invention de la mémoire identitaire 19
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La campagne de 2005 s’est avérée être l’un des moments où la pensée
des historiens conservateurs est sortie de leurs cercles de réflexion pour
circuler dans l’espace politique, en étant reprise par le PiS et mobilisée
pour construire les équivalences politiques qui fondent le discours du PiS.
Cette campagne, en effet, avait été menée par le PiS en opposant
« Pologne libérale » et « Pologne solidaire », mais cette opposition
n’avait pas que des aspects socio-économiques. Elle unifiait des représen-
tations plus larges sur le post-communisme comme période marquée par
des continuités avec le communisme, par la corruption politique et par
l’égoïsme social des élites (Mink, 2016). La promotion d’un changement
de régime (consistant à passer à la IVe République, à la suite de la
IIIe République instaurée en 1989) a permis d’inclure dans une critique
indifférenciée un ensemble de réalités très disparates, mais soudainement
liées entre elles par la dénonciation des « petites connivences » (układy)
de l’après 1989, trope qui s’est transformé au fil du temps en dénonciation
du « système » depuis des positions conservatrices.

La mobilisation du passé national a, dans ce contexte, permis d’accen-


tuer la critique adressée à la gauche d’être comptable de l’après 1989, en
l’accusant de combattre les conservateurs pour leur volonté de rétablir
une Pologne authentique, c’est-à-dire fière de son passé et de ses héros
et à ce titre soucieuse de rompre avec les falsifications politiques et mémo-
rielles. Lorsqu’en 2015, Jarosław Kaczyński a vilipendé les « Polonais de
la pire sorte », en accusant la démocratisation de 1989 d’avoir promu des
contempteurs de la Pologne à l’étranger (« Il y a en Pologne une tradition
fatale de trahison nationale »), il ne fait que reprendre dans une formule
ramassée une structure narrative déjà bien installée (Iwaniuk, 2016).

Au cours de la période 2005-2015, émerge ainsi une nouvelle grammaire


mémorielle. La figure émergente du héros a conduit à la célébration des
« soldats maudits » (Żołnierze wyklęci), terme générique qui désigne
l’ensemble des combattants qui n’ont pas rendu les armes en 1945 et ont
décidé de s’opposer au pouvoir communiste. Il existe depuis 2011 une
journée nationale de commémoration, mais la culture populaire s’est aussi
largement approprié les soldats maudits, comme en attestent les fresques
réalisées par des graffeurs dans les villes. Les soldats maudits sont même
au centre de certaines pratiques de consommation, à travers la « mode
identitaire » qui se développe en Pologne (pour une analyse de l’essor de

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la mode identitaire, mais sur le terrain allemand, cf. Miller-Idriss, 2018).
Certaines de ces figures peuvent apparaître assez consensuelles, comme
celle de la jeune résistante Danuta Siedzikówna, pseudonyme Inka, une
infirmière de l’AK 6 arrêtée par le NKVD en 1945 et exécutée en 1946.
Mais la réhabilitation des soldats maudits a permis à l’extrême droite de
s’inscrire dans une narration dominante tout en promouvant des figures
contestées, comme celle du capitaine Romuald Rajs, pseudonyme Bury,
auteur d’exactions contre les populations civiles biélorusses en 1946.
L’usage régulier de sa mémoire dans des marches d’extrême droite, au
cours desquelles des banderoles le célèbrent parfois directement, a
conduit à des contre-mobilisations de groupes de défense de droits
civiques 7 polonais, donnant lieu à des face-à-face tendus avec la police,
comme dans la ville de Hajnówka en 2019 (Wójcik, 2019). En 2002, l’IPN
avait qualifié de crime de guerre les agissements de Bury en février 1946,
lorsque 79 habitants de la localité de Bielsk Podlaski perdirent la vie,
mais cette institution entretient dernièrement une certaine ambiguïté en
publiant à la suite de ces manifestations une note soulignant la nécessaire
requalification des faits (IPN, 2019). Dans son article, Valentin Berh
évoque ainsi le cas de Tomasz Panfil, l’un des historiens de l’IPN ouverte-
ment engagé dans des commémorations de la figure de Bury.

D’autres figures ont également été mises en avant, en particulier


lorsqu’elles permettaient d’opposer une contre-narration à des discours
critiques soulignant l’antisémitisme polonais. On n’en prendra ici qu’un
seul exemple, celui des Ulma, une famille de paysans polonais avec six
enfants en bas âge, qui hébergea des familles juives entre 1942 et 1944.
La famille vivait dans la petite localité de Markowa, dans le sud-est de la
Pologne, où l’occupant vint rechercher des Juifs probablement à la suite
d’une délation, le 24 mars 1944. Les époux Ulma, leurs enfants et les Juifs
qu’ils abritaient furent exécutés sur place et leurs dépouilles furent jetées
dans une fosse commune creusée par les villageois. En 1995, l’Institut Yad
Vashem reconnut les époux Ulma comme Justes parmi les nations. En
2016, a été inauguré à Markowa un musée à leur nom, consacré aux Polo-
nais ayant sauvé des Juifs pendant la guerre. Une journée nationale de

6. L’AK (Armia Krajowa, Armée de l’intérieur) était la résistance polonaise, organisée de façon
centralisée et dépendant hiérarchiquement du gouvernement polonais en exil à Londres.
7. Il s’agit en particulier du groupe militant Obywatele RP (les Citoyens de la République),
groupe né dans le sillage des manifestations de masse de l’année 2016 contre les premières
atteintes à l’État de droit du PiS.

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Le PiS, ou l’invention de la mémoire identitaire 21
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commémoration des Polonais ayant sauvé des Juifs sous l’occupation alle-
mande, instaurée en 2018 à la date du 24 mars, leur a accordé une place
symbolique. La construction de la mémoire passe ici autant par la création
d’un musée d’histoire que par la mise en avant de figures singulières et
fortement incarnées, dont le destin tragique peut émouvoir à juste raison
et ainsi toucher le public (Gensburger, Lefranc, 2017). Dans son article,
Ewa Tartakowsky évoque d’autres figures de ce récit sacrificiel et souligne
leur place dans les programmes et les manuels scolaires polonais, en mon-
trant également que cette promotion s’accompagne d’une relative reléga-
tion des figures féminines. Qu’il s’agisse des programmes scolaires ou de
la mode identitaire, cette nouvelle mémoire nationale déborde ainsi large-
ment la sphère des débats politiques et pourrait dès lors se laisser appré-
hender par la notion de « formation culturelle de transition », proposée
par Michael D. Kennedy pour mettre en évidence les trames de sens col-
lectives construites pour gérer la sortie du communisme (Kennedy, 2002).

Après 2015, les logiques de politique historique sont certes partisanes


et politiques, afin de contrer les libéraux, comme en atteste la désignation
controversée de Jarosław Szarek comme directeur de l’IPN (voir l’article
de Valentin Behr dans le présent numéro), mais aussi internationales, dans
un jeu mémoriel désormais globalisé. La mémoire permet ici la construc-
tion de nouvelles ressources dans les compétitions entre États qui
marquent la globalisation (Bayart, 2004). De ce point de vue, la loi de
2018 sur l’IPN, qui a introduit l’interdiction de la dénomination de
« camps polonais » pour les camps d’exterminations nazis installés en
Pologne, peut être rapprochée des prétentions du PiS à réclamer des répa-
rations de guerre à l’Allemagne ou à protester contre le déplacement d’un
monument commémorant le massacre de Katyń à Jersey City, dans l’État
du New Jersey aux États-Unis 8. La mémoire devient ici le vecteur de
politiques de l’identité, conçue comme ressource distinctive dans des flux
politiques et culturels mondialisés (Bayart, 2018).

Comme le souligne Valentin Behr dans son article de la présente livrai-


son de la RECEO, le discours victimaire de la droite polonaise circule
8. Érigé en 1991, ce monument célèbre les victimes du massacre de Katyn, perpétré par les
Soviétiques en 1940, mais aussi depuis 2004 celles des attentats du 11 septembre 2001. En 2018,
le maire démocrate de la ville projetait son déplacement en un autre lieu, ce qui a soulevé un
tollé des organisations polonaises aux États-Unis et des gestes de soutien des autorités polonaises
(visite du président Duda en 2018). En 2016, Beata Szydło, alors Première ministre, s’était égale-
ment recueillie devant le monument.

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plus spécialement grâce à des « entrepreneurs de mémoire » multiposi-
tionnés, à l’instar du sénateur PiS Jan Żaryn, historien de profession et
chef dans les années 2000 du Bureau d’instruction publique de l’IPN.
Mais ce contexte de transnationalisation suscite la multiplication de profils
multipositionnés désormais à la charnière entre le national et le global,
comme peuvent le montrer divers exemples. En 2018, l’IPN a ainsi
décerné le prix « Témoin de l’histoire » (świadek historii) à un lycéen
franco-polonais, Jakub Vaugon, en le présentant comme s’étant insurgé
en classe contre son professeur d’histoire-géographie qui se serait appuyé
sur un manuel diffamant les Polonais pendant la Seconde Guerre mon-
diale (édité par Hatier, le manuel affirmait selon l’IPN que les Polonais
collaboraient avec les nazis à Treblinka). L’information a ensuite été
reprise par divers médias papier ou Internet (Ambroziak, 2018) 9. Ce prix
est décerné par l’IPN pour distinguer des particuliers ou des organisations
œuvrant à la mémoire de la Pologne à l’étranger. D’autres exemples
peuvent être cités. Ainsi, celui de Patrick Ney, un britannique établi en
Pologne et marié à une polonaise, que sa chaîne Youtube consacrée à son
choix de vie en Pologne a rendu visible sur les réseaux sociaux et auprès
des médias généralistes (Chin, 2019), mais aussi auprès des médias
d’extrême droite, pour lesquels il occupe ponctuellement une position de
commentateur. Un autre youtubeur, Stefan Thompson, également invité
occasionnel des médias d’extrême droite, met à profit sa connaissance de
l’anglais et des États-Unis pour diffuser des vidéos qui évoquent le rôle
historique des Polonais, les relations polono-juives, etc. Ces cas peuvent
être rapproché de celui, plus significatif, de l’entrepreneur de mémoire
Jonny Daniels, que traite Audrey Kichelewski dans ce numéro de la
RECEO.

4. LA POLITIQUE HISTORIQUE APRÈS 2015


Ce dossier de la Revue d’études comparatives Est-Ouest s’ouvre cepen-
dant par un texte dont le statut, comme rappelé plus haut, diffère de celui
des autres. Son auteur, Michał Łuczewski est lié au groupe des « muséo-
graphes », et publie dans les revues conservatrices Arcana ou Teologia
Polityczna. Le texte, ici publié en traduction, examine cependant la poli-
tique historique sous l’angle de son aspect « contre-révolutionnaire », en

9. Je remercie Valentin Behr d’avoir attiré mon attention sur cet épisode.

RECEO
Le PiS, ou l’invention de la mémoire identitaire 23
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marquant notamment les liens entre le développement de ce qui lui appa-
rait comme un concept et la découverte, par les conservateurs polonais
d’après 1989, de la pensée de Carl Schmitt. Même si le texte doit être mis
en perspective avec les positions de son auteur, il apporte une contribu-
tion substantielle à la compréhension de la rupture souhaitée par les intel-
lectuels promoteurs de la politique historique 10.

Dans son texte, Valentin Behr analyse l’inflexion donnée à l’IPN par
l’alternance politique de 2015. Si l’institution ne se voit pas nécessaire-
ment allouer de nouvelles missions, sa direction est en revanche fortement
politisée, ce qui se traduit par un regain de tension parmi les historiens
polonais, opposés quant à l’autonomie de leur champ par rapport au poli-
tique. Ewa Tartakowsky explore dans son texte la réorganisation de
l’enseignement secondaire en Pologne, qui concerne à la fois la question
des programmes en histoire, censés rompre avec la « pédagogie de la
honte », d’une part, et l’organisation du cycle secondaire, puisque les
collèges ont été supprimés avec l’arrivée au pouvoir du PiS. La figure de
Jonny Daniels, analysée par Audrey Kichelewski, permet de s’attarder sur
un entrepreneur de mémoire censé accréditer le discours officiel sur les
relations polono-juives.

Enfin, le texte de Maria Halamska conclut le dossier par une analyse


des souvenirs et des récits recueillis dans le cadre d’une enquête sur le
centenaire de l’indépendance, en 2018. Ces témoignages ont permis à
des individus ordinaires de retracer l’histoire de leur famille et de leur
exploitation sur près d’une centaine d’année, en intégrant la période de la
Pologne populaire (1949-1989). Groupe social qui s’est souvent objectivé
comme tel en s’opposant à l’État, les paysans mettent ici en avant une
mémoire peu conforme au récit officiel promu par la politique historique,
notamment en se rappelant les années 1970 comme d’un « âge d’or »
pour l’agriculture polonaise. A contrario, Maria Halamska souligne l’inté-
riorisation du discours sur les relations polono-juives, l’un des témoi-
gnages évoquant d’ailleurs le musée de Markowa. Ces jeux et décalages
illustrent l’importance des cadres sociaux de la mémoire (Lavabre, 2000 ;
Gensburger, Lefranc, 2017), limite manifeste de toute entreprise unifica-
trice de la mémoire.

10. Je remercie Arnault Skornicki, dont les précieux conseils ont contribué à clarifier la traduc-
tion française.

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