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Les États d’Afrique : quelles identités en mondialisations ?

Rosine Cinthia Gahé-Gohoun


Dans Diogène 2020/3 (n° 271-272), pages 227 à 249
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0419-1633
ISBN 9782130830184
DOI 10.3917/dio.271.0227
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

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LES ÉTATS D’AFRIQUE :


QUELLES IDENTITÉS
EN MONDIALISATIONS ?

par

ROSINE CINTHIA GAHÉ-GOHOUN


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La quête de valeurs qui légitiment la vie en société, parce qu’elles
donnent la possibilité d’en franchir les différents moments (histo-
riques, conceptuels), a motivé l’emploi de la forme interrogative en
tête de cet article. Ce dernier entend soulever la question de l’iden-
tité au sein du phénomène pluriel qu’est la mondialisation. Le con-
tinent africain a été, au long de son histoire, confronté à bien des
situations : l’esclavage et la traite négrière, la colonisation, la phase
des Indépendances qui correspond à la décolonisation, puis la phase
post post-coloniale qui est celle de l’État moderne.
Un passage en revue des souffrances et épreuves liées aux situa-
tions susmentionnées donnera à voir qu’à toutes correspondent
aussi bien des identités, des manières de les surmonter, que des vues
d’intellectuels, y compris sur la thématique des identités en contexte
de mondialisation.
Afin d’étayer notre analyse, nous convoquerons deux tenants par
idéologie : Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, entre autres, au
titre de la négritude comme expression de l’identité culturelle des
peuples noirs ; Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga pour le pa-
nafricanisme comme fédération des États africains ; Eboussi Bou-
laga et Niamkey-Koffi avec l’africanologie, réflexions d’auteurs afri-
cains portant sur l’Afrique, les Africains et sur les problématiques
avoisinantes à enjeu didactique ; enfin, la promotion de valeurs
éthiques transversales avec Sery Bailly et Tanella Boni.

Passage en revue des situations de l’Afrique


Situation précoloniale des sociétés africaines
Avant la Conférence de Berlin qui s’est tenue du 15 novembre
1884 au 26 février 1885 entre les grandes puissances occidentales
(États-Unis, France, Angleterre, URSS) explique Fares Zahir
(1992 : 79), les Africains appartenaient à des ensembles politiques
tels que les empires ou les royaumes contrôlés par des chefs tradi-
tionnels. Il s’agissait de communautés réunissant des individus par-
lant une même langue et appartenant à un même groupe ethnique,

Diogène n° 271-272, juillet-décembre 2020.

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partageant l’essentiel des us et coutumes ou tout du moins se ran-


geant sous l’autorité d’un même chef traditionnel dont le pouvoir po-
litique était défini, codifié et soumis à des actions et décisions liées
à la tradition. Sa volonté se rattachait à celle des ancêtres et il devait
éviter les dérives par crainte du châtiment des dieux. Le mode d’or-
ganisation politique des communautés africaines précoloniales était
fonction de l’exigence de respecter la nature et l’intégration en son
sein :

L’attitude des Négro-Africains, mais aussi des Négro-Asiatiques, a


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été de privilégier la raison intuitive. […] C’est l’acuité de leurs sens et
de leur raison-toucher qui explique, avec le goût de la vie, l’esprit com-
munautaire, très précisément communial, des Négro-africains, mais
aussi des Noirs d’Asie, d’Océanie, d’Amérique. (Senghor 1993 : 98)

Tété-Adjalago (2003 : 31) explique que, confrontée à la traite et à


l’esclavage négriers arabo-musulmans et européens transatlan-
tiques du VIIe au début du XXe siècles, l’identité des communautés
africaines s’est trouvée brimée, meurtrie car ces dernières étaient
ravalées au rang de marchandises dans le cadre de l’Export-Import
des esclaves noirs.
À la question de savoir si cela s’apparentait déjà à une forme de
mondialisation, Niamkey-Koffi répond par l’affirmative (2019 : 104),
qui présente celle-ci comme un phénomène historique ancien, « le
résultat d’un long processus de formation de ce que Fernand Braudel
a appelé l’économie-monde » et qui a débuté avec « une généralisa-
tion du capitalisme, à son universalisation sans entraves » avec « un
mouvement d’accélération […] à partir du XVe siècle quand l’Europe
a commencé à lancer de grandes expéditions à la découverte du
monde ». Cette mondialisation de l’économie, qui voit la circulation
des marchandises et des capitaux, poursuit-il, s’étend jusqu’au XVIIIe
siècle avec l’Europe comme « cœur et poumon ». À compter de cette
date, « la mondialisation des échanges est une réalité […], elle est
dominée par les compagnies des Indes, dans le cadre d’un capita-
lisme florissant à travers le commerce maritime des matières pre-
mières nécessaires à la production industrielle européenne » (Niam-
key-Koffi 2019 : 104).
De l’avis de Tété-Adjalogo (2003 : 36) également, les XVe et XVIe
siècles, « époque dite des grandes découvertes », sont non seulement
ceux où le commerce triangulaire transatlantique naît et connaît son
essor mais aussi ceux « des premiers balbutiements du capitalisme,
de la vraie naissance de l’ « économie monde », de la mondialisation
parce que, dit-il, « tous les ingrédients géographiques, économiques,
politiques, scientifiques et technologiques sont en place. »

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L’origine et la situation coloniale des États en Afrique


Les États d’Afrique sont le produit de la Conférence de Berlin.
Or, le découpage arbitraire des colonies par les États européens s’est
fait sans tenir compte des réalités ethniques, démographiques, voire
géographiques des peuples concernés, afin de mieux les dominer
comme l’affirme Zahir (1992 : 77). En balkanisant le continent afri-
cain, les colons ont défini et classifié des ethnies. Ainsi ont été initiés
les clivages ethniques que les Africains eux-mêmes ont perpétués en
intégrant lesdites identités. Condamnées de cette manière à parta-
ger la même identité coloniale, les populations, se reconnaissant
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sous des labels ethniques différents, et sans entretenir forcément de
rapports cordiaux ni parler la même langue, vont devoir « coha-
bit[er] bon gré, mal gré » (Karamoko 2017 : 227). Dès lors, ils seront
obligés de taire leurs désaccords d’avant Berlin pour se mettre au
service de la même autorité coloniale résolue à les engager tous dans
sa logique de maximiser l’exploitation au profit de la métropole.
Or, selon Karamoko, cette suprématie occidentale résulte d’un
plan d’actions linguistiques du colonisateur. Cela a débuté par un
idéal d’ « assimilation » manifeste dans « le projet de supplanter pro-
gressivement les langues locales [comme] c’est le cas du français en
Afrique francophone en général […] » (ibid. : 229). Un usage « éli-
tiste » en a été fait, qui justifiait qu’elle ne soit enseignée « qu’à une
minorité d’indigènes dont on avait besoin pour l’administration des
territoires. Pour communiquer avec le reste du peuple, [… pour] ser-
vir de courroie de transmission » (ibid. : 230).
À l’instar de la suprématie, le caractère formel de la langue, c’est-
à-dire le fait qu’elle soit une « langue officielle », est présenté par
l’auteur comme un projet impérialiste (politique) et éducationnel
(culturel) du colonisateur ayant en sa possession toute une logis-
tique de transmission, de diffusion, à l’issue de laquelle « l’école
étrangère, […] entre autres vertus dormitives et aliénantes, appren-
dra à l’Africain à parler (lire et écrire) la langue du Maître » (ibid. :
231).
Au XVIe siècle, siècle de la renaissance qui voit la fondation de
l’État en Occident, au XVIIIe siècle, siècle des Lumières (1715-1789),
ainsi qu’à l’époque de la Conférence de Berlin (nov. 1884-fév. 1885),
l’esclavage et la traite des noirs ont été florissants. Les nations colo-
nisatrices ont exploité les ressources humaines, agricoles, mari-
times, minières des colonies. Les États africains vécurent avec cette
identité imposée jusqu’au début des années 1960 (période à laquelle
une bonne partie d’entre eux a accédé aux Indépendances). Les mon-
dialisations économique et financière se poursuivaient évidemment,
dans une logique de développement des relations mercantiles, in-
dustrielles entre les grandes puissances mondiales. Niamkey-Koffi
(2019 : 104) note une « intensification des échanges » au XIXe siècle,
laissant libre cours à une compétition entre « la France et

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l’Allemagne discutant l’hégémonie à la Grande-Bretagne » et aux


« pays émergents, la Russie, le Japon, les États-Unis [qui] tiennent
la concurrence grâce à une croissance sans précédent et grâce au
bénéfice des technologies délocalisées ou transférées ». Il en va de
même de la mondialisation culturelle : la rencontre des cultures afri-
caine et occidentale, la découverte ou l’exploration du continent afri-
cain, la circulation d’objets d’arts de l’Occident vers l’Afrique et de
l’Afrique vers l’Occident, la langue du colonisateur s’apprenait, se
parlait, on enseignait le savoir-vivre occidental.
Ladite rencontre provoque l’acculturation, affirme Gounongbé
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(1995 : 35) dans ses investigations sur le profil psychologique de
l’identité issue de la culture colonisée. De ce rapprochement entre la
culture traditionnelle africaine et la culture métropolitaine émerge
alors un espace psychique acculturé « par contacts forcés et ou pla-
nifiés » (ibid. : 31), qui marquent le début d’un processus d’accultu-
ration nécessitant une réadaptation afin que l’individu s’intègre au
« nouveau milieu dans lequel il devra désormais évoluer » (id., ibid.).
La conception générale de l’acculturation comme « un outil d’évolu-
tion des sociétés » et chez Fougeyrollas en particulier comme « un
phénomène humain donc planétaire » paraît simpliste pour fonder
une « théorie globalisante » (ibid. : 31 et 35), tel que le montre la
pensée de Fougeyrollas, selon qui « il n’y a plus aujourd’hui d’une
part des hommes acculturés qui seraient les Africains et les Asia-
tiques en proie à l’influence dominante des contenus culturels d’ori-
gine européenne, et d’autre part des hommes non acculturés qui se-
raient les Européens et les Nord-Américains. En vérité, tous les
hommes sont désormais et seront dans l’avenir de plus en plus en
proie à une acculturation généralisée qui est l’une des manifesta-
tions de la planétarisation progressive de l’existence » (ibid. : 32).
Gounongbé pose, comme préalable à une théorie globalisante du
phénomène d’acculturation, la levée de « certaines équivoques sus-
ceptibles d’entretenir un malentendu culturel entre le Nord et le
Sud » (ibid. :15). La relation entre négriers et esclaves, colonisateurs
et colonisés n’était pas cordiale. Le phénomène d’acculturation,
quoique bilatéral, a eu certes des dommages collatéraux mais majo-
ritairement du côté des Africains. Gounongbé (ibid. : 32) rappelle,
dans cette optique, la violence coloniale dont ont été victimes « les
bases culturelles de la personnalité de l’Africain », son corps, son
psychisme. Ceci est manifeste dans le fait que, si « les coopérants »
occidentaux n’ont en « général pas de problèmes apparents avec les
autochtones porteurs de la culture traditionnelle originelle (quand
on en trouve), il s’instaure par contre un fossé relativement grand,
à structure fantasmatique complexe, entre les acculturés et les coo-
pérants. Les premiers sont porteurs de la culture colonisée, les se-
conds demeurent, dans l’imaginaire de nombre d’Africains, malgré
le temps qui passe, les représentants de la culture coloniale » (ibid. :

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15). Ce propos laisse entrevoir, d’une part, l’impact affectif doulou-


reux de l’acculturation depuis la période précoloniale qui est tacite-
ment présent et continu dans les relations de coopération entre les
pays occidentaux et les pays africains. D’autre part, il sous-entend
que l’ignorance de cet état de fait est à la base d’une collaboration
exempte de franchise, biaisée et instable.
Il fonde, pour cela, la nécessité d’une « réflexion sur le phéno-
mène d’acculturation [qui] doit remonter à l’histoire du contact de
cultures entre Blancs et Noirs » (ibid. : 35). Contraint aux époques
précoloniale, coloniale, bien des fois post-coloniale, le phénomène de
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l’acculturation est distinct de sa forme généralisée baptisée « néo-
culture » (ibid. : 32) qui est une « acculturation par contacts libres,
spontanés » (ibid. : 31) :

[…] la néo-culture est une forme évoluée, améliorée de l’accultura-


tion empreinte de liberté. Prototype de la mondialisation culturelle, la
néo-culture se présente d’abord comme une expérience de l’invasion de
contenus culturels étrangers : en Europe, on parle d’américanisation, en
Afrique, on parle d’occidentalisation. Elle s’offre ensuite comme l’élabo-
ration d’une synthèse entre l’intérieur et l’extérieur, l’autochtone et
l’étranger, la tradition et la novation. (Ibid. : 32)

Il en résulte que l’élaboration d’une collaboration, d’une coopéra-


tion durable –sans rancœur ni amertume du douloureux passé – en
dépend. Gounongbé pose à juste titre la nécessité du dialogue des
cultures comme moyen de « contrer l’émergence des extrémistes de
toutes sortes » et la possibilité de faire face à l’uniformisation « pla-
nétaire » du socio-politique en vue d’un « développement socio-éco-
nomique indispensable au bien-être du Sud » (ibid. : 15).

La situation coloniale des États en Afrique


La crise de l’État en Afrique liée à son caractère importé, à la
mutation de la civilisation technicienne occidentale – celle dans la-
quelle le rapport des hommes comme le dit Jacques Ellul (2004) est
déterminé par les rapports techniques –, ne peut être pensée en de-
hors de la progression de la mondialisation. Cela revient à définir
l’individu par les besoins, à le soumettre à ce qui est terrestre, c’est-
à-dire aux choses qu’il lui faut transformer et s’approprier pour exis-
ter. Cette civilisation technicienne entraîne une prépondérance de
la techno-économie. Économiquement, l’État permet d’intégrer les
communautés ethno-tribales dans la techno-économie des sociétés
occidentales en leur imposant de nouvelles activités, de nouveaux
produits et en introduisant des outils, des objets et des produits fi-
nis, inconnus de ces communautés. Analysant la progression de la
mondialisation, Niamkey-Koffi montre qu’il y a eu certes une crise
dans le développement de son processus, au moment de la Première

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et de la Deuxième Guerres mondiales (1914-1945), assortie d’une


« fragmentation » du monde et d’« une rupture des pays commu-
nistes d’avec le capitalisme » mais une « reconstitution de son élan
a lieu, affirme l’auteur (2019 : 105), sous l’égide de la nouvelle puis-
sance dominante que sont les États-Unis, un espace de libre circula-
tion des marchandises et des capitaux ». La période des Indépen-
dances africaines et celle de la phase Postindépendances, qui sont
celles de la direction des États par les ressortissants africains et de
l’administration des différentes structures étatiques par ceux-ci,
correspond à la reconstitution de « l’économie-monde » (de 1960 à
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1973), « du trafic international du capital et des marchandises ».
« La croissance est retrouvée, le commerce international connaît un
essor fulgurant » « autour de ses trois grands pôles que sont les
États-Unis, l’Europe et le Japon » (ibid. : 105). On assiste aussi au
« développement des relations commerciales entre système capita-
liste et socialiste […], l’intégration des pays en développement en
leur double qualité de fournisseurs d’énergie et de matières pre-
mières et d’acheteurs de produits manufacturés » (id. ibid.).
Avec « l’importation de l’État » en Afrique, les sociétés d’Europe
occidentale achèvent leur propre reproduction dans les communau-
tés ethno-tribales afin de rendre plus efficace leur emprise sur les
êtres et les choses. Ainsi se crée une société tout à la fois moderne et
ethno-tribale totalement soumise à la techno- économie mondiale
dans laquelle les rapports de domination économique sont simulta-
nément et radicalement des rapports politiques. Dans cette perspec-
tive ouverte par l’extension géographique et l’expansion écono-
mique, le pouvoir d’État institue des relations techniques seulement
profitables aux sociétés d’Europe occidentale.
Une autre approche de l’instauration de l’État en Afrique par les
sociétés occidentales est celle de Zygmunt Bauman, qui fonde la né-
cessité de l’État moderne et de ses tâches. Une métaphore entre la
prohibition de l’inceste chez Levi-Strauss comme acte culturel fon-
dateur de la société et l’État moderne permet à Bauman de définir
la tâche principale de ce dernier : unifier l’espace pour le contrôler
ou contrôler l’espace en l’unifiant :

L’État a besoin d’imposer un contrôle législatif et réglementaire aux


formes sociales d’interaction, aux réseaux fondés sur la loyauté. Pour ce
faire, il doit rendre peu à peu transparent l’espace au sein duquel les
différents agents du système sont contraints d’agir. La modernisation
des structures sociales, dont se sont chargés les pouvoirs modernes,
avait justement pour fonction d’établir et de maintenir ce contrôle. (Bau-
man 1998 : 52).

Dans ce but, L’État fait « de l’administration la seule norme, uni-


verselle et contraignante pour toutes les mesures et les divisions de

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l’espace » (ibid. : 50) et substitue ce faisant les « pratiques adminis-


tratives » aux « pratiques locales » qui jusqu’alors servaient de
« bouclier [aux communautés] pour se protéger des regards curieux
ou des intentions hostiles des visiteurs, et surtout des visiteurs dotés
de pouvoirs supérieurs » (ibid. : 50).

La phase postcoloniale des États en Afrique


La charte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ayant con-
sacré le principe de l’intangibilité des frontières nationales héritées
de la colonisation, autrement dit, telles que tracées à la Conférence
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de Berlin, les États dessinés à cette occasion ont ainsi survécu aux
Indépendances nationales. Les nouveaux leaders africains n’ont pas
modifié l’ordre identitaire établi par les colons. Ils ont pris appui sur
cette réalité pour perpétuer l’autorité coloniale en devenant à leur
tour les nouveaux maîtres. Dans de nombreux pays africains, le ré-
gime politique choisi est le parti unique a contrario du régime démo-
cratique. Sceptiques sur le fait que l’adoption du modèle démocra-
tique occidental puisse favoriser le développement capitaliste, les di-
rigeants postcoloniaux avancent une multitude de raisons en faveur
du système du parti unique. Deux visions s’opposent en l’espèce :
d’un côté, une conception de la démocratie considérée comme un
« luxe » et une entrave certaine pour des gouvernements attelés à la
poursuite du développement ; de l’autre, un mouvement de contes-
tation des modèles et idéologies importés par les anciennes puis-
sances coloniales. Le choix fut fait, dit Zahir (1992 : 44), de donner
des bases solides à l’ État en évitant de disperser les énergies, en se
contentant du seul cadre national, c’est-à-dire le parti unique, en
vue de la construction d’une Nation et de la promotion du dévelop-
pement national pour tous. C’est le cas en Côte d’Ivoire, où le multi-
partisme proclamé par la Loi Fondamentale (la constitution) de
1960 est resté purement formel pendant un quart de siècle en raison
de l’hégémonie du parti unique, le Parti Démocratique de Côte
d’Ivoire (PDCI-RDA). La référence à la Constitution française de
1958 dans la plupart des pays francophones n’est pas complète, au
sens où la souveraineté nationale n’appartient pas totalement au
peuple et qu’il y a un déclin des régimes parlementaires et une affir-
mation croissante du rôle du chef de l’ État traduit par le regain des
régimes présidentiels. On en trouve une illustration au Sénégal, où
le problème de leadership entre le Président de la République Léo-
pold Sédar Senghor et son Premier Ministre Mamadou Dia se solde
par l’instauration d’un régime présidentiel en mars 1963. Le parti
unique présenté à la fois comme une sorte de corollaire du sous-dé-
veloppement et l’expression d’une certaine authenticité africaine a
servi à fonder l’autoritarisme politique. D’où la généralisation en
Afrique de l’Ouest des régimes politiques autoritaires fondés sur le
parti unique. Dans cette optique, l’ancien président de la Guinée

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Conakry Sékou Touré avait pour coutume d’affirmer que le Parti


Démocratique Guinéen (P.D.G.) se confondait avec le peuple et en
exprimait la volonté de façon militante. L’on assiste également à la
disparition, dans nombre de pays, des régimes constitutionnels au
profit de dictatures militaires ou civiles comme l’illustre le coup
d’État togolais de 1963.
L’option du parti unique et des régimes constitutionnels dans la
phase postcoloniale et leur déstabilisation par les régimes dictato-
riaux, montrent que l’État moderne en Afrique est a priori un État
en crise de légitimité parce que sujet à un conflit de principes : la
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logique tribale, la logique étatique et la gestion du passage entre
l’État colonial et l’État postcolonial. Le dirigeant de l’État moderne
est confronté d’un côté, à la logique ethno-tribale qui, pour éviter la
séparation interne de l’autorité politique et se protéger, délocalise le
pouvoir politique dans la tradition ; de l’autre, à la logique étatique
moderne qui implique la fusion de communautés disparates en une
communauté synthétique supérieure pour parvenir à une unicité
par intégration et unification des singularités. Un autre objectif de
l’État moderne postcolonial consiste à résoudre les problèmes d’eth-
nicité en détruisant ce qui reste des communautés tribales afin de
créer une seule communauté se caractérisant par la conscience de
son unité et sa volonté de vivre en commun.
Le mode de fonctionnement de l’Etat moderne postcolonial décrit
précédemment s’inscrit dans une vision objective, une théorie de
l’Etat moderne.
L’analyse benthamienne et foucaldienne du Panopticon, telle
qu’exposée par Bauman, présente l’élaboration objective des mo-
ments de l’État de façon impersonnelle et montre que l’État, en sa
période coloniale et postcoloniale, fonctionne selon une modalité pa-
noptique. Le Panopticon défini comme la « métaphore de la transfor-
mation moderne, du redéploiement et de la redistribution des pou-
voirs à l’époque moderne » (Bauman 1998 : 77), est une solution au
conflit de logique auquel est confronté le dirigeant politique africain,
au conflit identitaire de l’État. Selon les époques de la vie socio-po-
litique et économique des États en Afrique et les objectifs visés, les
conceptions du Panopticon chez ces deux auteurs sont perceptibles.
Aux périodes précoloniale, coloniale, puis au moment des indépen-
dances, lors de l’instauration de régimes autoritaristes et dans la
phase Post-indépendances, le Panopticon benthamien s’exerce, af-
firme Bauman Z. (1998 : 78), à travers « la stratégie fondamentale
du pouvoir : faire croire aux sujets qu’ils n’ont aucun moyen d’échap-
per au regard omniprésent de leurs supérieurs et, par conséquent,
qu’aucun de leurs écarts de conduite, même les plus secrets, ne peut
demeurer impuni ». Cela peut expliquer la surveillance oppressante
parce qu’exagérée des colonisés et la répression des cas d’insoumis-
sion par les colons-négriers, le totalitarisme et l’autoritarisme des

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LES ÉTATS D’AFRIQUE 235

dirigeants africains post-coloniaux et leurs administrations respec-


tives. Quant au Panopticon foucaldien, il relève des mêmes ten-
dances à la surveillance et à la punition que le benthamien (voir
ibid. : 78).
La mise en place de l’État moderne en Afrique est celle de la mise
sur pied d’un processus d’organisation planifiée des structures de la
société. Le Panopticon en est un, qui inscrit les États dans une dy-
namique de relations extraterritoriales, interétatiques à champs di-
vers politique, économique, culturel, financier – toute chose qui peut
être mise à l’actif d’un processus de mondialisation.
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La phase Postindépendances des États africains
Les États africains postcoloniaux, en raison de leurs racines co-
loniales, ont engendré des rapports sociaux et politiques conflictuels
et autoritaristes, dans la mesure où l’ordre colonial était un système
par définition coercitif, autoritaire et réfractaire à l’État tribal. Ces
rapports ont perduré dans les pouvoirs africains contemporains. La
substitution de l’administration étatique aux structures politiques
ethno-tribales est à cette période effective. Le fonctionnement des
régimes politiques des décennies 1970-1980 suit la même logique
que celle de la décennie des Indépendances. Il consiste en l’instau-
ration dans plusieurs pays d’un poste de Premier Ministre, en vue
d’une déconcentration du pouvoir gouvernemental, sans mettre à
mal la primauté du Président. La récurrence de régimes militaires
et autoritaires s’observe au Bénin en 1977, au Togo en 1979, où les
auteurs des coups d’États militaires essayent d’acquérir une « légi-
timité » en se dotant de textes portant l’organisation des pouvoirs
publics tout en fondant à leur tour un parti unique dans le but de
s’aménager une assise sociale. Quant aux régimes autoritaires, ils
étaient en vogue sur le Continent à la fin des années 1980. La pri-
mauté présidentielle s’accompagnait d’une mainmise du Chef de
l’État sur le parti unique. Durant cette période est né le besoin chez
nombre d’intellectuels ou d’ex-membres du parti unique de recourir
à d’autres idéologies pour sauver les États en péril, notamment le
multipartisme dès les années 1990. C’est en cela que l’on voit naître
dans des pays comme le Sénégal ou la Côte d’ivoire des revendica-
tions multipartistes. Ces dernières sont, pour la plupart, mal ac-
cueillies par les premiers dirigeants autoritaristes des États, qui re-
doutent la fin de leur règne. Les droits des citoyens sont à ce mo-
ment-là bafoués et l’on assiste à des emprisonnements d’opposants
politiques, à des rétrogradations professionnelles pour des raisons
politiques explicites ou tacites, etc. Dans les années 1990, le multi-
partisme qui, dans de nombreux pays, figurait déjà dans la consti-
tution, est accordé par des chefs d’État et marque « le début du pro-
cessus de démocratisation » (Niamkey-Koffi 2012 : 110). Il s’agit
d’une rupture caractérisée par l’intrusion sur la scène politique

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236 ROSINE CINTHIA GAHÉ-GOHOUN

africaine d’un nouveau type d’acteurs politiques : « une catégorie


conceptuelle confuse » « calquée sur l’exemple emblématique de la
mobilisation des dreyfusards » et « confisquée par les soit di-
sant « intellectuels de gauche » (ibid. : 111-112). Cette appellation
« intellectuels africains » (ibid. : 110) s’explique par « leur irruption
dans l’espace public, dans les affaires de la cité ou de la nation ».
Depuis le processus de démocratisation qui se développe dans de
nombreux pays africains, le nationalisme, prôné par la majorité des
leaders politiques des années 1960 et qui consistait à la mise en com-
mun de toutes les énergies sous la bannière d’un parti unique pour
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la défense des intérêts du pays, n’est plus de mise. Les nouveaux
acteurs politiques que sont les intellectuels africains n’ont pu mal-
heureusement travaillé à cette défense des intérêts du pays. A con-
trario, leur implication a plutôt contribué au chaos dans la vie poli-
tique africaine, car « [ils] n’ont pas travaillé dans l’exemplarité,
l’équité et la vérité, mais […] ont sympathisé avec les dictatures,
cultivé la corruption, accaparé les richesses, nourri les privilèges,
aggravé la misère et les clivages, accumulé les haines communau-
taires et les désespoirs et, enfin, préparé l’explosion qui les a empor-
tés » (ibid. : 112).
Le principe de la démocratie tout comme celui de l’État n’a pas
été compris par les dirigeants et les populations. Ceux-ci, pris entre
la vision tribale et la vision moderne, ne voient d’essentiel dans tout
régime politique quel qu’il soit, unipartisme ou multipartisme, que
les satisfactions matérielles, l’amélioration des niveaux de vie et le
degré d’aisance économique qu’ils peuvent y obtenir. D’où la décep-
tion.
En marge de ce climat socio-politique défectueux qui pourrait
préjuger d’une identité politique absolument troublée des États afri-
cains les conduisant à l’échec, Ayoun N’Dah (2003 : 124) propose
comme voie de salut pour l’Afrique « la remise en cause de concepts
nationalistes auxquels les États ont attaché une importance exces-
sive » en vue de « leur mission de construction d’une société de pro-
grès économique, social et culturel ». Il expose la nécessité de la mo-
dernisation de l’État africain qui passe par l’ouverture à d’autres
États, aux valeurs républicaines, à l’entretien de relations interéta-
tiques en vue de l’intérêt international commun. Le multilatéra-
lisme, affirme-t-il, est une voie de recours à « la manifestation de la
volonté de puissance, inhérente à la nature de l’ État » (ibid. : 111).
La possibilité d’intégrer la communauté internationale que
donne celui-ci est une aubaine présentée par Ayoun N’Dah
(2003 : 111) comme une banque de données de « ressources » des
États « pour […] répondre à leurs obligations nationales ». Toutefois,
l’intégration des États africains pris comme une entité individuelle,
dans les relations internationales, est difficile parce qu’ils « ne par-
viennent pas à jouer un rôle actif qui leur confère un statut décent.

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LES ÉTATS D’AFRIQUE 237

[D’autre part], la dynamique des rapports internationaux a toujours


laissé peu de place sinon pas du tout à l’Afrique » (ibid. : 112). En
atteste l’assertion suivante :

Les États africains, à l’instar des autres États du Tiers Monde, n’ont
pas participé à l’élaboration des règles de fonctionnement de la vie in-
ternationale. Les textes fondateurs de l’ONU […] ont été adoptés en
1945 sans l’Afrique, sous administration coloniale. Le […] FMI a été ins-
titué en 1944. La Banque Mondiale, initialement Banque Internationale
pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) a été créée en 1946.
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Ces deux organisations ont vu le jour dans un contexte de besoin de sta-
bilisation du système monétaire international et de reconstruction des
pays européens ravagés par la Seconde Guerre mondiale. Le GATT […]
a été formalisé en 1949 pour la liberté du commerce, essentiellement au
profit des États-libres échangistes anglo-saxons. Même à la création de
l’OMC en 1994 par accords de Marrakech (Maroc), la faible participation
de l’Afrique au commerce international ne lui a pas permis de faire mo-
difier les règles du jeu. (Ibid. : 118-119)

La résolution de cette difficulté passe par « une main-d’associa-


tion » des États africains, possible dans des cadres régionaux de con-
certation tels les Nations Unies qui ancrent la volonté des États de
construire un monde de dialogue, de prévention des conflits et, le cas
échéant, de recours à la force organisé et légitimé pour en circons-
crire les conséquences » (ibid. : 111).
L’appartenance des États africains aux quelques institutions in-
ternationales susmentionnées comporte des mutations au sein des
relations internationales auxquelles il faut faire face, notamment
leur passage du niveau régional au niveau international, le change-
ment de leur contenu. « D’épisodiques et limitées à des manifesta-
tions ponctuelles, les relations entre les nations sont devenues glo-
bales et généralisées, […] la modification de la nature du jeu inter-
national […] à la recherche exclusive de la sécurité, se sont ajoutés
d’autres objectifs dont la réalisation nécessite un effort collectif de
coopération ou de solidarité » (ibid. : 112).

Approches des identités en mondialisations


La négritude
En réaction contre les violences subies par les Noirs en situation
précoloniale, coloniale et postcoloniale, naît dans l’entre-deux
guerres, précisément en 1930, un mouvement littéraire, esthétique
et philosophique d’affirmation de soi, d’affirmation des valeurs cul-
turelles et de quête identitaire. Dénommé Négritude à partir de sep-
tembre 1934 dans L’Étudiant noir, revue dont Césaire est rédacteur
en chef, Damas secrétaire de rédaction et Senghor collaborateur, ce
mouvement a permis, comme le dit Tanella Boni, de relier par les
textes et par la pensée l’Afrique, l’Europe, l’Amérique et les

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238 ROSINE CINTHIA GAHÉ-GOHOUN

Caraïbes : « La Négritude est donc bien plus un ensemble de ques-


tions qu’une série de réponses concernant une somme d’expériences
vécues qui ont fini par définir et caractériser une des formes de l’hu-
maine destinée telle que l’histoire l’a faite » (Césaire 2004 : 81).
Dans Cahier d’un retour au pays natal, Césaire utilise le mot
« négritude » pour transformer en titre de gloire des faits que la cul-
ture dominante avait considérés jusque-là comme des défauts ou les
imperfections de la « race noire ». À titre d’illustration, citons cette
profession d’identité noire de Langston Hughes à laquelle Césaire,
Damas et Senghor ont adhéré :
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Nous, créateurs de la nouvelle génération nègre, nous voulons expri-
mer notre personnalité noire sans honte ni crainte. Si cela plaît aux
Blancs, nous en sommes fort heureux. Si cela ne leur plaît pas, peu im-
porte. Nous savons que nous sommes beaux. Et laids aussi. Le tam-tam
pleure et le tam-tam rit. Si cela plaît aux gens de couleur, nous en
sommes fort heureux. Si cela ne leur plaît pas, peu importe […].
(Senghor 1993 : 15)

Il s’agit aussi d’une perspective d’avenir sur la situation de


« l’homme noir » dans sa relation avec les autres cultures, les autres
peuples, la civilisation de l’universel : « C’est pour demain que nous
construisons nos temples, des temples solides comme nous savons
en édifier, et nous tenons dressés au sommet de la montagne, libres
en nous-mêmes […] » (ibid. : 15).
Senghor (1961 : 22, 24), en revanche, ne préconise pas d’effacer
l’origine et l’impact du fait colonial dans la société africaine pour ré-
soudre le problème d’identité de l’ État en Afrique, c’est-à-dire le
transformer en un État véritable, où l’individu pourrait trouver ses
repères. Alors que la logique coloniale et l’État moderne tels qu’ins-
taurés par l’Occident cherchaient à détruire la logique tribale,
Senghor propose plutôt de maintenir l’État et de rétablir la rationa-
lité tribale dans une relation d’équilibre de l’homme avec la nature
qu’elle implique. Cela renvoie à un dépassement du fait colonial :

En effet, les peuples du Tiers-Monde, guéris de leurs complexes d’in-


fériorité par les deux guerres mondiales, avaient, à l’ère des indépen-
dances, cherché une redéfinition de soi-même par soi-même, selon ses
réalités authentiques. Cependant, dépassant la contemplation de soi
parce que devenus conscients de l’interdépendance des cultures, ils ont
travaillé à bâtir des communautés culturelles selon deux affinités : d’une
part selon l’enracinement dans les valeurs précoloniales et, d’autre part,
selon l’assimilation des valeurs européennes apportées par l’ancien colo-
nisateur. (Senghor 2003 : 135).

L’État moderne et l’État contemporain créeraient ainsi une na-


tion moderne et contemporaine. Cette dernière est présentée comme

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LES ÉTATS D’AFRIQUE 239

notre « patrie », « l’héritage que nous ont transmis nos ancêtres : une
terre, un sang, une langue, du moins un dialecte, des mœurs, des
coutumes, un folklore, un art, en un mot, une culture enracinée dans
un terroir et exprimée par une race » (Senghor 1961 : 22, 24). Cette
modernité et contemporanéité consistera, à partir d’un État mué en
Nation, en patrie, à rassembler les patries pour les transcender, dé-
passer le fait colonial en menant à terme un des aspects de l’entre-
prise coloniale qui était la restructuration de la diversité politique
tribale au sein d’une organisation politique unique. De l’avis de
Senghor, la négritude, qui recoupe l’ensemble des valeurs cultu-
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relles telles qu’elles s’expriment dans la vie, les institutions et les
œuvres des Noirs, est à même d’y travailler :

La négritude, c’est tout d’abord, objectivement, « l’ensemble des va-


leurs de civilisation du monde noir », le fait « de vivre en Nègre », en
réagissant à son environnement matériel et psychologique, naturel et
social. En effet, être nègre n’est pas seulement un état, un ensemble de
situations objectives, mais c’est aussi une action concrète de l’individu
comme de la collectivité noire : des peuples noirs. Ce n’est pas un simple
être-là, un être-agi ; c’est surtout « un agir ». […] C’est […] une culture,
c’est-à-dire une réaction de l’homme en société pour s’adapter à son mi-
lieu et adapter celui-ci à lui. (Ibid. : 96, 98)

L’identité noire n’est pas seulement interrogée par Senghor


comme une finalité pour elle-même. Elle l’a été pour penser la rela-
tion des Noirs avec d’autres peuples. À partir de cette valorisation
des identités partielles, il se donne pour horizon la civilisation de
l’universel. Ceci pose la nécessité que la culture noire, au XXe siècle,
« siècle du donner et du recevoir », de la « civilisation de l’Univer-
sel », entre en relation avec d’autres cultures, se donne à partager et
reçoive de ces dernières. « La véritable culture est enracinement et
déracinement. Enracinement au plus profond de la terre natale :
dans son héritage spirituel. Mais déracinement : ouverture à la pluie
et au soleil, aux apports fécondants des civilisations étrangères.
Dans la difficile construction de l’Afrique du XXe siècle, nous avons
besoin du meilleur de la francité » (Senghor 2003 : 25). Étant donné
que cette théorie senghorienne de la modernité pense et probléma-
tise les relations internationales culturelles, socio-économiques et
politiques, l’on peut affirmer avec Guy Rocher qu’elle se rapporte,
d’un côté, à une forme du processus de mondialisation dénommée
« internationalisation d’où sont tirés les expressions : “relations in-
ternationales”, “études internationales”, “réseaux internationaux”
[qui] renvoient aux échanges de diverses natures, économiques, po-
litiques, culturels, entre nations, aux relations qui en résultent, pa-
cifiques ou conflictuelles, de complémentarité ou de concurrence. »
De l’autre côté, elle s’applique à la mondialisation au sens de « l’ex-
tension de ces relations et échanges internationaux et

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240 ROSINE CINTHIA GAHÉ-GOHOUN

transnationaux à l’échelle du monde, conséquence de la rapidité tou-


jours croissante des transports et des communications dans la civi-
lisation contemporaine » (Rocher 2001 : 19). Enfin, elle désigne la
globalisation comme un « système-monde » au delà des relations in-
ternationales, au-delà de la mondialisation, un fait social total au
sens propre du terme, un référent en soi (voir id., ibid.).
Toujours dans ce cadre du lien entre les formes de la mondialisa-
tion et la notion de civilisation de l’universel, Senghor (2003 : 199)
affirme que cette dernière renvoie également au « dialogue des cul-
tures » qu’il « […] faut […] placer dans ce que l’Organisation des Na-
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tions Unies appelle le “Dialogue Nord-Sud” […] Celui-ci est, en prin-
cipe, une concertation générale, économique et culturelle entre tous
les membres des Nations Unies […] Une vaste discussion, sur un
pied d’égalité, entre les peuples développés et les peuples en déve-
loppement […] ».
Toutefois, Senghor y décèle un problème majeur : celui du constat
d’échec des conférences sur le « dialogue des cultures » pour raison
d’ordre culturel et non économique, quand bien même « il s’agit de
questions économiques ou financières » : « C’est que les Euraméri-
cains considèrent les peuples du Tiers-Monde comme des non-civili-
sés […] » (Senghor 1993 : 193).
Une autre raison relève de la « détérioration des termes de
l’échange » depuis les Indépendances (1960). L’accroissement con-
tinu de la dette des pays sous-développés compte au titre des pro-
blèmes posés par les rapports entre le Nord et le Sud. « L’abolition
de l’ordre de l’injustice » qui régit ces derniers et le rejet du « mé-
pris culturel » sont, selon Senghor L.S. (ibid. : 194), la condition de
relations « à pied d’égalité » : humanistes.

Le panafricanisme
Cheikh Anta Diop propose une fédération des peuples africains
pour travailler à la réhabilitation des origines africaines qui, selon
lui, sont égyptiennes, puisque « […] la toponymie et l’ethnonymie de
l’Afrique révèlent un berceau commun qui serait […] la vallée du
Nil » (Diop 1982 : 64).
Connaître ces sources est « un rempart contre toutes les formes
de destruction de l’identité personnelle africaine » (Boa Thiémélé
2005 : 55). Sans la connaissance de ce passé qui constitue l’« anti-
quité véritable » de l’Afrique, cette dernière serait sans repère et ne
pourrait pas « bâtir un corps de sciences humaines » (id., ibid.). Les
Africains pourront assumer leur histoire et l’écrire correctement à
la condition de la connaître, de savoir qu’elle est celle de l’humanité
tout entière. Pareille connaissance garantira l’unité, symbole d’in-
dépendance. C’est alors la nécessité d’un travail de mémoire et de
culture, la capacité à parler du passé qui pourraient poser les jalons
d’un État fédéral. Il montre une unité culturelle de l’Afrique à

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LES ÉTATS D’AFRIQUE 241

laquelle la diversité culturelle africaine n’est pas un obstacle. Le pro-


jet sociopolitique et économique qu’il propose est un État fédéral pa-
nafricain dans lequel tous les États demeurent avec leur capitale
politique et la possibilité d’une mobilité aisée d’un État à un autre
par la création d’infrastructures.
Le panafricanisme, comme le dit Fares Zahir (1992 : 79), vise
l’union des États au niveau du continent à partir de fédérations ré-
gionales et d’institutions continentales délibérantes et exécutives
communes avec la création d’un Marché commun africain. Dans ce
débat sur la création d’une union africaine, sur l’accomplissement
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d’un destin africain commun, le problème de l’existence de l’unité
africaine se pose parce que l’Organisation de l’Unité Africaine
(O.U.A.) qui doit rassembler les États concernés autour de certaines
valeurs, apparaît, selon Diakité, comme « le symbole généralisé de
la carence généralisée du continent africain, un microcosme de l’ad-
ministration africaine, avec ses tares les plus caractéristiques »
(Diakité 1986 : 151). Les éléments qui pourraient rendre viable cette
organisation manquent, à savoir une volonté politique des diri-
geants africains, les « supports matériels et moraux » (ibid. : 154).
Théophile Obenga, quant à lui, plaide pour une coopération entre
l’Afrique et l’Asie assortie d’une fédération des États africains. Il
dresse un état des lieux des relations défectueuses entre l’Europe et
l’Afrique et leurs impacts sur le peuple africain, en particulier sur la
jeunesse. L’Occident ne peut constituer une source d’espoir au plan
économique pour l’Afrique, d’où la nécessité de changer d’orientation
et de cesser d’espérer des aides occidentales pouvant résulter du
« paradigme Europe-Afrique ». Sortir des relations d’ex-colonisé à
ex-colonisateur est ce que préconise Obenga, avec la possibilité pour
l’Afrique d’avoir recours à l’axe Asie-Afrique ou Chine-Afrique.

L’africanologie
Sous ce vocable, on regroupera les réflexions d’auteurs africains
sur l’Afrique, les Africains et les problématiques avoisinantes à en-
jeu didactique. La recherche d’une définition officielle du terme
donne lieu à un ouvrage à visée pédagogique de Jonas Shamuana
Mabenga, intitulé justement Africanologie. Ébauche d’une discipline
scientifique (2017).
Eboussi Boulaga (1993 : 99) émet une critique de l’État moderne
en Afrique montrant que celui-ci s’approprie fictivement le monde
de l’État en Occident, son imaginaire et sa civilisation entendue
comme la rationalité en acte. La reproduction de la forme et des ap-
pareils des administrations des gouvernements et des États occiden-
taux par les États modernes en Afrique produit des États atypiques,
entre autres idéologiques, fétichistes. Les premiers sont des États
sans âme, sans identité propre à cause de l’arbitraire, de la confu-
sion que crée l’idéologie en eux (ibid. : 98). Ayant obtenu leurs

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242 ROSINE CINTHIA GAHÉ-GOHOUN

indépendances, ils apparaissent comme la copie du dispositif insti-


tutionnel de cette réalité invisible, supérieure qu’est l’État euro-
péen : « Face à l’idéal, la réalité africaine se montre comme son né-
gatif ; elle n’est pas seulement du matériau, elle est le plus souvent
obstacle, erreur ou mal à extirper » (ibid. : 99). À l’instar de l’État
idéologique, l’État fétichiste est également celui où sévissent l’inver-
sion, la conjonction et la disjonction. L’État postcolonial est un État
fétichiste institutionnel qui a pris les « formes qui sont sa mise en
œuvre, la manifestation qui lui donne corps pour le principe ou la
puissance politique » (ibid. : 102). C’est le propre d’un État qui n’a
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pas pris le soin de réformer la politique coloniale en son sein, d’où
les maux comme le gaspillage, le détournement de fonds, etc. Il ap-
paraît comme irréformable parce qu’enraciné dans la tradition colo-
niale.
Selon Eboussi Boulaga, il y a bien d’autres obstacles à l’avancée
de l’Afrique, dont la tradition orale et la confidentialité, l’ésotérisme,
la clôture des savoirs c’est-à-dire l’introversion des connaissances
théoriques et pratiques, des savoirs techniques, l’irrationalité de la
vie quotidienne. La question de la gestion et du contrôle des pro-
blèmes liés au système national du savoir à l’échelle de chaque État
se pose également en vue d’une coopération avec d’autres systèmes
(régional, mondial) des savoirs. La nécessité d’y faire face fonde la
tenue de « la conférence nationale » dont la pratique est une forme
d’actualisation de la culture africaine. La conférence nationale se
veut la « constitution d’un groupe, d’une communauté avec ses sem-
blables » (Eboussi Boulaga 1993 : 146) pour un rituel de restaura-
tion, une actualisation moderne de l’arbre à palabre, « une reprise
de la palabre africaine […] une logothérapie » (ibid. : 151). Elle est
donc « un témoin radical de l’histoire africaine » (ibid. : 11), une voie
d’approche typiquement africaine des problèmes africains actuels
(ibid. : 19). L’auteur envisage également cette conférence comme une
« […] Fête de la parole retrouvée et libérée » (ibid. : 147). Loin d’être
une politique d’économie, elle est une politique de gestion sociale des
citoyens à enjeu éthique. « Elle ne libère pas de la pauvreté, elle
fonde juste la liberté comme mode de vie, elle ne peut esquiver l’obli-
gation de poser les conditions d’une économie politique de la liberté »
(ibid. : 146). L’option de la conférence nationale pour une tradition
de la transcription écrite de l’oralité rompt avec l’introversion des
savoirs, leurs difficiles circulations. Les conférences nationales en
optant pour une tradition de la transcription écrite de l’oralité,
échapperaient à la confidentialité, à l’ésotérisme qui sont préjudi-
ciables à l’avancée de l’Afrique car ils isolent les pays. Le mode opé-
ratoire proposé serait de rassembler les textes et documents des con-
férences nationales souveraines dans un ouvrage de synthèses qui
prendrait en compte des actes, des dépositions, des rapports des
commissions et les enregistrements audiovisuels. En annexe seront

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ajoutés les journaux de cette période, tous les témoignages oraux ou


écrits qui permettent d’appréhender la genèse, le déroulement et les
enjeux de ces « palabres africaines » (ibid. : 1993 : 7).
Selon Niamkey-Koffi, le fait qu’Eboussi Boulaga préconise une
actualisation de la culture africaine à travers la pratique de la con-
férence nationale pour résoudre non seulement les problèmes liés à
la nature hybride de l’État moderne en Afrique mais aussi ceux re-
latifs au partage, à la diffusion et à la transmission des savoirs à
une échelle locale et internationale, revêt un double sens. Le pre-
mier consiste en la proposition d’une solution culturelle (une poli-
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tique ou gestion des savoirs, la transcription de l’oralité en écriture,
l’actualisation de la culture africaine) à la crise originelle de l’État.
Le second est la perception de la « quête ou revendication d’identité
culturelle africaine notamment celle d’une philosophie africaine […]
comme une situation de lutte de classe à la fois nationale et interna-
tionale prise dans la clôture de la figure circulaire dessinée par Sa-
mir Amin, entre le centre impérial-capitaliste ou socialiste et la pé-
riphérie » (Niamkey-Koffi 2018 : 77). Ce rapport renferme bien des
problèmes pointés par Amin et Casanova (2000 : 9), dont celui des
« rapports complexes entre l’accumulation du capital aux échelles
nationales et l’expansion mondialisée du capitalisme », des cycles de
polarisation centres/périphéries avec leurs différentes formes. Du
XIXe siècle jusqu’ « au sortir de la guerre, les sociétés africaines et
asiatiques de la périphérie, du système capitaliste mondial […]
étaient encore soumises au régime colonial, avaient une polarisation
sous la forme d’un contraste régions industrialisées/régions privées
d’industrie, associée au colonialisme » (ibid. : 12). Une autre forme
est celle « d’un contraste presque absolu entre l’industrialisation des
centres et l’absence d’industrie dans les périphéries » (ibid. : 15).
À cette étape des cycles de polarisation pourrait se trouver une
piste de réponse à la question de la place des revendications cultu-
relles et identitaires. Ces dernières comportent un pan majoritaire-
ment idéologique, culturel, qui contribue aux mutations socio-poli-
tiques et économiques. « Tout est en place pour que s’exprime, à tra-
vers l’idéologie de Bandoung (1955), le nouveau “développementa-
lisme” : indépendance, modernisation, industrialisation » (Amin &
Casanova 2000 : 12) axé sur « l’émergence du Tiers-Monde ». Un
autre cycle (1975-1992) enfin, est celui de l’effondrement des trois
piliers de l’après-guerre. La crise d’abord ouverte dans l’« Occident
capitaliste » entraîne le « durcissement des rapports Nord-Sud » qui
accompagnent la crise de l’accumulation capitaliste, accélère l’éro-
sion des illusions du développementalisme dans le Tiers-Monde. Les
régimes radicaux s’effondrent les uns après les autres, ouvrant la
voie aux politiques réactionnaires dites “d’ajustement structurel”
imposées par l’Occident au cours des années 80 » (ibid. : 14).

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À partir d’une mise en relation entre la définition de la mondia-


lisation par le FMI comme « interdépendance économique croissante
de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation du
volume et de la variété des transactions transfrontalières des biens
et des services, ainsi que des flux internationaux de capitaux, en
même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la tech-
nologie » et un propos d’Alain Minc qui voit, dans le refus de la mon-
dialisation et l’hostilité qu’elle suscite, à la fois « un désarroi face à
l’injustice » et une « hypocrisie » et « des approximations intellec-
tuelles », Niamkey-Koffi soutient l’évidence, l’existence de la mon-
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dialisation (2019 : 103).
Niamkey-Koffi mentionne le caractère englobant au fondement
de cette notion de mondialisation qui se manifeste en trois étapes
économiques. Ce sont l’internationalisation, « phénomène très an-
cien et repérable avant l’apparition du capitalisme » qui renvoie
« aux relations économiques entre nations fondées sur le développe-
ment des flux d’exportation de matières premières, d’échanges de
produits manufacturés voire de connaissances techniques… » ; la
multinationalisation qui, « [ …] après la Première Guerre mondiale
et plus encore après la Seconde, débouchera sur la transnationalité
[…]. La transnationalisation correspond au développement des flux
d’investissement et des implantations à l’étranger, qui se traduit par
la perte de la nationalité pour les produits finis réalisés dans le
cadre d’un nouveau type de cellule de productions en cours d’émer-
gence : l’entreprise-réseaux » (ibid. : 106). « La majeure partie des
savoirs, renchérit l’auteur, des capitaux, des biens et des services
que les ressortissants des différentes nations souhaitent échanger
est maintenant facilement transformée en signaux électroniques qui
traversent l’atmosphère à la vitesse de la lumière » (ibid. : 107).
Du fait de ses formes, la mondialisation/globalisation influe sur
l’économie nationale, dans la mesure où elle fait exister une écono-
mie virtuelle, qui échappe « au contrôle des nations dont elle fran-
chit les frontières ». Cette économie virtuelle « rend caduque la pra-
tique d’attribution d’une nationalité précise aux produits » Niam-
key-Koffi R. (ibid. : 107). Citant Robert Reich, Niamkey-Koffi R.
mentionne la rupture avec la vision démodée de l’économie fondée
sur une référence à la nationalité et sur la représentation d’une ap-
partenance nationale commune des opérateurs, voire des citoyens.
La réalisation de la mondialisation, explique-t-il, s’oppose à l’atta-
chement obstiné à une économie nationale. « Le caractère transna-
tional de l’économie rend caduque l’idée même d’économie nationale,
de PNB, de croissance-économique nationale, de compétitivité de la
nation. Il n’y a plus de bateau national ou plutôt si bateau il y a, les
citoyens d’une même nation ne sont plus sur le même bateau écono-
mique […] Les firmes et les investisseurs parcourent désormais le
monde à la recherche des meilleures opportunités de profit. Ils se

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sont déconnectés de leur propre nation » (ibid. : 109). Il fait sienne


la proposition de Reich qui veut que la communauté nationale soit
distincte de l’économie nationale parce que l’exigence de qualité, de
compétitivité et de rentabilité repousse toute frontière économique.
Les risques auxquels l’État-nation est confronté sont sa dispari-
tion due au « développement d’une économie virtuelle à caractère
incontrôlable, l’effacement des frontières par le développement des
cyberspaces » (id., ibid.), mais aussi la destruction des bases de la
solidarité nationale, le rétrécissement des droits et pouvoirs réga-
liens de l’État (la négation de son rôle régulateur, la limitation des
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prélèvements fiscaux et sociaux), la liquidation des valeurs d’égalité
et de fraternité à la base du projet national d’expansion, de crois-
sance, d’épanouissement et de prospérité pour tous.

La promotion de valeurs transversales


Dans le sillage des approches possibles de l’identité, fonction des
réalités socio-historiques en Afrique énumérées plus haut, celle de
Séry Bailly appelle à prendre en considération la question de l’iden-
tité. Citant Régis Debray, il affirme que « toute identité est un faire
face ». Elle est, ajoute-t-il, intégrité de soi, unité et conscience de la
personnalité. Un regard sociologique jeté sur la société en Afrique,
précisément sur la jeunesse, lui permet de constater chez cette der-
nière un mouvement de prise de conscience qui confine à l’héroïsme.
« Fatigués d’être spectateurs de l’héroïsme des autres, à la télévision
ou au cinéma, ils veulent être des acteurs » (Séry B. 2009 : 159).
L’auteur problématise ce passage d’une identité de spectateur à
celle d’acteur comme une quête de personnalité. Il interroge l’« en-
semble des valeurs informelles » ou des « normes partagées » qui
permettent aux uns de coopérer avec les autres ». « Le capital social »
tel qu’il le nomme, est à observer dans la question de l’identité des
États africains selon les formes de mondialisation. Il regrette l’ab-
sence de confiance de certains membres de la société dans les
autres. D’autre part, il constate « une confusion regrettable dans le
système des valeurs » « qui affaiblit le capital social » (ibid. : 159).
Ce sont, entre autres, « la disqualification des valeurs intellectuelles
« la philosophie du bénéfice immédiat », « la philosophie du “qui est
fou” », « la survalorisation des biens matériels en tant que produits
et non comme résultats d’un procès de production et d’acquisition »
« l’argent en vitesse », « le concept de grève préventive » (ibid. :
160). Si elles reflètent la vision populaire, de telles attitudes jettent
aussi le discrédit sur « l’objectivité des évaluations et concours […]
l’impartialité des institutions judicaires et sur la parole des politi-
ciens » (id., ibid.). Le manque de confiance entraîne une « atmos-
phère psychologique » qui crée un passage « du doute et de la sou-
mission à l’incrédulité et à la rébellion […] et à la suspicion de
l’autre » (id., ibid.). L’affaiblissement du capital social a des

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conséquences néfastes sur le rapport au temps, à l’autre mais aussi


aux reformes et à la planification. « La crise est tout aussi accélérée
du fait de ce manque de confiance généralisé et de la logique de la
survie » (ibid. : 162). Séry fait remarquer que ce manque de con-
fiance dans l’espace réel du vécu l’est moins dans le vécu virtuel. Il
cite à cet effet Philippe Engelhard qui affirme que, « dans le contexte
d’incertitude généralisée qui engendre la pauvreté et la précarité,
les réseaux de sociabilité moderne constituent une sorte d’assurance
sociale (ce que dit bien le proverbe wolof : l’homme est le remède de
l’homme) […] » (1998 : 194). Ces relations de réseaux peuvent être
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maximisées, ajoute-t-il, en mettant « en évidence l’interdépendance
des groupes anonymes et les conduire à en tirer les conséquences les
plus favorables pour eux et la collectivité » (Séry 2009 : 162).
La nécessité de trouver un « lien » ou un « liant institutionnel »
durable « entre groupes ou générations, entre tradition et moder-
nisme, l’urbain et le rural » se pose pour régler le désordre au sein
des États. L’auteur suggère que le sens de l’humour du peuple pour-
rait servir de remède pour reconstruire « l’unité du sens et du monde
en faisant porter la synthèse sur la sexualité, l’art ou la nation et la
cohésion » (ibid. : 163).
La question de savoir comment penser l’identité en Afrique est,
selon Tanella Boni, un élément essentiel dans la problématique de
la mondialisation culturelle. Croisée des cultures, société-monde,
cette dernière exige une « recomposition identitaire ». Elle est défi-
nie par l’auteure comme un moment de la psychologie de l’individu
en société lui permettant de surpasser « l’impact psychologique par
le rêve et l’imaginaire » (Boni 2001 : 149) du lieu d’origine, des
« traces du monde ancien » pour passer à « un autre monde », un mo-
ment où l’individu surmonte « des épreuves » (ibid. : 150). « Parler
de recompositions identitaires, affirme-t-elle, c’est prendre en
compte la relation à l’autre dans toutes ses dimensions : l’autre cul-
ture, l’autre temps, l’autre espace, l’autre être, l’autre monde »
(ibid. : 151).
Tanella Boni se montre également préoccupée par la conscience
qu’a le peuple de la mondialisation en Afrique et interroge l’être de
la mondialisation : une communauté ou un village planétaire ? Elle
répond que la conscience populaire d’appartenance géographique à
la planète terre, dans « une ville africaine », ne donne pas à envisa-
ger la mondialisation comme un « village », pour la bonne raison que
deux logiques s’opposent : la logique urbaine et la logique tribale.
Dans la première, la relation à l’autre est impersonnelle : « Dans la
ville, l’autre s’est démultiplié […], l’autre lointain venant d’ailleurs
[…], l’autre proche que l’on reconnaît à peine et qui ne nous recon-
naît pas. L’autre est partout » (Boni 2001 : 153). Dans la logique tri-
bale c’est-à-dire l’articulation de la réflexion et de l’action basée sur
l’appartenance ethnique supposée ou réelle, la relation à l’autre,

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« par la parole, les gestes, la présence et la proximité […] par la re-


lation physique, spirituelle, quotidienne et constante » est essen-
tielle : « Il y a certainement dans un village une contemporanéité
des corps et des esprits qui n’existe pas dans un village dit plané-
taire » (id., ibid.).
La mondialisation vue en Afrique par des citadins et des per-
sonnes résidant au village est autre chose qu’un village. « La rela-
tion à l’autre qui permet de tisser des liens dans un village n’existe
pas dans cette société-monde où les idées et les images circulent par
écrans interposés. » (id., ibid.). La mondialisation est une société-
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monde, une communauté mondiale caractérisée « par la présence
d’un marché mondial, la défense d’intérêts économiques, la présence
de réseaux et de frontières de toutes sortes » (id., ibid.). Il ressort de
cette assertion que la population n’a pas, dans sa routine quoti-
dienne, une conscience formelle d’une existence en situation de mon-
dialisation du fait des présences qui s’y démultiplient constamment.
Toutes choses qui impliquent qu’elles appartiennent, de gré ou de
force, à un « village global », « un village planétaire » qui renvoie se-
lon Mc Luhan, à la naissance d’une société radicalement nouvelle
par rapport au passé. « L’interdépendance nouvelle qu’impose l’élec-
tronique, recrée le monde à l’image d’un village global » (Dagorn
1990 : 188).

Conclusion
En retraçant rapidement l’histoire de l’Afrique, on s’aperçoit que
la mondialisation est un phénomène pluriel d’où l’usage du terme
« les mondialisations ». On constate que loin d’être récente, la mon-
dialisation s’est manifestée sous de multiples formes depuis l’époque
précoloniale jusqu’à nos jours. À l’instar du déroulé de l’histoire du
peuple africain qui s’origine avec l’identité ethno-tribale à laquelle
se joint d’autres identités ou qui fait le lit d’autres identités, ces
mondialisations modifient, suivent ou dictent des logiques aux iden-
tités en Afrique par ricochet aux États africains. La réciproque,
c’est-à-dire le fait que les identités en Afrique impactent les mondia-
lisations, est difficile, pour la bonne raison que les secondes trans-
cendent les premières. Il en est ainsi parce qu’elles sont inscrites,
ancrées dans le vécu des États. La mise en dialogue des courants de
pensées sur ces questions est alors importante qui a permis de com-
prendre l’imbrication et l’impact de ces deux notions dans l’histoire
des États en Afrique.

Rosine Cinthia Gahé-Gohoun


(Université Félix Houphouët-Boigny)

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