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II.

La philosophie romaine
Vincent Citot
Dans Hors collection 2022, pages 77 à 109
Éditions Presses Universitaires de France
ISBN 9782130835899
DOI 10.3917/puf.citot.2022.01.0077
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II

La philosophie romaine
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L ’historiographie de la philosophie fait généralement peu de
cas de la philosophie romaine – pas assez originale pour qu’un
chapitre lui soit consacré en propre. En effet, elle n’est, pour l’essen‑
tiel, qu’une adaptation romaine de philosophies hellénistiques. Ses
idées et ses concepts sont empruntés aux peuples avec lesquels les
Romains sont en contact – singulièrement les Grecs. En philosophie
comme en religion et dans les disciplines savantes, Rome est à l’école
de la Grèce classique, hellénistique puis patristique. Ainsi, la « philo‑
sophie romaine » pourrait être dite plus modestement « philosophie
pratiquée par les Romains » : stoïcisme, platonisme, épicurisme,
néopythagorisme, néoplatonisme et christianisme. Il y a une façon
romaine d’épouser ces doctrines, mais aucune d’elles n’est romaine
stricto sensu. De plus, les penseurs romains ont peu le souci de la
conceptualisation, de la systématisation, de la théorisation, de la
formalisation, bref, de l’abstraction. Leur esprit est pragmatique
d’une part et littéraire d’autre part. Ce qui suscite la réflexion des
Romains est la vie politique et tout ce qui s’y rattache : l’éloquence,
le droit, l’histoire, l’ingénierie civile et militaire. Par ailleurs, ils se
passionnent pour les lettres : épopée, théâtre, satire, poésie, ainsi
que des disciplines comme la grammaire et la philologie.
Dans ce contexte, la philosophie se présente avant tout comme
une curiosité exotique, une mode élitiste et un supplément d’âme.
Ou bien elle est conçue comme quelque chose d’utile : guide de

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vie, éthique, moyen de consolation, puis, à l’époque chrétienne,


instrument pour justifier sa foi. La précision doctrinale n’étant pas
leur préoccupation, les penseurs romains sont souvent éclectiques et
mélangent à leur convenance des éléments de plusieurs doctrines :
pythagorisme et stoïcisme, platonisme et néopythagorisme, stoïcisme
et néoplatonisme, néoplatonisme et christianisme.
Les frontières disciplinaires ne les soucient pas davantage : le
théâtre se mêle de philosophie qui se joint à l’art oratoire ; l’his‑
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toire est au moins aussi littéraire que savante ; la science se dissout
dans l’art de l’ingénieur. Bref, on ne saurait dire, le plus souvent,
si l’on a affaire à de l’art, de la philosophie ou de la science. Il n’y
a pas de science romaine à proprement parler, mais seulement des
savoirs positifs dont les Romains font usage. Les « traités tech‑
niques » sont eux-mêmes un genre littéraire parmi d’autres ; à moins
qu’ils ne relèvent d’une logique administrative, donc utilitaire. Que
les savoirs se donnent sous une forme littéraire ou qu’ils obéissent à
des logiques politique (droit, géographie, cartographie), économique
(agronomie), urbanistique (architecture) ou sanitaire (médecine), ils
n’existent pas sous une forme théorique abstraite. Il n’y a pas d’his‑
toire des sciences romaines parce que la science n’est pas constituée
comme un champ de recherche autonome. Toute science, à Rome,
est appliquée. Les ramifications de la vie intellectuelle n’ont donc
pas la netteté qu’elles avaient en Grèce et qu’elles auront en Europe.
À toutes ces difficultés (pas d’originalité doctrinale, peu d’effort
de théorisation, faible spécialisation disciplinaire) s’ajoutent celles de
la langue. Beaucoup de Romains écrivent en grec et certains Grecs
s’expriment en latin, de sorte qu’il ne faut surtout pas identifier
philosophie romaine et philosophie de langue latine. Un Romain
écrivant en grec ne cesse pas d’être romain, et inversement pour
les Grecs latinisés. La question de l’appartenance civilisationnelle se
pose ici avec plus d’urgence qu’ailleurs, car la civilisation romaine
romanise en partie les peuples conquis, et nombre de Grecs, de
Phéniciens, de Gaulois ou de « barbares » en général sont assimi‑
lés. Épictète, grec par ses origines, est aussi romain par son degré
d’intégration – un des rares philosophes que l’on pourrait dire

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bi-civilisationnel. En revanche, malgré leur importance à Rome,


Panétios, Posidonios, Philodème de Gadara, Plutarque ou Plotin
sont irrémédiablement grecs.
La question des frontières culturelles se pose aussi à propos de
la philosophie chrétienne. À moins de répondre à des besoins histo‑
riographiques particuliers, il n’y a pas lieu de considérer la pensée
chrétienne comme une unité isolable. Le christianisme s’exporte
remarquablement bien, mais il n’y a pas de « civilisation chrétienne »
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car les chrétiens ne sont d’abord que des Sémites du Proche-Orient,
puis des Grecs, des Romains, des Européens, etc. Un chrétien grec
et un chrétien romain ont en commun le christianisme mais ne
fusionnent pas pour autant dans une nouvelle entité civilisationnelle.
En effet, c’est en Romain qu’un Romain se convertit au christia‑
nisme. Les conversions sont des événements sociopsychologiques
qui trouvent leur intelligibilité dans la logique de l’histoire romaine.
Ainsi, contrairement à beaucoup d’historiographes qui passent indif‑
féremment des « Pères grecs » aux « Pères latins », nous distingue‑
rons la patristique latine de la grecque étudiée au chapitre précédent.
Malgré les difficultés évoquées, l’histoire de la philosophie romaine
mérite d’être étudiée pour elle-même. En effet, bien qu’influencée
de bout en bout par des idées étrangères (grecques et orientales),
sa dynamique historique lui est propre. Le cycle de la vie intellec‑
tuelle romaine n’est pas superposable ni soluble dans celui de la
vie intellectuelle grecque. Ceci dit, les étapes et les inflexions de la
pensée romaine ressemblent à celles des autres civilisations. Après
une phase de formation durant laquelle la philosophie se dégage
progressivement de la pensée religieuse et des formes littéraires,
la période classique correspond à l’émergence d’une philosophie
romaine originale animée par une quête de savoirs positifs ; puis la
phase postclassique signe le retour des préoccupations religieuses
et mystiques qui trouvent leur accomplissement dans la scolastique
chrétienne.

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I. Période préclassique (~200 à ~80 av. J.-C.)1

Comme l’Égypte pharaonique est la source à laquelle les premiers


philosophes grecs puisent leurs idées, la Grèce hellénistique est la
grande institutrice de la pensée romaine. Une différence cependant :
les Grecs, qui héritent aussi des Mycéniens, jouissent d’une telle puis‑
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sance démographique et culturelle qu’ils rendent presque méconnais­
sables les influences qu’ils subissent ; tandis que les quelques milliers
d’habitants originaires du Latium ne doivent la richesse de leurs
productions littéraires qu’aux emprunts faits aux colonisés. La lit‑
térature romaine, qu’elle soit mythologique, poétique, philosophique
ou savante, doit tout à ses influences étrangères. Les arts plastiques,
de même. Plus Rome conquiert militairement de peuples, plus elle
est conquise culturellement par ceux-ci – sauf les Carthaginois, qui
sont avant tout des rivaux. Il y a, bien entendu, un fonds culturel
romain spécifique et une mentalité romaine irréductible, mais sur
cette base, on peut dire que Rome ne colonise le monde qu’en étant
colonisée par lui. Elle assimile en s’accommodant. Cette dynamique
commence au ive siècle av. J.-C. avec les guerres samnites et la
guerre latine, laquelle marque les débuts de l’extension impériale
en Italie. Les grands dirigeants politiques de la fin du ive et du
début du iiie siècle, comme Appius Claudius et son secrétaire Cneus
Flavius, sont déjà imprégnés des conceptions pythagoriciennes de
Grande Grèce, sur la base desquelles ils entreprennent de réformer
les institutions politiques, de réorganiser l’urbanisme et de revoir
le calendrier2.
En 272, la prise de Tarente – gouvernée depuis Archytas selon
les principes pythagoriciens d’harmonie et d’égalité – ne fait qu’ac‑
centuer cet attrait général pour la religion et la métaphysique

1. Pour une version plus détaillée, mais comprenant quelques erreurs d’appréciation,
de cette histoire de la philosophie romaine, voir Citot, 2014.
2. Humm, 1996 et 1999.

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pythagoriciennes. C’est de cette cité qu’est ramené comme esclave,


bientôt affranchi, l’initiateur de la littérature hellénistique d’ex‑
pression latine : Livius Andronicus. Véritable passerelle entre deux
mondes, il traduit l’Odyssée et fonde la tragédie, la comédie et
l’épopée latines. Son compatriote de Campanie Naevius poursuit ce
travail de romanisation des lettres grecques, tandis que Plaute trans‑
pose la Comédie Nouvelle grecque (la Néa) sous une forme latine
(la Palliata). Ses comédies renferment des considérations morales
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qui, déjà, font du théâtre un véhicule possible pour la pensée phi‑
losophante1.

1) Philosophie importée, philosophie religieuse


et philosophie littéraire (~200 à 155 av. J.-C.)

Avec les guerres macédoniennes (215‑205, 200‑197 et 172‑168),


Rome n’est plus seulement en contact avec les cités hellénistiques de
Grande Grèce, mais avec le foyer culturel de la Grèce continentale
elle-même. C’est le début d’une importation massive et constante
de philosophie grecque. À l’issue de la bataille de Pydna en 168,
Paul Émile ramène à Rome la bibliothèque royale antigonide ainsi
que des intellectuels de la cour du roi macédonien Persée. Cratès de
Mallos, Polybe et d’autres s’intègrent ainsi aux réseaux romains et
contribuent à helléniser la noblesse locale. L’hellénophilie est telle
qu’elle suscite l’émergence d’une pensée conservatrice, inquiète de
voir les esprits colonisés par une culture colonisée. En 186, les sectes
dionysiaques du culte de Bacchus sont réprimées au nom de la cohé‑
sion politique (« scandale des Bacchanales ») ; en 181, la supercherie
des livres pythagoriciens introduits dans la tombe du roi Numa pour
accréditer le pythagorisme est démasquée, et les « Livres de Numa »
brûlés ; en 173 les philosophes grecs épicuriens Alkios et Philis‑
kos sont expulsés de Rome, de même que les rhéteurs et d’autres
philo­sophes en 161. Toutes ces mesures attestent la puissance de

1. Grimal, 1972.

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la mode hellénomaniaque à tous les niveaux de la société romaine.


Aux ive et iiie siècles, l’influence grecque opérait par imprégnation
et infusion ; à partir du iie siècle, il s’agit d’un commerce intellec‑
tuel actif et volontariste. De cette circulation d’idées à sens unique,
il résulte que la philosophie romaine de cette première moitié du
iie siècle est avant tout une philosophie à Rome – produit importé.
Deuxième trait fondamental de la période : la philosophie impor‑
tée est une philosophie religieuse. Le mysticisme astral et les spécu‑
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lations pythagoriciennes dominent le paysage intellectuel. Malgré
cela, ces dernières se rattachent à la philosophie par son origine
(il s’agit de philosophie grecque adaptée), par son ambition méta‑
physique et par l’autonomie relative de ces croyances vis-à-vis des
pratiques rituelles et cultuelles. Nous n’avons plus affaire aux dieux
anthropomorphes de la mythologie, mais à un mixte de croyance
et de pensée spéculative. En outre, le pythagorisme en vogue et la
religion astrale sont parfois associés au Dieu stoïcien et au cosmos
platonicien. Fulvius Nobilior et Scipion l’Africain sont les plus émi‑
nents représentants de cette élite convertie à la philosophie pytha‑
goricienne1. Ils sont certainement proches des rédacteurs des Livres
de Numa, cherchant à légitimer leur pythagorisme en l’enracinant
dans l’époque archaïque de la monarchie romaine.
Enfin – troisième caractéristique de la période qui nous occupe –,
la philosophie s’exprime principalement sous une forme littéraire :
comédies, tragédies, histoire épique. Aucun auteur n’envisage encore
d’écrire de traité de philosophie stricto sensu. La pensée philoso‑
phique est d’autant moins associée à un genre littéraire spécifique
que la prose est encore très marginale. Le Grec latinisé Ennius,
souvent considéré comme le premier philosophe romain, illustre
bien la façon de philosopher en cette première moitié de siècle2.
C’est par la poésie qu’il fait valoir sa représentation pythagori‑
cienne du monde. De même, la pensée critique et satirique de Pacu‑
vius ­s’exprime à travers ses tragédies et comédies. L’auteur le plus

1. Boyancé, 1955 ; Seguin, 1974 ; Préaux, 1976 ; Pailler, 1984.


2. Tuilier, 1961.

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singulier de la période est certainement Caton l’Ancien, qui apporte


une nuance significative à tous les caractères mentionnés ci-dessus : il
se méfie de l’importation aveugle des conceptions grecques (quoiqu’il
ait lui-même une bonne connaissance de cette culture), il a l’esprit
positif plus que religieux et il est le véritable fondateur de la prose
latine sous ses trois modalités (l’éloquence, l’histoire et l’érudition).
Politiquement conservateur, il est au contraire à l’avant-garde de la
pensée latine telle qu’elle va se révéler ultérieurement.
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2) Diversification et spécialisation (155 à ~80 av. J.-C.)

À partir du milieu du iie siècle, la philosophie romaine demeure


une philosophie importée d’expression littéraire, mais elle est beau‑
coup moins religieuse. En effet, les spéculations mystiques font
place aux grandes doctrines hellénistiques : platonisme, stoïcisme,
épicurisme. Le point de bascule est la venue à Rome de l’ambas‑
sade athénienne de 155, réclamant l’annulation d’une amende. Les
trois représentants des grandes écoles philosophiques – Carnéade
pour l’Académie, Diogène de Babylone pour le Portique, Critolaos
pour le Lycée – profitent de l’occasion pour donner des conférences
publiques qui enthousiasment la jeunesse lettrée. La fièvre helléno‑
phile redouble à Rome, suscitant le séjour de nouveaux philosophes
grecs (Clitomaque, Panétios, Philon de Larissa, Phèdre, Posidonios,
Antiochos d’Ascalon, etc.) ainsi que des voyages d’étude de Romains
en Grèce. Dès lors, le pythagorisme s’éclipse au profit du stoïcisme,
du scepticisme soft de la Nouvelle Académie platonicienne, puis de
l’épicurisme. L’aristotélisme est trop technique pour le public romain,
qui se comporte en consommateur cherchant une satisfaction intel‑
lectuelle et spirituelle relativement aisée. C’est pourquoi l’épicurisme,
bien qu’il n’ait pas été représenté lors de l’ambassade de 155, voit
ses adeptes se multiplier à la fin du iie siècle. Ainsi, la philosophie
romaine se renouvelle et se diversifie d’une façon très significative.
Bien entendu, il ne faut pas imaginer que les Romains stoïciens,
platoniciens ou épicuriens rénovent ou enrichissent ces doctrines.

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Ils en font usage, ils s’en drapent, ils les goûtent1. Le plus souvent,
il ne s’agit pas de devenir philosophe soi-même, mais de faire de
la philosophie une inspiration pour son action politique ou son
travail littéraire. Le stoïcisme est à la mode au plus haut sommet de
l’État depuis que Panétios s’est lié à Scipion Émilien, le vainqueur
de Carthage. On appelle Cercle des Scipions un groupe d’helléno‑
philes composé de poètes (Térence, Lucilius), d’orateurs et hommes
politiques (Scipion Émilien, Laelius Sapiens, Rutilius Rufus, Furius
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Philus), marqués à des degrés divers par l’enseignement de Panétios.
Il s’agit d’un stoïcisme non dogmatique pouvant aisément s’asso‑
cier à l’enseignement des académiciens. L’épicurisme, longtemps
réprimé à Rome comme idéologie toxique pour le corps social,
n’émerge qu’à la fin du siècle. Comme pour les autres courants,
nous avons affaire à une philosophie pratiquée plus que théorisée.
Mais l’épicurien Gaius Amafinius, au tournant du siècle, pourrait
être l’auteur du premier traité de philosophie en langue latine, suivi
par Aurelius Opillius, Titus Albucius, Rabirius, Catius Insuber et
peut-être d’autres encore2. Selon le témoignage de Cicéron, ce sont
des travaux de vulgarisation de peu d’intérêt. Il n’en demeure pas
moins qu’une prose philosophique naît à la fin du iie siècle et au
début du ier siècle. Et si la plupart des connaisseurs de philosophie
sont des hommes politiques, des orateurs, des juristes ou des poètes,
certains marginaux font de la philosophie un mode de vie à part
entière. Bref, si la philosophie n’est pas encore une spécialité, un
début de spécialisation s’observe à la fin de notre période.
Autre phénomène nouveau : l’essor de l’éloquence politique
et son lien à la philosophie. L’association de l’art oratoire et de
la philo­sophie, que Cicéron accomplira à la période suivante, se
prépare dès la seconde moitié du iie siècle chez les grands acteurs
de la vie politique – tous pétris de culture philosophique. Cet
essor de la rhétorique a pour origine des causes sociales qui ont

1. P. Vesperini insiste particulièrement sur le caractère non théorique de la phi‑


losophie romaine, qui serait avant tout un ornement et un divertissement (Vesperini,
2010 et 2019).
2. Grimal, 1968.

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elles-mêmes des causes militaires. La victoire définitive sur Carthage


en 146 engendre un afflux massif d’esclaves en Sicile et en Italie,
qui tendent à remplacer la main-d’œuvre agricole locale. Dans les
grandes propriétés foncières qui se constituent, les petits paysans
n’ont plus leur place. Ils émigrent en ville où se concentre de plus
en plus une masse de déclassés. Des membres de l’élite sénatoriale
et équestre prennent fait et cause pour ce prolétariat revendicatif.
De là, la crise des Gracques (133 et 123) puis la constitution des
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deux grands partis qui s’affrontent jusqu’à la fin de la République :
les populares (réformateurs héritiers des Gracques) et les optimates
(conservateurs défenseurs du Sénat). Dans un contexte politique de
plus en plus agité (guerres serviles et guerres civiles se succèdent à un
rythme croissant) où il est nécessaire de convaincre son auditoire et
de séduire sa clientèle, l’éloquence n’est pas un exercice de style mais
un art aussi indispensable que l’art militaire. La nécessité de la jus‑
tification publique prépare à Rome, comme jadis dans l’Athènes du
ve siècle, l’avènement d’une philosophie classique. L’argumentation
philosophique est, ici et là, stimulée par l’argumentation politique1.
Inversement, bien des orateurs romains trouvent dans la philosophie
un appui théorique et un horizon moral. La poésie n’en demeure
pas moins l’un des principaux véhicules de la pensée philosophique,
comme on le voit dans la réflexion morale et l’humanisme d’un
Térence et dans les satires de Lucilius2.

1. Ainsi que juridique, car le droit se constitue à la même époque comme une
discipline argumentative et savante, notamment à travers l’œuvre de Q. M. Scaevola
le Pontife (Schiavone, 2005, partie III, 2).
2. André, 1964 ; Garbarino, 1971 ; Grimal, 1978c ; Charpin, 1978 ; et les ouvrages
généraux sur « la littérature latine » cités en bibliographie.

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II. Période classique (~80 à 27 av. J.-C.)

1) Romanisation de la vie intellectuelle,


épanouissement de la prose et recherches savantes

La génération qui vient à maturité entre 80 et 27, donc contem‑


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poraine de la fin de la République, introduit à Rome un état d’esprit
tout à fait nouveau. La conflictualité qui agite le corps social et
politique durant toute cette période ne semble pas avoir d’effet sur
la production intellectuelle – du moins pas d’effet négatif. Pour
la première fois apparaissent à Rome des philosophes qui ne se
contentent pas de colporter ou de vulgariser les idées venues de
Grèce, mais qui s’en servent comme des outils pour construire leur
propre pensée. Les briques demeurent des éléments d’importation,
mais l’édifice théorique qui résulte de leurs combinaisons a une
architecture originale. Ce travail de romanisation est manifeste dans
toutes les œuvres de l’esprit, de la philosophie à l’agronomie en
passant par l’histoire, le droit, la philologie et la géographie. Nous
assistons à l’épanouissement de la prose latine, dont la richesse est
sans précédent et sans postérité. Le temps où les annalistes écri‑
vaient en grec (comme Fabius Pictor et Cincius Alimentus à la fin
du iiie siècle) et où il fallait parler grec pour philosopher semble
révolu : le latin s’impose désormais comme une langue de l’esprit
à part entière.
Les aspirations les plus caractéristiques de la période sont celles de
l’encyclopédisme et de l’éclectisme. On veut tout savoir sans renon‑
cer à aucun point de vue. Et quand on s’affilie plus spécialement
à une tradition intellectuelle (Académie, stoïcisme, épicurisme ou
pythagorisme), c’est sans dogmatisme ni esprit de système. Enfin, la
période est marquée par un état d’esprit positif qui invite à explorer
le monde naturel et humain sous toutes ses coutures. La religiosité
est tenue à bonne distance, au moins jusque vers le milieu du siècle.
Il n’y a guère de domaine du réel qui n’intéresse Varron, Cicéron,

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Lucrèce ou Nigidius Figulus. César et Salluste donnent à l’histoire


ses lettres de noblesse, et il s’en faut de peu qu’elle ne devienne sous
leur plume une authentique science humaine. Varron (auteur d’un
Res rusticae), Tremellius Scrofa (agronome1) et Vitruve (ingénieur,
architecte2) rédigent des traités techniques qui manifestent un esprit
rationaliste et savant typique de cette période classique. L’astrono‑
mie elle-même préoccupe Varron dans son encyclopédie des arts
libéraux, César pour la réforme du calendrier (« julien ») en associa‑
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tion avec l’astronome grec Sosigène, et Nigidius dans des recherches
qui, il est vrai, sont aussi bien astrologiques. La discipline juridique
trouve en Cicéron, Servius Sulpicius Rufus et Trebatius Testa trois
grands représentants prolongeant le travail de Scaevola le Pontife,
tendant à faire du droit une discipline savante3. Bref, les auteurs
les plus emblématiques de l’époque entreprennent des investigations
tous azimuts ; et même si leurs études ne sont pas désintéressées (la
science pure n’existe pas à Rome), elles manifestent une appétence
remarquable pour la connaissance positive, rationnelle et critique4.
Les acteurs de ce demi-« siècle des Lumières » ont parfaitement
conscience de vivre une période d’épanouissement intellectuel, et for‑
mulent explicitement le projet de recomposer et d’élargir le domaine
de la pensée et du savoir. L’idée de progrès se répand ; les écrivains
veulent sortir de l’obscurantisme et fonder une res publica pro-
grediens5. Or la visée de l’avenir n’allant pas sans étude du passé,
la rupture avec la tradition requiert l’étude historique rigoureuse
de cette tradition – d’où la multiplication des études historiques à
la fin de la République. En ces temps de troubles sociopolitiques,
les plus « modernes » sur le plan intellectuel (comme Varron et
Cicéron) sont aussi les plus soucieux de modérer la fuite en avant

1. Martin, 1970, partie III.


2. Mais aussi « astronome, géomètre et géographe » (Nicolet, 1987, p. 103).
3. Schiavone, 2005, chap. 14, 15 et 16. Voir aussi Moatti, 1988, p. 417‑418 ;
Albrecht, 1989, p. 648‑649.
4. Pour une vue d’ensemble de l’état d’esprit de la période, voir Moatti, 1997.
5. Sur l’épanouissement de l’idée de progrès à cette époque, voir Novara, 1980,
partie II.

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Histoire mondiale de la philosophie

« moderniste » sur le plan politique. Comme la stabilité institu‑


tionnelle et la cohésion sociale sont rudement mises à l’épreuve, on
s’interroge sur la nature de la communauté politique, sur la légiti‑
mité et l’efficience des institutions républicaines. Avec Cicéron, la
pensée politique prend une nouvelle dimension : il est le véritable
fondateur de la philosophie politique romaine1. Sur le plan moral,
nous voyons s’affirmer concomitamment les valeurs de l’individu et
de l’universel. L’individu revendique sa liberté, sa rationalité, son
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plaisir, son otium, ses droits. On s’interroge sur les fondements
du droit : existe-t-il un « droit naturel », ou bien le droit n’est-il
que conventions utiles, ou bien encore habitudes culturelles ? C’est
aussi l’humanité qui se découvre dans l’individu – de là les pensées
cosmopolitiques et universalistes. Or l’humanisme universaliste s’ac‑
compagne lui-même d’une conscience de la relativité des cultures2.
Qu’il s’agisse de la citoyenneté, de l’individu ou de l’humanité,
la philosophie morale, juridique et politique de cette période est
éminemment riche.

2) Unité et diversité des philosophies

L’esprit général de la période étant dessiné à grands traits, voyons


comment il s’incarne dans les œuvres. De formation philo­sophique
(par Antiochos d’Ascalon) grammairienne et philologique (par Aelius
Stilo et Tyrannion), Varron est un polygraphe à l’ambition encyclo‑
pédique. Cette quête de connaissance universelle fait de lui une figure
typique de philosophe-savant. Au sens étroit du terme, toutefois, ses
écrits philosophiques ne sont guère novateurs. Comme Antiochos, il
tend vers l’éclectisme et combine des influences issues de l’Académie
platonicienne, du stoïcisme, et même du pythagorisme. Il pense les

1. « C’est avec lui [Cicéron] que commence à proprement parler la philosophie


politique à Rome » (Nicolet, 1964, p. 70).
2. « Il se développe à Rome une vraie curiosité ethnologique et géographique […]
qui conduit certains à penser que toutes les traditions se valent, ou du moins à découvrir
l’incroyable diversité des peuples de la Terre » (Moatti, 1997, p. 71).

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La philosophie romaine

rapports de l’âme au corps, l’immortalité de l’âme, l’âme du monde


et le dieu cosmique1, pour déboucher sur un « panthéisme analogue
à celui des stoïciens2 ». Ne pouvant renier la religion traditionnelle
(trop conscient de son rôle de stabilisateur social), il cherche à
l’infléchir vers le monothéisme3. Ses ouvrages les plus explicitement
philosophiques traitent de morale, car « l’activité philosophique se
confond, à ses yeux, avec la quête du souverain bien4 ». La philoso‑
phie a été sa préoccupation première (avec les Satires Menippées) et
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dernière (avec les Liber de philosophia et le De forma philosophiae),
et il ne l’a jamais perdue de vue tandis qu’il s’occupait de savoirs
positifs dans tous les domaines – singulièrement la linguistique,
l’agronomie, l’histoire et la géographie5.
Orateur, homme d’État, juriste, poète et philosophe, Cicéron
se tient au centre de tous les réseaux intellectuels de la fin de la
République. Très soucieux de fonder sa réflexion sur une culture la
plus étendue possible, il est animé du même esprit encyclopédiste
que Varron. Il réclame de l’orateur un savoir universel – car la
connaissance est la condition du discours réussi comme la vérité
est condition de la beauté – et s’efforce d’être à la hauteur du
modèle ainsi conçu6. De la science, il se fait une idée résolument
« moderne » : il veut débarrasser la nature des chimères religieuses
pour l’expliquer par des causes et des raisons. « Le raisonnement
de Cicéron [dans le De divinatione, II, 60] est simple : tout phéno‑
mène a nécessairement une cause naturelle. Certains se produisent
contrairement à l’habitude, mais aucun n’a lieu contrairement à la
nature, puisque tous ont des causes naturelles […]. Cicéron parvient
donc à la conclusion qu’il n’y a pas de prodige » ; il « critique la

1. Lehmann, 1993, p. 231 ; Boyancé, 1953, p. 276.


2. Boyancé, 1953, p. 279.
3. Lehmann, 1993, p. 226.
4. Ibid., p. 341.
5. Nicolet, 1987, p. 103.
6. « Cicéron, dans une certaine mesure, a composé des ouvrages qui peuvent être
considérés comme l’amorce de cette encyclopédie dont il rêve pour son orateur […].
Pourtant, Cicéron a donné trop de temps à la vie publique pour avoir pu réaliser
totalement le corpus culturel dont il a conçu la possibilité » (Grimal, 1966, p. 468).

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notion de phénomène contre-nature, qui lui paraît contraire aux


principes mêmes de la physique »1. Il n’en épouse pas moins la
conception stoïcienne d’un cosmos ordonné par la Providence. Par
ailleurs, il s’intéresse à l’astronomie, puisqu’il traduit les Phénomènes
d’Aratos, mais il sait qu’il s’agit là d’une œuvre de vulgarisation2.
Jean-Marie André va jusqu’à affirmer que Cicéron et sa généra‑
tion épousent l’idéal hippocratique de scientificité3. Non seulement
Cicéron promeut les savoirs, mais il mène aussi une authentique
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réflexion épistémologique sur la constitution et l’organisation des
connaissances4. Ses influences philosophiques sont principalement
stoïciennes et académiciennes, mais il n’a pas l’âme d’un disciple
fidèle à une orthodoxie. Son attrait pour la Nouvelle Académie tient
précisément à son refus du dogmatisme. Il aborde les sujets qu’il
traite dans un esprit éclectique, comme son ami Varron.
Lucrèce partage avec Varron et Cicéron l’idéal encyclopédique
– rien dans le réel naturel et humain ne lui est étranger. Mais il
refuse leur éclectisme pour épouser la seule doctrine qui lui paraît
propre à lutter contre les croyances irrationnelles : l’épicurisme. Il
est à Rome le champion de l’esprit critique et de l’irreligion, voulant
libérer l’homme des chimères anxiogènes de la superstition. La paix
de l’âme et la liberté de l’esprit : telle est sa fin. Le plus grand
défenseur du matérialisme et du naturalisme est aussi, paradoxale‑
ment, le promoteur d’un humanisme de la liberté. La faiblesse de
l’homme miné par la crainte des dieux ne pouvant se combattre
que par la raison humaine, c’est toujours l’homme qui triomphe de
lui-même. Lucrèce manifeste ainsi une « confiance intrépide et sans
réserve en la raison » humaine5. Ce matérialiste réductionniste a foi

1. Le Concept de nature à Rome, 1993, article de F. Guillaumont, p. 53 et 56.


2. De la même manière, quand il écrit le Songe de Scipion, il prête sa plume au
mysticisme en vogue, mais « il est clair que, du point de vue de la doctrine, il n’y a
rien de cicéronien dans le Songe » (Boyancé, 1936, p. 8).
3. André, 2006, p. 99 et p. 107 sq.
4. Moatti, 1988, p. 413‑416. Sur ses réflexions plus spécialement historiographiques
et la nécessité d’une historiographie savante, voir André et Hus, 1974, p. 20‑23.
5. Boyancé, 1963, p. 305.

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La philosophie romaine

en l’homme, en sa rationalité et sa liberté1 – humanisme sceptique,


en quelque sorte2. Désillusionné sur la condition humaine – siège
de l’ignorance et de l’illusion –, il entreprend pourtant de sauver
les hommes, selon ce double mouvement dont parlait Gramsci :
pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté3. Sur les ruines
des idéaux religieux et métaphysiques, Lucrèce construit le nouvel
idéal de la raison et de l’intelligence critique, c’est-à-dire de la liberté
humaine. Ce cadre intellectuel et moral implique aussi une théorie
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du progrès de la civilisation4. Fidèle à l’esprit romain, Lucrèce ne
présente pas sa philosophie sous la forme d’un traité théorique,
mais d’un poème didactique5 – De rerum natura.
Lucrèce, mort prématurément, n’a pas le temps de développer
une philosophie politique, mais le cercle des épicuriens de Campa‑
nie – dont Philodème de Gadara, Siron et Pison Caesonius (leur
protecteur) étaient le centre – s’engage dans une telle réflexion6.
César lui-même est proche de certains épicuriens qui le soutiennent.
Mais il ne semble pas que les épicuriens de la fin de la République
soient au niveau de « l’épicurisme savant7 » lucrétien. En ces temps
de trouble, l’épicurisme retrouve sa fonction éthique traditionnelle,

1. « Après avoir en quelque sorte donné aux passions une base physique dans la
nature même des éléments, après avoir risqué de soumettre ainsi l’homme à un déter‑
minisme par la matière, Lucrèce affirme une quasi-toute-puissance de l’éducation et
celle-ci elle-même se ramène à la sagesse philosophique » (Boyancé, 1958, p. 37‑38).
2. J. Bayet est bien avisé de le comparer à Pascal : « L’exemple de Pascal aide
à concevoir que notre poète soit à la fois plus homme de science et plus homme de
passion qu’Épicure […] écartelé entre sa volonté scientifique et sa tension morale »
(Bayet, 1948, p. 59).
3. « Il méprise les hommes, mais sans cesser d’avoir pitié d’eux et avec la volonté
de les “sauver” » (Bayet, 1965, p. 149).
4. Novara, 1980, partie II, V ; Taladoire, 2004 (toute la fin de l’article).
5. Ce qui fait dire à P. Vesperini que la philosophie de Lucrèce est un pur exercice
de style et un « ornement esthétique » sans véritable prétention à la vérité (Vesperini,
2010, partie III, 7 ; Vesperini, 2019, p. 250‑252). Pour une interprétation antagoniste,
voir Bayet, 1948 ; et une position intermédiaire, Boyancé, 1960 et 1963.
6. Sur la pensée politique de ces épicuriens, voir Grimal, 1979, p. 680‑684 ; Ben‑
ferhat, 2000 ; Onfray, 2005, p. 258‑261.
7. Grimal, 1968, p. 161. Un certain Egnatius aurait tout de même écrit un De rerum
natura à la même époque que Lucrèce et sur son modèle.

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celle d’une recherche du plaisir, de la tranquillité de l’âme et de la


douceur de vivre. L’épicurisme campanien n’en demeure pas moins
un pôle actif de résistance au retour général de la superstition qui
se manifeste à Rome dès les années cinquante. Avant même les Ides
de Mars (assassinat de César en 44) et l’aggravation des troubles
sociopolitiques, le mysticisme se diffuse à Rome dans toutes les
couches de la société. On cherche dans l’étude du ciel une réponse
aux angoisses de l’époque ; c’est le début de la grande mode astro‑
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logique et le retour en force du pythagorisme. Tarutius Firmanus et
Nigidius Figulus sont les chefs de file de ce courant. Encore avons-
nous affaire avec eux à une recherche de bonne facture : il semble
que le premier, ami de Varron et Cicéron, soit autant mathémati‑
cien et astronome qu’astrologue ; quant au second, fondateur du
néopythagorisme latin, il est connu pour son savoir encyclopédique.
Dans la République finissante, Quintus Sextius le Père associe néo‑
pythagorisme et stoïcisme pour fonder une philosophie de la nature
originale qui se perpétuera chez ses disciples au sein de ce qu’il est
convenu d’appeler « l’école sextienne ».

III. Période postclassique


(27 av. J.-C. à 636 apr. J.-C.)

1) Transition julio-claudienne : orientalisation


et popularisation (27 av. J.-C. à 68 apr. J.-C.)

L’avènement de l’Empire, la fin des guerres civiles et des conflits


politiques inaugurent une nouvelle étape de la vie intellectuelle
romaine. La conquête de la grande capitale hellénistique Alexandrie,
en 30 av. J.-C., déplace irrémédiablement le centre de gravité spiri‑
tuel des Latins vers l’Orient. Toutes les superstitions hellénistiques
et proche-orientales affluent à Rome : astrologie, néopythagorisme,
occultisme, magie et autres cultes à mystères pratiqués par les Grecs

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La philosophie romaine

eux-mêmes orientalisés. De même que le vieux polythéisme hellène


ne permettait plus de satisfaire les aspirations spirituelles des Grecs
après la fondation de l’Empire d’Alexandre, la religion tradition‑
nelle des Romains a besoin d’être complétée par diverses croyances
orientales à l’âge de l’Empire augustéen – ainsi que par le culte
impérial qui se met immédiatement en place. Un empire universel
suscite une religiosité elle-même universelle ; à l’unité territoriale
post-nationale doit correspondre une religiosité post-nationale ainsi
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que des institutions politiques post-républicaines.
Le stoïcisme pythagorisé, le néoplatonisme et le christianisme
satisferont successivement cette demande d’une vision globale, har‑
monieuse et finalisée de l’Univers. Il s’agit là d’aspirations spirituelles
et religieuses, mais qui affectent aussi nécessairement la philosophie,
laquelle ne saurait rester durablement insensible aux mentalités et
à l’air du temps. Aussi la voit-on s’orientaliser et se populariser,
c’est-à-dire assimiler les éléments de la religiosité commune. Cessant
d’être savante, elle intègre les savoirs naturalistes dans la vision
globale d’un Cosmos, dont la logique ne peut être saisie que par
des considérations numérologiques, astrologiques, hylozoïstes et/ou
providentialistes. On pourrait dire que cette philosophie nouvelle
signe à la fois l’échec et le triomphe du projet intellectuel lucrétien :
échec parce que les superstitions sont à l’opposé de son matéria‑
lisme ; succès parce que le retour du religieux, bien loin d’éloigner
l’homme de son bonheur en lui faisant craindre la mort et les dieux,
agit au contraire comme un puissant facteur de rassérènement.
À l’éclectisme de l’âge classique succède le syncrétisme post­
classique : le stoïcisme – qui domine la période – se mêle au pla‑
tonisme et au pythagorisme. L’épicurisme, quant à lui, se dégrade
en simple hédonisme populaire ou mondain1. Aucune doctrine n’est
considérée comme un corps d’hypothèses réclamant vérification,
argumentation ou correction, car les contemporains d’Auguste et des
Julio-Claudiens font feu de tout bois, ne retenant des traditions philo­
sophiques grecques que ce qui peut nourrir leurs besoins spirituels

1. André, 1987, p. 29 sq ; André, 2006, p. 552.

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Histoire mondiale de la philosophie

et intellectuels. La philosophie popularisée est identiquement une


philosophie vulgarisée. Aussi met-elle de côté tout aspect technique,
car il lui faut être lisible et plaisante – ce qui la rapproche à nouveau
de la littérature : « Entrée dans l’âge de la vulgarisation […], la
philosophie a tendance à se diluer librement dans la littérature1 ».
Même la prose dite « technique » (parce qu’elle étudie des sec‑
teurs précis du réel) se popularise en intégrant quantité de fables, de
merveilles et de superstitions. Les Romains se passionnent pour les
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compilations de curiosités et les collectes de mirabilia (faits insolites).
Mais le polygraphisme de la période julio-claudienne n’a plus rien
de l’encyclopédisme classique : la recension des savoirs est désor‑
mais indistincte des légendes. Hygin (le directeur de la bibliothèque
palatine) et Pline l’Ancien illustrent bien cette orientation2. Papirius
Fabianus et Verrius Flaccus, auxquels Pline se réfère beaucoup,
durent écrire dans le même esprit. En revanche, Celse nous appa‑
raît comme un polygraphe plus savant. Columelle et l’Anonyme
de Aetna, qui écrivent respectivement sur des questions relatives
à l’agronomie et la vulcanologie, ne semblent pas non plus attirés
par le merveilleux3.
À bien des égards, la philosophie de l’époque julio-claudienne fait
figure de transition. Quoique affectée par la religiosité populaire,
elle conserve de l’âge classique un intérêt pour toutes les réalités
naturelles et humaines. Le compromis entre recherche naturaliste
et besoin de Cosmos (organisé par la Providence) donne naissance
à une philosophie de la Nature qui n’est pas sans rappeler celle de
Platon, d’Aristote et des Naturphilosophen du xixe siècle. Nous
aurions ainsi, à Rome, l’équivalent des réactions romantiques du
ive siècle à Athènes et de la fin des Lumières en Europe4. Dans tous

1. André, 1987, p. 10.


2. Le Bœuffle, 1993 ; Pline l’Ancien. Témoin de son temps, 1985.
3. Martin, 1970, partie IV ; Vessereau, 1961. Parmi les grands prosateurs de la
période, il faudrait encore citer Tite-Live. Mais son travail d’historien n’a rien à voir
avec celui des polygraphes et techniciens cités.
4. Pour J.-M. André, certaines affirmations de Papirius Fabianus s’apparentent à
une réaction romantique contre la civilisation (André, 1977, p. 133 et 149).

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La philosophie romaine

les cas, il s’agit de ré-humaniser la nature contre la pensée mécaniste


et matérialiste de l’époque antérieure. Entre le naturalisme lucrétien
et le désintérêt pour le monde naturel du stoïcisme ultérieur, les
philosophes julio-claudiens marquent une parfaite transition. Tout
en collectant divers savoirs physiques et astronomiques, ils offrent
la vision rassurante d’une Nature finalisée et organisée où chacun
est à sa place. Parmi les auteurs concernés, certains écrivent en vers
comme Germanicus et Manilius, d’autres en prose comme Sextius
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Niger, Fabianus et Sotion (tous trois membres de l’école sextienne),
ainsi que le Sénèque des Questions naturelles.
Avec ce dernier devient évidente une autre grande tendance de
l’époque : le repli sur l’intériorité individuelle. Alors que l’Empire
devient universel et que les cadres politiques républicains sont bou‑
leversés, le Romain réagit comme le Grec voyant sa polis dissoute
dans l’empire macédonien : il éprouve le besoin de ressaisir son
individualité comme une valeur essentielle. De là l’importance,
à Athènes comme à Rome, des philosophies eudémonistes et des
éthiques multiformes servant à guider l’individu dans l’existence.
De là également l’attrait pour les mystères, la divination astrolo‑
gique et les doctrines du Salut. De là, enfin, les succès du cynisme à
l’époque impériale – façon de trouver des normes individuelles dans
la négation des normes collectives1. Souvent associé au stoïcisme, il
s’agit d’un mode de vie plus que d’une élaboration théorique. Aussi
étonnant que cela puisse paraître chez un peuple qui a toujours
pensé son destin selon l’idéal de la res publica, l’individualisme
cynique devient, à l’époque impériale, « la philosophie populaire
par excellence2 ». Voyant dans la philosophie cynique comme dans
les pratiques ésotériques des facteurs de dissolution du corps social,
les empereurs ont régulièrement expulsé de Rome les philosophes
et les mages concernés.

1. Goulet-Cazé, 1990.
2. Ibid., p. 2818.

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Histoire mondiale de la philosophie

2) Simplification, intériorisation, routinisation (68 à 192)

Sous les Julio-Claudiens, la philosophie se rapprochait des super­


stitions populaires et épousait le cosmos stoïcien, mais elle restait
créative et ouverte sur le monde ; sous les Flaviens et les Antonins,
en revanche, l’inventivité théorique se tarit et la philosophie de
la Nature s’efface au profit de la seule philosophie morale. Les
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considérations naturalistes apparaissent de plus en plus comme un
détour inutile : à quoi bon s’occuper du monde quand il s’agit
seulement d’éprouver une paix intérieure ? Le stoïcisme abandonne
donc les complications doctrinales pour se réduire de plus en plus
à un guide pratique pour l’existant. Musonius Rufus, Épictète et
Marc Aurèle illustrent bien cette évolution du stoïcisme. Ils n’ont
plus l’amplitude qu’avait Sénèque, qui lui-même n’avait plus celle de
Cicéron. Le stoïcisme devient un moralisme a-politique (puisque le
monde politique est, comme le monde en général, soumis au Destin
et à la Providence) et a-cognitif (puisqu’il s’agit d’aider à vivre, et
non plus à connaître). La faiblesse théorique favorise le rappro‑
chement des doctrines : les frontières s’estompent entre cynisme et
stoïcisme, médioplatonisme et néopythagorisme, stoïcisme et plato‑
nisme1. Autre conséquence : la philosophie se rapproche de la litté‑
rature (comme chez Pline le Jeune2) et de la rhétorique (comme chez
Fronton) : « La “contamination” de la philosophie par la rhétorique
devient, avec la Seconde Sophistique, un phénomène irréversible3 ».
Les rhéteurs philosophent par occasion et les philosophes se font
rhéteurs. L’association rhétorique-philosophie n’est pas nouvelle,
mais le degré de proximité est inédit.

1. André, 1987, p. 55.


2. Dont la pensée mondaine semble refléter l’esprit décadent de l’époque (Marrou,
1938, partie I, IV, 3) et dont la pensée politique est particulièrement fruste (Nemo,
1998, p. 573).
3. André, 1987, p. 37, note. La Seconde Sophistique est un mouvement du iie siècle
d’origine grecque, qui arrive à Rome par des auteurs comme Dion de Pruse, Favorinos,
Hérode Atticus ou encore Aelius Aristide.

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La philosophie romaine

En plus de se simplifier, la pensée philosophique se routinise : elle


se transmet de plus en plus de maître à disciple comme un héritage
qu’il n’est nullement besoin de questionner. Perpétuer une tradition,
être fidèle à une doctrine et à un professeur, puis transmettre à son
tour ce patrimoine à des continuateurs… la philosophie commence
à devenir une scolastique1. C’est dans ce contexte que Marc Aurèle
institue quatre chaires de philosophie à Athènes vers 176 – une
pour chacune des grandes écoles : stoïcisme, épicurisme, platonisme,
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aristotélisme. L’institutionnalisation de la philosophie est une façon
pour le pouvoir impérial de la contrôler2. La philosophie, dès lors,
perd sa puissance subversive : « Sous Antonin, et a fortiori sous
Marc Aurèle, le stoïcisme revêtira le caractère d’une philosophie
prépondérante, officielle3 ». L’officialisation et la professionnalisa‑
tion d’une partie de la philosophie ne font que renforcer le phé‑
nomène de routinisation scolastique : dès le début du iie siècle,
« la plus grande partie de l’activité littéraire de la langue latine est
[…] orientée vers le passé et dominée par le souci de maintenir la
culture traditionnelle4 ». « Partout on se préoccupait des “études”
[…] mais l’inspiration créatrice était apparemment tarie […]. C’est
ainsi que, l’ère de la création sur le point de se clore, commença
le temps des écoles, et celui des professeurs5 ». D’où la naissance
du genre doxographique – caractéristique de la philosophie des
professeurs – à la fin de l’ère antonine6. Résumer et commenter, tel
est donc le travail d’une partie des philosophes de l’époque. Quant
à l’effort de compilation encyclopédique de mirabilia, dont nous

1. Voir « Système scolaire et culture générale à l’époque impériale » et « L’orga‑


nisation de l’enseignement philosophique à l’époque impériale », in I. Hadot, 1984 ;
André, 1987, partie IV : « Les écoles à l’apogée du siècle d’or ».
2. L’autre étant d’expulser les philosophes, comme le font presque tous les empe‑
reurs depuis Claude en 52 jusqu’à Domitien en 94.
3. André, 1987, p. 53.
4. Grimal, 1994, p. 501. Sur le caractère décadent de ces pratiques, voir aussi
Marrou, 1938, partie I, IV, 2, « Effets de la décadence : la culture a un caractère
scolaire ».
5. Grimal, 1994, p. 477.
6. André, 1987, p. 75.

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avons vu qu’il était en vogue à l’époque précédente, il se perpétue


avec des auteurs comme Mucien, Apulée et Aulu-Gelle.
Enfin, le iie siècle (surtout après Trajan, en 117) est marqué par
une orientalisation accrue de la pensée. Les philosophes expulsés
par Néron, Vespasien et Domitien, contraints de s’installer en
terre grecque, en reviennent chargés de culture hellénistique. La
philosophie à Rome se fera de plus en plus en langue grecque,
et en contact étroit avec des philosophes et des rhéteurs grecs1.
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Musonius Rufus et Épictète enseignent en grec ; Annaeus Cornutus,
Marc Aurèle et Celse (à ne pas confondre avec le médecin du même
nom) écrivent en grec. Comme dans la première phase de son
histoire, la philosophie romaine est totalement sous domination
grecque. Le latin sera sauvé, au siècle suivant, par la littérature
chrétienne – mais ce n’est là qu’une autre forme d’orientalisation
de la pensée romaine.

3) Philosophie religieuse et scolastique (192 à 636)

La dernière phase de l’histoire de la philosophie romaine est la


plus longue et la plus homogène. Son unité tient à son caractère
religieux. La philosophie n’est plus simplement contaminée par des
éléments de superstitions populaires : elle est désormais intégrale‑
ment orientée vers le mysticisme d’une part et la théologie d’autre
part – c’est-à-dire le néoplatonisme et le christianisme. La domina‑
tion intellectuelle de ce dernier, dès la fin du iie siècle, transforme
radicalement la philosophie romaine : étrangère qu’elle était aux
dogmes et aux affrontements théoriques, elle devient à présent un
champ de batailles doctrinales. Penser, désormais, c’est se placer
dans le cadre d’un corpus de dogmes. La philosophie chrétienne
prend ainsi la forme d’une scolastique. L’histoire des quatre derniers

1. Comme Dion de Pruse (dit aussi Dion Chrysostome), Plutarque, Œnomaos de


Gadara, Favorinos (grec, quoique né en Arles), Taurus de Béryte, Aelius Aristide et
Lucien de Samosate.

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La philosophie romaine

siècles de pensée romaine est celle de l’éradication progressive du


paganisme par le christianisme.
Mais, comme nous l’avons noté dès l’introduction de ce chapitre,
l’importation du christianisme est un événement interne à l’histoire
intellectuelle romaine et non pas une invasion de penseurs étrangers.
Tertullien, Minucius Félix, Cyprien, Arnobe, Lactance, Firmicus
Maternus, Hilaire, Victorinus et Augustin ont été philosophes païens
avant d’être philosophes chrétiens – ils sont des convertis. La philo‑
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sophie chrétienne n’est qu’une mutation de la philosophie païenne ;
elle est l’un de ses moments et non le commencement d’une autre
histoire. La lutte du paganisme et du christianisme se déroule en
trois temps : la phase durant laquelle la pensée chrétienne rivalise
avec le paganisme en étant persécutée politiquement ; celle qui voit
son triomphe aussi bien spirituel que politique ; celle de sa survie
après la chute de l’Empire romain d’Occident, tandis que la philo‑
sophie païenne a totalement disparu.

• Philosophie chrétienne et néoplatonicienne


avant l’Édit de Milan (192 à 313)
Comme dans la partie orientale de l’Empire, c’est à peu près à
l’avènement des Sévères que le christianisme s’impose en tant que
philosophie dominante. Le chaos politique et militaire du iiie siècle
favorise les conversions vers une foi nouvelle promettant la vie
éternelle à ceux qui souffrent ici-bas. Comment, en effet, croire à la
religion traditionnelle et au culte impérial quand l’Empire sombre
dans l’anarchie et que les frontières cèdent de toutes parts ? L’impor‑
tance croissante du christianisme aussi bien populaire qu’élitaire
manifeste l’attrait toujours plus puissant de la religiosité orientale, à
laquelle les Romains, ne semblant plus croire dans les ressources de
leur civilisation pour faire face aux difficultés du temps, se conver‑
tissent en masse. Pourtant, ce sont les auteurs chrétiens d’Occident
qui, s’exprimant en latin, endiguent puis repoussent l’hellénisation
des lettres romaines. Le latin est sauvé, paradoxalement, par une
religion d’origine juive s’adossant à un Texte grec. Le recul du grec
en Occident a toutefois pour contrepartie l’isolement culturel du

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monde latin et, à terme, la division de l’Empire en deux. Par ail‑


leurs, le iiie siècle est marqué par l’émergence de l’Afrique romaine
comme nouveau vivier de production intellectuelle.
Les penseurs chrétiens du iiie siècle travaillent dans un contexte
de persécutions politiques. Si certains osent polémiquer directement
contre le paganisme en le réfutant, d’autres, intellectuellement plus
souples ou politiquement plus prudents, présentent leur doctrine
comme la fine fleur de la pensée antérieure – plutôt qu’une négation
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frontale de la culture traditionnelle. Il s’agit de défendre le christia‑
nisme contre ses accusateurs, d’en faire l’apologie, et éventuellement
de montrer qu’il est la vraie philosophie, l’aboutissement des efforts
entrepris par Platon et les stoïciens. C’est l’époque des « Pères apo‑
logistes » (Tertullien, Minucius Félix, Cyprien, Arnobe, Lactance).
L’arrivée du christianisme dans la vie intellectuelle romaine ren‑
force la tendance au syncrétisme apparue dès les débuts de l’Empire
dans les traditions stoïcienne, platonicienne et pythagoricienne. Ces
différentes sensibilités sont unifiées négativement par leur caractère
« païen » et positivement par leur aspiration mystique commune. La
venue à Rome d’Ammonios Saccas et Plotin – fondateurs de l’École
néoplatonicienne de Rome vers 245 – engendre le regroupement
de toutes les doctrines païennes. Le champ intellectuel romain est
désormais divisé en deux camps : les chrétiens et les païens néopla‑
toniciens. Avec de multiples points de passage et de convergence,
car les chrétiens sont d’anciens néoplatoniciens dont la sensibilité
mystique a simplement trouvé un nouveau débouché.

• L’âge d’or de la philosophie romaine chrétienne


(313 à ~430)
Après l’Édit de Milan, proclamé en 313 par Constantin, les
chrétiens cessent d’être persécutés et sont même favorisés par l’em‑
pereur fraîchement converti. C’est le début d’un épanouissement
extraordinaire de la pensée chrétienne. Après un iiie siècle catas‑
trophique politiquement et militairement, et très modeste littérai‑
rement, le ive siècle marque un redressement à tous les niveaux.
La philosophie païenne elle-même profite de la dynamisation de la

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La philosophie romaine

vie intellectuelle initiée par les chrétiens. On voit même refleurir la


grammaire, les abrégés historiques, les traités techniques et les com‑
pilations encyclopédiques – d’un niveau très modeste, néanmoins.
Les penseurs chrétiens sont désormais moins occupés à réfuter
le paganisme qu’à lutter contre les hérésies internes : arianisme,
donatisme, manichéisme, origénisme, pélagisme, etc. De l’époque
des « Pères apologistes » on passe à celle des « Pères dogmatiques »
qui défendent le Dogme contre les hérétiques. L’apologie cède
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donc de plus en plus la place à l’exégèse. Ainsi, le dynamisme
intellectuel du ive siècle n’est pas incompatible avec les progrès
de la religiosité et de la scolastique. De fait, les penseurs chrétiens
sont désormais des ecclésiastiques, des officiels, des gardiens de
l’ordre spirituel et des extensions du pouvoir impérial – davantage
encore à partir de Théodose, qui proscrit les cultes païens. C’est
avec l’appui des empereurs, et souvent à leur initiative, que le
christianisme construit son Canon et ses Dogmes à travers une série
de conciles œcuméniques : de Nicée, de Constantinople, d’Éphèse
et de Chalcédoine.
Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile de distin‑
guer, parmi les chrétiens, ceux s’engagent dans une pensée de type
philosophique de ceux qui sont avant tout des théologiens, exégètes,
commentateurs ou prêcheurs. Question de degrés et de nuances. Le
doute n’est pas permis pour des auteurs comme Marius Victorinus,
Ambroise de Milan ou Augustin d’Hippone. De même, dans le camp
païen, pour Macrobe. Mais ces exceptions ne sauraient masquer
la règle générale, aussi bien chez les païens que chez les chrétiens,
qui veut que la philosophie soit de plus en plus indiscernable de la
pensée religieuse.

• La philosophie romaine après l’Empire romain


(~430 à 636)
Augustin meurt en 430, Macrobe peu après, et les Vandales
s’emparent d’Hippone en 431. Dès lors, l’Empire se délite et devient
méconnaissable. Bien avant qu’Odoacre ne dépose le dernier empe‑
reur d’Occident (Romulus Augustule, en 476), une autre époque

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Histoire mondiale de la philosophie

s’instaure sur les ruines de l’Empire – l’Antiquité tardive. La phi‑


losophie survit aux institutions impériales, mais sous une forme
résiduelle. Les invasions barbares ont engendré une chute du niveau
culturel et un rapport plus lointain à l’écrit. La culture classique
n’est plus qu’un trésor antique que certains s’efforcent de sauver
comme des marins sur un navire naufragé. Les auteurs en question
(Boèce, Cassiodore, Isidore de Séville) sont eux-mêmes des chré‑
tiens : la philosophie païenne n’existe plus, sinon sous la forme
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d’abrégés et d’encyclopédies rédigées par ces trois derniers penseurs
d’importance. Leur grandeur, toutefois, ne saurait masquer leur
isolement. Ils sont des étoiles dans la nuit, des survivants d’une
civilisation moribonde.
Les grandes invasions ont pour effet de régionaliser la culture
romaine et de provincialiser la vie intellectuelle. L’Afrique, l’Espagne,
la Gaule et l’Italie ne sont plus connectées comme elles l’étaient.
Le latin lui-même commence à devenir une langue de lettrés en
décalage croissant avec la langue parlée. Or au-delà d’un certain
seuil critique d’incompréhension du latin littéraire par le commun,
les œuvres latines cessent de relever de la culture romaine1. La
littérature médio-latine – les œuvres du Moyen Âge – conserve de
la Rome antique sa langue, mais le lien culturel et intellectuel est
rompu. Isidore de Séville, le dernier auteur que l’on peut rattacher
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