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« Introduction » à L’Archéologie du savoir

Michel Foucault, Texte établi et introduit par Martin Rueff


Dans Les Études philosophiques 2015/3 (N° 114), pages 327 à 352
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0014-2166
ISBN 9782130651116
DOI 10.3917/leph.153.0327
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 14/07/2023 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.24)

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472 7 août 2015 10:54 - Comment lire L’archéologie du savoir de Michel Foucault ? - Collectif - Études philosophiques - 155 x 240 - page 327 / 472

« Introduction » à L’Archéologie du savoir

Texte établi et introduit par Martin Rueff


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1. Sous le titre « Introduction » à L’Archéologie du savoir nous présen-
tons un texte bien différent du texte introductif de la version définitive de
L’Archéologie du savoir1. Deux mots sur ce dernier pour éclairer la singularité
du premier2.
D’un point de vue philologique, comme l’indique la note de la page 27,
l’introduction définitive reprend pour partie un texte donné aux Cahiers
pour l’analyse, « Sur l’archéologie des sciences. Réponse au Cercle d’épisté-
mologie », (Cahiers pour l’analyse, n° 9, Généalogie des sciences, été 1968, pp.
9-40 ; Dits et Écrits tome I, texte n° 59, [Paris Gallimard 1994], Quarto,
2001, volume I, pp. 724-759) et pour partie les réponses à la revue Esprit
(« Réponse à une question », Esprit, n° 371, mai 1968, Dits et Écrits, texte
n° 58, ibid., pp. 673-795). Ce sont des normaliens, pour la plupart élèves
d’Althusser qui publièrent entre 1966 et 1969 les dix livraisons des Cahiers
pour l’Analyse. On peut indiquer la participation d’Alain Badiou, Alain
Grosrichard, Patrick Hochart, Jacques-Alain Miller, Jean-Claude Milner,
Jean Mosconi, François Regnault. Le texte de Foucault paraît dans un
numéro où l’on trouve aussi des textes de François Regnault, Thomas
Herbert, Jacques-Alain Miller, Antoine Culioli, Alain Badiou, Judith
Miller, Jacques Nassif, François Dagognet, mais aussi d’Alembert, Cuvier,
Lavoisier et Gaston Bachelard. Les questions adressées à Foucault furent
rédigées par Jacques-Alain Miller. « On n’aura eu d’autre dessein dans les
questions qui sont ici posées à l’auteur de Histoire de la folie, de Naissance
de la clinique et de Les Mots et les Choses que de lui demander d’énoncer sur
sa théorie et sur les implications de sa méthode des propositions critiques
qui en fondent la possibilité. L’intérêt du Cercle est allé à le prier de définir

1.  L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de philosophie », 1969.


2.  Ce texte se distingue aussi de « Le livre et le sujet », présenté comme l’introduction à
la première version inédite de L’Archéologie du savoir. Le texte a été établi par Frédéric Gros,
in Michel Foucault, Cahier de l’Herne, L’Herne, Paris, 2011, pp. 70-91. Je réserve à d’autres
développements la datation de ces projets.
Les Études philosophiques, n° 3/2015, pp. 327-351
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328 Michel Foucault

ses réponses par rapport au statut de la science, de son histoire et de son


concept. » Après avoir rappelé la notion de rupture épistémologique, le
Cercle fait remarquer : « L’auteur de Les Mots et les Choses marque une dis-
continuité verticale entre la configuration épistémique d’une époque et la
suivante. On lui demande quels rapports entretiennent entre elles cette
horizontalité et cette verticalité. La périodisation archéologique délimite
dans le continu des ensembles synchroniques, rassemblant les savoirs dans
la figure de systèmes unitaires. » D’où la question : « Accepterait-il qu’une
alternative lui fût proposée entre un historicisme radical (l’archéologie pour-
rait prédire sa propre réinscription dans un nouveau discours) et une sorte
de savoir absolu (dont quelques auteurs auraient pu avoir le pressentiment
indépendamment des contraintes épistémiques) ? » Si l’allure du question-
nement formulé par la revue Esprit est moins technique et plus délibé-
rément politique (« une pensée qui introduit la contrainte du système et
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la discontinuité dans l’histoire de l’esprit n’ôte-t-elle pas tout fondement à
une intervention politique progressiste ? »), Jean-Marie Domenach semble
être allé à l’essentiel. Foucault le souligne : « “Introduire la contrainte du
système et la discontinuité dans l’histoire de l’esprit ?” oui je me reconnais
là tout entier. [...] Vous êtes parvenu à donner de mon travail une défi-
nition à laquelle je ne peux éviter de souscrire, mais que jamais personne
ne voudrait raisonnablement reprendre à son compte. »
D’un point de vue systématique, cette introduction n’apparaît pas comme
telle dans la table des matières, mais comme une première partie sans titre à
laquelle répond la cinquième partie non titrée (à la différence des trois par-
ties centrales). Il reste que le mot d’introduction apparaît en titre courant (il
en va de même pour la conclusion). Le dispositif de L’Archéologie du savoir
est donc celui d’un triptyque (le champ : les régularités discursives ; l’objet :
l’énoncé et l’archive ; la méthode : la description archéologique), encadré par
une introduction et une conclusion qui ne disent pas tout à fait leur nom.
Introduction et conclusion portent moins sur la signification du livre que
sur sa position ou comme le dit Foucault, sur son « inscription » (cf. « cet
ouvrage, comme ceux qui l’ont précédé, ne s’inscrit pas… »).

2. Venons-en à cette première introduction qui n’est en rien un premier


état de l’introduction publiée, mais un tout autre texte.
La boîte XLVIII du Fonds Michel Foucault déposé à la Bibliothèque
Nationale de France contient le dossier préparatoire de L’Archéologie du
savoir.
La première pochette cartonnée de couleur rose reporte à gauche l’en-tête
École nationale d’administration et à droite, la mention manuscrite : Arch.
Sav. Prep. (Archéologie du savoir. Préparation). On y trouve une douzaine
de dossiers manuscrits constitués de feuillets regroupés dans des feuilles A 4
pliées en deux et qui reportent parfois des indications de titre. L’ensemble
représente 392 pages.
C’est le troisième dossier que nous reproduisons ici.
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  329

On trouve sur la feuille qui tient ensemble les feuillets les indications
suivantes :

« Introduction
1. Décrire les énoncés
2. L’existence des énoncés
3. Structure et énonciabilité3
a. Conditions de possibilité
b. Conditions de réalité
4. Mode d’être des énoncés : événement et rémanence
Histoire et condition de l’histoire »

Qu’une partie intitulée « Histoire et condition de l’histoire » soit biffée


peut offrir une indication essentielle sur le projet de Foucault. Ce n’est pas,
à l’heure de cette première ébauche, l’histoire qui est l’objet du premier
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projet de L’Archéologie du savoir ; c’est le langage, son existence, son surgis-
sement, sa « rémanence ». Ce n’est pas aux historiens que Foucault s’adresse
dans ce premier projet : c’est aux philosophes du langage et, plus intéressé
au factum loquendi qu’au factum linguae4, à ces derniers plus encore qu’aux
grammairiens. Aux philosophes du langage ? Lui qui voudra discuter avec
la phénoménologie husserlienne pour établir la possibilité d’un « a priori
historique5 », lui qui considère les historiens des Annales (Fernand Braudel
et Pierre Chaunu pour l’essentiel), mais aussi les épistémologues et les histo-
riens des sciences (Canguilhem surtout6) pour fonder son archéologie, c’est
avec les philosophes analytiques qu’il veut discuter pour établir la possibilité
de ce qu’il faut bien appeler ontologie du langage, puisque ce qui intéresse
Foucault ce sont les modes de formation, d’existence et de persistance des
énoncés. Son objet ne sera ni la phrase des grammairiens (Foucault lit alors
Chomsky), ni la proposition des logiciens, mais l’énoncé.

3.  Foucault semble avoir hésité entre deux dénominations : « énonciabilité » et « énon-
­çabilité ».
4.  Sur ces distinctions, voir Jean-Claude Milner, Introduction à la science du langage,
Paris, Seuil, 1989, pp. 41- 43.
5.  Voir Serge Valdonici, « Les incertitudes de l’Archéologie : archè et archive », in Revue
de métaphysique et de morale, 83e année, n° 1, janvier-mars 1978, pp. 73-101 ; Gérard Lebrun,
« Notes sur la phénoménologie dans Les Mots et les Choses », in Michel Foucault philosophe,
Rencontre internationale, Paris, 9, 10, 11  janvier 1988, Paris, Seuil, Des Travaux, 1989,
pp. 33-53 ; Béatrice Han, L’Ontologie manquée de Michel Foucault, entre l’historique et le trans-
cendantal, Grenoble, Jérôme Million, 1998, pp. 66-117 ; Jean-François Courtine, « Foucault
lecteur de Husserl. L’a priori historique et le quasi-transcendantal », in Giornale di Metafisica,
nuova Serie, xxix, 2007, pp. 211-232 ; Luca Paltrinieri, L’Expérience du concept, Michel
Foucault entre épistémologie et histoire, Paris, P.U.S., 2012, pp. 120-144 ; Dominique Pradelle,
Généalogie de la raison, Essai sur l’historicité du sujet transcendantal de Kant à Heidegger, Paris,
Puf, Épiméthée, 2013, pp. 421-431 et Walter Goris, « L’a priori historique chez Husserl et
Foucault », traduction J. Farges, in Philosophie, n° 123 (2014), pp. 3-27 et n° 125 (2015),
pp. 22-43.
6.  Luca Paltrinieri, op. cit., pp. 25-65.
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330 Michel Foucault

Entre fin 1966 et 1967 Foucault remplit des fiches entières sur des logi-
ciens et des philosophes analytiques – il est à cet égard bien en avance sur
son temps et la thèse d’un Foucault étranger aux questions techniques des
énoncés vrais et de la sémantique formelle relève de l’idéologie sinon de la
mauvaise foi. La boîte XLIII des archives contient dans l’enveloppe n° 2 un
grand nombre de fiches de format A 4 coupées en deux et regroupées dans
des feuilles de format A 4 repliées et permettant d’établir la connaissance
précise que Foucault avait des débats les plus contemporains.
Je propose une description de ces fiches dans une annexe.

3. En 1966, peu de philosophes français pouvaient se targuer d’une


telle connaissance de l’actualité analytique. On remarquera aussi un effet
de convergence des plus frappants et pour tout dire troublant. Au moment
où Foucault se penche avec passion sur le rapport de l’énoncé comme sur-
gissement et comme rémanence – c’est ce caractère ambigu qui est l’objet de
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l’archéologie –, certains des plus grands philosophes qui sont ses contem­-
porains, et parmi ceux-là certains sont très proches de lui, sont aux prises avec
des méditations voisines, fût-ce dans des contextes théoriques différents.
En 1967, Jacques Derrida  publie coup sur coup La Voix et le phéno-
mène (Paris, Puf ), De la grammatologie (Minuit) et L’Écriture et la différence
(Minuit). Gilles Deleuze, lui, publie en 1968 Différence et répétition et en
1969, Logique du sens. Il est peut-être temps d’interpréter cette convergence
– comment comprendre le sens et la portée du logos pour une « archéo-
logie », une « grammato-logie » et une « logique du sens » ? On peut aussi
se demander si ce point de convergence n’explique pas en partie l’abandon
d’un projet centré sur le logos pour un projet consacré à l’épistémologie de
l’histoire. Il me semble qui ni l’opportunité, ni l’opportunisme allégué par
certains, ne peuvent justifier une telle nécessité.
Seule cette double interrogation permettra de faire éclater les divergences
– qui portent sur la constitution du sens, sur son lieu et son historicité.

4. Dans le premier projet de L’Archéologie, c’est la description de


l’énoncé qui forme alors le cœur de la recherche et si l’on retrouve l’énoncé
au cœur du plan définitif de L’Archéologie du savoir, la question de la réma-
nence semble avoir pris le dessus et concerner davantage les épistémologues
de l’histoire7.
D’une version à l’autre de L’Archéologie du savoir, une doctrine de
l’énoncé et de sa description (une archéo-logie) laisse la place à une doctrine
de l’archive et de sa description (une archéo-logie).

7.  Angèle Kremer-Marietti, Michel Foucault, Archéologie et Généalogie, Paris, Grasset


1974 puis Librairie générale française, 1985 ; Jozef Van de Wiele, « L’histoire chez Michel
Foucault. Le sens de l’archéologie », in Revue philosophique de Louvain. Quatrième série, t.
81, n°  52, 1983, pp. 601-63. Ici-même les importantes contributions de B.  Mélès et de
L. Paltrinieri.
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  331

5. Est-il possible de dater cette pochette de couleur rose ? Les Mots et les
Choses est paru en mars 1966 avec quel succès, on le sait. En septembre 1966
Foucault décide de s’installer en Tunisie.
Un cahier à spirales vert (Fonds Foucault – boîte 91, cote 28730) reporte
sur la couverture les indications suivantes :
« Althusser 65
15 VII 66
Tunis 67 »
À l’intérieur, une fiche du Collège de France, plus tardive indique :
« Althusser
Tunis
Discours et énonciabilité
De l’autre côté Gram de Port Royal8. »

Les notes sur Althusser (elles portent sur le Pour Marx et sur Lire le
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Capital) datent du séjour à Paris. C’est en effet en septembre 1965 que Louis
Althusser avait envoyé à Foucault son Pour Marx avec la dédicace « Ces
quelques vieilleries ».
À recouper les indications du cahier vert et de la correspondance, il est
possible de dater ces pages avec un peu de précision entre les dernières semai-
nes du mois de septembre et le mois d’octobre 1966.
En novembre, de l’hôtel Dar-Zarouk, Foucault cherche une maison sur
la pente sauvage de la colline de Sidi-Bou-Saïd. « La théorie du discours reste
en friche, 396 pages à refaire » (lettre). Le 16 novembre il écrit : « J’ai trouvé
hier, ce matin, à l’instant, cette définition du discours dont j’avais besoin
depuis des années » (lettre).

6. En avril 1967, Foucault déclare à Georges Fellous (« La philosophie


structuraliste permet de diagnostiquer ce qu’est “aujourd’hui” », La Presse de
Tunisie, 12 avril 1967, p. 3 ; Dits et Écrits, texte n° 47, tome I, p. 584) : « Le
travail que je prépare maintenant est un travail de méthodologie concernant
les formes d’existence du langage dans une culture comme la nôtre. » Après
avoir lu la première « introduction », les lecteurs de L’Archéologie du Savoir ne
pourront plus ignorer, ou feindre d’ignorer, qu’il leur faut prendre cette indi-
cation au sérieux. Ils seront obligés de se demander si les difficultés qui ont
accom­pagné la rédaction de ce livre et brouillé jusqu’à aujourd’hui sa réception9

8.  J’extrais du cahier les dates et les indications suivantes : « 23 VIII Archéologie :
méthode de description du pensé. Mais étant bien entendu que le pensé peut être investi dans
une institution dans une pratique etc. » ; « 28 IX Contre l’hypothèse Whorf Sapir » ; « 29 IX
fait de parole : Le discours est le sol général sur fond duquel s’établissent la discipline de la
langue, de la forme des propositions, des actes de parole » ; « 5 X corrélation à la constitution
de l’archive » ; « Tunisie 15 X ; 18 oct :
1. L’archive-discours
2. Son histoire
3. La crise d’aujourd’hui ».
9.  Voir ici même les remarques de B. Mélès.
- © PUF -
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332 Michel Foucault

ne viennent pas de ce qu’un livre d’ontologie du langage fait encore sentir ses
effets dans un livre d’épistémologie de l’histoire.

7. Nous livrons ici une transcription sans annotation de cette introduc-


tion. Nous avons numéroté les feuillets entre crochets.
Nous tenons à remercier la famille Foucault pour son autorisation géné-
reuse et en particulier Henri-Paul Fruchaud pour son soutien généreux.
© Ayants droit Michel Foucault

*
*  *
[1] Décrire ce qui a été dit. Projet qui s’inscrit dans cette grande activité
murmurante et indéfinie par laquelle notre culture, depuis des années, décrit
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c’est-à-dire articule en propositions les rapports entre des faits, des Tatsachen.
Décrire, c’est faire passer dans un code linguistique donné et précisément
défini ce qui se donne selon des codes « naturels », des codes non réfléchis,
non purifiés, des codes reçus mais non maîtrisés. Décrire, ce n’est donc en
un sens rien de plus que transcrire, mais à l’intérieur d’une langue et ceci
grâce à l’établissement d’une sous langue dont les éléments sémantiques et
syntaxiques auront été définis. Toute description implique donc une opé-
ration métalinguistique. Décrire ce qui a été dit, c’est [2] transcrire ce qui a
été dit dans un ensemble de propositions. Apparemment il s’agit purement
et simplement d’une « traduction » : on a un groupe de phrases dans une
langue donnée – avec des mots et des constructions bien caractérisées, on
les transforme dans un autre groupe de phrases dans une langue ou une
sous langue différente. Pourtant traduction et description des énoncés ne
sont pas des activités identiques. Traduire un énoncé, c’est le transformer en
un autre énoncé qui soit tel qu’il lui soit équivalent, c’est-à-dire qu’il puisse
correctement le remplacer et exercer les mêmes fonctions que lui par rapport
au contexte. La compréhension linguistique des auditeurs ou lecteurs étant
[---] changée, les deux énoncés traduits et traduisants [sic] sont identiques
équivalents et de l’un on peut toujours passer à l’autre. Décrire un énoncé
en revanche, n’est pas lui substituer un énoncé qui lui soit équivalent. La
proposition « Il lui a dit de se lever » décrit très bien l’énoncé « levez-vous »
mais ne peut évidemment pas le remplacer pour jouer le même rôle dans le
même contexte. [3] Décrire un énoncé, c’est le faire passer dans une autre
langue ou une autre sous-langue de telle manière que soit énoncé au moins
un des rapports que cet énoncé entretient soit avec la langue dans laquelle
il est énoncé, soit avec le contexte à l’intérieur duquel il a été prononcé : la
description de l’énoncé ne le maintient pas dans le même contexte : elle fait
apparaître au moins un élément de son rapport à ce qu’on pourrait appeler
son espace d’énonciation (langue ou contexte). On va donc avoir trois types
très simples de descriptions d’énoncés : « cette phrase a été dite en français »
(rapport à l’espace linguistique), « il s’agit de la conclusion logique d’un dis-
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  333

cours » (rapport au contexte énonciatif ) ; « il lui a dit de se lever » (rapport
au contexte non linguistique).
On remarquera que l’activité linguistique n’a pas le même rôle que dans
la traduction. Celle-ci suppose une telle activité en ce sens qu’elle suppose
que soient définis le sens et les règles d’utilisation des symboles dans l’une
et l’autre langue. Dans le cas de la description, la position de l’activité méta-
linguistique est plus ambiguë : d’un côté [4] le métalangage est l’une des
descriptions possibles des énoncés (description métalinguistique puisqu’il
s’agit d’énoncer le rapport entre des énoncés – réels ou possibles, actuels
ou futurs – et l’ensemble des règles qui fixent le sens et l’utilisation des élé-
ments linguistiques). Mais d’un autre côté, il n’y a pas de description qui ne
suppose d’une façon ou d’une autre de telles définitions. Ce qui fait que la
description des énoncés est par rapport au métalangage une activité à la fois
conditionnante et conditionnée.
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Il y a cependant une autre différence, c’est que le métalangage en posant la
définition et les règles d’utilisation des symboles est une description prescrip-
tive. Il permet de construire des énoncés qui ne sont point encore apparus (et
éventuellement une série indéfinie d’énoncés). Il permet aussi d’établir quels
sont les énoncés qu’on peut considérer comme corrects et bien construits et
quels sont ceux qui ne le sont pas. Au contraire la description des énoncés
ne considère que les énoncés qui ont été effectivement articulés et tels qu’ils
l’ont été réellement. Il arrive parfois que cette description soit rectification.
Elle pourra [5] prendre la forme suivante : « Il a voulu dire en fait que vous
deviez vous lever » ; ou encore « on a cru/ il a parlé comme s’il s’adressait à
tous, mais en fait il ne parlait qu’à quelqu’un ». Mais ces descriptions cor-
rectives ne sont pas de l’ordre de la prescription : elles indiquent en fait un
certain rapport de l’énoncé avec l’espace d’énonciation, dans le premier cas,
le rapport de l’énoncé réel à un autre énoncé mieux adapté aux intentions du
sujet parlant ; dans le second, le rapport de l’énoncé réel avec les auditeurs
faisant partie de la situation contextuelle. De toute façon, on voit que la des-
cription des énoncés ne traite les énoncés que dans leur existence effective.
L’énoncé décrit est d’abord un xxx [Foucault a barré sans remplacer]. En ce
sens on peut dire que toute l’analyse sur le commentaire de l’aphorisme de
Wittgenstein où il est dit que les tableaux sont des faits [sic].
[6]

1. L’existence des énoncés


Peut-être un des traits qui caractérisent notre modernité, c’est qu’elle
a établi, c’est qu’elle est en train d’établir un certain mode de rapports aux
énoncés qui ont été déposés avant nous et le sont quotidiennement autour
de nous.
Certes il n’y a pas une seule culture au monde où ce qui se dit tombe,
sans trace ni réapparition possible dans l’indifférence d’un oubli mono-
tone. L’érosion de paroles prononcées n’est jamais totale, ni leur disparition
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334 Michel Foucault

immédiate. Une promesse faite, un règlement, une prescription ou une loi,


un mythe qu’on raconte, un récit qu’on répète, une certaine parole toute
puissante dont on garde, pour la transmettre le secret efficace et fragile, le
décompte des lieux, l’énumération d’une fortune, les consignes [7] d’un
apprentissage, tout ceci, et bien d’autres énoncés, constitue à chaque ins-
tant, une masse de discours qui sont, dans une culture donnée, enregistrés,
conservés, valorisés, utilisés. Il n’y a pas de groupe humain, il n’y a pas non
plus d’individu qui n’ajoute à sa capacité de former des énoncés nouveaux,
un certain pouvoir de « manipuler » des énoncés déjà existants, comme on
manipule des outils, des livres, des objets naturels, ou d’autres individus. La
« manipulation » des énoncés se fait cependant selon des modes singuliers
dont il faudra bien un jour entreprendre l’inventaire et la description. Il est
vrai qu’on en connaît beaucoup, et qui nous sont bien familiers : s’emparer
d’un énoncé pour le vérifier, ou, s’il est considéré comme vrai, pour le lier à
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un autre selon un rapport de principe à conséquence ; s’emparer d’un énoncé
pour le répéter tel qu’on l’a entendu et produire sur l’auditeur, sur le dieu
qu’on prie, sur le subordonné, sur la docilité magique des choses un effet
semblable ; s’emparer d’un énoncé pour le transformer en un autre qui lui
soit équivalent [8] ou pour faire apparaître, au-dessous du sens manifeste
et premier, un autre qui demeure comme enfoui. Mais il existe encore bien
d’autres traitements possibles des énoncés déjà articulés. On pourrait, peut-
être, concevoir de décrire une culture selon le sort qu’elle fait aux énoncés
qui, d’une manière ou d’une autre, apparaissent dans son aire : ceux qu’elle
néglige et ceux qu’elle conserve : ceux qu’elle valorise, ceux qu’elle interdit :
ceux qu’elle accueille de l’étranger, ceux auxquels elle refuse l’accès ; de quelle
façon elle les conserve ; de quelle façon elle les diffuse ou les garde en réserve,
quelles formes de réutilisation elle autorise, et à qui elle les permet etc. Notre
culture actuelle a elle aussi des modes de manipulation des énoncés : beau-
coup d’entre ces modes étaient pratiqués avant elle ou le sont ailleurs, cer-
tains lui sont propres.
Cependant ce que la culture moderne a de spécifique, c’est qu’elle est
en train d’instaurer aux énoncés en général un rapport neutre, non spécifié
et mono- [9] tone. Ce rapport implique d’abord qu’il n’y a pas, à la limite
d’énoncé absolument négligeable et que d’une façon ou d’une autre, traité
par telle ou telle méthode, et transformé de façon plus ou moins radicale,
tout énoncé doit pouvoir ou peut éventuellement entrer dans un nouveau
corps d’énoncés. Il implique en outre qu’aucun énoncé ne subsiste et n’est
maintenu dans l’existence en fonction d’un seul traitement, d’une seule
réutilisation possible, d’une seule manipulation ; sa survie et sa présence dans
l’aire intellectuelle ne sont pas déterminées une fois pour toutes pour ce
qu’on peut en faire ; mais il est en lui-même disponible pour tout traitement
éventuel et toute transformation qui pourra lui advenir ; et ces traitements,
loin d’être exclusifs les uns des autres, peuvent s’appliquer simultanément
à un seul et même énoncé. Enfin, il implique que les énoncés soient doués
d’une certaine autonomie ; non pas certes qu’ils puissent apparaître, se
- © PUF -
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  335

maintenir et se diffuser en dehors des supports matériels, qui peuvent être


fort divers, mais c’est qu’on leur reconnaît – indépendamment du moment
[10] où ils ont été articulés et celui où ils ont été réitérés ou transformés –
une existence neutre, indifférente, sourde, mais non moins réductible, sur
laquelle opèrent les actes divers de réactivation. Si bien que dans la culture
moderne, les énoncés avec lesquels on a rapport, ce ne sont pas ceux qu’on
commente, etc., c’est d’abord et avant tout la masse totale de ce qui a été
dit et se trouve directement ou indirectement conservé ; à cette masse la
culture moderne a rapport dans la mesure où elle fait place à ce fourmil-
lement de choses dites, où elle accueille la rumeur immense et où elle lui
prête l’oreille. Sur fond de ce rapport premier, la culture moderne établit une
série ouverte de relations spécifiques : ce sont les divers traitements, manipu-
lations, transformations, changements, et réactivations qu’elle fait subir à
ce corpus d’énoncés et dont elle sait bien maintenant qu’ils peuvent parfai-
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tement s’entrecroiser, qu’on aura encore sans doute l’occasion d’en découvrir
de nombreux, et qu’ils supposent tous l’existence préalable, indéfiniment
cumulative des énoncés. [11] Qu’un tel rapport – général et non spécifié – à
la masse des énoncés existants soit en train de s’instaurer, c’est ce qu’on peut
remarquer à un certain nombre de signes parfaitement visibles. Au premier
rang, le fait qu’il n’y a plus, au moins en droit, d’énoncé qui soit pour nous
tout à fait étranger ou tout à fait mort : un regard ethnologique, historien,
sociologique, freudien, un regard de linguiste ou de sémiologue peut tou-
jours se poser sur le plus mince, sur le plus oubliable des énoncés. Il n’y a
pas de texte, aussi insipide qu’il soit, il n’y a pas de récit absurde, de mythe
étrange, de cosmogonie abandonnée, de fausse science, de slogan publici-
taire, d’expressions familières, de faits divers racontés par les journaux qui
ne puisse être analysé selon son contenu ou sa forme, selon ses significations
explicites et implicites, selon ses règles de construction, selon son occurrence
et ses répétitions. Inversement, le domaine de l’énonçable s’étend sans limite
[12] qu’on puisse assigner à l’avance et comme de plein droit. Les bornes que
les cultures antérieures ou étrangères à la nôtre fixent à ce qui ne mérite pas
d’être dit, ou à ce qu’il est interdit de nommer, sont en train de s’effacer : tout
a besoin de se transformer en langage et de trouver un moyen de s’énoncer.
Tout se passe comme s’il y avait dans notre discours un perpétuel mouvement
pour aller plus loin : mais non pas en ce sens que le même discours pourrait
indéfiniment se continuer, ou que la langue pourrait toujours former des
propositions nouvelles (ceci se produit dans toutes les cultures et à toutes les
époques), mais en ce sens qu’il existe toujours de nouvelles « choses à dire »,
de nouveaux objets que le langage investit, se fixant sur eux et les faisant en
retour apparaître, des plans nouveaux que les énoncés doivent parcourir, et
des niveaux imprévus où la parole se situe. Devant la souveraineté du dis-
cours, la barrière du sacré, de l’interdit, de la pudeur, ou de l’indifférence,
paraissent devoir s’abolir. Nous sommes – semble-t-il – à l’âge de l’infinie
description : tout doit pouvoir passer sinon dans « le » langage, du moins
dans le code [13] d’un langage approprié. Et le langage lui-même et le dis-
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336 Michel Foucault

cours et les énoncés et la langue ne sont-ils pas eux aussi indéfiniment des-
criptibles ? On pourrait repérer un troisième signe de ce rapport général à la
masse des énoncés dans la pléthore soudaine des méthodes de transcription,
sous ce titre, il faut entendre l’ensemble des techniques par lesquelles on peut
transformer un énoncé en un autre, soit en le maintenant à l’intérieur d’un
même code, soit en le faisant passer d’une langue naturelle dans une langue
artificielle, soit en le traduisant dans un langage formel. Toute cette immense
activité de transcription permet de multiplier les énoncés les uns à partir des
autres, d’accroître les possibilités de la description, donc le nombre de choses
qu’il était possible de nommer ; et d’un autre côté, elle permet d’augmenter
les possibilités de l’inscription, c’est-à-dire de l’enregistrement, de la conser-
vation et de la réactivation des énoncés. Le maintien intégral et la disponibi-
lité sans restriction de ce qui a été dit, s’ils ne sont pas effectivement assurés,
constituent l’horizon d’une possibilité ouverte. [14]
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Ainsi apparaît dans notre culture une dimension qui n’existe proba-
blement dans aucune autre, c’est l’expérience du langage comme tel. Cette
expérience n’est pas celle du pouvoir merveilleux ou des limitations, ou de
l’origine énigmatique du langage, ce n’est pas celle non plus des lois qui
régissent, soit la constitution des énoncés, soit les relations entre les éléments
linguistiques, soit encore l’évolution historique des sons, des mots ou des
règles. C’est l’expérience que le langage existe, comme un immense corpus
d’énoncés qui n’a pas cessé de s’accumuler depuis que les hommes parlent.
Ces énoncés ont des sorts divers : certains sont restés valables et nous pou-
vons les répéter aujourd’hui comme s’ils étaient actuels. Rien ne les lie à la
date de leur apparition ; d’autres au contraire ne subsistent plus qu’à titre de
traces endormies et nul ne pourrait les réactiver, si ce n’est à titre de curio-
sité, de fait historique, d’événement situé dans le temps et l’espace. Certains
subsistent tels qu’ils ont été formulés : voix enregistrée ou graphismes dépo-
sés sur une pierre, un [15] parchemin ou un papier ; d’autres ont subi des
métamorphoses qui les ont éloignés de leur forme d’origine. Certains sont
demeurés dans le seul domaine de l’expression verbale, où ils ont pu avoir
une place plus ou moins importante ; d’autres se sont noués aux choses,
se sont transformés en institutions, ont constitué des pratiques ou se sont
greffés sur elles : et c’est dans cet enchevêtrement qu’ils ont survécu ou qu’ils
se sont éteints mais cette diversité de fortune suppose que l’énoncé existe ;
qu’il existe au moment même où il naît, dans cette voix qui le prononce,
dans ces signes alignés qui les manifeste[nt] sur ce petit fragment d’espace,
mais qu’il existe aussi après que se soit tue la voix qui l’articulait, une fois que
fut suspendu ce geste qui le traçait, et que seule cette existence de l’énoncé
rend possible l’actuel traitement qui le réactualise, le combine, le transforme,
l’analyse. Cette existence des énoncés qui les rend ainsi disponibles, c’est elle
qui se découvre, maintenant dans sa neutralité ; c’est elle dont l’expérience,
formulée [16] encore de façon bien imprécise se dessine sous toutes les mani-
pulations théoriques et pratiques qu’on fait subir au langage : c’est elle sans
doute qui contraint de poser la question du mode d’être des énoncés.
- © PUF -
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  337

Cette question n’est pas facile à repérer dans son autonomie ; et sans
doute faut-il toute une élaboration pour pouvoir la poser avec précision. On
peut cependant reconnaître, au moins sur le mode négatif et à titre de pré-
alable, ce qu’exige sa détermination. Il faut essayer d’atteindre les énoncés
dans ce qui les fait exister et subsister indépendamment de tous les trai-
tements qui assurent leur réactualisation effective pour les ressaisir dans cette
dimension qui les rend, d’une façon générale, réutilisables. D’une façon sin-
gulière, il faut les affranchir de deux grands types d’opération qui servent
dans la culture occidentale à les réactiver depuis des siècles : la critique et
le commentaire. [17] La critique d’un énoncé le confronte à un ensemble
de règles. Celles-ci peuvent être des règles de validation et permettent de
déterminer dans quelle mesure et par rapport à quoi un énoncé peut être
considéré comme vrai. Elles peuvent être aussi des règles de construction :
elles permettent alors de déterminer si l’énoncé est correct, si l’utilisation des
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symboles est conforme à la définition qu’on en a donnée, si leur composition
suit en effet les types d’enchaînement qui ont été posés ou reconnus. Cette
critique – qui peut être, selon la nature des éléments qu’elle traite, logique,
grammaticale ou rhétorique – introduit toujours l’énoncé dans un univers
de règles considérées comme actuelles, et c’est comme ensemble d’unités à
construire, effectivement construites, et pouvant être de nouveau construites
au moment même où elle s’exerce, que la critique considère les énoncés et
entreprend de les analyser. Elle les situe dans un espace de perpétuelle possi-
bilité où se détermine leur conformité à des règles mais où leur mode d’exis-
tence se trouve nécessairement esquivé.
[18] Le commentaire, lui, a pour fin de transformer l’énoncé en une
série d’autres énoncés. Ces derniers sont chargés de dire ce qui n’était pas dit
dans l’énoncé lui-même : soit qu’il ait pour rôle de cacher une partie de ce
qu’il manifestait cependant à travers les mots ; soit qu’il ait été soumis à des
règles, à des lois, à des déterminations qui ne sont pas seulement celles de sa
construction visible, si bien qu’il faut, pour saisir tous ses rapports internes,
le replacer dans des espaces qui l’enveloppent et qui peuvent être psycholo-
giques, historiques, religieux, culturels, etc. ; soit encore qu’il comporte par
l’ambiguïté de ses symboles ou de sa construction, plusieurs significations
superposées qu’il s’agit de mettre au jour et de formuler chacune pour elle-
même ; soit encore qu’on veuille reconstruire à partir de lui l’identité ou les
traits singuliers de celui qui l’a formulé, les circonstances dans lesquelles il a
été articulé, l’objet naturel ou culturel auquel il se rapportait. Mais de toute
façon le commentaire suppose toujours derrière l’énoncé qu’il commente
un autre texte, non encore formulé, mais qui constitue le secret, la vérité,
[19] le contenu implicite, ou l’origine de l’énoncé en question. C’est ce texte
d’après-coup, mais idéalement plus primitif, cette parole initiale et retirée
que le commentaire a pour tâche de restituer et dont il donne lui-même
comme le corps enfin devenu visible. Si bien que commenter suppose tou-
jours trois étages d’énoncés : au centre, celui qu’on traite ; au-dessus, ce
qu’on dit sur lui ; au fond ce qu’on suppose être dit sous l’énoncé lui-même,
- © PUF -
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338 Michel Foucault

porté secrètement et caché par lui, à la fois manifesté et non dit par les mots
qu’il emploie, et qui se formule enfin pour la première fois dans ce qu’on dit
sur l’énoncé. C’est ce rapport ambigu, complexe, profondément mythique
sans doute, que déploie le commentaire. Comme la critique, il esquive le
mode d’être de l’énoncé lui-même, mais d’une autre façon : il décrit la pré-
sence étrange, à la fois muette et parlante, d’un autre ensemble d’énoncés
qui constitue la vérité de l’énoncé étudié, fonde sa raison d’être et lui donne,
hors de lui-même, une existence à la fois primitive et présente, virtuelle et
réactualisée. [20] Ni la critique ni le commentaire ne peuvent interroger le
mode d’être des énoncés. Celui-ci parce qu’il leur prête une autre existence
partagée entre l’ancienneté d’un secret et son actuelle manifestation ; celle-là
parce qu’elle les analyse selon les règles qui les rendent possibles (valables ou
corrects). Le commentaire pose la question : quels sont donc les autres énon-
cés qui soutiennent celui que nous avons sous les yeux, qui lui ont donné
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l’existence, ont parlé à travers lui, l’ont autorisé à vivre jusqu’à nous, et qui,
peut-être, nous font aujourd’hui le formuler enfin ? La critique pose la ques-
tion : quelles sont les règles qui ont présidé à la construction de l’énoncé,
qui ont donné un sens à ses symboles, prescrit leur place dans la chaîne, et qui
permettent aujourd’hui d’en dire la vérité ou la régularité ? En ces deux ques-
tions, ou plutôt en dehors d’elles, et pour qu’elles puissent se poser, une autre
apparaît qu’il faudra examiner, indépendamment de l’entreprise critique ou
de la tâche du commentaire : de quelle forme d’existence un énoncé doit-il
être doté pour pouvoir, une fois qu’il a été énoncé, devenir l’objet d’une [20]
réactivation, d’un traitement, d’une transformation quelconque, et singuliè-
rement pour pouvoir devenir objet d’un commentaire ou d’une critique ?
Qu’est-ce donc, dans une culture comme la nôtre, que cette existence des
énoncés ? Quelle est cette subsistance d’une masse sombre, neutre, murmu-
rante de choses dites et qui sont là, tout autour de nous, d’une présence diffi-
cile à cerner mais ineffaçable, avant que nous prononcions la moindre de nos
phrases ? On voit qu’en un sens le problème est inverse de celui défini par la
grammaire générative : il ne s’agit pas en effet de savoir comment, un état de
langue étant donné, il est possible de construire une série indéfinie d’énon-
cés, mais de savoir sur quel mode existent, pour nous qui parlons, tous les
énoncés qui nous précèdent. [21] Il faut donc suspendre toute opération sur
ces énoncés, toute entreprise de réactivation. Il faut se garder de chercher
s’ils sont vrais, ou si d’autres choses, à peine dites se cachent en eux. Il faut
se garder de les reprendre à notre compte, de quelque manière que ce soit. Il
ne faut donc point les considérer comme un ensemble de propositions plus
ou moins répétables par nous, plus ou moins signifiantes pour nous, plus ou
moins actives en ce que nous disons ou allons dire. Mais les regarder comme
des événements singuliers et qui ont la propriété de subsister sur un mode
lui aussi singulier. Traiter les énoncés comme des choses. Se placer dans la
dimension, non pas de ce qu’on peut dire, non pas de ce qu’on a voulu [dire ?
– le mot manque] sans le dire tout à fait, mais de ce qui a été dit, dans la
mesure où ce fut effectivement dit.
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  339

[22] 2- L’énonciabilité

Le problème est de décrire un énoncé comme une chose. La description


linguistique en effet n’atteint l’énoncé que dans sa virtualité : un état de la
langue étant donné (et il peut s’agir non seulement de la langue d’un peuple
pendant une période déterminée, mais de la langue d’un groupe déterminé,
ou encore de la langue d’un individu, à telle époque ou dans telle de ses
œuvres), décrire un énoncé, c’est définir les éléments dont il est composé,
les règles de construction qui l’ont formé, la signification qui est ainsi cons-
tituée ; c’est dire comment la langue (ou un état de cette langue) rend cor-
rect  et signifiant cet énoncé (et tout énoncé de même type) ; ce n’est pas
dire pourquoi c’est cet énoncé qui est apparu. Dans une pareille description,
seule la langue est réelle ; l’énoncé, lui, n’est rien de plus qu’une des virtua-
lités [23] de la langue. Or s’il est vrai que le nombre d’énoncés qu’on former
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[a] [ou qu’on peut former] à partir d’une langue est pratiquement indéfini,
s’il est vrai aussi que les énoncés effectivement prononcés dans une langue
sont innombrables, il n’en reste pas moins que bien des énoncés qui sont
possibles n’ont jamais été formulés réellement. Aussi nombreux que soient
les énoncés observables, à un moment donné, aussi divers qu’on les suppose,
ils n’occupent jamais la totalité de l’espace qui est ouvert par la virtualité de
la langue. L’univers du prononcé est plus étroit que l’univers du pronon-
çable. Or la description purement linguistique des énoncés les replace dans
l’univers du prononçable, alors que les descriptions des énoncés comme évé-
nements doivent les replacer dans le seul espace de ce qui a été effectivement
prononcé. Cet espace, immense sans doute, mais limité, doit permettre de
définir, quand on l’analyse, non pas les conditions de possibilité, mais de
réalité, des énoncés.
Qu’est-ce qu’un énoncé effectivement formulé par opposition à un
énoncé linguistique ? [24] C’est un énoncé qui a un auteur, – lequel l’a
articulé oralement ou tracé par écrit –, un moment et un lieu où il a été
prononcé ; c’est un énoncé dont la formulation consistait en certains acte[s]
(ordre, prière, démonstration), et visait un certain objet. Ce qui distingue
une expression énonçable, d’une expression réellement énoncée, c’est donc
un ensemble d’éléments qui n’appartiennent pas à la langue, et qui consti-
tuent tout autour de l’énoncé – avant lui, en même temps que lui – son
versant extralinguistique qu’il s’agit de décrire – non pas certes, en lui-même,
mais dans son rapport à l’énoncé, plus exactement, dans cette fonction qui
lui permet de délimiter le formulable et de faire apparaître la région singu-
lière du formulé. Quelle est donc cette instance qui détermine de l’exté-
rieur l’univers virtuel de la langue ? En ce point, on rencontre une objection
préalable et une solution toute faite. Elles semblent tout à fait différentes et
comme d’inspiration opposée ; en fait elles s’appuient l’une à l’autre.
[25] L’objection consiste à dire qu’en fait la langue en tant que système a
été établie par le linguiste à partir des énoncés effectivement articulés, et que
pour les sujets parlants eux-mêmes, elle n’est point donnée en dehors de ce
- © PUF -
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340 Michel Foucault

qui est effectivement dit, il serait donc faux d’imaginer la langue comme une
sorte de vaste domaine virtuel qu’une série de choix viendrait ensuite décou-
per et faire passer partiellement à l’actualité : une langue, c’est le système des
énoncés réels. On peut répondre à cette objection que la langue, telle qu’elle
est construite par le linguiste, est bien établie à partir des seuls énoncés qui
ont été formulés, ou qui le sont actuellement ; mais que le propre de ce sys-
tème, c’est de pouvoir engendrer, à chaque instant, des énoncés nouveaux,
qui sont corrects, qui ont un sens, qui sont compris des interlocuteurs et
qui ne modifient pas la langue elle-même. Il faut donc reconnaître que la
langue est moins un ensemble d’éventualités données a priori, qu’une possi-
bilité [26] quasi indéfinie d’énoncés nouveaux. Mais le problème est alors de
savoir à quelles limites se heurte effectivement cette prodigieuse fécondité.
Comment peut-il se faire que certains énoncés apparaissent, et seulement
en un moment déterminé du temps ? comment peut-il se faire que cer-
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tains énoncés n’apparaissent pas ? Qu’est-ce qu’une nouveauté dans l’ordre
de l’énonciation si on met à part les mutations de la langue elle-même ?
Le pouvoir d’engendrement d’une langue dépasse toujours la totalité des
énoncés qui y figurent : et c’est seulement lorsque cette limite qui maintient
toujours l’étage des énoncés en dessous des pouvoirs du langage aura été
ressaisie qu’on pourra décrire les énoncés comme événements dans leur exis-
tence réelle. Les énoncés effectifs appartiennent de toute nécessité à la langue
dans laquelle ils ont été articulés ; mais si on veut savoir ce que c’est pour un
énoncé qui existe réellement [d’] avoir été prononcé à un moment donné,
il faut déterminer la ligne qui sépare les pures possibilités de la langue de
la masse des choses dites : la ligne de l’énonciation impossible [27]. Quant
à la solution toute faite elle consiste à supposer que l’apparition des énoncés
dans le champ de possibilité de la langue est due à l’existence de sujets qui
parlent, de circonstances qui provoquent l’acte de parole, de représentations
individuelles ou collectives qui déterminent ce qu’on dit. Ces éléments cons-
titueraient le principe de choix qui assure parmi tous les énoncés l’apparition
de certains d’entre eux à un moment donné. Poser la question des énoncés
réellement effectués reviendrait donc à poser une question qui, échappant
entièrement au domaine du langage, reviendrait aussitôt à la psychologie
des individus, à leur histoire concrète, au champ culturel auquel ils appar­-
tiennent. Les énoncés effectifs ne seraient que la découpe, par une histoire
réelle (celle des hommes et des choses) d’un espace virtuel ouvert par la
langue. À la linguistique de dire quels sont les énoncés possibles (signifiants,
corrects ou « grammaticaux »), à l’histoire de dire pourquoi et comment cer-
tains d’entre eux (et ceux-là seulement) ont été choisis. Mais cette hypothèse
[28] – qui vaut presque comme une évidence tant elle est familière – laisse
entier le problème de savoir comment, jusqu’à quel point, et de quelles façons
les individus (compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se trouvent,
des représentations qu’ils se font ou qu’ils ont reçues) disposent de la langue
qui est la leur. À dire vrai, ils n’en disposent pas comme d’un ensemble infini
de combinaisons possibles dont certaines sont valorisées, appelées, et comme
- © PUF -
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  341

rendues nécessaires, alors que les autres seraient sans signification ou sans
utilité et par conséquent demeureraient muettes ; ils en disposent plutôt à
l’intérieur d’un ensemble de choses dites et de choses à dire (même si elles
n’ont jamais encore été dites) ; et cet ensemble – beaucoup moins vaste que
celui des énoncés possibles – constitue le champ réel qui limite et condi-
tionne les énoncés qui apparaissent. L’homme qui parle n’est pas un être
qui d’une part détiendrait avec sa langue un pouvoir infini d’énoncer et qui
d’autre part se trouverait dans des circonstances ou au milieu d’une culture
ou avec la charge d’un passé, d’une mémoire, d’une accoutumance [29] le
contraignant à choisir de préférence ou mieux, exclusivement, tel énoncé aux
dépens de tous les autres ; il ne dispose de son langage qu’à l’intérieur d’un
domaine « d’énonciabilité » qui prescrit les limites de sa parole, et constitue
la condition de réalité de son énoncé. On voit que l’objection et la solution
toute faite qu’on a rencontrées, supposaient l’une et l’autre que les énoncés
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effectifs sont prélevés directement sur les possibilités de la langue ; et que
s’ils constituent par rapport à tout ce qui pourrait être dit un sous-ensemble,
les critères qui permettent de définir et les catégories qui autorisent sa des-
cription ne peuvent être empruntés qu’à une réalité extérieure non seulement
à la langue, mais aux énoncés eux-mêmes. Les énoncés effectifs seraient donc
au point de croisement entre un pur espace de possibilité et un principe
externe de réalisation : la limite séparant ce qui « peut » se dire et ce qui est
réellement dit n’a d’autre origine que ce principe externe. Or, il semble au
contraire que chaque énoncé, pris dans sa réalité (chaque énoncé en tant qu’il
est réellement prononcé) appartient [30] à deux systèmes de possibilités :
l’un qui est défini par la langue et qui constitue la « grammaticalité » de
l’énoncé ; l’autre plus restreint qui constitue son « énonciabilité ». Le premier
a sans doute été établi à partir des énoncés réels, mais il permet de construire
n’importe quel type d’énoncés, et le propre d’une grammaire, c’est justement
de pouvoir construire des énoncés acceptables pour les sujets qui parlent la
langue en question. Quant au second, il a été établi à partir des énoncés réels,
mais de telle façon qu’il fasse apparaître ce qu’il y a de commun aux énoncés
étudiés et à ceux-là seulement : c’est un système de possibilité qui ne déter-
mine pas les règles d’une construction légitime, mais les lois immanentes aux
seules constructions effectives ; il définit la possibilité réelle d’un énoncé :
comment peut-il se faire qu’il ait été réellement prononcé ?
Cette question et l’analyse qui se déploie à partir d’elle ne suppriment
pas pour autant la considération de l’individu qui parle, des circonstances
dans lesquelles il se trouve, et des représentations qu’il peut avoir dans l’esprit.
On [31] sait bien que pour dire « la même chose » deux individus n’emploie-
ront pas les mêmes mots ni les mêmes tournures, et produiront deux énoncés
différents ; on sait bien que selon le contexte extralinguistique la même signifi-
cation peut passer [par] des énoncés qui n’auront peut-être qu’un seul mot
en commun ; on sait bien que le même énoncé peut avoir aussi deux signifi-
cations différentes selon les propositions qui l’entourent ou même selon les
représentations de celui qui parle. Tout ceci permet de caractériser l’énoncé
- © PUF -
7 août 2015 10:54 -Comment lire L’archéologie du savoir de Michel Foucault ? - Collectif - Études philosophiques - 155 x 240 - page 342 / 472 7 aoû

342 Michel Foucault

dans ce qu’il a d’individuel. C’est le système de son actualité : non pas ce qui
l’a rendu possible en général [ ?] c’est-à-dire grammatical et acceptable pour
tous les sujets parlants, non pas ce qui l’a rendu lui (et tous ceux qui ont été
prononcés réellement) possible c’est-à-dire effectivement énonçable par un
sujet parlant quel qu’il soit, mais ce qui lui a donné sa forme singulière (qu’il
ne partage peut-être avec aucun autre). Mais quand bien même cet énoncé
serait absolument singulier, quand bien même personne d’autre ne l’aurait
prononcé, il faut bien, pour qu’il soit énoncé dans telle langue et compris
de ceux qui la parlent, [32] qu’il obéisse aux conditions de possibilité qui
définissent le champ grammatical ; et il faut bien aussi, pour qu’il ait été pro-
noncé par quelqu’un, qu’il obéisse aux conditions de possibilité que définit
le champ de l’énonçabilité.
Dans la mesure où il est plus malaisé à définir et peut-être à atteindre,
c’est à lui qu’il faut s’arrêter. Il faut remarquer d’abord qu’il semble aussi
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difficile à percevoir que les deux autres semblent donnés immédiatement à
l’expérience. Cette quasi-invisibilité tient au fait que le champ de l’énoncia-
bilité n’est peuplé que des énoncés effectivement articulés, et qu’il pourrait
bien n’être que la somme de ce qui a été dit : est-il autre chose que cette
mémoire oublieuse qui enregistre pour une part ce qui a été dit, et pour une
autre part, le laisse s’effacer dans le mouvement d’un murmure continu ? Elle
tient aussi au fait que le système de la langue, établi à partir du corpus des
énoncés, définit les éléments et les lois de construction qui sont communes
à tous ces énoncés. Le champ de l’énonçable n’est donc d’un côté que la
somme jamais totalisable de ce qui a été dit ; et de l’autre, il n’est que le maté-
riau infini dont la grammaire [33] définit, par récurrence, les règles. Mais
qu’il soit ainsi dispersé dans la masse des énoncés réels si démesurée qu’on
ne peut la parcourir en entier, puis recouvert par l’analyse de la langue qui
en définit les structures, si générales qu’elles peuvent valoir encore pour une
infinité d’autres énoncés, tout ceci n’empêche pas que le domaine de l’énon-
çable ait sa configuration propre : c’est elle qu’il s’agit de découvrir entre les
conditions de la langue et les déterminations des énoncés particuliers.
Il faut remarquer d’autre part que ce domaine de l’énonçable a comme
la langue une histoire. À dire vrai, il n’est même qu’histoire, puisque chaque
énoncé, pourvu qu’il soit nouveau (soit qu’il dise autrement la même chose,
soit qu’il dise exactement de la même façon et avec les mêmes mots, une
autre chose) modifie, ne serait-ce que de façon infinitésimale, le domaine
en question. Tout énoncé est événement dans cet espace et celui-ci est tou-
jours modifié peu ou prou par cet événement. En cela, il n’est guère différent
de la langue qui elle aussi est sans cesse modifiée par ce qui se dit. Mais il
est beaucoup plus mobile qu’elle, sa périodisation est bien plus difficile à
établir, et ses découpages [34] sont loin de coïncider avec ceux qu’elle auto-
rise. On a cru parfois qu’il suffisait de faire l’histoire de la langue (noter
l’apparition d’un mot, ou faire l’inventaire d’un champ sémantique) pour
définir ce qui a été énonçable à une époque donnée : en fait les phénomènes
linguistiques peuvent signaler et souvent avec efficacité une réorganisation
- © PUF -
472 7 août 2015 10:54 - Comment lire L’archéologie du savoir de Michel Foucault ? - Collectif - Études philosophiques - 155 x 240 - page 343 / 472

« Introduction » à L’Archéologie du savoir  343

du champ des énoncés possibles ; ils ne permettent pas de la décrire de façon


adéquate, dans la mesure où ils n’en sont, la plupart du temps qu’un effet
ou un épisode adjacent. L’histoire du mot « progrès » n’épuise en aucune
manière (bien qu’elle puisse aider dans cette direction) la grande réorgani-
sation du xviiie siècle, de ce qui était énonçable, à propos du temps et de
l’histoire ; l’apparition du mot « mammifère » signale mais ne permet pas
de décrire la mutation dans le régime des énoncés descriptifs qui a permis
qu’on isole l’ensemble des corrélations caractéristiques du genre « mam-
mifère ». L’analyse des énoncés et de leur domaine ne se confond pas avec
l’histoire des mots qu’ils utilisent : celle-ci, ce n’est que l’histoire des dénomi-
nations. Mais la principale différence entre l’analyse d’une langue historique-
ment donnée et l’analyse [35] d’un ensemble d’énoncés, c’est que celui-ci peut
être choisi d’une façon beaucoup plus arbitraire : on peut prendre un groupe
d’énoncés très restreint pendant une période très brève, ou au contraire un
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ensemble fort vaste qui embrasse des siècles, et des groupes linguistiques très
différents : on pourrait prendre l’ensemble des énoncés qui concernent l’his-
toire, et ceci dans la culture occidentale depuis les premiers historiens grecs.
L’espace de l’énonçabilité ne comporte guère de marques qui permettent
un découpage irrécusable et surtout immédiatement acceptable : les délimi-
tations sont toujours des hypothèses de travail qui se vérifient de l’intérieur et
ne peuvent présenter leur justification qu’après coup. L’analyse des énoncés
suppose toujours une construction (découpage, isolement, rapprochement)
qui permet de les décrire : les groupes d’énoncés ne se manifestent pas
d’eux-mêmes comme objets à décrire.
Enfin, il faut remarquer que ce domaine ne peut être assimilé à la pure et
simple somme des énoncés singuliers. En effet ceux-ci [en effet] sont liés à un
contexte (verbal ou non), et ils sont destinés soit à passer sans trace (comme
un appel, un ordre) soit au contraire à durer [36] quelque temps (un règle-
ment affiché, une loi), ou éternellement (une démonstration, une consti-
tution). Dans le domaine de l’énonçabilité, les énoncés nouent entre eux ou
avec le temps des rapports très différents. D’une part, ils deviennent contem-
porains les uns des autres, puisque l’énonçabilité doit définir l’ensemble des
conditions qui les ont rendus tous réels ; leur « contexte » n’est donc plus
celui qui les a vus apparaître et qui forme leur entourage immédiat ; c’est
un contexte qui ne leur était pas présent (et dont le sujet parlant ne pouvait
avoir conscience) et qui n’apparaît que par la médiation d’une opération
constructive. D’autre part, ces énoncés qu’on décrit sont tous par définition
des énoncés à la fois passés ou conservés [sic] : ils sont passés (même si celui
qui les analyse est absolument contemporain de ceux qui les ont formulés), et
ils sont conservés (même s’ils n’étaient point [ ?] destinés à l’être, même si un
hasard les a sauvés de l’oubli). Il apparaît alors que leur destinée temporelle,
dans le champ de l’énonçabilité, n’est pas celle qui leur était prescrite par leur
formulation première : un énoncé qui devait être éternel peut être tombé
très [37] vite hors du domaine de ce qu’on a pu désormais [sic] prononcer ;
il ne figure plus dans aucune mémoire, personne ne peut le réactiver et le
- © PUF -
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344 Michel Foucault

reprendre à son compte ; il dort dans une archive muette. Mais d’un autre
côté rien de ce qui a été énoncé n’est indifférent par rapport à ce qu’on peut
énoncer. Et c’est par un groupe de transformations propres au domaine des
énonçables qu’on passe d’une limite à une autre d’énonçabilité. Ce domaine
a donc une historicité qui le caractérise et qui le distingue aussi bien de la
langue que du cumul des énoncés individuels.

[38] 3- Événement et rémanence

Il s’agissait au point de départ de départ, de décrire les énoncés dans


leur existence propre : non point comme manifestation d’une structure dont
l’analyse de la langue nous donnerait le principe et la loi, mais plutôt comme
événement. Le problème était de savoir ce que c’est pour un énoncé d’exis-
ter. Si fortes en effet sont les structures qui définissent sa validité, sa cor-
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rection ou sa « grammaticalité », si manifestes aussi le sens qu’il exprime et
la chose qu’il vise, qu’entre la langue dont il relève et le monde dont il parle,
il semble ne guère détenir par-devers lui d’existence propre. Il n’apparaît
que pour disparaître aussitôt : ou s’il demeure, conservé par quelque artifice
ou par un accident, n’est-ce pas comme l’ombre à peine perceptible, et en
elle-même sans importance de ce qu’il dit ? De là [39] sans doute qu’on a si
peu considéré le mode d’être propre aux énoncés – sauf peut-être lorsqu’il
se donne sous les espèces de l’écriture et dans cette mesure seulement. En
fait, pour pouvoir le ressaisir, malgré sa quasi-transparence, ce n’est point à
ce qui entoure l’énoncé qu’il faut s’adresser, ni même sans doute à ce tout
proche support que peuvent être l’écriture ou la voix : mais bien à l’énoncé
lui-même dans cette région équivoque où il réside et où il n’est ni bruit ni
trace, mais quelque chose qui se donne une première fois, puis se répète ou
se maintient dans la forme des sons ou dans celle des graphismes. Certes ni
les sons ni les traces ne sont inutiles pour définir le mode d’être de l’énoncé ;
mais ils n’en détiennent pas à eux seuls le secret. Le mode d’être de l’énoncé
a son principe dans l’énoncé lui-même.
Celui-ci est un événement qui demeure. Événement puisqu’il a une date
et un lieu de naissance qu’il est parfois facile – toujours [40] possible en droit
– de fixer à l’intérieur d’une chronologie et d’une géographie objectives. Mais
cet événement demeure toujours au moins un peu au-delà de son incidence :
ne serait-ce qu’à titre de pure vibration dans la mémoire de qui l’a suscitée ou
entendue. L’énoncé a une existence rémanente. Celle-ci mérite l’attention –
c’est-à-dire aussi l’étonnement – pour deux raisons. D’abord l’extraordinaire
diversité des formes sous lesquelles elle se manifeste et le grand nombre de
dimensions qui permettent de la décrire. On peut l’analyser selon le médium
de conservation qui assure le maintien de l’énoncé (la voix ou l’écriture ;
l’enregistrement ou la transcription ; la pierre ou la feuille ; le parchemin ou
le papier ; l’affiche ou le livre, etc.) ; on peut l’analyser selon les intentions
de conservation (ce qui cet énoncé [sic ; lire : ce que devait être cet énoncé]
- © PUF -
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  345

pour durer éternellement, ce qui devait durer jusqu’à une échéance fixe ou


mobile, ce qui devait passer avec l’événement qui l’accompagnait) ; on peut
l’analyser selon les accidents de la conservation (ce que le hasard a maintenu,
au milieu des oublis, des [41] négligences, des désastres et des incendies) ; ce
que les hommes ont conservé précieusement dans la pensée que c’était là la
part la plus inoubliable d’eux-mêmes ; (ce qu’ils ont enfoui comme un secret,
ce qu’ils n’ont cessé de répéter) ; on peut l’analyser aussi selon les formes de
la réactivation (ce qui est purement et simplement répété ; ce qui est méta-
morphosé dans sa forme sans que la signification change ; ou altéré dans son
sens, indépendamment de toute modification formelle ; ce qui est critiqué
ou admis purement et simplement ; (ce qui est toujours supposé sans être
redit, ce qui doit être réitéré explicitement) ; on peut l’analyser selon les
types d’objectivité dans lesquels les énoncés se trouvent pris (ce qui est consi-
déré comme un objet religieux et sacré ; ce qui est objet de commentaire ou
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d’exégèse ; ce qui est objet d’analyse formelle ; ce qui est objet d’explication
causale ; ce qui est objet d’épreuve de validité, ou d’un examen de correction,
ou d’une appréciation esthétique ou morale) ; on peut l’analyser selon les
formes d’intégration dans un corpus d’autres énoncés (quelle place occupe
un énoncé, quelles propositions il [42] commande, quels énoncés auraient
été sans lui impossibles ; quels autres sont indépendants de lui ou contradic-
toires avec lui) ; on peut l’analyser enfin selon les modes d’insertion dans un
univers non verbal (comment il subsiste dans une institution, dans une tech-
nique, dans une pratique nouvelle, dans une conduite mal consciente d’elle-
même, inapte à se formuler ou indifférente à sa propre verbalisation). La
rémanence des énoncés n’est pas un phénomène simple, linéaire et qui soit
d’un seul niveau ; elle n’est point constituée par une longue chaîne d’effets
qui se prolongeraient les uns les autres à partir d’un point premier : elle est
un fait immédiatement polymodal. Pour un énoncé, subsister ne revient pas
à maintenir son existence, mais à la différencier, à la multiplier, à la répartir.
L’autre raison d’attention, c’est que la rémanence des énoncés n’est pas
comme une annexe de leur existence première. Il n’y a pas d’un côté l’énoncé
dans sa singularité d’événement (irruption d’une série de sons articulés ou
d’un ensemble de gestes produits par un individu à propos [43] d’une occur-
rence déterminée) et de l’autre l’ensemble des techniques qui permettent
de le conserver et des situations qui donnent occasion de le répéter. Il n’y a
pas séparés l’un de l’autre, la vie précaire de l’énoncé qui dure le temps où il
naît, s’articule et s’achève, puis cette survie, cette post-existence, toute rem-
plie d’aléas, qui peut aussi bien lui garantir une quasi-immortalité, qu’une
chute provisoire dans l’oubli ou encore une irrémédiable disparition. Ce n’est
pas par une addition que l’événement-énoncé est doté d’une rémanence. Il
faut plutôt dire qu’on a affaire à un phénomène paradoxal : la rémanence
de l’énoncé appartient à sa singularité d’événement. Quand bien même
l’énoncé est lié de la façon la plus forte qui se puisse concevoir à la situation
de celui qui l’articule (comme dans le cas d’un appel qui demande réponse
urgente ou d’un ordre qui doit être exécuté dans l’immédiat) son existence
- © PUF -
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346 Michel Foucault

n’est point tellement, n’est point seulement définie par ce surgissement des
signes au milieu du silence ou dans le blanc d’une feuille de papier, mais par
le maintien de ce qu’il dit et du fait qu’il le dit, au moins [44] jusqu’à ce que
l’appel ait reçu exécution, l’ordre obéissance. L’énoncé continue à dire ce
qu’il dit bien après que se soit tu celui qui l’a prononcé, bien longtemps après
que sa main ait reposé sa plume. Et à vrai dire cette formulation, ce dessin
de traces n’ont constitué que l’instant initial, le point premier de manifes-
tation d’une curieuse existence par quoi l’énoncé, même s’il n’a plus pour
l’instant, de support sensible, même s’il ne subsiste plus que dans le silence
de la mémoire, ou le murmure confus de la pensée, persiste à énoncer ce qu’il
énonce. Comme « chose énoncée » et qui continue à s’énoncer, l’énoncé ne
disparaît point avec l’activité qui le suscite, et ce n’est point alors une survie
qui le prolonge ; c’est son existence même qui déborde, jusqu’à le recouvrir
et le faire parfois oublier, l’instant de sa naissance. La rémanence ne constitue
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pas l’accident qui s’ajouterait à l’événement de l’énoncé ; elle est le propre de
cet événement.
L’énoncé demeure donc non point comme trace maintenue, conservée
ou abandonnée d’un acte [45] de formulation, il se maintient comme chose
dite et qui continue à se dire en lui. Ceci a deux conséquences qui sont appa-
remment opposées. D’un côté l’existence rémanente de l’énoncé ne peut être
décrite en termes de conservation d’un événement, comme si elle n’était rien
d’autre que la cicatrice d’une blessure première ; elle doit être décrite à partir
de l’énoncé lui-même dans la mesure où c’est en lui que la chose se trouve
dite. Certes, la façon dont l’énoncé prend corps dans un appel verbal, dans
un texte imprimé, sur une pierre où il a été inscrit, dans un discours radio-
diffusé etc., ne peut être négligée lorsqu’il s’agit de définir le mode sur lequel
l’énoncé dit ce qu’il dit et par conséquent existe. L’énoncé n’est point une
abstraction décharnée qui s’incarnerait, avec plus ou moins de prédilection ici
ou là, dans des sons ou dans des graphismes ; l’énoncé est inséparable de son
corps sensible ; il est ce corps lui-même. [46] L’inscription n’est pas un énoncé
qu’on aurait confié à la pierre pour qu’elle lui communique son indestructi-
bilité de roche ; c’est une pierre qui, où elle est placée et pour tout le temps
où elle s’opposera au temps, énonce ce qu’elle dit ; les gros titres, l’éditorial,
les nouvelles, c’est ce que dit le journal et non pas ce que les grandes feuilles
imprimées sont chargées de diffuser à d’éventuels acheteurs. C’est pour cette
raison justement que les supports ou moyens de transmission de l’énoncé ne
doivent pas être pris comme des facteurs de son histoire future, mais comme
des moments qui lui sont intrinsèques, ils font partie de son mode d’être ;
et c’est l’analyse de celui-ci qui doit permettre de repérer comment ils fonc-
tionnent, et constituent pour leur part [47] ce qui se dit. Il ne faut donc pas
renoncer à traiter les énoncés comme étant eux-mêmes des choses et non
point simplement des ensembles de signes, liés en outre, et pour leur seule
conservation au destin obstiné ou précaire des choses.
Quant à l’autre conséquence, elle consiste en ceci que la rémanence de
l’énoncé constitue le mode d’être de la chose dite, en d’autres termes, les
- © PUF -
472 7 août 2015 10:54 - Comment lire L’archéologie du savoir de Michel Foucault ? - Collectif - Études philosophiques - 155 x 240 - page 347 / 472

« Introduction » à L’Archéologie du savoir  347

choses énoncées, ce qui se dit à propos d’une chose, la chose qui est dans
un énoncé attribuée à une autre, celle qui est prescrite, celle qui est niée ou
affirmée, – tout ceci n’est pas comme un peuple d’ombres appelé à s’effacer
aussitôt ou à se maintenir quelque temps, par une technique, une complicité,
un hasard heureux ; les choses dites ne sont pas les doubles plus ou moins
transitoires de ce sur quoi on les dit ; mais elles forment dans le monde
un ensemble compact, une masse qui s’enchevêtre aux choses elles-mêmes ;
sa durée [sic] – la durée de l’énoncé ?] s’entrecroise avec [48] leur temps ;
les rapports qui se nouent en elles forment [pour elles ? grilles ?] avec ceux
que le monde entretient dans son histoire et dans son espace. Les choses
dites ne le sont point au-dessus des choses, et dans ce ciel idéal où des mots
impalpables représentent – comme des doubles, comme des images, comme
des signes, peu importe – ce qu’ils ont à dire ; elles sont dites au milieu des
choses, dans un espace et dans un temps qui se mêlent aux jours et aux nuits,
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aux pierres, au sable, à l’herbe et aux étoiles. Elles ne sont donc pas indiffé-
rentes aux choses ; elles ne les laissent point tranquillement dormir dans
leur mutisme somnolent ; elles viennent les déplacer, les rapprocher, vivre au
milieu d’elles, les bousculer, les recouvrir. Qu’une chose ait été dite sur un
brin d’herbe, ou sur l’écume de la mer, n’est pas indifférent à la végétation
de la terre, ni à la patience des vagues. Avant de se demander quel rapport
une proposition peut avoir avec son occurrence, il faut reconnaître que tous
ces énoncés qui sont [49] autant de « choses dites », tout ce murmure qui
s’oublie et se ressasse, est pris dans le battement des choses, et interfère avec
lui. Le problème n’est donc pas tant d’affranchir le langage de ce fameux sta-
tut de « chose » qui dans le bien-penser [ ?] philosophique n’a d’autre valeur,
même aujourd’hui, que péjoration, mais au contraire de bien l’y enfoncer et
de s’interroger sur ce mode d’être singulier, qui fait, des énoncés, autant de
« choses rémanentes ».
Une difficulté apparaît aussitôt, à laquelle ne peut pas manquer de se
heurter le projet d’une histoire intrinsèque des énoncés entendus comme
choses rémanentes : c’est qu’ils sont eux-mêmes soumis à une série d’événe-
ments qui semble leur être, pour une grande part, extérieure. Qu’un énoncé
disparaisse avec l’élément qui lui a servi de support, qu’une inscription
s’efface, qu’un manuscrit se perde, qu’une bibliothèque brûle, n’est-ce pas
là un accident qui arrive à la chose dite, mais qui n’est point lié à elle sur un
mode essentiel ? À propos de ces questions inévitables on peut faire un [50]
certain nombre de remarques. D’abord, la disparition d’un énoncé n’est pas
plus étrangère que sa conservation à son mode d’être intrinsèque, c’est-à-
dire à la rémanence qui lui est propre. Si on considère un énoncé autrefois
valorisé et pas d’autres, comme désormais si peu digne d’intérêt qu’on peut
l’abandonner à son sort, si on le tient au contraire pour tellement évident
et familier qu’on ne juge pas utile de le noter, si on choisit délibérément
d’en effacer toutes les traces, on ne lui fait pas subir des avatars avec lesquels
il n’aurait point de commune mesure ; en fait, on se loge à l’intérieur de
sa rémanence. Pouvoir être supprimé, pouvoir tomber dans l’oubli absolu
- © PUF -
7 août 2015 10:54 -Comment lire L’archéologie du savoir de Michel Foucault ? - Collectif - Études philosophiques - 155 x 240 - page 348 / 472 7 aoû

348 Michel Foucault

appartiennent de plein droit au mode d’être d’un énoncé. Et s’il lui arrive en
effet de disparaître complètement, ce n’est point que sa trop fragile existence
est soumise, bien plus que toute autre chose, à des accidents extérieurs, c’est
que cette possibilité d’effacement le définit d’entrée de jeu. Tout comme on
aurait tort de considérer la conservation d’un énoncé comme une chance
qui viendrait s’ajouter au pur événement [51] de son apparition, de même
il ne faudrait pas considérer son effacement comme l’événement qui vient
barrer son maintien indéfini. Maintien, oubli, disparition, réactivation, sont
autant de modalités de sa rémanence. Mais il faut noter de plus que dans la
mesure où l’énoncé existe comme chose dite et qui continue à se dire, au
milieu des choses, sa disparition n’est jamais absolue : il ne se produit jamais
sans qu’une place vide soit ménagée où l’énoncé peut être sinon restitué,
du moins deviné, en tout cas répété. L’absence d’un énoncé est une partie du
monde : partie le plus souvent presqu’imperceptible, tellement infinitésimale
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qu’aucun instrument sans doute ne pourrait la déterminer, tellement peu
importante aussi que nul ne songerait à la rechercher et à la restaurer dans
ses droits ; mais partie quelquefois assez essentielle pour qu’il soit à la fois
utile et possible de la situer, de l’analyser, d’en établir le fonctionnement et
de montrer comment elle existe aux lieux et places d’un énoncé.
Entreprendre d’analyser les énoncés non pas dans la structure qui les
rend possibles, mais dans [52] cette énonciabilité qui est leur condition de
réalité conduit donc à interroger d’abord leur mode d’être, c’est-à-dire leur
existence d’événements rémanents. Existence dans laquelle le fait d’être un
événement et le fait d’être rémanent ne sont point indépendants ni même
séparés ; de sorte que la singularité des  énoncés par rapport aux autres
« choses » du monde n’est pas dans le fait qu’ils sont purs et simples « flatus
vocis » destinés à s’évanouir, mais dans le fait que choses parmi les choses,
choses qui s’entrelacent avec les autres, les modifient, les rejouent / les [??]
séparent, altèrent leur configuration, ils ont un mode propre d’apparaître et
de demeurer, dans le surgissement même de leur apparition, sur un mode si
singulier qu’on ne peut les assimiler ni les confondre avec aucune autre chose.
C’est peut-être cette singularité qui a laissé croire qu’il suffisait d’étudier les
énoncés selon leur structure (grammaticale et sémantique) ou d’après leur
rapport à l’occurrence dont ils parlaient ; mais à dire vrai, c’était profiter de
cette singularité pour la gommer et l’omettre, [53] et faire comme s’il n’y
avait pas à analyser pour lui-même dans son étrange complexité, le mode
d’être des énoncés.
*
*  *
[54] Au cours de ce premier repérage l’énoncé est apparu comme un
événement linguistique placé dans un champ d’énonçabilité et doté d’une
rémanence. Il semble tout d’abord que ces deux caractères soient destinés à
s’opposer : l’appartenance à un champ d’énonçabilité définissant l’actualité
de l’énoncé (l’ensemble de ce qui l’entoure et le conditionne au moment où
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  349

il est articulé) ; sa rémanence définissant au contraire ce qui lui permet de se


perpétuer, donc d’échapper à ce système qui lui est contemporain. D’un côté
ce qui est dit est commandé par l’ensemble de ce qui, ayant été dit se trouve
par rapport à lui dans un rapport direct ou indirect, explicite ou implicite, de
contemporanéité ; d’un autre côté, il peut toujours être repris, répété, trans-
formé dans un ensemble d’énoncés qui lui donnent une tout autre actualité.
En fait si ces deux caractères des énoncés sont [55] opposés, ils ne sont pas
cependant indépendants l’un de l’autre. Car si la possibilité de la rémanence
appartient à l’énoncé, les réactivations qu’elle autorise ne sont effectuées en
réalité qu’à l’intérieur du champ de l’énonçabilité : reprendre un énoncé,
le répéter, le transformer, le commenter ou le critiquer, ce n’est certes pas
l’énoncer à nouveau ni le faire réapparaître purement et simplement ; c’est
pourtant le réintroduire sur un certain mode dans le champ de l’énonçabi-
lité. D’autre part, si tout énoncé appartient à un champ de l’énonçabilité,
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celui-ci n’existe que comme possibilité pour les énoncés d’y réapparaître, d’y
être répétés et réeffectués sur un certain mode. Le champ effectif de l’énon-
ciabilité est pour les énoncés un domaine de rémanence.

Annexe : Description sommaire de la boîte XLIII

Ensemble Meaning : « Fiche Sens (logique) : Austin, Truth ; Ayer,


Meaning and Intentionality, Carnap, Church, Fries, Coll, Russel, Ryle,
Quine (Word and Object), Strawson, Christensen, Pag, Tarski, Fodor, What
do you mean ; Fiche : les Grecs croyaient que les mots étaient des noms
(Ryle, p. 132) » ; « Fiche : la théorie du meaning selon Mill (ed Ryle, The
Theory of Meaning, 1957) » ; « Fiche : Russell et la théorie du meaning »
(Ryle, The Theory of Meaning, et « Philosophy of ordinary language », pp. 140-
143) ; « Fiche : la théorie du meaning chez Husserl et Meinong et chez les
Anglais : ex Ryle – La philosophie a à s’occuper de la logique du fonctionne-
ment des expressions) » ; « Fiche : la signification d’un mot : “L’expression,
‘la signification d’un mot’ est un dangerous non sens phrase” » – ce sont les
énoncés (sentences) qui sont une signification, non les mots. Remarques sur
Morris, Hampshire et Austin, The meaning of a word » ; « Fiche : la gram-
maire, la lexicographie et le sens – à partir de Quine, in From a Logical
Point of View » – ; « Fiche : Meaning and Reference – à partir de Quine, p. 9
et 21 » ; « Fiche : sens et signification, à partir de Guiraud, La Sémantique,
pp.  9-10 » ; « Fiche : What sorts of facts are meanings? » W.V. Quine a dit
(« Two Dogmas of Empiricism ») que la question principale de la théorie de
la signification est : « What sort of things are meanings? » ; « Fiche : le sens
factuel d’énonciation (<< Ayer : Langage, vérité et logique) » ; « Fiche : asser-
tions et ordre : les ordres ont un meaning mais pas de vérité » (Christensen,
On the Nature of Meanings, pp. 49-51) ; « Fiche : Meaning and Truth
(Christensen, pp.  36 sq.) » ; « Fiche : qu’est-ce qui est vrai : les formula-
tions épisodiques de la prop. ou son meaning ? ; Austin sauvé des objections
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350 Michel Foucault

de Strawson : N.E. Christensen, On the Nature of Meanings, pp. 41-42 » ;


« Fiche : Meaningless expressions – cf. Christensen, p. 25 » ; « Fiche : Church
– le meaning est-il intralinguistique ? Christensen, The Nature of Meanings,
p.  24 » ; « Fiche : le sens comme fonction Christensen The Nature of
Meanings, p. 24 » ; « Fiche : rapport du référent et du sens – Wittgenstein
et Tarski, – Onoma, avant propos à Ayer, p. 27 ? » ; « Fiche : on ne peut
établir la synonymie sur la compréhension, Nelson Goodman, Analysis,
vol. X, n° 1, 1949, pp. 55-56 » ; « Fiche : comment définir la synonymie, à
partir de Nelson Goodman, « On likeness of meaning », Analysis, X, n° 1,
1944, Philosophy and Analysis, pp. 55-62 ; P. Nowell Smith, « Fugitive pro-
positions », in Analysis, X, n° 5, 1950 » ; « Fiche : usage d’une expression et
sens d’un énoncé ; “les énoncés make sense, les mots ou expressions ont un
meaning” ; Ryle, Ordinary Language, pp. 119-121 » ; « Fiche : l’intelligibi-
lité d’une formulation, Putnam, Dreaming and Death Grammar » ; « Fiche :
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le changement de meaning et l’histoire de la science ; H. Putnam ».
Pochette Russell ; « Fiche : vérité et philosophie – signification et vérité,
p.  51 » ; « Fiche : phrases et propositions, p.  20 » ; « Fiche : l’analyse phi-
losophique : les résultats ; signification et vérité, pp.  19-120 » ; « Fiche :
noms propres, signification et vérité, p. 52, p. 43 » ; « Fiche : Russell n’est
pas empiriste  – Limits of Empiricism, 1936 ; article de la RMM, 1911  –
“L’importance philosophique de la logistique” » ; « Fiche : contre le lan-
gage quotidien » ; « Fiche : influence du langage sur la philosophie, Russell
– Logical Atomism, p.  368 » ; « Fiche : la forme logique des propositions,
Wittgenstein, Strawson » ; « Fiche : vrai faux et meaningless, Russell » ;
« Fiche : théorie des types – Black et Russell » ; « Fiche : Russell l : les types
logiques ; les antinomies de la théorie des types ; Carnap : “Old and new
logic” » ; « Fiche : la théorie des descriptions chez Russell » ; « Fiche : les
descriptions définies ; d’après M. J Charleworth. Philosophy and Linguistic
Analysis » ; « Fiche : l’analyse de Russell à propos des propositions définies –
Strawson, On Referring 1950 » ; « Fiche : contre la théorie des descriptions
définies ; Strawson, On Referring » ; « Fiche : les noms logiquement propres
selon Russell, Russell The Philosophy of Logical Atomism, The Monist, pp. 195-
196 et Charlesworth, Philosophy and Linguistic Analysis ».
Mentionnons enfin une pochette « le langage idéal c/o Russell » qui
contient : « Fiche : connaître le langage et connaître le monde (Russell) ;
T.  Geach, Russell’s Theory of Descriptions » ; « Fiche : critique du paradoxe
russellien des “hétérologiques”, Ryle : Heterologicality » ; « Fiche : l’existence
selon Russell » ; « Fiche : commentaire et métalangage – Ryle Heterogicality » ;
« Fiche : modalité formelle, et matérielle du langage » ; « Fiche : proposition
et sentences, Searle, What is a speech act? Philosophy in America, pp.  225-
227 » ; « Fiche : les excluders “il y a des adjectifs qui sont : attributifs sans être
prédicatifs ; servent à mettre quelque chose hors jeu sans ajouter au sens quoi
que ce soit : … des choses différentes selon le contexte. On peut les appeler
‘excluders’” ; R. Hall, Analysis, 1959, vol. XX, Philosophy and Old Language,
pp. 67-73 ».
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« Introduction » à L’Archéologie du savoir  351

Enfin, un Dossier Firth : « Bibliography – J.R. Firth : Personality and


Language and Society ; a Synopsis of Linguistic Theory, Essays and Studies,
R.H. Robin, A Problem in the Statement of Meanings ; W.S. Allen, ‘Structure
and system’ in T.F. Mitchell” ; “Fiche : le fonctionnalisme dans la langue
– Ethnography analysis and Language” ; “Fiche : Firth Théorie du meaning
– R.H. Robins, Trends in modern linguistics : Haas, ‘On defining linguistic
unites’” ; “Fiche : Firth : Le contexte toujours à partir de R.H. Robins”.
Pour finir un dossier : “Avowals : Fiche : « l’analyse des avowals chez
Wittgenstein ; ed Gasking : Avowals in Butler, Analytical Philosophy, pp. 161-
162 » ; « Fiche : “ego statements” ; “Fiche : exprimer et déclarer” ».
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