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Dominique WOLTON
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Plus de vingt années de recherches personnelles1, et de responsa-
bilités scientifiques2 me permettent de confirmer cette hypothèse si
rarement partagée : la communication est un enjeu scientifique et
politique majeur du XXIe siècle. Le triomphe des techniques, en
rapprochant les hommes et les sociétés, oblige en effet à un redou-
table effort de connaissance car ce rapprochement, en rendant plus
visible les différences culturelles, sociales et religieuses, augmente les
difficultés de l’intercompréhension. La fin des distances géographi-
ques accentue le poids des différences culturelles, donc la nécessité
d’une réelle volonté pour se tolérer mutuellement. Les machines
peuvent être « on line », les individus et les sociétés ne le sont
jamais.
Ce renversement dans l’ordre de l’importance, entre fin des dis-
tances géographiques et croissance des distances culturelles est aussi
un enjeu politique, car l’information et la communication ne sont
pas seulement des processus techniques, elles sont également des
valeurs fondamentales de l’émancipation individuelle et collective
depuis le XVIIIe siècle. Elles sont, par exemple, au cœur du modèle
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1. Théorie de la communication et théorie de la société
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communication mondiale doivent être les premiers à vanter les
mérites de la E-démocratie ou du E-training dont ils seront, par ail-
leurs, les grands bénéficiaires économiques. On nage en pleine
confusion. L’alliance croissante entre l’idéal de la communication, la
performance des techniques, et la réalité de l’économie oblige à un
formidable travail de connaissance pour distinguer les enjeux, créer
des connaissances.
C’est ce double statut de la communication, à la fois valeur fon-
damentale et instrument de la croissance économique, qui en fait un
des enjeux majeurs de l’avenir. Ceci requiert un travail critique fon-
damental pour séparer dans ce flot de techniques, de discours, de ser-
vices, d’idéologies, ce qui renvoie à l’idéal de communication et
d’intercompréhension de ce qui renvoie à la réalité d’une nouvelle
étape de l’histoire de l’économie, « l’économie de l’information ».
L’enjeu scientifique et de connaissance est même préalable à l’enjeu
politique, car les connaissances aident à faire le tri entre les discours
et les promesses.
Avec quel outil opérer ce tri ? Peut-être avec le plus simple,
celui qui vient de l’étymologie. La communication a deux racines. La
première, lie communication et partage, compréhension et respect
d’autrui. C’est l’idéal de la communication au niveau individuel ou
collectif. Ce que j’appelle la dimension normative qui sert de référence
aussi bien sur le plan de la communication intersubjectible qu’à
celui des techniques, ou des sociétés. La deuxième, plus récente, et
renforcée par les techniques de communication, dont la première
d’entre elles l’imprimerie, insiste sur l’idée de transmission. Avec
l’hypothèse, longtemps vraie, que plus il y avait d’informations, plus
il y avait de communication. Aujourd’hui, l’omniprésence des tech-
niques et le volume des flux d’informations obligent, à réaliser qu’il
ne suffit plus de diffuser, un grand nombre d’informations, ni même
d’assurer l’interaction pour accroître la communication entre indi-
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cation normative est assurée. Le technicisme consiste tout simple-
ment à établir une continuité entre système technique et réalité
sociale. C’est pourquoi toute réflexion théorique sur la communi-
cation passe aujourd’hui par une réflexion critique sur les techni-
ques, non pour critiquer leur rôle, mais pour relativiser leur place.
Autrement dit, socialiser la technique pour éviter de techniciser la
société. Faire des humanistes internautes, et non des internautes schizo-
phrènes. Éviter la fuite en avant dans les techniques fussent-elles
interactives. Éviter les « solitudes interactives ». Cette démarche
renoue d’ailleurs avec la tradition de la philosophie et de l’histoire
des sciences et des techniques qui a toujours insisté sur la disconti-
nuité entre système technique et société. Certes, les techniques
influencent les sociétés, mais dans une interactivité compliquée, le
rôle des modèles culturels et sociaux étant souvent au moins aussi
fort. Et ce rôle des modèles culturels et sociaux est encore plus
grand quand il s’agit de techniques de communication !
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technique. Cela reviendrait à isoler la problématique technique,
alors que l’intérêt, de mon point de vue, d’une réflexion théorique
sur le statut de la communication dans la société, est de voir, depuis
le XVIe siècle, comment s’est noué à chaque époque un projet cultu-
rel et social, la communication et les techniques.
Les grandes techniques de communication n’ont pris leurs sens
que parce qu’elles retrouvaient en écho, un projet culturel et social
de la communication. Et c’est ce lien entre système technique et
modèle de la communication qui fait, selon moi, l’intérêt d’une
réflexion sur la communication depuis trois siècles. Toute la
réflexion sur l’idéal de la communication depuis le XVIIe siècle, liée
à la liberté de conscience, puis à la liberté individuelle, puis à la
liberté politique et enfin à l’idée d’égalité s’est accompagnée d’une
bataille sur le sens à donner aux systèmes techniques de communica-
tion. Autrement dit, si les techniques de communication ont joué
un rôle essentiel dans la librairie, la presse et le téléphone, puis la
radio et la télévision, c’est parce que, à chaque fois, elles se sont
insérées dans un des chapitres de cette longue bataille culturelle et
politique de la communication.
La librairie et la presse sont inséparables des modèles de la
démocratie libérale, comme la radio et la télévision le sont de la
démocratie de masse. L’enjeu des techniques actuelles de commu-
nication est de savoir comment elles s’inscrivent dans le double
idéal, de nos sociétés contemporaines, « la société individualiste de
masse » avec ses doubles références à la liberté individuelle, et à
l’égalité sociale. Chacune des techniques existantes est plus ou
moins appropriée à l’une des deux échelles de la communication. Et
tout l’intérêt, et la difficulté d’internet, progrès technique décisif,
est de savoir s’il déplace ou non cette problématique du lien entre
ces deux échelles de la communication. Pour le moment, internet
renforce plus les possibilités de communication individuelle qu’il
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nication : permettre, à la fois, la communication intersubjective et
la communication sociale. C’est pour cela que l’enjeu de la com-
munication, comme je le dis souvent, est moins la gestion des ressem-
blances que la gestion des différences. Moins la mise en rapport
d’individus et de communautés qui ont des intérêts communs que
la capacité à organiser la cohabitation entre communautés et socié-
tés hétérogènes. Moins la performance des outils que la philo-
sophie de la communication qui les sous-tend. Après tout ce sont
les Hommes qui inventent les modèles de communication, d’abord
situés dans leurs têtes avant de l’être dans des outils. Et d’ailleurs
l’histoire des techniques, y compris de communication, fourmille
d’outils qui n’ont finalement jamais eu de vie sociale durable, tout
simplement parce qu’ils ne correspondaient pas à un enjeu social et
culturel.
Rappeler la prééminence de la dimension culturelle et sociale
dans la communication est fondamental, aujourd’hui où le progrès
technique, considérable dans ce secteur, peut faire croire que la per-
formance technique est à l’origine de la mutation des modèles cultu-
rels de la communication. Les techniques ont évidemment un
impact réel sur les modèles culturels, comme sur l’organisation
sociale de la communication, mais dans l’ordre de l’analyse elles ne
sont pas premières. Ou plutôt, dans l’interaction technique, culture,
société, concernant la communication, ce sont les modèles culturels
qui jouent les rôles essentiels. Ce sont des utopies de la communica-
tion qui donnent leur sens aux outils, même si ceux-ci, au travers
les changements qu’ils induisent, ont évidemment un impact sur les
modèles culturels et sociaux de la communication.
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concernant une réflexion sur le statut de la communication dans nos
sociétés. Réflexion qui depuis un peu plus d’un demi-siècle donne
naissance aux sciences de la communication.
Il n’y a pas une science de la communication, puisque la com-
munication fait appel à plusieurs disciplines. La communication est un
objet de connaissance interdisciplinaire, au carrefour des disciplines tradition-
nelles et des savoirs récents liés à l’expansion de la communication et des
techniques du même nom. Dix disciplines la structurent :
Philosophie - Anthropologie - Sociologie - Science politique -
Linguistique - Droit - Économie - Histoire - Psychologie - Géogra-
phie. D’ailleurs, la preuve que ce domaine a encore du mal à être légi-
time se voit dans le fait que l’histoire des recherches sur la communica-
tion en France n’est pas connue, contrairement à ce qui existe dans
d’autres pays. On peut néanmoins distinguer quatre étapes :
1) La première va jusqu’aux années 1960. Elle est principalement
consacrée à l’étude de la presse écrite, autour de quelques centres
universitaires, comme l’Institut français de Presse à Paris, qui est le
plus vieux centre de recherche universitaire sur la communication,
fondé en 1938 par J. Stoetzel et le Centre de R. Escarpit à Bor-
deaux à la fin des années 1950. La radio ne fait, hélas, pas l’objet
d’une grande curiosité théorique. La communication, pourtant
constituante majeure de la modernité, est absente de cette interro-
gation sur la forme de société d’après-guerre, en dehors de quelques
travaux sur la publicité naissante. Les études littéraires l’ignorent. La
linguistique également.
2) La deuxième période, va des années 1960 à 1975. C’est le vrai
début des études non pas sur la communication, qui n’intéresse pas,
mais sur les médias principalement. L’absence de traditions françai-
ses dans ces domaines pousse les universitaires à se tourner vers les
pays anglo-saxons où existent des travaux de recherche. Il faut, ici,
citer les noms de G. Friedmann, J. Cazeneuve, E. Morin, R. Bar-
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des Hautes Études est rétrospectivement remarquable. Même la
problématique de la réception et du public, est déjà présente. En
revanche, la radio, dans une quasi-indifférence intellectuelle, vit son
apogée... Cette technique, simple, souple, peu onéreuse, apparaîtra,
d’ailleurs, à la fin du siècle comme la grande révolution du
XXe siècle.
3) La décennie suivante (1975-1985) est finalement celle des con-
tresens. Concernant la question lancinante de l’influence des médias,
la cause semble définitivement entendue. Mai 68 étant passé par là,
il n’est plus question que de domination, aliénation, idéologie
dominante. L’École de Francfort triomphe avec les figures emblémati-
ques de H. Marcuse et T. Adorno. Sur le plan économique, les thè-
ses sur l’impérialisme culturel américain confirment définitivement
le fait que les médias appartiennent aux « appareils idéologiques ».
Le débat, passionné, violent, empreint de mauvaise foi de part et
d’autre, « autour du nouvel ordre mondial de l’information » a lieu,
par l’Unesco interposé, à partir du rapport Mac Bride (1980).
L’information plus que la communication d’ailleurs, illustre depuis
trente ans l’une des formes essentielles du réel déséquilibre Nord/
Sud. Simultanément apparaît un autre discours, lié aux nouvelles techni-
ques de communication. Ici tout est positif ! On attend beaucoup des
promesses de la télévision par câble au Canada et aux États-Unis,
qui doit permettre de corriger les dégâts de la télévision de masse.
Les perspectives d’individualisation avec le câble, puis l’infor-
matique, confirment l’ouverture d’une autre histoire de la commu-
nication. Paradoxalement, ces innovations, inséparables des logiques
industrielles sont autant louées qu’est condamnée la télévision de
masse. On retrouve le vieil affrontement entre l’attrait, pour la
logique individuelle et la méfiance à l’égard du collectif. C’est à
cette époque, sans doute, que naît l’idéologie technique liée aux
services individualisés. Oubliés les intérêts, les logiques économi-
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n’ont pas cette influence tant redoutée. Le public a appris à « jouer »
avec les médias. Des travaux sur l’histoire de la presse, du télé-
phone, de la radio et de la télévision, confortent le changement
d’attitude, au sens où ces travaux mettent en valeur l’existence, à
chaque époque, d’une autonomie relative des comportements
sociaux et culturels par rapport à ces techniques. On redécouvre
l’importance du contexte socioculturel, symbolisé par les cultural stu-
dies qui insiste davantage sur l’interaction entre techniques, modèle
et identités culturelles. À l’inverse, les tenants d’une approche
empirique critique, auxquels les événements ont plutôt donné rai-
son, sont obligés de reconnaître que l’extraordinaire expansion des
industries de la communication obscurcit la compréhension des
rapports entre communication et société.
La philosophie politique, retrouvant enfin un intérêt pour la
démocratie pluraliste, découvre les concepts d’espace public et la
problématique de l’argumentation, donc la question de l’inter-
compréhension. On réalise, enfin, qu’il n’y a pas que les messages et
les tuyaux. Au-delà, il y a des individus et des sociétés qui construi-
sent des échanges très compliqués. Bref, la communication com-
mence tout doucement à devenir une question théorique « digne ».
Les intellectuels réalisent lentement qu’il y a des récepteurs qui
jouent un rôle central, et que plus il y a de messages plus ceux-ci fil-
trent et jouent un rôle actif bien éloigné de la « passivité » dont on a
longtemps parlé. Très lentement, trop lentement eu égard aux
enjeux politiques, la communication commence à devenir une
question théorique et pratique essentielle.
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trouvant un écho très favorable auprès des élites culturelles.
En revanche, un mouvement d’intérêt réel est parti « de la
base », c’est-à-dire des étudiants. Cette décennie 1980-1990 voit se
multiplier les DEA et 3e cycles en sociologie, anthropologie, histoire,
science politique, science de l’information et de la communication.
La naissance de ce public académique donnera naissance, à terme, à
des travaux de recherche. Une première structuration s’est faite
avec la création de l’ASFIC (Association française des sciences de
l’information) en 1986. À l’inverse, un paramètre n’a pratiquement
pas changé en trente ans : la demande sociale reste faible. Il existe une
demande d’études, liée à l’expansion des industries, mais pas une
demande de recherche. Enfin, après un vide d’information dans la
presse, jusqu’aux années 1980 concernant la communication, on
assiste au contraire depuis, à une pléthore d’informations, ainsi qu’à
la création d’émissions de radio et de télévision, plus ou moins nar-
cissiques, prenant les médias, la publicité et la communication
comme objet. Il en a résulté un accroissement du niveau d’infor-
mation du public. Avec même, d’ailleurs, une disproportion. Les
multimédias, internet... sont l’objet d’une exploitation incessante,
sans aucune approche critique, celle-ci viendra probablement d’une
extension au public étudiant.
Pour résumer cette évocation rapide d’une histoire des sciences de la
communication en France on pourrait distinguer cinq facteurs.
Prenons l’exemple des revues. Dans les années 1960, seules Commu-
nications et Communication et langage existaient réellement et pendant
trente ans, il n’y eut quasiment pas de création de revues. Or depuis
les années 1990, on assiste au contraire en France, à une quasi-
explosion comme en Europe d’ailleurs, avec notamment la nais-
sance d’Hermès, Réseaux, Quaderni, MEI, European Journal of Com-
munication, Les Cahiers de médiologie, etc.
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La communication n’est ni une discipline, ni une théorie, c’est
un carrefour théorique. On a vu qu’elle se construit à la croisée d’une
dizaine de disciplines, ce qui explique une difficulté intellectuelle
certaine de conceptualisation. C’est en créant des outils théoriques,
des concepts, par exemple autour de l’espace public, la communica-
tion politique, l’argumentation, l’opinion publique, la réception, les
usages, l’interactionisme, la communication interculturelle.. que
l’on arrivera à échapper à cette « tyrannie de la communication ».
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d’hui la demande de connaissance est toujours aussi faible, mais le
phénomène est masqué par la surabondance d’informations existant
sur les marchés, les stratégies d’acteur, les restructurations économi-
ques, les prospectives techniques, les nouveaux services et leur
expérimentation. Les études commandées par les acteurs et les pou-
voirs publics suffisent.
2. Médias et démocratie
Les discours politiques et leurs expressions ; médiation et média-
tisation ; médias, crises et conflits ; évolution des systèmes audiovi-
suels et des institutions de régulation ; l’émergence des nouvelles
techniques de communication.
3. Communication et politique
Caractéristiques et fonctionnement de l’espace public ; opinion
publique et communication politique ; discours et pratiques des
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4. Stratégies de communication
La modification des espaces-temps ; construction et expression
des opinions ; réception des messages et comportements des
publics ; stratégies argumentatives et construction de la réalité ; co-
construction, interaction et interprétations ; représentations indivi-
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duelles et collectives ; communication interpersonnelle et commu-
nication à distance ; les différentes formes de communication inter-
culturelles ; paroles, gestes, images : la diversité des modes de
communication.
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communication et de la société. On peut donc poser les questions
suivantes à tout discours technique, académique, politique, à propos
de la communication : Quels sont les présupposés ? D’où parle celui
qui parle si « naturellement » de la communication ? Quelle est sa
vision implicite de la société ? Comment celle-ci influence-t-elle sa
conception de la communication ?
Ces quatre positions se retrouvent au-delà de la recherche, dans
la presse, chez les acteurs ou les hommes politiques. En lisant des
articles de presse, ou en écoutant tel acteur économique ou
politique, intervenant sur le champ de la communication, on
peut comprendre à laquelle de ces positions, un discours se
rattache.
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domination du Nord sur le Sud.
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important que la science, la défense, l’éducation, la santé. L’effort
de production de connaissances doit donc être à la mesure de cette
importance économique, sociale et culturelle. Aussi bien au plan
des nations qu’à celui, essentiel demain, du respect de la diversité
culturelle. Avec l’information et la communication, on touche aux
infrastructures mentales des individus et des collectivités.
3) Développer des connaissances est aussi le moyen de préserver
la communication comme valeur caractéristique de la culture occi-
dentale et de la démocratie, au moment où celle-ci est saisie, et avec
quel succès, par tous les intérêts. Rien ne garantit, au moment où la
communication devient une industrie mondiale en pleine expan-
sion, qu’elle restera liée aux valeurs qui la soutiennent. Elle peut
même devenir un facteur de domination et d’inégalité, entre le
Nord et le Sud, loin des idéaux de partage et d’émancipation qui
l’ont vu naître en Occident.
4) Développer des connaissances, c’est agir dans la durée ; pour
relativiser les promesses des « nouvelles » techniques ; ne pas réduire
la communication à des techniques ; développer des travaux théori-
ques ; favoriser la naissance d’une communauté scientifique. À terme,
celle-ci est un des moyens pour garder un peu de distance, à l’égard
de la séduction des techniques et de la pression des acteurs.
5) Le risque demain ? La marginalisation des chercheurs et uni-
versitaires, au profit des « experts » et « conseillers » en tout genre,
dont les discours seront toujours plus séduisants, car directement liés
aux réalités. Dès lors que la communication devient une industrie,
la logique des intérêts domine celle des valeurs. Tant qu’il n’y a pas
de crise de la communication, la demande de connaissance risque de
rester faible. Raison de plus pour la développer au sein de
l’Université et du CNRS.
Laissera-t-on ouvert le débat, à peine ébauché, sur deux philo-
sophies de la communication : partager ou transmettre ? La philo-
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politique de la communication de ce qui renvoie à cette philosophie
technique. Ces deux philosophies ne recoupent pas forcément comme
je l’ai expliqué précédemment, l’opposition entre communication
normative et communication fonctionnelle, ce qui montre la com-
plexité des rapports entre communication et société. Il peut, en effet,
y avoir une communication normative aussi bien dans la philosophie
politique que dans la philosophie technique de la communication. À
l’inverse, la dimension fonctionnelle peut se retrouver aussi bien
dans l’approche politique, ou technique, de la communication. En
tout cas distinguer deux visions, technique et politique de la com-
munication, permet de mettre en perspective les enjeux liés à
l’économie de la communication et aux projets sociaux culturels et
éducatifs qui en sont le prolongement. Dans tous les cas, distinguer et
différencier les problèmes de nature différente, n’est-ce pas finale-
ment, ce qui caractérise l’acte de connaissance ?
Dominique WOLTON
CNRS/Laboratoire Communication et Politique
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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