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Bertrand Mazabraud
Dans Cités 2010/2 (n° 42), pages 127 à 189
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 1299-5495
ISBN 9782130580591
DOI 10.3917/cite.042.0127
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1. F. Gros, Michel Foucault, éd. PUF, coll. « Que sais-je ? », 1996, pp. 3-14.
2. M. Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, 1961, rééd. Gallimard, 2001, pp.169 -177.
3. M. Foucault, « Le sujet et le pouvoir », Dits et écrits, t.2, éd. Gallimard, 2001, p. 1041. Ces
années ont marqué une réorientation de sa pensée : il a cherché à saisir les rapports de pouvoir, la
production des savoirs qui y sont liés, et par conséquent les modes de subjectivations auxquels sont
soumis les individus.
4. M. Foucault, Surveiller et punir, éd. Gallimard, 1975.
1. C’est principalement dans les cours La Société punitive et Le Pouvoir psychiatrique (M.
Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, cours au Collège de France, 1973-1974, éd. Gallimard/Seuil, 2003)
que Foucault a élaboré le concept de « dispositif de pouvoir ». Les analyses seront prolongées dans
Les Anormaux (M. Foucault, Les Anormaux, cours au Collège de France, 1974-1975, éd. Gallimard/
Seuil, 1999). Ces cours ont accordé une place prépondérante au droit pénal à côté de la psychiatrie
et des procédures de normalisation. Foucault a tenté de déceler comment le régime pénal fut doublé
par les instances de la médecine psychiatrique, repliant le criminel – qui transgresse par son acte la
volonté du souverain –, sur la figure du délinquant : personnage aux instincts déviants dont toute la
biographie atteste de sa perversité et qu’il convient non pas tant de juger que de redresser. (Cf. aussi
M. Foucault, « L’extension sociale de la norme », Dits et écrits, t. 2, n°173, p. 75).
2. Il s’agissait pour Foucault, dans l’analyse généalogique des dispositifs de pouvoir, de montrer
« comment les relations de pouvoir, historiquement déterminées, jouaient comme des matrices de formes de
savoirs et des formes de subjectivités. » (F. Gros, op. cit., p. 84). Lorsqu’il a réinscrit les problématiques
des dispositifs de pouvoir dans celle de la gouvernementalité, un déplacement s’est opéré. Il s’agissait
désormais d’expliciter l’articulation entre « des formes de savoir, des relations de pouvoir et des processus
de subjectivation, comme autant de plans distincts. On établit un gouvernement sur des sujets, et avec
l’aide de savoir ». (Ibid., p. 84).
3. F. Ewald, « Pour un positivisme critique : Michel Foucault et la philosophie du droit », Droits,
PUF, 1986, pp. 137-142. Un tel projet supposerait de chercher quels sont les a priori historiques à
partir desquels s’ouvrent pour le droit une certaine manière de se dire.
Foucault, le droit
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1. G. Deleuze, op. cit., p. 35 : « Le pouvoir n’a pas d’essence, il est opératoire. Il n’est pas attribut mais
rapport : la relation de pouvoir est l’ensemble des rapports de force, qui ne passe pas moins par les forces
dominées que par les dominantes, les deux constituant des singularités ».
2. M. Foucault, Histoire de la sexualité 1. La Volonté de savoir, éd. Gallimard. 1976, p. 122.
3. M. Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 16 : « Pris dans ses ramifications dernières,
à son niveau capillaire, là où il touche l’individu lui-même, le pouvoir est physique, et, par là même, il
est violent, au sens où il est parfaitement irrégulier, non pas au sens où il est déchaîné, mais au sens, au
contraire, où il obéit à toutes les dispositions d’une espèce de microphysique des corps ».
Foucault, le droit
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A ) L es éléments constitutifs
du dispositif juridique de pouvoir
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1 ) U n pouvoir du P rince opposé
Foucault, le droit
à des ennemis intérieurs et extérieurs
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1. Ibid., p. 58 : « L’infraction, selon le droit de l’âge classique, au-delà du dommage qu’elle peut
éventuellement produire, au-delà même de la règle qu’elle enfreint, porte tort au droit de celui qui fait
valoir la loi (…). Le crime, outre sa victime immédiate, attaque le souverain ; il l’attaque personnellement
puisque la loi vaut comme volonté du souverain ; il l’attaque physiquement puisque la force de la loi, c’est
la force du prince. »
2. Ibid., p. 59 : « Le supplice a donc une fonction juridico-politique. Il s’agit d’un cérémoniel pour
reconstituer la souveraineté un instant blessée. » Cf. aussi M. Foucault, « Il faut défendre la société », op.
cit., p. 17.
Foucault, le droit
2 ) U n pouvoir orienté vers la mort
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1. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., p. 177 : « Longtemps, un des privilèges caractéristiques
du pouvoir souverain avait été le droit de vie et de mort. Sans doute dérivait-il formellement de la vieille
patria potestas qui donnait au père de famille romain le droit de disposer de la vie de ses enfants comme
de celle des esclaves ». Il reste que ce pouvoir connait des bornes : « Le droit de vie et de mort n’est pas
un privilège absolu : il est conditionné par la défense du souverain, et sa propre vie. » (Ibid., p. 178).
2. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit.,p. 214 : « Dans la théorie classique de la sou-
veraineté, vous savez que le droit de vie et de mort était un de ses attributs fondamentaux. »
3. Ibid., p. 214 : « Vis-à-vis du pouvoir, le sujet n’est, de plein droit, ni vivant ni mort. Il est, du
point de vue de la vie et de la mort, neutre, et c’est simplement du fait du souverain que le sujet a droit à
être vivant ou a droit, éventuellement à être mort. »
4. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 214.
5. Ibid., p. 39.
1. Ibid., p. 47 : « Il faut bien qu’il y ait un point unique, individuel qui soit le sommet de tout cet
ensemble de rapports hétérotopiques les uns par rapport aux autres et absolument non planifiables en un
seul et même tableau. (…) L’individualité du souverain est impliquée par la non-individualisation des
éléments sur lesquels s’applique le rapport de souveraineté. »
2. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 14.
B ) L e dispositif de souveraineté :
histoire d ’ un pouvoir , histoire d ’ un savoir 139
Comme tout dispositif, la souveraineté articule des pratiques de pouvoir Foucault, le droit
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1. Ibid., p. 32. Cf. aussi : Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., pp. 44-45 : « Il me semble que c’est
un rapport de pouvoir qui lie souverain et sujet selon un couple de relations asymétriques : d’un côté, le
prélèvement, et de l’autre la dépense. Dans le rapport de souveraineté, le souverain prélève des produits,
des récoltes, des objets fabriqués, des armes, de la force de travail, du courage ; il prélève aussi du temps,
des services, et il va, non pas rendre ce qu’il a prélevé, car il n’a pas à rendre, mais en opération de retour
symétrique, il va y avoir la dépense du souverain, qui peut prendre la forme soit du don, qui peut se faire
lors des cérémonies rituelles, soit celle d’un service. »
2. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., pp. 117-118 : « Penser le pouvoir à partir de ces
problèmes (violence, loi, volonté, liberté, État, souveraineté) c’est le penser à partir d’une forme historique
bien particulière à nos sociétés : la monarchie juridique. Bien particulière et malgré tout transitoire. Car
si beaucoup de ses formes ont subsisté et subsistent encore, des mécanismes de pouvoir très nouveaux l’ont
peu à peu pénétré, qui sont probablement irréductibles à la représentation du droit.»
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1. Ibid. p. 24 : « Dire que le problème de la souveraineté est le problème central du droit dans les
sociétés occidentales, cela signifie que les discours et les techniques du droit ont eu essentiellement pour
fonction de dissoudre, à l’intérieur du pouvoir, le fait de la domination, pour faire apparaître à la place
de cette domination, que l’on voulait réduire ou masquer, deux choses : d’une part, les droits légitimes de
la souveraineté et, d’autre part, l’obligation légale de l’obéissance. »
2. S. Legrand, Les Normes chez Foucault, éd. PUF, 2007, p. 40.
3. C’est ainsi, par exemple, que Foucault analyse le genre tragique. Dès l’origine, la tragédie
grecque se présente comme une tragédie du droit. (Cf. notamment Les Oresties). C’est une question
de droit qui se trouve à chaque fois au centre de la tragédie. Mise en scène de la transgression d’une
règle (Œdipe), d’un conflit de règles (Antigone), d’un effondrement du roi, de la manière dont le
pouvoir se réunifie. C’est en ce sens alors que Foucault voit dans les tragédies raciniennes des leçons
de droit public : « En tout cas, la tragédie en France au XVIIe siècle est une sorte de représentation du
droit public » (M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 156). Si au dispositif juridique
correspondent la tragédie et le discours légendaire, alors aux dispositifs disciplinaire et sécuritaire
correspond une autre forme littéraire : le roman. A la loi, le discours tragique, à la norme le discours
romanesque (racontant la vie d’un personnage). (Ibid., p. 156).
142 1. Ibid., pp. 58-60. Le premier axe, celui dit généalogique, vise à travers l’histoire d’une lignée
à établir l’ancienneté du droit du souverain. Le deuxième axe, celui de la mémorisation (à travers
Foucault, le droit les annales et les chroniques) tend à rappeler que c’est le roi qui fait le droit. Enfin, le troisième axe,
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2 ) U ne positivité reconduite
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Selon Foucault, l’école moderne du droit naturel n’a fait que reprendre
dans les grandes lignes, avec cependant des inflexions d’importance, le mo-
dèle juridique du pouvoir tel qu’il fut élaboré au profit de la royauté depuis
le XIIIe siècle. Les inventions théoriques hobbesiennes par exemple – et
notamment celle de la représentation –, sont démonétisées et considérées
comme déjà en germe dans le dispositif de souveraineté.
Néanmoins, Foucault a découvert également, par un mouvement de re-
lecture, les ruptures notables que ces théories ont provoquées, et surtout le
retournement du dispositif de souveraineté contre lui-même.
Dans une première lecture, Foucault a insisté sur la continuité du dispo-
sitif juridique de pouvoir des monarchies du XIIIème siècle aux théories dites
« contractualistes » des XVIIème et XVIIIème siècles. Il a identifié un même
diagramme de savoir-pouvoir : celui d’un rapport de domination exercé
1. Ibid., p. 11.
2. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., pp. 113 : « Raison générale et tactique qui semble aller
de soi : c’est à la condition de masquer une part importante de lui-même que le pouvoir est tolérable. »
3. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 215.
A ) L e dispositif disciplinaire :
un dispositif de pouvoir anti - juridique
1 ) L es traits idiosyncrasiques
du dispositif disciplinaire
1. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 161 : « Beaucoup de procédés disciplinaires existaient
depuis longtemps – dans les couvents, dans les armées, dans les ateliers aussi. Mais les disciplines sont de-
venues au cours du XVIIe et du XVIIIe siècles des formules générales de domination. »
1. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 173 : « Les disciplines en organisant les cellules, les
places, et les rangs fabriquent des espaces complexes : à la fois architecturaux, fonctionnels et hiérarchiques.
Ce sont des espaces qui assurent la fixation et permettent la circulation ; ils découpent des segments indivi-
duels et établissent des liaisons opératoires ; ils marquent des places et indiquent des valeurs ; ils garantis-
sent l’obéissance des individus, mais aussi une meilleure économie du temps et des gestes. »
2. M. Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 57 : « Dans le pouvoir disciplinaire, la fonc-
tion-sujet vient s’ajuster exactement à la singularité somatique : le corps, ses gestes, sa place, ses dépla-
cements, sa force, le temps de sa vie, ses discours, c’est tout cela sur quoi vient s’appliquer et s’exercer la
fonction-sujet du pouvoir disciplinaire. (…) On peut dire d’un mot que le pouvoir disciplinaire, et c’est
là sans doute sa propriété fondamentale, fabrique des corps assujettis, épingle exactement la fonction-sujet
sur des corps. »
3. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 196.
4. S. Legrand, op. cit., pp.47-49.
5. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 162.
1. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 32 : « Une nouvelle mécanique du pouvoir
(…) absolument incompatible avec le rapport de souveraineté (…). C’est un type de pouvoir qui s’exerce
continûment par surveillance et non de façon discontinue par des systèmes de redevances et d’obligations
chroniques. C’est un type de pouvoir qui suppose un quadrillage serré des coercitions matérielles plutôt que
l’existence physique du souverain, et définit une nouvelle économie du pouvoir dont le principe est que l’on
doit à la fois faire croître les forces assujetties et la force et l’efficacité de ce qui les assujettit. »
2. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., p. 118.
3. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 259.
1. M. Foucault, Sécurité, Territoire, Population, op. cit., pp. 47-48 : « Le système de légalité, le sys-
tème de la loi a essentiellement pour fonction de déterminer les choses d’autant plus qu’elles sont interdites
(…). Le mouvement de spécification et de détermination dans un système de légalité porte toujours et
avec d’autant plus de précision qu’il s’agit de ce qui est à empêcher, de ce qui est à interdire. Autrement
dit, c’est en prenant le point de vue du désordre que l’on analyse de plus en plus finement, que l’on va
établir l’ordre – c’est-à-dire ce qui reste. L’ordre c’est ce qui reste lorsqu’on aura empêché en effet tout ce qui
est interdit. (…) Le mécanisme disciplinaire, lui aussi, il code perpétuellement en permis et défendu, ou
plutôt en obligatoire et en défendu, c’est-à-dire que le point sur lequel un mécanisme disciplinaire porte,
ce n’est pas tellement les choses à ne pas faire que les choses à faire. Une bonne discipline, c’est ce qui vous
dit, à chaque instant, ce que vous devez faire. »
2. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 259.
3. Ibid., p. 216.
1. Ibid., p. 215.
2. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 216.
3. St. Legrand, Les Normes chez Foucault, op. cit., p. 63 et s.
Le dispositif disciplinaire n’a pas fait que remplacer le dispositif de sou- Foucault, le droit
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Les disciplines ont leurs propres appareils de pouvoir (usines, ateliers, ca-
sernes militaires, écoles, prisons, police, familles, asiles, etc.) et leurs propres
logiques de normalisation des conduites selon un quadrillage des compor-
tements quotidiens2. Elles prennent donc leurs différents points d’appui et
de relais à un niveau infra-juridique.
Il convient toutefois d’accorder une place spécifique à la police, tant
1. M. Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 246 : « L’on peut dire que l’on assiste depuis la
fin du Moyen-âge à la mise en enquête généralisée de toute la surface de la terre, et jusqu’au grain le plus
fin des choses, des corps et des gestes : une sorte de grand parasitage inquisitorial. »
2. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 249.
1. Ibid., p. 250 : « La fonction disciplinaire est assurée par la police, mais elle existe aussi en dehors
d’un appareil d’État. »
2. M. Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 82.
3. Ibid., p. 83 : « [La famille] est le point zéro, en quelque sorte, où les différents systèmes discipli-
naires vont s’accrocher les uns aux autres. Elle est l’échangeur, le point de jonction qui assure le passage d’un
système disciplinaire à l’autre, d’un dispositif à l’autre. La meilleure preuve, c’est que, lorsqu’un individu se
trouve rejeté hors d’un système disciplinaire comme anormal, où est-il renvoyé ? A sa famille. (…) Et c’est
la famille qui, à ce moment-là, a pour rôle de le rejeter à son tour comme incapable de se fixer à chacun
des systèmes disciplinaires, et de l’éliminer, soit sous forme de rejet dans la pathologie, soit sous forme de
rejet dans la délinquance. »
4. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., p. 58.
1. Ibid., p. 35.
2. Ibid., p. 25 : « Il s’agit de saisir le pouvoir dans ses formes les plus régionales, là surtout où ce pou-
voir, débordant les règles de droit qui l’organisent et le délimitent, se prolonge par conséquent au-delà de
ces règles, s’investit dans des institutions, prend corps dans des techniques. »
3. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 26.
1. Ibid., p. 27.
2. M. Foucault, Les Anormaux, op. cit., p.20 : « Ce n’est plus un sujet juridique que les magistrats,
les jurés ont devant eux, mais c’est un objet : l’objet d’une technologie et d’un savoir de réparation, de
réadaptation, de réinsertion, de correction. En bref, l’expertise a pour fonction de doubler l’auteur, respon-
sable ou non, du crime, d’un sujet délinquant qui sera l’objet d’une technologie spécifique. »
3. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 35.
4. Ibid., p. 27.
1. M. Foucault, Les Anormaux, op. cit., p.20 : « Ce n’est plus un sujet juridique que les magistrats,
les jurés ont devant eux, mais c’est un objet : l’objet d’une technologie et d’un savoir de réparation, de
réadaptation, de réinsertion, de correction. En bref, l’expertise a pour fonction de doubler l’auteur, respon-
sable ou non, du crime, d’un sujet délinquant qui sera l’objet d’une technologie spécifique. »
2. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 35.
3. M. Foucault, Les Anormaux, op. cit., p.18 : « La deuxième fonction de l’expertise psychiatrique
(la première était de doubler le délit par la criminalité), c’est de doubler l’auteur du délit par ce person-
nage, nouveau au XVIIIe siècle, qui est le délinquant. »
4. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 293. Cf. aussi de façon significative le glissement
sémantique concernant l’homosexualité : M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., p. 59.
5. M. Foucault, Dits et écrits, t. 1, « La vérité et les formes juridiques », n°139, p. 1461 : « La
notion de dangerosité signifie que l’individu doit être considéré par la société au niveau de ses virtualités,
et non pas au niveau de ses actes. »
1. F. Boullant, Michel Foucault et les prisons, éd. PUF, 2003, p. 86 : « Parler d’illégalismes, c’est
mettre à plat l’ensemble des actes délinquants en refusant de considérer leur gravité intrinsèque. »
2. G. Deleuze, op. cit., p. 37 : « Un des thèmes les plus profonds du livre de Foucault consiste à
substituer à cette opposition trop Grosse loi-illégalité une corrélation plus fine illégalismes-lois. La loi est
toujours une composition d’illégalismes qu’elle différencie en les formalisant (…). La loi est une gestion des
illégalismes, les uns qu’elle permet, rend possibles ou invente comme privilège de la classe dominante, les
autres qu’elle tolère comme compensation des classes dominées ou même qu’elle fait servir à la dominante,
les autres enfin qu’elle interdit, isole et prend comme objet, mais aussi comme moyen de domination. »
3. Ibid., p. 99 : « De sorte que la criminalité se fondait dans un illégalisme plus large, auquel les
couches populaires étaient attachées comme à des conditions d’existence ; et inversement, cet illégalisme
était un facteur perpétuel d’augmentation de la criminalité. »
1. Ibid., p. 99 : « De là une ambiguïté dans les attitudes populaires : d’un côté le criminel – surtout
lorsqu’il s’agissait d’un contrebandier ou d’un paysan chassé par les exactions d’un maître – bénéficiait
d’une valorisation spontanée (…) ; mais d’autre part celui qui, à l’abri d’un illégalisme accepté par la po-
pulation, commettait des crimes aux dépens de celle-ci, le mendiant vagabond, par exemple, qui volait et
assassinait, devenait facilement l’objet d’une haine particulière : il avait retourné contre les plus défavorisés
un illégalisme qui était intégré à leurs conditions d’existence. »
2. F. Boullant, Michel Foucault et les prisons, op. cit., p. 89.
3. M. Foucault, « La société punitive », Dits et écrits, t. 1, n°131, p. 1335 : « Le machinisme,
l’organisation des grandes usines, avec des stocks importants de matière première, la mondialisation du
marché et l’apparition des grands centres de redistribution de marchandises mettent les richesses à portée
d’attaques incessantes. »
4. M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit.,p. 101.
5. Ibid., p. 103 : « L’économie des illégalismes s’est restructurée avec le développement de la société
capitaliste. L’illégalisme des biens a été séparé de celui des droits. Partage qui recouvre une opposition de
classes, puisque, d’un côté, l’illégalisme qui sera le plus accessible aux classes populaires sera celui des biens
– transfert violent des propriétés ; tandis que d’un autre la bourgeoisie se réservera, elle, l’illégalisme des
droits : la possibilité de tourner ses propres règlements et ses propres lois. »
6. S. Legrand, op. cit., p. 95.
1. G. Deleuze, op. cit., p. 50 : « L’enfermement renvoie à un dehors, et ce qui est enfermé, c’est le de-
hors. C’est au dehors, ou par exclusion, que les agencements enferment, et il en est de l’intériorité psychique
comme de l’enfermement physique. »
2. F. Boullant, Michel Foucault et les prisons, op. cit., p. 90.
3. Ibid., p. 92.
1. S. Legrand, Les Normes chez Foucault, op. cit., p. 74 : « Aberrante et dialectique, la prison trans-
fère à toutes les institutions disciplinaires, qui ne sont que sa forme atténuée, la légitimité qu’elle tire de
son lien interne au droit, dont elle est la négation déterminée. »
2. Ibid., p. 158.
3. M. Foucault, Sécurité, Territoire, Population, op. cit,. p. 50.
4. M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 216
5. M. Foucault, La Volonté de savoir, op. cit., p. 36 : « Les gouvernants s’aperçoivent qu’ils n’ont
pas affaire simplement à des sujets, ni même à un peuple, mais à une population, avec ses phénomènes
spécifiques et ses variables propres : natalité, morbidité, durée de vie, fécondité, état de santé, fréquence des
maladies, forme d’aliénation et d’habitation. »
169
1 ) L e dispositif sécuritaire au service de la biopolitique
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Le dispositif sécuritaire n’est pas venu se subroger aux dispositifs disci- 171
plinaire et juridique il est venu se surajouter à ceux-ci. « La sécurité est une
certaine manière d’ajouter, de faire fonctionner, en plus des mécanismes propre- Foucault, le droit
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2 ) L a L oi , la N ormalisation , la « N ormation »
1. Ibid., p. 58.
2. Ibid., p. 59.
3. Ibid., p. 64 : « On va donc avoir la courbe normale, globale, les différentes courbes considérées
comme normales, et la technique va consister à rabattre les normalités les plus défavorables par rapport à
la courbe normale générale »
4. Ibid., p. 65.
177
b ) L a régulation interne et économique du pouvoir
Foucault, le droit
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1. Ibid., p. 267.
2. Ibid., p. 354.
3. M. Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 18 : « Ce que l’économie politique découvre,
ce n’est pas des droits naturels antérieurs à l’exercice de la gouvernementalité, ce qu’elle découvre c’est une
certaine naturalité propre à la pratique même du gouvernement. »
4. Ibid., p. 15.
5. M. Foucault, Sécurité, Territoire, Population, op. cit., p. 33 : « [Le marché,] c’est son rôle de
véridication qui va désormais, et d’une façon simplement seconde, commander, dicter, prescrire les méca-
nismes juridictionnels ou l’observationnel de mécanismes juridictionnels sur lesquels il devra s’articuler. »
1. Ibid., p. 102 : « Loi et souveraineté faisaient donc absolument corps l’une avec l’autre. Au contraire,
là, il ne s’agit pas d’imposer une loi aux hommes, il s’agit de disposer des choses, c’est-à-dire d’utiliser plutôt
des tactiques que des lois, ou d’utiliser au maximum des lois comme des tactiques. »
2. Ibid., p. 103 : « Régression par conséquent de la loi, ou plutôt, dans la perspective de ce que doit
être le gouvernement, la loi n’est certainement pas l’instrument majeure. »
1. Ibid., p. 65.
2. Ibid., p. 65.
3. Ibid., p. 65.
4. Ibid., p. 65.
1. Ibid., p. 87.
1. Ibid., p. 120 : « Puisqu’il s’avère que l’État de toute façon est porteur de défectuosités intrinsèques,
demandons à l’économie de marché d’être en elle-même non plus le principe de limitation de l’État, mais
le principe de régulation interne de l’État (…). Au lieu d’accepter une liberté de marché, définie par l’État
et maintenue sous surveillance étatique – ce qui était la formule de départ du libéralisme (établissons un
espace de liberté économique) – pour les ordolibéraux il faut entièrement retourner la formule et se donner
la liberté du marché comme principe organisateur et régulateur de l’État (…). Autrement dit l’État sous
surveillance de marché plutôt qu’un marché sous surveillance de l’État. »
2. Ibid., p. 167.
3. Ibid., p. 168.
4. Ibid., p. 172.
1. Ibid., p. 223.
2. Ibid., p. 256 : « L’utilité prenant forme dans le droit et le droit se bâtissant entièrement à partir
d’un calcul d’utilité. »
3. Ibid., p. 231.
4. Ibid., p. 249 : « La généralisation de la forme économique du marché, fonctionne comme principe
d’intelligibilité, principe de déchiffrement des rapports sociaux et des comportements individuels. »
1. Ibid., p. 253.
2. Ibid., p. 260.
3. Ibid., p. 264 : « L’action pénale est une action environnementale. »
4. Ibid., p. 265.
***
1. M. Foucault, « Face aux gouvernants, les droits de l’homme », Dits et écrits, t. 2, n°355, p.
1526. Ce droit trouverait des relais dans les ONG naissantes (Amnesty international, Terre des
hommes, etc.) et par conséquent sortirait du cadre de la souveraineté étatique exercée sur un ter-
ritoire. Autrement dit, au lieu de la société civile inventée par les économistes libéraux au XVIIIe
siècle (Smith, Fergusson) c’est-à-dire une société civile conçue comme une population composée
d’hommes d’intérêts, gérée par l’État selon la grille d’intelligibilité de l’économie, il serait envisa-
geable de retourner la société civile contre l’État non plus dans un rapport d’intériorité mais d’exté-
riorité, en la projetant sur la scène internationale et la dotant de droits supra-étatiques opposables
aux États (ibid., p. 1527 : « Amnesty International, Terre des hommes, Médecins du monde sont des
initiatives qui ont créé un droit nouveau, celui des individus privés à intervenir effectivement dans une
réalité dont les gouvernants ont voulu se réserver le monopole, ce monopole qu’il faut arracher peu à peu
et chaque jour. »)
2. G. Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers, éd. Minuit, 2003, pp.
240-247.