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Peut-on définir la sociologie économique ?

Isabelle This Saint-Jean


Dans L'Année sociologique 2005/2 (Vol. 55), pages 307 à 326
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0066-2399
ISBN 9782130553120
DOI 10.3917/anso.052.0307
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.82.211.159)

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PEUT-ON DÉFINIR
LA SOCIOLOGIE ÉCONOMIQUE ?

Isabelle THIS SAINT-JEAN


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RÉSUMÉ. — Cet article revient sur la question de la définition de la sociologie éco-
nomique. Son ambition est tout d’abord de montrer que cette question, contrairement à
ce que pourrait laisser penser une lecture rapide des travaux de ce qu’il est convenu
d’appeler la Nouvelle Sociologie économique, est loin d’être tranchée. Trois définitions
différentes sont ainsi identifiées et présentées successivement. L’article s’efforce de mettre
en évidence d’une part, les difficultés rencontrées par certaines d’entre elles, et d’autre
part les conséquences que ces différentes définitions ont sur le positionnement ins-
titutionnel de la sociologie économique et sur le tracé de la frontière entre sociologie et
économie.

ABSTRACT. —This article deals with the definition of economic sociology. Our
ambition is first to show that this question is far from being closed, contrarily to the posi-
tion we could adopt after a superficial reading of the New Economic sociology’s works.
Three different definitions are presented. This article points theirs difficulties out and
their consequences on the institutional position of economic sociology and on the fron-
tier between economics and sociology.

Introduction

Tenter de donner une définition d’un courant théorique ou


d’une discipline est une entreprise qui paraît à beaucoup vaine et
inutile1. Pourquoi alors avoir choisi ce thème de la définition de la
sociologie économique ? En analysant les travaux qui se reven-
diquent de la sociologie économique – ou de ce que d’aucuns ont

1. « Est-il raisonnable ou fructueux de consacrer des efforts prolongés ou renouvelés


à des questions de nature “essentialiste” ou conceptuelle, comme le sont nécessairement
les questions de définitions ? », écrivent par exemple A. Mignat, P. Salmon et A. Wolfes-
perger (1985, p. 85).

L’Année sociologique, 2005, 55, n0 2, p. 307 à 326


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appelé la « Nouvelle Sociologie économique » – et qui se sont mul-


tipliés depuis les années 1980, trois raisons apparaissent.
La première découle du constat suivant. Lorsque l’on jette un
regard rapide sur les textes de sociologie économique et sur les
manuels aujourd’hui chargés de les présenter2, on ne trouve pas une
définition de ce courant, mais en réalité plusieurs – et ce, même si
on limite son attention aux travaux des auteurs contemporains3.
Certes, la plupart d’entre elles se rangent sous la bannière d’une
définition très générale que l’on peut énoncer ainsi : la socio-
logie économique correspondrait à « la perspective sociologique
appliquée aux phénomènes économiques » (Smelser et Swedberg,
1994, p. 3). On pourrait donc penser que le problème de la défini-
tion n’en est pas un. Toutefois, sans entrer dès à présent dans le
détail de la discussion que nous nous proposons de développer par
la suite, un rapide coup d’œil jeté aux principales présentations de
ce courant convaincra sans difficulté le lecteur que cette définition
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ne permet pas d’identifier sans ambiguïté les travaux qui doivent
être regroupés sous l’étiquette de « sociologie économique ». En
effet, des divergences profondes existent entre ces différentes pré-
sentations en ce qui concerne les frontières de la sociologie écono-
mique et ces dernières paraissent être à géométrie plus que variable.
Si par exemple O. Williamson prend place dans le Handbook de
sociologie économique de N. Smelser et R. Swedberg (1994) et
dans le recueil de textes fondamentaux de R. Swedberg (1996 b),
M. Granovetter, auteur central de la Nouvelle Sociologie écono-
mique, en fait dans ses premiers textes l’une des cibles principales de
sa « Nouvelle Sociologie économique »4. De même si P. Bourdieu
ne figure dans aucun des manuels de langue française consacrés à ce
courant, M. Granovetter, dans un texte décrivant le paysage intel-
lectuel de la sociologie économique, souligne la très grande proxi-
mité de ses analyses avec celles de cet auteur (2000, p. 36.). Par ail-

2. Plusieurs ouvrages ont en effet été consacrés ces dernières années à la présenta-
tion de ce courant. Pour nous en tenir aux principaux (et en privilégiant ceux disponibles
en langue française), nous citerons : N. Smelser et R. Swedberg, 1994 ; R. Swedberg,
1994 (1987) ; R. Swedberg, 1996b ; R. Swedberg, 2003 ; P. Steiner, 2005 (1999) ;
B. Lévesque, G. Bourque et E. Forges, 2001 ; C. Trigilia, 2002 (1998).
3. En renvoyant le lecteur intéressé par les tentatives plus anciennes de sociologie
économique à l’ouvrage de J.-J. Gislain et P. Steiner (1995) et à celui de R. Swedberg
(1994), ainsi qu’à son texte de 1991.
4. On retrouve la critique adressée par M. Granovetter à O. Williamson dans la
plupart de ses textes. Pour une première présentation nous renvoyons le lecteur au texte
de 1985 de M. Granovetter (2000, chap. 2).
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leurs, deux des principaux courants économiques « hétérodoxes »


du paysage intellectuel français – l’école de la régulation et celle des
conventions – doivent-ils être intégrés dans la sociologie écono-
mique, ainsi que le prétendent par exemple B. Lévesque,
G. Bourque et E. Forges (2001) ? Qu’en est-il également – pour
rester dans le paysage français – des travaux du MAUSS ou de ce que
l’on appelle « l’économie solidaire » ? Autant de questions qui reste-
ront sans réponse si l’on ne prend pas au sérieux la question de la
définition de la sociologie économique.
Ces remarques nous conduisent à la seconde raison qui nous
incite à revenir sur la définition de la sociologie économique. Pour
la comprendre, partons du constat que beaucoup ont fait avant
nous : la sociologie économique est entrée, depuis un certain
nombre d’années déjà, dans une période d’institutionnalisation
intense. On a vu ainsi se multiplier les publications consacrées à ce
thème, les numéros spéciaux de revue, les manuels, les collections,
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une lettre électronique, les enseignements, les colloques et les sémi-
naires, ainsi que plusieurs regroupements au sein des associations
professionnelles de la sociologie. Or, pour certains, cette institu-
tionnalisation doit répondre à la volonté clairement affichée de
« “redonner” à la sociologie économique un statut de discipline
autonome au sein de la sociologie », pour reprendre les termes de
R. Swedberg (1994, p. 28, nous soulignons). Certes, un tel posi-
tionnement institutionnel de la sociologie économique, au sein de la
sociologie, présente plusieurs avantages. Il permet d’une part d’éviter
bien des réactions hostiles venant de la communauté des économis-
tes face à ces travaux qui revendiquent parfois de s’attaquer aux
« objets centraux » de l’économie (Granovetter, 1994 (1992),
p. 81). D’autre part, il permet également de ne pas avoir à prendre
parti dans les violentes querelles qui déchirent les économistes. En
outre, la pluridisciplinarité a souvent mauvaise presse et elle n’est
pour beaucoup que le voile programmatique derrière lequel se
cachent l’indigence intellectuelle et la faiblesse des travaux. Toute-
fois, un tel positionnement institutionnel de la sociologie écono-
mique ne risque-t-il pas de fermer la porte aux quelques économis-
tes susceptibles de s’y intéresser et de collaborer éventuellement à
son développement, non seulement institutionnel, mais également
scientifique ? La collaboration entre économistes et sociologues ne
pourrait-elle s’avérer ici fructueuse ? Or, si nous n’avons pas la naï-
veté de penser qu’une simple définition suffise à déterminer le posi-
tionnement institutionnel de travaux donnés et moins encore leur
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contenu, il n’est reste pas moins que certaines définitions peuvent


venir légitimer des stratégies institutionnelles différentes. Aussi la
stratégie d’ « appropriation » de la sociologie économique adoptée
par certains sociologues paraîtra-t-elle moins évidente si nous arri-
vons à montrer qu’aux côtés de la définition que nous mention-
nions ci-dessus, il existe d’autres définitions. Si nous montrons en
outre que, parmi ces définitions, l’une d’entre elles a pour consé-
quence la remise en cause de la séparation étanche entre les deux
disciplines voisines et rivales – sociologie et économie –, voire la
contestation de l’existence autonome de l’une et de l’autre, on peut
espérer que la collaboration entre les chercheurs de deux disciplines
rencontrera un peu moins d’obstacles, du moins d’obstacles institu-
tionnels. Telle est donc la deuxième raison pour laquelle il nous
paraît nécessaire de revenir sur la définition de ce courant.
La dernière raison que nous avons de le faire relève de
l’épistémologie de l’économie. En effet, nous l’avons dit, selon la
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définition que l’on adopte de la sociologie économique, le tracé de
la frontière entre la sociologie et l’économie peut se trouver pro-
fondément modifié, voire disparaître complètement. Traiter la
question de la définition de ce courant nous ramène donc inélucta-
blement à celle de la frontière entre les deux disciplines – lieu hau-
tement conflictuel – et des rapports qu’elles peuvent entretenir5.
Nous retrouvons ainsi l’une des questions centrales de l’épisté-
mologie de l’économie.
Partons donc à la recherche de la définition de la sociologie éco-
nomique. Nous en présenterons trois principales dont nous exami-
nerons la cohérence ; et nous nous efforcerons pour chacune de
repérer ses conséquences sur les relations qu’entretiennent les deux
disciplines voisines.

5. Depuis le début des années 1990 environ, en France notamment, la multiplica-


tion des analyses consacrées à cette question de la frontière qui sépare l’économie de la
sociologie nous paraît en partie résulter du développement de la sociologie économique.
Pour nous en tenir au paysage intellectuel français, nous pourrions citer ici trois numéros
de la Revue économique consacrée à ce thème (1988, 2002, 2005), ainsi que les articles de
E. Malinvaud (1996, 2001) et les réponses qui lui furent adressées par A. Caillé, P. Com-
bemale et P. Steiner dans la revue L’Économie politique (2001). Il faudrait également ajou-
ter le numéro spécial de la Revue française de sociologie consacré à ce thème et coordonné
par P.-M. Menger en juillet-septembre 1997. Il serait toutefois difficile de ne pas citer
l’ouvrage d’entretiens de R. Swedberg de 1990 ou le numéro spécial du Journal of Econo-
mic Perspectives (2005).
Peut-on définir la sociologie économique ? 311

I - Une première définition :


I - « la perspective sociologique
I - appliquée aux phénomènes économiques »

Comme nous le mentionnions en introduction, la sociologie


économique est généralement présentée comme « la perspective socio-
logique appliquée aux phénomènes économiques » (Smelser et Swedberg,
1994, p. 3) ou encore comme « l’étude sociologique de
l’économie » (Swedberg, 1994 (1987), p. 221).

A - Les « phénomènes économiques »

Or, cette définition pose un certain nombre de difficultés. Elle


demande notamment à être précisée. En effet, lorsqu’on l’énonce,
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une première question surgit aussitôt : Que faut-il entendre par « phé-
nomènes économiques » ? On trouve chez les auteurs qui adoptent une
telle définition plusieurs réponses.
Ainsi, pour M. Granovetter, les phénomènes économiques cor-
respondent-ils aux « objets centraux » de l’économie, à savoir « la
production, la distribution et la consommation » (1994, p. 81). On
reconnaît ici sans peine l’une des principales définitions que la disci-
pline économique donne d’elle-même. Toutefois, il en existe une
seconde6 : il s’agit de celle proposée par exemple par L. Robbins et
qui est actuellement au cœur de la discipline économique. Selon ce
dernier, l’économie est « la science qui étudie le comportement
humain comme une relation entre des fins et des moyens rares qui
ont des usages alternatifs » (1932, p. 30)7. Et l’on retrouve effective-
ment, toujours chez M. Granovetter (1992, p. 33), une définition
des « phénomènes économiques » très proche de cette dernière,
lorsqu’il reprend la définition de « l’action économique » de
M. Weber (1921). Or, sans entrer dans un débat délicat, on peut

6. On trouve cette idée notamment chez H. Sidgwick lorsqu’il écrit dans le Pal-
grave l’entrée « Economic science and economics » (qui – cela mérite d’être souligné – a
été reprise comme telle dans le New Palgrave, la bible théorique actuelle. Notons
qu’il n’y a pas d’entrée « Economics » dans cet ouvrage, pas plus que d’entrée politi-
cal economy). Cette dualité est également soulignée par D. Hausman (1992, p. 6, voir
infra).
7. On trouve enfin une troisième définition qui est un mélange des deux précéden-
tes, conformément à l’attitude adoptée aujourd’hui par beaucoup d’économistes ; ainsi,
R. Swedberg (1996, p. IX), par exemple, définit-il l’économie comme l’étude des « acti-
vités de production, de répartition et d’échange de biens et de services rares ».
312 Isabelle This Saint-Jean

affirmer, en prenant appui sur l’autorité du philosophe D. Hausman


(1992), que ces deux définitions ne coïncident pas8. Toutefois,
puisque la première définition de ce qu’il faut entendre par « phé-
nomènes économiques » semble la plus souvent retenue par les
auteurs qui s’efforcent de définir la sociologie économique, passons
donc sur ce premier problème et admettons que tel soit « l’objet »
de ce courant. Nous allons voir cependant que les difficultés ren-
contrées par cette première définition de la sociologie économique
ne s’arrêtent pas là.

B - La « perspective sociologique »

En effet, si l’on s’en tenait à cette partie de la définition, la socio-


logie économique coïnciderait alors totalement avec l’économie.
Aussi faut-il, pour comprendre ce qui différencie la sociologie éco-
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nomique des travaux des économistes, mobiliser l’autre partie de la
définition – la première, celle qui nous dit que la sociologie écono-
mique est une « perspective sociologique » ( « appliquée aux phéno-
mènes économiques » ). Or, une telle proposition demande évidem-
ment elle aussi à être précisée et l’on peut repérer dans la littérature
consacrée à cette question trois interprétations différentes. Exami-
nons-les successivement.
Selon la première, cette « perspective » se définirait par opposi-
tion à celle des économistes : elle serait « inductive et historique »
quand la théorie économique serait « abstraite et déductive »9. Une
position de ce type apparaît par exemple dans l’article de
P. Hirsch, S. Michaels et R. Friedman de 198710. Or, même s’il est

8. Il écrit ainsi : « (...) it seems to me that economists typically accept competing


definitions of their subject as concerned with a particular set of causal factors (rational
acquisitiveness) and as concerned with a particular realm of social behaviour. Central to
contemporary economics is the implicit but highly contestable conviction that the two
definitions coincide, that (at a suitable level of approximation) the causal factors with
which economists are concerned provide a complete theory of their subject matter »
(Hausman, 1992, p. 6).
9. On retrouve ici une opposition classique qui est au cœur de la plupart des
débats méthodologiques qui se sont déroulés dans la seconde moitié du XIXe siècle.
10. Ces auteurs écrivent ainsi : « En dépit de la stabilité et du pouvoir des hypo-
thèses fondamentales des économistes et de la cohérence logique qu’elles permettent
d’atteindre, les modélisations déductives de ces derniers présentent un défaut rédhibitoire
aux yeux du sociologue : elles le conduisent à ignorer le monde empirique qui les
entoure » (1987, p. 280 notre traduction). Notons que cet article a été utilisé par
N. Smelser et R. Swedberg (1994) pour construire le tableau qui résume selon eux les
oppositions entre la sociologie économique et l’économie mainstream (p. 4, repris dans
Swedberg, 1996, p. X, et 1998, p. 135).
Peut-on définir la sociologie économique ? 313

probable que le rapport à l’empirie n’est pas le même dans les deux
disciplines, il n’en reste pas moins qu’un risque se dessine toutefois
ici. Celui qui consisterait à tomber dans le « stéréotype » que
dénonce à juste titre P.-M. Menger selon lequel « la (bonne)
sociologie serait par vocation gardienne de l’analyse réaliste et cri-
tique de la société, tandis que la théorie économique immergée
dans la fiction de ses modèles irréalistes, et de son axiomatique de
l’acteur rationnel, n’aurait que la pseudo-neutralité positiviste
d’une science adossée au capitalisme triomphant » (1997, p. 421)11.
Tournons-nous donc vers une autre interprétation de cette notion
de « perspective sociologique ».
Selon une seconde interprétation, cette expression désignerait tou-
tes les méthodes spécifiques utilisées couramment par les sociolo-
gues. Telle est par exemple la définition que l’on trouve au début
de l’ouvrage de P. Steiner consacré à la sociologie économique :
« La sociologie économique étudie les faits économiques en appor-
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tant l’éclairage donné par l’analyse sociologique, c’est-à-dire par des métho-
des différentes de celles de la théorie économique, comme les enquêtes, les
typologies, la méthode comparative ou, plus récemment l’analyse
de réseau. » (1999, p. 3 ; nous soulignons).
On pourrait même être tenté de restreindre ces méthodes à la
dernière d’entre elles : la théorie des réseaux ; on obtient ainsi une
troisième interprétation de ce que recouvre la notion de « perspective
sociologique ». Or, même si la notion de réseau joue indéniable-
ment un rôle essentiel dans le courant de la sociologie économique,
une telle interprétation n’est pas acceptable, et ce, pour deux raisons
symétriques. En effet, tous les travaux de sociologie économique ne
relèvent pas de ce type de méthode, et à l’inverse, tous les travaux
qui l’utilisent ne se revendiquent pas de la sociologie économique.

11. S’il visait par ces mots certains sociologues, les économistes sont eux aussi par-
fois capables de propos excessifs. Ainsi L. Lévy-Garboua écrivait-il : « Les chercheurs en
sciences sociales ont donc le choix entre une perception sensorielle de la réalité [celle des
sociologues] et la perception rationnelle commune à toutes les sciences [et en particulier
à l’économie], qui se donne pour objet des concepts dépouillés et dépourvus d’ambiguïté
et qui construit avec eux des représentations stylisées, complexes et souvent peu intuiti-
ves de la même réalité. (...) Le sociologue a été formé à éprouver des sensations. Il a
développé en lui un cinquième sens qui le fait participer intensément à la réalité qu’il
observe. Avec ce dernier, il va s’efforcer de comprendre la totalité du réel, de restituer au
lecteur les sensations même que les acteurs sociaux ont éprouvées. Il a atteint son but le
jour où il est enfin capable de résumer la réalité pleine de nuances par des typologies de
mots et de concepts, assez simples pour être mémorisés et assez denses pour être immé-
diatement reconnus pour essentiels et pour vrais par son lecteur. L’œuvre sociologique se
propage par l’adhésion de ses lecteurs, transformés en disciples, à une sorte de vérité révélée » (1988,
p. 289, nous soulignons).
314 Isabelle This Saint-Jean

Il suffit pour s’en convaincre de consulter l’ouvrage édité par J.-


E. Rauch et A. Casella, Networks and Markets12 (2001). Ces deux
auteurs affirment même que les échanges intensifs qui se dévelop-
pent entre sociologues et économistes, au croisement des notions de
« réseaux » et de « marché », « permettront de reconnaître de
manière plus précise qu’il existe une division du travail entre la
théorie économique et la sociologie économique » (2001, p. 21).
Seule la seconde interprétation paraît donc pouvoir être
retenue.

C - Un curieux mélange

Toutefois, si l’on définit ainsi les « phénomènes économiques »


et la « perspective sociologique », la sociologie économique corres-
pond alors à ce curieux mélange – à cet être hybride – qui par son
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« objet » appartient au domaine des économistes et par sa
« méthode » à celui des sociologues. Un peu plus aux sociologues
toutefois, puisque c’est à eux qu’appartiennent les méthodes et
qu’en outre ce sont eux qui ont décidé de les appliquer à de nou-
veaux objets, ou plus précisément à des objets qu’ils avaient choisis
d’abandonner aux économistes, pour des raisons stratégiques, au
moment de l’institutionnalisation de leur discipline, ne gardant que
les « miettes » que ces derniers voulaient bien leur abandonner13.
Resterait toutefois à définir de manière précise ces « méthodes »
de la sociologie et à être certain qu’elles diffèrent de celles des éco-
nomistes. Si tel n’était pas le cas – soit parce que certains sociolo-
gues adopteraient des méthodes des économistes, soit à l’inverse
parce que certains économistes emprunteraient à la sociologie cer-
taines de ses méthodes – ne faudrait-il pas alors reprendre la défini-
tion de la sociologie économique14 ?

12. Le lecteur pourra notamment se référer aux pages 3-5 pour une présentation
des principales analyses économiques antérieures à la publication de cet ouvrage.
13. Nous renvoyons ici le lecteur à Swedberg (1994 (1987), p. 50-54).
14. En outre, une telle dichotomie entre d’un côté un « objet » et de l’autre des
« méthodes » pourrait laisser penser que ces phénomènes « économiques » auxquels on
« applique » la perspective sociologique seraient des « faits donnés » à celui qui les étudie.
Telle paraît en effet être parfois la position des auteurs. Ne faudrait-il pas alors leur oppo-
ser une grande partie de l’épistémologie moderne : celle qui nous rappelle que les faits ne
sont jamais « donnés », mais toujours « construits », « imprégnés de théorie » ? On pour-
rait ici multiplier les références et les citations. On trouve en effet cette thèse longuement
développée par P. Duhem (1906, 2e partie, chap. 4), par exemple, avant de devenir un
lieu commun de l’épistémologie moderne, puisqu’on peut la repérer notamment chez
G. Bachelard (1934), K. Popper (1934) ou plus tardivement chez T. Kuhn (1962).
Peut-on définir la sociologie économique ? 315

II - La notion d’encastrement

A - Première tentative
Tournons-nous donc vers une nouvelle définition de la socio-
logie économique.
Pour cela revenons un instant sur l’article de 1985 de M. Gra-
novetter qui est, sinon le texte fondateur de la Nouvelle Sociologie
économique, du mois celui qui « allait devenir le texte le plus
connu de la sociologie économique contemporaine » (R. Swed-
berg, 1997, p. 239). On y trouve trois propositions théoriques ; rap-
pelons-les ici – même si elles sont bien connues de la plupart des
lecteurs – dans la version que Granovetter en donne en 199215. Ce
dernier écrit ainsi :
« 1 / La poursuite d’objectifs économiques s’accompagne en
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général de celle d’autres objectifs de nature non économique,
comme la sociabilité, la reconnaissance, le statut social et le pouvoir.
Les analyses qui, par principe, font abstraction de ces derniers par-
tent avec un handicap.
« 2 / L’action économique (comme toute action) est sociale-
ment située et on ne peut l’expliquer uniquement en considérant
des motifs individuels. Elle est encastrée [embedded] dans des réseaux
continus de relations personnelles, plutôt qu’effectuée par des
acteurs atomisés.
« 3 / Les institutions économiques (comme toutes les institu-
tions) n’émergent pas automatiquement sous une forme donnée,
déterminée par les circonstances extérieures ; elles sont au contraire
“socialement construites” (...) » (Granovetter, 1992, p. 25)16.
C’est à l’aide de ces trois propositions que M. Granovetter va
s’attaquer aux phénomènes qui constituent selon lui les « objets
centraux » de l’économie. Or, on trouve au cœur de ces trois pro-

15. Il existe des différences entre le texte de 1985 et les versions ultérieures qu’il
faudrait probablement étudier de manière systématique. Nous mentionnerons ici simple-
ment le fait que l’idée de « construction sociale », qui jouera un rôle fondamental par la
suite, n’apparaît pas dans l’article de 1985. De même dans son article de 1990, il ne pré-
sente plus que deux thèses : la première et la troisième (2000, p. 103)
16. Notons que N. Smelser et R. Swedberg construisent un tableau qui, selon eux,
résume les différences théoriques principales entre la sociologie économique et
l’économie « mainstream », en s’appuyant pour l’essentiel sur les deux premières proposi-
tions de Granovetter (auxquelles ils ajoutent des différences d’ordre méthodologique ou
qui concernent les traditions intellectuelles des deux disciplines) (1994, p. 4 ; on trouve
une première version assez différente de ce tableau dans Swedberg, 1994 (1987)).
316 Isabelle This Saint-Jean

positions, la notion « d’encastrement » que Granovetter emprunte à


Polanyi (1944)17 et qui lui permet d’énoncer ce qu’il appelle sa
« thèse faible de l’encastrement » (par opposition, d’une part à la thèse
« forte » de K. Polanyi et des « substantivistes » et, d’autre part, à la
position « des économistes ») qu’il énonce ainsi : « Si je suis d’accord
avec les économistes (...) pour dire que la transition vers la moder-
nité n’a pas beaucoup changé le niveau de l’encastrement, je suis
également d’accord pour dire qu’il a toujours été substantiel et qu’il
le demeure aujourd’hui ; moins prégnant dans le passé que ne
l’affirme la “thèse de l’encastrement fort” des substantivistes (...),
mais plus, dans la période récente, qu’ils ne le supposent tout
comme le font les économistes » (1992, p. 28). On le voit cette
thèse est bien plus large que la seule proposition (2) et synthétise en
réalité les trois propositions.
Apparaît donc ainsi une nouvelle définition de la sociologie
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économique établie à partir de cette notion d’encastrement. Relève-
raient de ce courant toutes les recherches qui se reconnaissent dans cette
« thèse faible de l’encastrement »18.
Une telle définition appelle deux remarques.
En premier lieu, si nous essayons d’identifier un peu plus
précisément ce que Granovetter entend par « encastrement », il
faut alors souligner la distinction qu’il introduit entre ce qu’il
appelle l’encastrement « structural » et l’encastrement « relation-
nel » : « “L’encastrement”, écrit-il, renvoie à l’idée que l’action
économique et les résultats, comme toutes les actions sociales et
tous les résultats, sont influencés par les relations dyadiques (par
paires) des acteurs et par la structure de l’ensemble du réseau de
ces relations » (1992, p. 33, souligné par l’auteur).
En second lieu, il faut noter que cette thèse – plus précisément
sa seconde partie – est porteuse d’une critique tout à fait radicale à
l’égard de la discipline économique. M. Granovetter marque
d’ailleurs clairement à diverses reprises – et surtout dans ses premiers
travaux – son opposition à ce qu’il appelle la « théorie économique
néoclassique »19. Ainsi souligne-t-il que les trois propositions théori-
ques qu’il énonce correspondent à autant de critiques adressées à

17. Sur cet emprunt, on pourra consulter P. Rème (2000) et P. Steiner (2002).
18. Cette position correspond, pensons-nous, à celle adoptée par P. Steiner (2002,
p. 36).
19. Nous ne nous prononcerons pas ici sur la définition que l’on peut donner de
cette expression, ni sur sa pertinence.
Peut-on définir la sociologie économique ? 317

cette théorie20. Si l’on ne saurait donc dire que cette opposition au


« paradigme néoclassique » constitue à proprement parler une défi-
nition de la Nouvelle Sociologie économique21, une telle attitude
critique paraît toutefois assez caractéristique de ce courant. Et il ne
s’agit pas simplement d’une opposition ponctuelle sur un certain
nombre de propositions théoriques – aussi importantes ces dernières
soient-elles – comme la présentation des trois propositions pourrait
le laisser croire. Ce qui est mis en cause ici, c’est n’est rien moins
que la légitimité de l’autonomisation du discours des économistes22 :
à savoir, la possibilité d’étudier les « phénomènes économiques »
sans tenir compte des réseaux de relations et de la structure de ces
derniers. La sociologie économique se placerait donc aux côtés
d’A. Comte, dans son opposition aux économistes, lorsqu’il déve-
loppe dans les 47e et 48e leçons sa critique de l’économie politique,
à partir de la notion de « consensus »23, aux côtés également de
É. Durkheim et de F. Simiand. Beaucoup crieront au scandale, à
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l’hérésie et à une attitude de totale régression.
Quoi qu’il en soit, l’attaque contre cette définition de la socio-
logie économique, lourde de telles conséquences, est venue d’autres
fronts : des troupes mêmes de cette dernière.

B - Second essai
L’épisode est bien connu, mais rappelons-le tout de même rapi-
dement, car il est important pour notre entreprise. Dès la fin des
années 1980 et le début des années 1990, plusieurs auteurs de la
sociologie économique ont en effet adressé une série de critiques
assez virulentes à la notion d’encastrement et à la « thèse faible » de
Granovetter.

20. Sur ce point, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à I. This Saint-Jean
(2002).
21. Nous partageons ici totalement le point de vue de P. Steiner lorsqu’il critique les
définitions du « paradigme de la sociologie économique en opposition au paradigme de la
théorie néoclassique », qu’il repère notamment chez Swedberg (1994) et Swedberg et
Smelser (1994, p. 4-8). Il écrit ainsi que la définition d’un paradigme est un « exercice bien
périlleux. (...) L’exercice est doublement périlleux lorsque le paradigme de la sociologie
économique est défini a contrario du paradigme de la théorie néoclassique » (1997, p. 84).
22. Explicitement revendiquée, depuis au moins J. S. Mill (2003 (1836) et 1988
(1836)).
23. Il affirme que « puisque les phénomènes sociaux sont ainsi profondément
connexes, leur étude réelle ne saurait donc être jamais rationnellement séparée (...). Toute
étude isolée des divers éléments sociaux est donc par la nature de la science, profondément
irrationnelle, et doit demeurer essentiellement stérile, à l’exemple de notre économie poli-
tique, fût-elle même mieux cultivée » (A. Comte, 1995 (1839), p. 117-118).
318 Isabelle This Saint-Jean

Ainsi S. Zukin et P. DiMaggio (1990) ont-ils reproché à la


notion d’ « encastrement structural » de M. Granovetter d’être trop
limitée. S’ils ne nient pas qu’elle joue un rôle, ils soulignent toute-
fois la nécessité de prendre en compte également ce qu’ils appellent
d’autres formes d’encastrement. Ils définissent ainsi un « encastre-
ment culturel » (de l’action économique dans la culture24), « poli-
tique » (dans un contexte de luttes politiques)25 et « cognitif » (liée
aux facteurs limitatifs de l’esprit humain)26.
Toutefois la remarquable « souplesse » de la notion d’encas-
trement27 – pour reprendre les termes de R. Swedberg (1997,
p. 253) – permet un réaménagement de la définition de la socio-
logie économique. L’encastrement ainsi redéfini – c’est-à-dire entendu
comme structural, culturel, politique et cognitif – serait alors le « parapluie
conceptuel » (pour reprendre l’expression de A. Portes et J. Sensen-
brenner (1993, p. 1346)), derrière lequel se regrouperaient les troupes de
la nouvelle sociologie économique. Relèveraient donc de ce courant
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tous les travaux s’abritant derrière un tel « parapluie conceptuel » et
adoptant cette notion élargie de l’encastrement.

C - Une démarche paradoxale


Or, on peut montrer que ce second essai se heurte alors à une
critique, qu’il partage d’ailleurs avec la définition fondée sur la
notion d’encastrement « structural » de M. Granovetter. Cette cri-
tique concerne la notion d’encastrement.
En effet, lorsque les auteurs affirment que les « faits économi-
ques » sont « encastrés » dans le social, dans le « politique », dans le
« culturel » ou dans le « cognitif », ils supposent du même coup qu’il
y a quelque chose que l’on peut identifier comme « économique » et
que l’on peut distinguer du « social », du « politique », du « cultu-
rel » et du « cognitif ». Or, la notion d’encastrement n’était-elle pas
là initialement pour affirmer précisément que l’économique n’est

24. La culture est ici définie comme « les représentations collectives communes »
qui peuvent par exemple venir limiter ce que les individus désirent acheter ou vendre.
Elle influe par le biais de « croyances et des idéologies – considérées comme données –
ou des systèmes de règles formelles » (S. Zukin et P. DiMaggio, 1990, p. 17).
25. On retrouve ici une partie des critiques adressée à la nouvelle sociologie écono-
mique de Granovetter par J.-L. Laville (1997). Pour une réponse de ce dernier, voir Gra-
novetter, 2000, Introduction.
26. À chacune de ces nouvelles formes d’encastrement correspondent autant de
nouvelles critiques adressées à la théorie économique.
27. D’autres y verront probablement à juste titre le signe de son absence de défini-
tion précise (voir par exemple Rème, 2000).
Peut-on définir la sociologie économique ? 319

pas simplement économique, mais qu’il est aussi toujours social,


culturel, politique et cognitif ? N’était-elle destinée à nous montrer
que les « actions » et les « résultats » « économiques » ne s’expliquent
pas uniquement par des facteurs économiques ?
Il y a donc quelque chose d’assez paradoxal dans la démarche de
ces auteurs, puisque c’est au moment même où ils cherchent à
contester le règne des économistes qu’ils l’assurent, en reconnaissant
l’existence de faits qu’ils qualifient « d’économiques » et dont
l’étude tout logiquement reviendrait à ces derniers. D’une certaine
manière, ils dessinent donc eux-mêmes la frontière qu’ils cherchent
précisément à mettre en cause.

III - « Encastrement » ou « interdépendance » ?


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A - Saisir « l’interaction complexe
A - entre les facteurs économiques, culturels et sociaux-structurels »
On trouve dans le texte de 1988 de V. Zelizer une nouvelle défi-
nition qui, pensons-nous, tout en étant assez proche de la
précédente, permet de dépasser cet obstacle. Cette dernière critique
en effet elle aussi, comme S. Zukin et P. DiMaggio (1990), le
« réductionnisme » (1988, p. 620) de la thèse fondée sur « l’en-
castrement structural », c’est-à-dire sa tendance à réduire toute chose
à un réseau de relations sociales. Elle affirme notamment que « la cul-
ture se languit dans les vestiges d’un passé parsonien » (ibid., p. 269 ;
cité par Swedberg, 1997, p. 248)28. Elle dénonce également la ten-
dance inverse qui conduit certains auteurs à analyser les phénomènes
économiques uniquement en termes de culture, comme s’ils
n’étaient que des ensembles de représentations. Elle explique alors
qu’il faut « réaliser un moyen terme entre la dictature de la culture et
celle des structures sociales » (ibid., p. 629). Ce moyen terme corres-
pond à ce qu’elle appelle « l’approche des marchés multiples ». Une
telle approche consiste, écrit-elle, à saisir « l’interaction complexe
entre les facteurs économiques, culturels29 et sociaux-structurels »

28. On trouve probablement une explication de la défiance que Granovetter a à


l’égard de cette notion de « culture », dans sa formation intellectuelle et sa « rébellion »
contre ce qui constituait alors « l’orthodoxie » en sociologie (sur ce point, voir Granovet-
ter, 2000, p. 33-34).
29. Dans la version française de ce texte, elle remplacera le terme de « culturels » par
« symboliques » (1992, p. 3).
320 Isabelle This Saint-Jean

(1988, p. 629), entre « les facteurs économiques et non écono-


miques » (ibid., p. 617). La notion centrale n’est plus ici celle
d’encastrement30, mais celle « d’interaction » (ou « d’interdépen-
dance » ou « d’interpénétration » [« interaction », « interplay », « inter-
penetration »], la terminologie n’est pas fixée dans son texte) entre des
facteurs de nature différente.
Peut-être s’agit-il simplement d’un flou terminologique, direz-
vous ? Entre « encastrement » et « interaction », ne joue-t-on pas sur
les mots ? Nous ne le pensons pas. Ce glissement terminologique
nous paraît tout à fait délibéré et correspondre à une nuance de
taille. En effet, il vient souligner que les causalités ne sont jamais
simples entre les différents types de facteurs ; du même coup, c’est
l’existence même de « types » de facteurs différents qui apparaît
contestable. Le programme de recherche ainsi défini est le suivant :
les chercheurs qui l’adopteront devront élaborer « un modèle théo-
rique d’interaction qui explorera et expliquera la variabilité
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complexe historique, culturelle et socio-structurelle de la vie éco-
nomique » (ibid., p. 631). Et l’on pourrait ajouter – avec Zukin et
DiMaggio – politique et cognitive.
On obtient alors une nouvelle définition de la sociologie écono-
mique. Il faudrait entendre par ce terme toutes les analyses qui intè-
grent (postulent et démontrent) cette idée d’interrelation entre différents types
de facteurs31.
Il faut souligner ici que cette nouvelle définition évite la cri-
tique que nous adressions à la précédente dans la mesure où la
nature « économique », « sociale », « culturelle » ou « politique » des
facteurs est uniquement postulée. Les phénomènes « économiques »
ne le sont que sur la base d’une définition provisoire et tout le travail
d’analyse de la sociologie économique ainsi conçue va consister
précisément à remettre en cause cette « nature économique » en fai-
sant apparaître leur interaction avec d’autres types de facteurs. Il n’y
a plus « d’objets » spécifiquement « économiques » (ou « culturels »
ou « politiques » ou « cognitifs »).
Il est également intéressant de noter que l’on retrouve cette
conception de la sociologie économique sous la plume de Grano-

30. Terme qu’elle utilise lorsqu’elle présente les travaux de Granovetter (par
exemple, 1988, p. 629).
31. Notons que c’est par exemple la définition retenue par C. Trigilia : « Dans un
premier temps, nous pouvons définir le champ de la sociologie économique comme
étant caractérisé par un ensemble d’études et de recherches visant à approfondir les rapports
d’interdépendance entre les phénomènes économiques et sociaux » (2002, p. 13).
Peut-on définir la sociologie économique ? 321

vetter lui-même en 200032. Il écrit en effet : « [A]près mes premiers


travaux des années 1970 et 1980 centrés sur l’analyse des réseaux, j’ai
essayé, dans les publications plus récentes, de compléter les arguments
en termes de réseaux, en prenant en compte des forces sociales, cultu-
relles et politiques, afin d’obtenir une analyse plus complète des ques-
tions économiques (...). Dans un travail difficile, mais intéressant,
Harrison White, l’un des fondateurs de la théorie des réseaux sociaux
et de la sociologie économique américaine, essaye également
d’analyser la manière dont les aspects politiques, économiques, cultu-
rels et sociaux de l’organisation sociale sont articulés entre eux (White,
1992). En réalité, si l’on réfléchit à ce qui est commun à tous les grands
sociologues, on constate que tous essayent de saisir cette articulation. Et
si Marx, Weber, Durkheim, Parsons, Polanyi, Bourdieu, White et
d’autres ont des conceptions assez différentes des liens existant entre
les différents secteurs institutionnels, tous partagent l’idée qu’on ne
peut analyser la vie sociale en ne s’intéressant qu’à l’un de ses secteurs,
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qu’il s’agisse de l’économie, de la politique ou du domaine de la cul-
ture » (2000, p. 41, nous soulignons)33. Il semble donc que Granovet-
ter, délaissant la notion d’encastrement, se soit rallié à la définition de
la sociologie économique suggérée par V. Zelizer.

B - Une stratégie offensive

Toutefois, si l’on admet une définition de ce type, il faut alors


admettre deux de ses conséquences.
Premièrement, le champ de la sociologie économique ainsi
définie devient, on le voit, très large. Il est d’ailleurs intéressant de
voir P. Bourdieu cité dans la liste établie par Granovetter34.

32. Même s’il parle d’ « articulation » et non pas d’ « interrelation ». En tout état de
cause il ne parle plus ici d’ « encastrement ».
33. Nous avons légèrement corrigé la traduction que nous proposions à l’époque
pour être plus près du texte anglais.
34. Il faut souligner ici que Bourdieu est le seul auteur contemporain cité par Grano-
vetter, à l’exception de White qui a été, selon ses propres termes, son « mentor » et a
« exer[cé] une influence intellectuelle décisive » sur ses travaux (2000, p. 33). Notons à ce
propos qu’en dépit des critiques assez violentes adressées par P. Bourdieu à Granovetter et à
la théorie des réseaux ce dernier affirmait que sa pensée était « extrêmement proche – dans sa
conception et dans son esprit – de la sociologie économique francophone et, notamment,
du remarquable article de Bourdieu ». Et, même si ce point mériterait une argumentation
approfondie, nous pensons pouvoir affirmer que « l’anthropologie économique » déve-
loppée par Bourdieu (telle qu’il la développe dans différents textes, notamment dès ses pre-
miers travaux sur l’Algérie (1958, 1963 ; Bourdieu et Sayad, 1964, ou dans Bourdieu et Pas-
seron, 1964, et plus longuement dans son article de 1997 et dans Les structures sociales de
l’économie (2000)) doit avoir sa place dans la sociologie économique contemporaine.
322 Isabelle This Saint-Jean

Deuxièmement, on retrouve ici, comme pour la définition


fondée sur la « thèse faible de l’encastrement », une stratégie très
offensive à l’égard de l’économie. Zelizer parle d’une « aggressive
sociological invasion of the market » (1988, p. 617). Ce qui est
contesté, rappelons-le, ce n’est rien moins que la légitimité de
l’autonomisation du discours des économistes, en d’autres termes,
l’existence même de cette discipline.
Aussi dans le clivage que l’on peut identifier en suivant Gislain
et Steiner (1995) au sein de la sociologie économique classique
entre, d’une part les auteurs qui, comme Weber, Schumpeter ou
Pareto, considéraient que le projet de la sociologie économique
était de produire un discours complémentaire de celui de l’économie
politique et, d’autre part, ceux qui, comme Durkheim ou Simiand,
avaient pour projet de lui substituer une autre approche, il nous
semble que la Nouvelle Sociologie économique, dès lors qu’elle
accepte une telle définition, prend clairement place aux côtés des
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seconds. La sociologie économique, pour être cohérente avec sa
propre définition, doit donc assumer cette ambition, en dépit des
inconvénients institutionnels qu’elle entraîne.

Conclusion

Il semble donc que la stratégie – probablement très efficace ins-


titutionnellement, nous l’avons dit – consistant à rapatrier les trou-
pes de la sociologie économique dans le champ de la sociologie,
bien à l’abri derrière ses frontières, et à ne pas vouloir prendre parti
dans les débats et les querelles qui déchirent le paysage intellectuel
de ce que l’on appelle aujourd’hui « la science économique », si elle
peut s’appuyer sur la première définition que nous avons identifiée,
est en revanche difficilement conciliable avec les deux dernières
définitions, ou plus exactement avec certaines conséquences que
l’on ne peut pas ne pas en tirer. Elle paraît en particulier assez peu
justifiée, si l’on adopte la troisième définition, celle fondée sur la
notion d’interrelation.
Reste alors à savoir comment « les économistes » peuvent et
doivent réagir. Notre conviction est qu’ils ne peuvent se désintéres-
ser du développement intellectuel et institutionnel de la sociologie
économique. Et ce pour différentes raisons. Certains le feront parce
qu’ils adhèrent au projet unificateur des différentes sciences sociales
explicitement revendiqué par certains auteurs de la sociologie éco-
Peut-on définir la sociologie économique ? 323

nomique. Les autres devront le faire parce qu’un certain nombre


d’évolutions internes, qui se déroulent au sein même de leur disci-
pline, certaines même dans les bataillons d’élite (au cœur de la
théorie de l’équilibre général35), les y contraint déjà depuis plusieurs
années. Pour reprendre et poursuivre la métaphore guerrière déve-
loppée par E. P. Lazeard dans un tout autre contexte, non seule-
ment « les barbares sont à leur porte » (2000, p. 140), mais en outre
les traîtres sont peut-être déjà dans les murs ! Ou pour filer la
métaphore de façon moins provocante : beaucoup parmi les écono-
mistes ont déjà convergé vers la frontière. En effet, lorsque les éco-
nomistes mettent – avec l’indétermination des équilibres d’anti-
cipations rationnelles – les « croyances » au cœur de leurs
préoccupations, lorsque d’autres soulignent la nécessité de prendre
en compte des notions telles que le « statut », le « capital social » ou
les « relations interpersonnelles », ne sont-ils pas alors conduits à
observer ce qui se passe de l’autre côté de la frontière36 ?
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Isabelle THIS SAINT-JEAN
Université du Littoral – PHARE – LEMMA

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35. Il s’agit notamment des modèles dits de « taches solaires » (voir par exemple
Azariadis et Guesnerie, 1982).
36. Nous avons tenté de le montrer dans This Saint-Jean (2004).
324 Isabelle This Saint-Jean

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