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Polynésie française
Tamatoa Bambridge
Dans L'Année sociologique 2001/2 (Vol.51), pages 365 à 390
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0066-2399
ISBN 9782130522171
DOI 10.3917/anso.012.0365
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Tamatoa BAMBRIDGE
Introduction
7. Par exemple, à Tonga, Hau’ofa Epeli, 1975, Anthropology and Pacific islanders,
p. 282-289, Sydney. Voir aussi l’article de Waddell, 2000, « Construire un espace intel-
lectuel océanien », La nouvelle Revue du Pacifique, vol. 1, no 1, p. 92-110, qui présente
certains chercheurs et intellectuels dans le Pacifique insulaire.
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11. La première station de radio est créée en 1915 dans le district de Haapape
(Mahina). Dès 1937, cette radio émet pendant quatre heures quotidiennement avec des
journaux d’information en langue française et en langue tahitienne. En 1949, François
Mitterand, ministre de l’Outre-mer, fait mettre en place « Radio Tahiti ». En 1958,
Radio Tahiti est intégrée à l’ORTF. Les premières images télévisées seront diffusées
en 1965 à Papeete. Les îles Sous-le-Vent seront couvertes en 1974 tandis que les images
sont envoyées, préenregistrées, dans les autres archipels par un système de « vidéo-
archipel ». FR3-Tahiti est encore la seule radio et la seule télévision en Polynésie. Puis,
en 1982, les différentes stations de FR3 sont remplacées par RFO, de même que de nom-
breuses radios FM voient le jour dès la fin des années 1980. Enfin, de nouvelles chaînes de
télévisions se développent en 1993 (Canal +), 1994 (Téléfenua) et en 2000 (Tahiti Nui
TV, une chaîne territoriale).
12. Ce type d’émission a fait l’objet de nombreuses analyses dans les sociétés occi-
dentales, mais jamais dans une société traditionnelle non occidentale. Voir par exemple,
Goffman, 1981, op. cit., qui analyse les erreurs liées aux annonces publiques.
13. M. Leyral, 2000, p. 20, Champ médiatique et champ du pouvoir en Polynésie fran-
çaise, mémoire de DEA, Université de la Polynésie française.
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14. Une analyse de la structure de ces émissions montre qu’il peut en effet s’agir de :
Parau faaara (lit. Parole qui réveille ou parole d’annonce) qui véhicule tout type de mes-
sage comme :
— dire les sentiments (on pense à vous, on vous souhaite une bonne continuation, on
vous aime, de la part de...) ;
— rappeler une période importante de la vie sociale (souhaiter un anniversaire, dire l’âge
d’un petit-enfant à un grand-parent resté dans une île d’origine) ;
— annoncer un événement de la vie sociale : un mariage, un décès, etc. ;
Poroì (lit. Messager ou convocation) :
— annoncer un message officiel (le passage du bateau administratif, la convocation de
personne à une mairie dans le cadre des tournées administratives, la tournée foraine
d’un ministre ou d’un homme politique) ;
— annoncer les dates de passage de la goélette dans les îles et les archipels ;
Parau haamaramarama (lit. Parole qui fait en sorte que la lumière soit) :
— informations locales, territoriales, nationales et internationales.
15. Sur ce sujet, voir Paul Ottino, 1972, Rangiroa, Paris, Éd. Cujas.
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16. En ce qui concerne les questions relatives aux terres, à la parenté et au plura-
lisme normatif et culturel depuis le XIXe siècle en Polynésie orientale, voir Ottino, 1972,
Rangiroa, parenté étendue, résidence et terres dans un atoll polynésien, Paris, Éd. Cujas ; Bam-
bridge, 2001, Revendications foncières : les temporalités constitutives et leurs dynamiques dans le
champ social semi-autonome de la région des Australes aujourd’hui (Polynésie française), thèse de
doctorat de troisième cycle de sociologie, Université de Paris-IX Dauphine.
17. Notre analyse va dans le même sens que celle de M. Sahlins, 2000, p. 19-20, op.
cit., qui indique : « Les peuples insulaires confrontés à l’argent, aux lois du marché, et aux
moyens de communication modernes demeurent envers et contre tout des êtres sociaux
bien définis. Ce qu’ils font de leurs 10 kina ou de leurs 1 000 F est fonction, quoi qu’on
en dise, des liens de parenté et des fratries qui les unissent les uns aux autres, mais aussi de
leur sexe, de leur appartenance à certaines structures familiales ou villageoises ou de leur
statut [...] ».
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20. Sur la question du contrôle social, voir notamment Sack, 1980, p. 15-23 :
« Bobotoi and Pulu. Melanesian law : normative order or way of live ? », Journal de la
Société des Océanistes ; Griffith, 1984, The division of labour in social control, p. 37-69, dans
Black (ed.) : Toward a general theory of social control, New York, Academic press.
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21. Nous devons souligner à cet égard qu’une analyse culturelle ne fait que confir-
mer ce fait bien connu dans le domaine de la théorie de la communication. Pour une dis-
cussion de la différence entre nombre d’auditeurs et adhésion aux informations véhicu-
lées par les médias, voir par exemple Wolton, 1997, Penser la communication, Paris, Éd.
Flammarion. Cependant, il me semble que l’on n’étudie pas suffisamment de quelle
manière les médias contribuent à poursuivre, sous une autre forme, des traits anthropolo-
giques importants dans la société traditionnelle. Les analyses se concentrent plus sur la
nouveauté et les transformations sociales impliquées par les médias et s’inscrivent le plus
souvent dans la perspective d’une théorie de la dépendance communicationnelle ou
encore dans celle de l’aliénation.
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22. Les documentaires portant sur le Pacifique ou la Polynésie sont ceux qui peu-
vent être vus sur la seconde chaîne de RFO et sur les chaînes câblées.
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répandu au XIXe siècle par les missionnaires. Dans les deux cas, on
prétendait racheter les peuples insulaires et les délivrer d’un mal
intrinsèque après avoir suscité en eux un profond sentiment de
mépris de soi. Aux yeux du christianisme, les cultures traditionnel-
les étaient spirituellement marquées par le péché. De même dans
l’économie du développement, ces cultures, telle une épine dans le
pied, constituent une entrave au progrès des sociétés peu évoluées,
établies dans des îles “lointaines” et insignifiantes, dépourvues des
ressources et des compétences du “développement” » [...]23.
Ces programmes, véhiculés par la télévision, influencent large-
ment les conditions de la communication interculturelle dans la
mesure où ils tentent d’objectiver et de fixer une culture qui est, par
définition, perpétuellement en mouvement. Par rapport à l’auditeur
polynésien, cela ne fait qu’alimenter les points de vue péjoratifs et
ne favorise nullement la possibilité d’un dialogue avec l’altérité
(occidentale cette fois-ci)24.
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23. Dans Sahlins, 2000, p. 22, op. cit. Voir aussi les subtiles analyses de Pascal Boyer,
1990, op. cit.
24. La mondialisation des techniques de communication et la banalisation des ima-
ges, loin de favoriser le dialogue interculturel, l’ont, au contraire, piégé. Les auditeurs
appartiennent de ce point de vue à une « culture mondiale » en réalité occidentale. Voir à
ce sujet, du côté de la sociologie, Wolton, 2000, Internet et après ? Une théorie critique des
nouveaux médias, Paris, Flammarion, Allen, 1994, op. cit.
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25. Par exemple, « j’aime / je n’aime pas », « c’est nul ce qu’ils font », mais sous-
entendu, « j’aurais pu faire mieux », « j’admire » et non « cela m’est complètement étran-
ger, mais c’est rigolo ou détestable ».
26. Sahlins, 2000, op. cit., p. 25.
27. Autrement dit, « l’œil, cet organe de la tradition » selon la formule célèbre de
Malinowski, est en voie d’être supplanté par « l’œil cet organe de la modernité ».
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Conclusion
31. Ce n’est pas le contenu de l’émission qui est en cause. Il s’agit là d’une idée
extrêmement originale, développée par un journaliste de talent, Tavita Marae. Ce n’est
ni son émission (sur RFO) ni lui-même que je critique, c’est plutôt la transformation
sociale, plus large, dont cette émission est le vecteur médiatique.
32. Sahlins, 2000, op. cit., p. 25.
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BIBLIOGRAPHIE
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port, Bergin and Garvey, 177 p.
Annie Baert, 2001 (à paraître), « Du continent austral au Paradis terrestre :
une vision espagnole des peuples océaniens, XVIe-XVIIe siècle », Hermès,
no 32-33.
Tamatoa Bambridge, 2001, Revendications foncières : les temporalités constituti-
ves et leurs dynamiques dans le champ social semi-autonome de la région des
Australes aujourd’hui (Polynésie française), thèse de doctorat de troisième
cycle de sociologie, Université de Paris-IX Dauphine, 556 p.
John Blacking, 1977, The Anthropology of the body, Londres, New York :
Academic Press, Series : ASA monograph 15, 426 p.
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