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Sécurité, territoire, population et Naissance de la

biopolitique de Michel Foucault Contrechamp


Jeanine Hortonéda
Dans Empan 2005/3 (n° 59), pages 61 à 70
Éditions Érès
ISSN 1152-3336
ISBN 2-7492-0437-2
DOI 10.3917/empa.059.0061
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Sécurité, territoire, LES CENTRES

Dossier
ÉDUCATIFS
RENFORCÉS,

population et Naissance PULSATIONS


DU SOCIAL

de la biopolitique
de Michel Foucault
Contrechamp
Jeanine Hortoneda

L’actualité éditoriale nous fournit l’occasion d’un approfondisse-


ment salutaire de la réflexion, avec la publication des cours au Col-
lège de France de Michel Foucault, de 1977-1978 et de 1978-1979,
intitulés Sécurité, territoire, population et Naissance de la biopoliti-
que. Ces textes développent la notion de bio-pouvoir, qui avait déjà
commencé à être thématisée dans le cours de 1976 Il faut défendre la
société.
Il y a un bonheur de lecture qui tient à l’acuité et à la fulgurance du
style propre à M. Foucault, auquel s’ajoute l’évidence que ces cours,
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pourtant prononcés il y a presque trente ans, restent d’une actualité
brûlante. Ils concernent notre présent, ils jettent sur nos sombres
temps un éclairage singulier. Aucun prophétisme pourtant chez
M. Foucault, mais une force de pensée, une attention aux signes du
présent, qui l’amènent à voir, en quelque sorte par avance, ce qui va
et qui est en train de se passer. R. Debray, dans un article pourtant cri-
tique sur M. Foucault, reconnaissait qu’« il avait l’oreille absolue, la
mélodie du temps infusait en lui. Il ne marchait pas au pas, c’est
l’époque qui l’a rattrapé… »
Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de prescience, encore moins de
divination, mais simplement d’une mise en application de la fonction
que M. Foucault assigne à la pensée, et, à vrai dire, de la seule justi-
Jeanine Hortoneda, professeur
fication du travail de la philosophie : il lui faut penser ce qui advient,
de philosophie, 10 quai Lombard,
le présent. Le philosophe est celui qui se demande : où en sommes- 31000 Toulouse.
nous ? Qu’est-ce qui se passe ? « Quel est donc ce moment si fragile jeaninehortoneda@yahoo.fr
dont nous ne pouvons détacher notre identité et qui l’emportera avec 1. M. Foucault, Dits et Écrits, I,
lui ? 1 » p. 13.

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Face à l’inquiétude de l’actualité, l’attitude résolue de M. Foucault


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interroge les évidences, désensable le réel des discours convenus,
établit de nouvelles cartes qui prennent en compte de subtils change-
ments dans les rapports de force, et décentre notre regard en donnant
toute sa place à la profondeur de champ venue de l’Histoire. Le fait
marquant qui oriente les recherches poursuivies dans les cours au
Collège de France se trouve déjà indiqué dans le cours de 1976 :
« Pour la première fois sans doute dans l’histoire, le biologique se
réfléchit dans le politique, le fait de vivre n’est plus ce soubassement
inaccessible qui n’émerge que de temps en temps, dans le hasard de
la mort et sa fatalité ; il passe pour une part dans le champ de contrôle
de savoir et d’intervention du pouvoir 2. »
Quelque chose de nouveau s’annonce : mais s’il n’est pas possible de
penser le nouveau sans utiliser des catégories anciennes, encore faut-
il se souvenir que les catégories anciennes risquent toujours de figer
ou d’occulter le nouveau, parce qu’elles paraissent donner une
identité à ce qui est différent. En outre, l’intention directrice de
M. Foucault n’est jamais seulement de pure connaissance désinté-
ressée, il s’agit surtout, pour lui, car il y a urgence, de forger de nou-
veaux outils, de nouvelles armes mises à la disposition de chacun,
qui pourra les utiliser s’il le souhaite. « Je me suis fait une obligation
de me lier aux préoccupations de notre temps. J’essaie toujours de
traiter un sujet qui puisse servir à un maximum des gens. Je leur four-
nis des instruments qu’ils utiliseront ensuite à leur gré dans leur
domaine, qu’ils soient psychiatres, psychologues, médecins, éduca-
teurs ou je ne sais quoi 3. » Autorisation que nous pouvons saisir à
notre mesure !

Le bio-pouvoir
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Il m’a semblé opportun de présenter, même très succinctement, quel-
ques éléments malheureusement trop fragmentaires, concernant le
bio-pouvoir, pour servir à la réflexion commune.
Écartons tout d’abord une première erreur qui consisterait à penser
que le pouvoir pourrait être défini en tant que tel, qu’il y aurait une
essence du pouvoir identifiable, un invariant, et, deuxième erreur,
2. M. Foucault, La volonté de
que le biologique serait une strate de la réalité isolable, comme
savoir, p. 187.
3. M. Foucault, Dits et Écrits, I,
un support permanent des conduites sociales. En réalité, le tiret
p. 46. de bio-politique, que l’on peut mettre ou omettre, comme le fait
4. M. Foucault, Dits et Écrits, II, M. Foucault, est ici à prendre en compte en premier, il indique une
p. 95. construction originale et historique dans laquelle chacun des deux
5. Ibid., p. 264. termes trouve une signification nouvelle. À preuve, la filiation entre
6. Ibid., p. 1042. la notion de bio-histoire et celle de bio-politique dans les Dits et
7. M. Foucault, Il faut défendre la Écrits II :
société, p. 213.
8. M. Foucault, Dits et Écrits, II, « Il faut concevoir une humanité où ce ne sont pas des races qui se
p. 150. juxtaposent, mais des nuages de populations qui s’enchevêtrent et

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mêlent un patrimoine génétique qui a d’autant tème de représentation du pouvoir qui a été
plus de valeur que son polymorphisme est plus ensuite retransmis par les théories du droit : la
accentué… c’est l’histoire qui dessine ces théorie politique a été obsédée par le personnage
ensembles avant de les effacer ; il ne faut pas y du souverain… Ce dont nous avons besoin, c’est
chercher des faits biologiques bruts et définitifs d’une philosophie politique qui ne soit pas cons-
qui, du fond de la “nature”, s’imposeraient à truite autour du problème de la souveraineté,
l’histoire 4. » donc de la loi, de l’interdiction : il faut couper la
tête au roi et on ne l’a pas encore fait dans la théo-
Ceci étant admis, il faut tout de même ajouter,
rie politique 8. »
concernant le pouvoir, quelques correctifs. Sou-
lignons d’abord l’obscurité du pouvoir : « Les On mesurera mieux les conséquences des réamé-
relations de pouvoir sont peut-être parmi les cho- nagements nécessaires, si l’on ajoute que la
ses les plus cachées du corps social 5. » Chez notion de souveraineté fait corps avec celle de
M. Foucault, le pouvoir est pensé comme un sujet constituant, de sujet juridique. Clé de voûte
faisceau ouvert, plus ou moins coordonné, de de la philosophie politique moderne, la notion de
relations. On a trop souvent tendance à parler du souveraineté, de pouvoir souverain, est insépara-
pouvoir comme d’une entité, alors qu’il n’y a ble de cet acte fondateur qu’est le contrat. En
dans les faits que des dispositifs de pouvoirs, des effet, l’idée même du contrat suppose, on le sait,
relations de force, qui sont d’ailleurs créateurs que le passage de la nature à la société, naisse de
ou producteurs de réalité. Ces remarques nous l’accord entre des sujets déjà constitués ou qui se
permettent de comprendre que M. Foucault constituent par l’acte même du contrat, en tant
puisse dire, sans provocation et de manière réité- que sujets de droit. Seul un contrat peut fonder en
rée, qu’il n’est pas un théoricien du pouvoir : légitimité la souveraineté qui s’actualise dans la
« Ce n’est donc pas le pouvoir mais le sujet qui forme de l’État.
constitue le thème général de mes recherches 6. » Certes, il y a bien des différences entre le contrat
Contre les analyses politiques classiques il va de Hobbes et celui de Rousseau, sans même par-
falloir alors montrer que le pouvoir n’est pas ler des concepts fondamentaux qui l’accompa-
assimilable à un bien, à une marchandise, qu’il gnent, tels la liberté chez Locke ou chez
n’est pas quelque chose qui se possède, qui se Montesquieu, mais la grille d’intelligibilité qui
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cède, par contrat ou par force. En réalité, le pou- se met en place dans la pensée politique moderne
voir ne se donne ni ne se prend, il s’exerce, et de Machiavel à Marx continue d’être, pour
n’existe qu’en acte. Il faudra souligner aussi l’essentiel, notre horizon de compréhension.
l’insuffisance de la notion de répression pour Or c’est ce modèle que M. Foucault ébranle, plus
analyser le pouvoir. Si l’on admet cela, on évi- intéressé par la fabrication des sujets que par la
tera de rabattre trop vite la notion de pouvoir sur genèse du souverain. Le déplacement des analy-
une figure fantasmatique de l’État s’élevant au- ses classiques des rapports entre l’État et la
dessus du social sans voir qu’« un des phénomè- société va faire apparaître dans ces textes de
nes fondamentaux du XXe siècle a été… une prise M. Foucault, à travers l’examen critique de la
de pouvoir sur l’homme en tant qu’être vivant, raison d’État, une autre approche de la raison
une sorte d’étatisation du biologique 7 ». mise en œuvre dans la consolidation de l’État et
Avant cela, de manière éclatante et durable, il y a la gestion de la société civile, qu’il nommera la
eu le paradigme juridique de la souveraineté, raison gouvernementale.
précédant la longue évolution des dispositifs dis-
La gouvernementalité
ciplinaires vers une société sécuritaire de con-
trôle aujourd’hui dominante. « Le souverain, la La question de la gouvernementalité articule de
loi, l’interdiction, tout cela a constitué un sys- manière nouvelle ces anciennes questions qui

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sont : comment se gouverner, comment être gouverné, comment


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gouverner les autres, par qui doit-on accepter d’être gouverné, ce qui
entrelace morale, économie et politique. Mais ce terme a l’avantage
de laisser toute sa place à l’héritage du modèle pastoral de gouver-
nement qui nous vient du long cheminement entre le pouvoir tempo-
rel et le pouvoir spirituel, et dans l’Église, de la place prise par le soin
des âmes et par la conduite de la vie dans la perspective du salut. Il
faudrait aujourd’hui pouvoir confronter la raison gouvernementale,
telle que la pense M. Foucault, avec son dernier avatar proliférant
avec une sorte d’innocence virginale, dans les discours politiques
contemporains, la gouvernance et même la bonne gouvernance.
En attendant, il est possible de faire une généalogie de l’État
moderne et de ses différents appareils à partir d’une histoire de la rai-
son gouvernementale, ce qui va modifier la manière de penser les
rapports entre l’État, la société civile, et donc la constitution même
du corps social. Il importe également de comprendre comment la
question des pratiques disciplinaires pour des corps individuels peut
être mise en rapport avec les dispositifs du pouvoir politique.
Dans la perspective ouverte par la biopolitique, l’État de gouverne-
ment n’est plus défini par sa territorialité mais par la masse de la
population, ce qui rend nécessaire l’utilisation et l’instrumentation
du savoir économique. Tout cela consonne avec l’émergence d’une
société de contrôle, à travers la mise en place de multiples dispositifs
de sécurité.
« Les mécanismes de sécurité ou l’intervention disons de l’État ayant
essentiellement pour fonction d’assurer la sécurité de ces phénomè-
nes naturels qui sont les processus économiques ou qui sont les pro-
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cessus intrinsèques à la population, c’est cela qui va être l’objectif
fondamental de la gouvernementalité 9. »
La biopolitique en tant qu’elle est une biorégulation par l’État de ce
qui fait la vie même des populations prise sous l’angle économique,
hygiène, santé, sexualité, etc., fait corps avec une vision libérale de la
société. On peut dire que le libéralisme sous ses deux aspects, éco-
nomique et politique, est la forme de rationalité qui correspond aux
9. M. Foucault, Sécurité, terri-
dispositifs de régulation biopolitique. Bien sûr, il faudrait ici pouvoir
toire, population, p. 361. suivre dans le détail toutes les analyses fines et subtiles qui étayent
10. M. Foucault, Naissance de la ces affirmations, contentons-nous de souligner un élément central
biopolitique, p. 67-68. qui apparaît avec force de manière récurrente, il s’agit de la perma-
11. Hobbes, Leviathan (1651), nence du lien entre liberté et sécurité au cœur de la nouvelle raison
Paris, Sirey, 1971, p. 122, coll.
gouvernementale. En un sens, cela n’a rien de surprenant, cette nou-
« Philosophie politique ».
12. M. Foucault, La volonté de
velle raison prenant le relais de la problématique traditionnelle de la
savoir, p. 179. politique moderne ; mais encore faut-il souligner que si le thème de
13. M. Foucault, Dits et Écrits, II, la sécurité est une constante, la question de la liberté est d’ordinaire
p. 1634. toujours conjointe avec celle de l’égalité, même si ce couple liberté-

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égalité est en crise permanente : plus d’égalité tructions commodes ; pas d’appareils capables
entraînant moins de liberté et plus de liberté de mouvoir et d’enlever les choses qui, pour ce
moins d’égalité, comme le diagnostiquait déjà faire, exigent beaucoup de force ; pas de con-
Tocqueville. L’insistance mise sur le lien entre naissance de la face de la Terre ; pas de compu-
liberté et sécurité ou entre égalité et sécurité des- tation du Temps ; pas d’arts ; pas de lettres ; pas
sinant les axes majeurs d’une politique libérale de société ; et ce qui est le pire de tout, la crainte
ou social-démocrate. et le risque continuels d’une mort violente ; la
vie de l’homme est alors solitaire, besogneuse,
Or il n’y a pas de libéralisme sans culture du dan-
pénible, quasi animale, et brève 11. » La première
ger, même si, comme le rappelle M. Foucault, on
obligation pour l’État souverain est d’assurer la
a changé d’apocalypse, chaque époque étant par-
sécurité, c’est même ce qui fonde en légitimité
faitement propre à engendrer sa version de la
son existence. Le pacte social, aussi bien chez
terreur : « Le libéralisme ne peut manipuler les
Hobbes ou Rousseau, reprend cette constante : il
intérêts sans être en même temps gestionnaire
doit rendre possible, en premier lieu, liberté et
des dangers et des mécanismes de sécurité. Le
sécurité, la question de l’égalité restant ouverte.
paradoxe vient de ce que le besoin de plus de
liberté économique passe par plus de contrôle et Or c’est autour de la question de la sécurité que
d’intervention, de ce fait les techniques discipli- va se jouer de manière singulière le rapport à la
naires dans la variété successive de leurs dispo- vie et à la mort. Le pouvoir souverain est dans
sitifs, accompagnent la mise en place du son essence pouvoir de vie et de mort. Mais
libéralisme… Les disciplines du corps et les l’émergence des nouvelles figures de l’État
régulations de la population constituent les deux modifie cette antique prérogative du souverain :
pôles autour desquels s’est déployée l’organisa- « Le droit de mort tendra dès lors à se déplacer
tion du pouvoir sur la vie… Le bio-pouvoir a été ou du moins à prendre appui sur les exigences
à n’en pas douter, un élément indispensable au d’un pouvoir qui gère la vie et à s’ordonner à ce
développement du capitalisme ; celui-ci n’a pu qu’elles réclament. Cette mort qui se fondait sur
être assuré qu’au prix de l’insertion contrôlée des le droit du souverain de se défendre va apparaître
corps dans l’appareil de production et moyen- comme le simple envers du droit pour le corps
nant un ajustement des phénomènes de popula- social d’assurer sa vie, de la maintenir ou de
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tion aux processus économiques 10. » la développer 12. » Le bio-politique décline l’an-
cienne souveraineté autrement, en droit de faire
Dès le début de la pensée politique moderne,
mourir ou de laisser vivre.
liberté et sécurité président à la naissance du con-
trat social. Si l’on prend, par exemple, le Lévia- En un raccourci saisissant, M. Foucault remar-
than de Hobbes – ce dieu mortel –, on voit que la que : « On aurait peine à trouver dans toute l’his-
peur est à l’origine, peur liée à la guerre de tous toire boucherie comparable à celle de la grande
contre tous, où le danger est permanent et la mort guerre mondiale, et c’est précisément à cette
imminente, précisément parce que tous les hom- époque que furent mis en chantier les grands
mes ont les mêmes passions et les mêmes inté- programmes de protection sociale, de santé
rêts. L’orchestration du thème économique du publique et d’assistance médicale… La coexis-
développement qu’il faut libérer des entraves de tence, au sein des structures politiques, d’énor-
l’insécurité est majeure dans l’état de nature : mes machines de destruction et d’institutions
« Dans un tel état, il n’y a pas de place pour une dévouées à la protection de la vie individuelle est
activité industrieuse, parce que le fruit n’en est une chose déroutante qui mérite quelque investi-
pas assuré : et conséquemment il ne s’y trouve ni gation. C’est l’une des antinomies centrales
agriculture, ni navigation, ni usage des richesses de notre raison politique 13. » L’actualité la plus
qui peuvent être importées par mer ; pas de cons- brûlante montre ce qui se cache derrière le

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prétendu droit à la vie. Chaque jour, nous pouvons voir comment se


Dossier
module notamment à travers les politiques de santé, locales, nationa-
les ou à l’échelle mondiale, la question de la vie et de la mort de
populations entières, comment santé et sécurité ont partie liée pour
des continents entiers.
Toujours dans la même perspective, mais en retournant la célèbre
formule de Clausewitz sur la guerre et la politique, M. Foucault va
montrer qu’il faut aussi penser la politique comme une continuation
de la guerre, ce qui va ouvrir la possibilité de penser quelque chose
d’obsédant et de toujours insuffisamment médité dans notre histoire,
la question du racisme. Comment défendre la société contre les dan-
gers qui la menacent de l’extérieur (les nomades aux frontières),
mais aussi contre les dangers qui naissent dans son propre corps et de
son propre corps ?
Dans l’économie du bio-pouvoir, le racisme assure la fonction de
mort, selon le principe que la mort des autres c’est le renforcement de
soi-même, du moins en tant que membre d’une population, c’est-à-
dire élément d’une pluralité unitaire et vivante.
La guerre traditionnelle se faisait aux frontières ou contre des enne-
mis politiques. Dans le bio-pouvoir, il s’agit surtout d’éliminer un
danger biologique et donc de renforcer grâce à cette élimination
l’espèce elle-même.
Le racisme, « c’est d’abord le moyen d’introduire enfin dans ce
domaine de la vie que le pouvoir a pris en charge, une coupure : la
coupure entre ce qui doit vivre et ce qui doit mourir… C’est la pre-
mière fonction du racisme, de fragmenter, de faire des césures à
l’intérieur de ce continuum biologique auquel s’adresse le bio-
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pouvoir 14 ». L’envers de la biopolitique est une thanatopolitique.

L’infini des peurs


Corrélativement au pacte sécuritaire, il y a l’infini des peurs, peurs
qui se déplacent, se nourrissent de tous les phantasmes, qui investis-
sent et se fixent sur des objets variables. Pensons par exemple au
déplacement de l’insécurité, des campagnes vers les villes, avec
l’industrialisation (classes laborieuses classes dangereuses !) ; plus
tard, et à l’inverse, il y aura le déplacement du centre des villes vers
14. M. Foucault, Il faut défendre
la société, p. 227.
la périphérie, avec la consolidation de zones de relégation.
15. M. Foucault, Sécurité, terri- Pour ne pas en rester à ces généralités, il est intéressant de rappeler ici
toire, population, p. 12.
deux grands modèles historiques, souvent cités par M. Foucault,
16. M. Foucault, Dits et Écrits, II,
p. 77.
d’organisation spatiale destinés à circonscrire la peur et le danger :
17. Cité par G. Deleuze, in Fou- l’un est suscité par la peste, l’autre par la lèpre. Dans le premier cas,
cault, p. 104. il y a exclusion des lépreux, avec tout un ensemble de rituels et de
18. Ibid., p. 104. règlements, selon un partage binaire, entre ceux qui sont lépreux et

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ceux qui ne le sont pas ; dans le second cas, celui Toujours dans cette hypothèse, il faudrait main-
de la peste, on assiste à un quadrillage des tenant tenter de méditer la citation, qui accompa-
régions et des villes, avec une réglementation gne le projet de ce numéro comme une mise en
stricte des déplacements, ce qui relève davantage garde. Il ne s’agit pas, nous dit-on, d’enfermer
d’un système disciplinaire. À cela M. Foucault les insensés « à l’intérieur de l’extérieur », en
va ajouter le modèle induit par la variole, par les reprenant une expression assez énigmatique de
pratiques d’inoculation en général et les mesures M. Foucault. C’est en effet à propos de la figure
de sécurité afférentes mises en place, « bref tout du fou à la Renaissance dans l’Histoire de la folie
un problème qui n’est plus celui de l’exclusion que Foucault disait : « Il est mis à l’intérieur de
comme dans la lèpre, qui n’est plus celui de la l’extérieur, et inversement… prisonnier au
quarantaine comme dans la peste, qui va être le milieu de la plus libre, de la plus ouverte des rou-
problème des épidémies et des campagnes médi- tes, solidement enchaîné à l’infini carrefour, il
cales par lesquelles on essaie de juguler les phé- est le Passager par excellence, c’est-à-dire le pri-
nomènes soit épidémiques soit endémiques 15 ». sonnier du passage 17. »
Pour M. Foucault, le dedans et le dehors ne
Le dehors – le dedans
s’opposent pas de manière absolue, ou plutôt
Multiples sont les figures qui tentent d’exorciser toute opposition se nourrit d’une connivence
ou de circonscrire les dangers et les peurs dans secrète – ce qui sépare est aussi ce qui unit –, il
une sorte de systole et de diastole du social. Mais faut dépasser les catégories figées, veiller sur les
nous savons que, quels que soient les mécanis- seuils ; comprendre que le dedans est toujours le
mes d’exclusion et les appareillages de sur- dedans d’un dehors. Commentant ce passage sur
veillance, le dehors continue de hanter le dedans. la nef des fous, G. Deleuze disait : « Le dedans
Les espaces d’exclusion n’ont plus la forme du comme opération du dehors : dans toute son
bannissement ou de l’exil, ils peuvent être en œuvre, Foucault semble poursuivi par ce thème
même temps des espaces d’inclusion, on se d’un dedans qui serait seulement le pli du dehors,
débarrasse en enfermant. De même, la création comme si le navire était un plissement de la
d’espaces de sécurité exacerbe le sentiment mer 18. » Toujours à propos de ces analyses de
d’insécurité, tandis que se développent des Foucault, M. Blanchot notera de façon extrême-
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zones de non-droit. C’est à mesure que croît la ment condensée dans L’entretien infini : « Enfer-
demande de sécurité « sociale », émanant du mer le dehors, c’est-à-dire le constituer en
social, que s’installe le clivage entre une popula- intériorité d’attente et d’exception. »
tion assurée et une population exposée, à mesure
Ces remarques peuvent nous aider à ouvrir un
que se développent les revendications de droits,
espace de réflexion, à partir du travail de Fou-
que s’accroît la fragilité des sans droits. Ce que
cault, en évitant les schématisations erronées ou
l’on tente d’exorciser, d’écarter ou d’éloigner,
hâtives, qui en font un penseur des formes
continue de hanter et d’occuper l’espace com-
répressives du pouvoir et des milieux d’enferme-
mun.
ment. Le travail de Foucault sur les pouvoirs est
M. Foucault nous rappelle que « c’est une illu- d’une extrême subtilité, dans la mesure où il
sion de croire que la folie ou la délinquance ou le s’attache non à l’idole essentialiste du pouvoir,
crime nous parlent à partir d’une extériorité mais à la multiplicité des formes et des rapports
absolue. Rien n’est plus intérieur à notre société, de pouvoirs qui se succèdent et se sédimentent
rien n’est plus intérieur aux effets de son pouvoir dans l’Histoire. Nous pouvons voir, par exem-
que le malheur d’un fou ou la violence d’un cri- ple, que le diagramme du pouvoir abandonnant
minel. Autrement dit, on est toujours à l’inté- en partie le modèle de souveraineté pour s’entre-
rieur. La marge est un mythe 16. » lacer avec un modèle disciplinaire, devient pro-

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gressivement bio-pouvoir, biopolitique des populations, prise en


Dossier
charge et gestion de la vie dans son caractère le plus nu par la politi-
que, s’il est vrai que « l’homme pendant des millénaires est resté ce
qu’il était pour Aristote : un animal vivant et de plus capable d’une
existence politique ; l’homme moderne est un animal dans la politi-
que duquel sa vie d’être vivant est en question 19 ».
Dès lors, c’est bien la vie qui surgit comme nouvel objet du pouvoir.
L’homme est zoon politikon, comme le disait Aristote, ce qui veut
dire que l’être animé, le vivant n’est là que comme ce qui ouvre la
possibilité d’un bios, d’une vie humaine, qui n’est plus simple nature
mais construction et institution du soi, en même temps. L’histoire du
sujet est inséparable de l’être-ensemble des hommes en société.
Quant aux « milieux d’enfermement », il faudrait d’abord s’interro-
ger sur la fonction du milieu dans ses accointances avec la biologie,
et ne pas s’en tenir à la grille spatiale où se dessinent les limites de
l’intérieur et de l’extérieur, aussi signifiantes soient-elles, pour
s’orienter vers l’idée que ces formes ne peuvent être simplement
extérieures l’une à l’autre, et supposent en fait que l’on fasse inter-
venir un troisième terme, un dehors plus proche et plus lointain.
« Il faut distinguer l’extériorité et le dehors… le dehors concerne la
force : si la force est toujours en rapport avec d’autres forces, les for-
ces renvoient nécessairement à un dehors irréductible, qui n’a même
plus de forme, fait de distances indécomposables par lesquelles une
force agit sur une autre ou est agie par une autre 20. »
Les métaphores spatiales restent insuffisantes si on n’y ajoute le
mouvement. En effet, il faut distinguer dans l’Histoire les formes ou
les strates qui se déposent, des forces en devenir, qui agissent.
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La figure de l’autre ou de l’ailleurs
Dans la dynamique de l’histoire et dans notre imaginaire, il y a une
figure qui vient en contrepoint dès que l’on essaie de penser la cons-
titution du corps social comme corps politique, la figure de l’autre ou
de l’ailleurs. C’était l’état de nature, on s’en souvient, l’état supposé
19. M. Foucault, La volonté de de l’homme hors société, qui servait de toile de fond au contrat. Le
savoir, p. 188. sauvage qui hante l’état de nature peut être supposé bon par nature ou
20. G. Deleuze, Foucault, p. 92. en proie aux passions primitives ; quoi qu’il en soit, cette sauvagerie
21. M. Foucault, Il faut défendre ne peut que dégénérer en violence ouverte, car tous les hommes ont
la société, p. 174. Cette distinc- les mêmes intérêts et « le genre humain périrait s’il ne changeait sa
tion entre sauvages et barbares
traduit et formule, en termes
manière d’être », comme le dit Rousseau dans Le contrat social. En
politiques, la terreur, toujours se socialisant, le sauvage échappe au danger de mort dont il est le
imminente, présente dans La porteur et se civilise : il est perfectible !
muraille de Chine de Kafka, prin-
cipalement dans « Un vieux Ce présupposé justifiera de manière plus ou moins implicite, non
parchemin ». seulement les entreprises et le système colonial, à l’extérieur, mais

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Sécuri té, territ oire, popula tion et Naiss ance d e la biop olitiq ue de Michel Foucault. Contrechamp

aussi la sourde perception du danger potentiel de barbare sans histoire préalable, qui est celle de
interne que représentent tous ceux qui se mettent la civilisation qu’il vient incendier 21. »
ou sont mis à la marge. Le danger vient toujours
de l’autre, qu’il s’agisse d’un autre qui hante nos Le contrechamp de l’histoire généalogique
frontières, ou d’un autre intérieur. À l’heure où tous nos repères vacillent, il est
De manière plus inédite, et plus étrange encore, peut-être temps de passer du champ politique
la menace peut aussi venir de ce qui est le plus immédiat qui nous sidère, au contrechamp de
proche, lorsque vacillent les figures du futur, que l’histoire généalogique, telle que la pratique
le lien intergénérationnel est ébranlé, ce sont nos M. Foucault, pour tenter de penser un peu plus,
propres enfants qui peuvent devenir l’une des un peu mieux, d’où nous venons et où nous en
formes de la sauvagerie ou de l’immaitrisable. sommes. Nous continuons de penser dans les ter-
mes de l’enfermement ou du contrôle, dans la
(Danger enfants !… dans tous les sens où l’on
mise en place de contre-feux alors que les fron-
voudra le prendre.) Mais comment nommer ce
tières sont déplacées. Il faut défendre la société,
qui menace, sauvage ou barbare ?
le problème ne peut être simplement évacué,
M. Foucault remarque incidemment : « Le bar- mais qui défend qui et contre qui ou contre quoi ?
bare s’oppose au sauvage, mais de quelle La question mérite aussi d’être posée pour éviter
manière ? D’abord en ceci : au fond, le sauvage, de tomber dans l’excès d’une critique paranoïa-
il est toujours sauvage dans la sauvagerie, avec que d’un pouvoir toujours croissant et dévasta-
d’autres sauvages ; dès qu’il est dans un rapport teur, ce qui fait l’économie de la prise en compte
de type social, le sauvage cesse d’être sauvage. des ravages produits par le désengagement de
En revanche, le barbare est quelqu’un qui ne se l’État dans le social. On ne peut se contenter de
comprend et qui ne se caractérise, qui ne peut faire jouer la société civile contre l’État, sans
être défini que par rapport à une civilisation, à voir qu’il s’agit de formes historiques étroite-
l’extérieur de laquelle il se trouve. Il n’y a pas de ment solidaires l’une de l’autre, l’une n’ayant
barbare, s’il n’y a quelque part un point de civi- pas plus de naturalité que l’autre, quelles que
lisation par rapport auquel le barbare est exté- soient les configurations que l’on envisage. Les
rieur, et contre lequel il vient se battre. Un point catégories de pensée qui nous gouvernent doi-
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de civilisation – que le barbare méprise, dont le vent être sans cesse passées au crible d’une
barbare a envie – par rapport auquel le barbare se réflexion critique ; parce que le travail de
trouve dans un rapport d’hostilité et de guerre M. Foucault jette sur nos évidences un regard
permanente. Il n’y a pas de barbare sans une civi- décapant, il nous aide à voir les failles et l’éro-
lisation qu’il cherche à détruire et à s’approprier. sion de nos certitudes. Au cœur de notre actua-
Le barbare, c’est toujours l’homme qui piétine lité, comment ne pas être frappé par la croissance
aux frontières des États, c’est celui qui vient des peurs et des discours sécuritaires, par l’excès
buter contre les murailles des villes. Le barbare, des techniques de relégation, de réclusion et
à la différence du sauvage, ne repose pas sur un d’enfermement sur les rêves de transparence et
fond de nature auquel il appartient. Il ne surgit de circulation indéfinie dont se berce notre
que sur un fond de civilisation contre lequel il modernité ?
vient se heurter. Il n’entre pas dans l’histoire en Souvenons-nous, pour ne pas clore précisément,
fondant une société, mais en pénétrant, en incen- que le dehors dont parle M. Foucault n’est pas
diant et en détruisant une civilisation. Je crois seulement une catégorie spatiale, il se présente
donc que le premier point, la différence entre comme une ouverture, l’ouverture d’un avenir
barbare et sauvage, c’est ce rapport à une civili- dans lequel rien ne finit puisque rien n’a com-
sation, donc à une histoire préalable. Il n’y a pas mencé, mais où tout se métamorphose. C’est

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précisément parce que la vie est devenue objet de la politique qu’il


Dossier
importe de se rappeler que la vie est d’abord le support de l’exis-
tence. Cela devrait permettre de lever une ambiguïté (ou même un
contre sens !) concernant la fameuse formule sur la mort de l’homme
prononcée par M. Foucault, et qu’on lui a tellement reprochée ; il
suffit de lire ses derniers textes pour que le dessin (et le dessein !) de
son œuvre apparaisse dans une grande clarté.
« Au cours de leur histoire, les hommes n’ont jamais cessé de se
construire eux-mêmes, c’est-à-dire de déplacer continuellement leur
subjectivité, de se constituer dans une série infinie et multiple de sub-
jectivités différentes et qui n’auront jamais de fin et ne nous place-
ront jamais face à quelque chose qui serait l’homme. Les hommes
perpétuellement dans un processus qui, en constituant des objets, le
déplace en même temps, le déforme, le transforme et le transfigure
comme sujet. En parlant de mort de l’homme de façon confuse, sim-
plificatrice, c’était cela que je voulais dire… 22 »
Dès l’instant où nous ne sommes plus dans une vision théologico-
politique de l’histoire, mais dans une exploration pragmatique et
patiente du quotidien et du présent, et que nous interrogeons sa
genèse, nos perspectives changent. Par exemple, les rapports de pou-
voirs ne peuvent être pensés sans prendre en compte les jeux de for-
ces et donc la résistance. Paradoxalement, le dernier mot du pouvoir
est que la résistance est première, comme le note ironiquement
G. Deleuze !… Or la pensée du dehors dont se réclame Foucault est
une pensée de la résistance. Dans cette hypothèse, on peut appliquer
au travail de M. Foucault ce dont G. Deleuze créditait Nietzsche :
« avoir fait de la pensée une machine de guerre, avoir fait de la pen-
sée une puissance nomade ».
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Bibliographie
DELEUZE, G., 1986-2004. Foucault, Paris, Les Éditions de Minuit.
FOUCAULT, M., 2001. Dits et Écrits, I et II, Paris, Gallimard.
FOUCAULT, M., 1997-2004. Cours au Collège de France, La volonté de
savoir (1970-1971), Il faut défendre la société (1975-1976), Sécurité,
22. M. Foucault, Dits et Écrits, II, territoire, population (1977-1978), Naissance de la biopolitique (1978-
p. 894. 1979), Paris, Le Seuil-Gallimard.

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