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Chapitre 5
« M IL IT AN TS »
D’ORGANISATION DE MASSE
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C
e chapitre vise à appréhender les « communistes français » de la
« couronne externe », définis mais peu abordés par Annie
Kriegel 1, en posant d’emblée la nécessité de typologies. Cette
couronne, qui constitue certes un tout par sa fonction globale, ne semble
en effet posséder de réelle unité ni sociologique, ni organisationnelle. On
se centrera donc sur la dimension sociétale du communisme, elle-même
intrinsèquement duale, indissociablement communautaire et ouverte sur
le monde. Les organisations de masse reflètent cette ambivalence par leur
fonction stratégique d’interface entre le parti et la société, de vecteur de
socialisation et de militantisme, de générateur de sentiment d’apparte-
nance et de nouvelles identités. Reste pourtant à mesurer leur efficacité
sur le terrain, au-delà des fonctions théoriques et des discours injonctifs.
Complexité des couronnes, pluralité des fonctions, diversité sociolo-
gique, des dates et motifs d’adhésion : la question du militantisme
semble d’emblée devoir être posée au pluriel. Il faut dès lors interroger
par la démonstration empirique le modèle sociologique théorisé par
Jacques Ion dans la Fin des militants et l’Engagement au pluriel, certes
récemment amendé, qui présente un modèle « militant » et une césure
diachronique. Archives et témoignages semblent au contraire montrer
combien la réalité du « militantisme » communiste, même à sa plus belle
époque, est hétérogène. Parler d’un profil ne peut alors in fine que
revenir à ériger en réalité les directives du PCF qui, puisqu’elles sont des
injonctions, constituent avant tout des objectifs non atteints voire des
fantasmes ; et à se priver de comprendre pourquoi un système qui faisait
jusqu’à l’admiration de ses plus grands contradicteurs pour sa cohésion
et son intensité était en fait perclus de dysfonctionnements internes.
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Graphique 1 : Évolution numérique d’organisations communistes
(1945-1955) 3
2. Ibid.
3. Sources : pour le PCF, Philippe Buton, « Les effectifs du Parti communiste
français (1920-1984), Communisme, 7, 1985 ; pour la CGT, Guy Groux et
René Mouriaux, La CGT, crises et alternatives, Paris, Économica, 1992 ; pour
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annexes). Début 1947, l’association possède un réseau d’implantations
sur une large part du territoire, ses zones de force et de faiblesse regrou-
pant souvent celles du PCF. En 1951, en revanche, elle ne possède plus
qu’une implantation rélictuelle, sans efficience : hormis la région pari-
sienne, plus aucune fédération n’atteint les mille adhérents et seul le
Rhône dépasse les cinq cents… Ce n’est qu’en 1954 que des embryons
d’implantations se restaurent, principalement dans le Nord-Pas-de-
Calais et sur le pourtour méditerranéen.
Recruter
On comprend dès lors les injonctions permanentes au recrutement. Le
principal réflexe consiste à se tourner vers les « organisations
démocratiques », véritable manne financière. Chaque « adhérente
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campagnes à tous les échelons. Les adhésions collectives induisent
parallèlement un gonflement du chiffre des adhérents : ainsi, en 1950, le
SPF revendique-t-il huit mille adhérents individuels et… cinq millions
d’adhérents collectifs. Cette stratégie de l’entre-soi est cependant rapide-
ment stigmatisée pour ses limites et André Marty tente, sans succès, de
faire recruter à la CFTC, à la CGT-FO et dans les organisations indépen-
dantes. Les militants se trouvent dès lors pris dans un dilemme : les
adhésions faites auprès de pluri-engagés sont inefficaces en termes
d’action, tandis que celles faites à l’extérieur du conglomérat deviennent
presque impossibles en raison du contexte politique.
La phase intensive du recrutement est centrée sur l’hiver, de décembre
à février. Des vins d’honneur et des fêtes sont organisés pour la remise
des cartes, occasion de faire un point sur les campagnes ; pour conserver
les absents, une remise à domicile est conseillée. Les campagnes sont
aussi l’occasion de placer des cartes : à chaque réunion et meeting, lors
des comptes rendus d’action ou des séances d’organisation, une
planchette d’adhésions doit circuler.
Le militant du Secours populaire doit donc vivre, au quotidien, par et
pour le recrutement. Il recrute dans sa ville et dans son quartier : au
porte-à-porte, lors des fêtes, sur les stands ; il recrute sur son lieu de
travail et s’attache à faire vivre sa section d’entreprise. Il recrute dans sa
vie privée : auprès de ses amis, commerçants, voisins, camarades de
club sportif ou de société de musique ; il recrute et collecte pendant les
fêtes de fin d’année, les mariages, les baptêmes ; il emmène sa famille
5. 150 000 francs équivalent à 2 611 euros, 10 000 francs à 174 euros. Ces
chiffres sont sensiblement les mêmes que ceux signalés pour les autres années.
6. La Défense est déposée au siège de toutes implantations communistes
proches, et il est fort possible qu’il en soit de même à la CGT.
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lors des fêtes. Il doit parler partout des activités de l’association, inviter
aux réunions. Il doit toujours être muni de bulletins d’adhésion et se
faire prosélyte. Les fêtes sont un moment stratégique, les organisations
communistes étant « à la fois des outils de combat et des ferments de
socialisation […]. Le réseau associatif, professionnel ou non, encadre et
donne sens à la vie, quand celle-ci hésite sur l’avenir. La fête, le bal, le
dîner champêtre, la manifestation artistique, la bibliothèque regroupent
les isolés et les déracinés, ceux qui sont à la quête d’un environnement
qui valorise leurs aptitudes et concrétise leurs désirs 7. »
D i f f u s e r le j o u r n a l
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Au recrutement s’ajoute la diffusion hebdomadaire du journal, du
vendredi au dimanche. Chaque section constitue un « dépôt » et
commande un certain nombre d’exemplaires qu’elle s’engage à vendre.
La recette est ensuite renvoyée à la fédération qui renvoie au national,
avec un zèle souvent faible dans l’apurement des dettes internes.
Chaque vendeur est rémunéré d’une petite ristourne, en baisse au fil des
difficultés financières. Les vendeurs de L’Humanité dimanche et de
Regards contribuent également à la vente, qui se fait à la criée sur les
lieux les plus fréquentés (marchés, gares, bains-douches…) ou au porte-
à-porte. En vertu du principe de l’émulation érigé dans le monde
communiste en mode d’organisation, des concours de diffusion du
meilleur vendeur, des meilleures sections et des meilleures fédérations
ont lieu chaque année.
Les sources internes sur les ventes permettent d’approcher cette
modalité importante de la pratique militante. Plusieurs profils se déga-
gent. D’abord les « acharnés » : M. Courtade du Havre, qui gagne de
1945 à 1947 tous les concours, ou durant les années 1950-1954, le
« père Félix » de Saint-Maur (Val-de-Marne), vieux militant du Secours
rouge qui remporte haut la main les palmes. Les dirigeants fédéraux et
nationaux ensuite, qui se doivent de montrer l’exemple même si leurs
responsabilités les empêchent de se consacrer pleinement à cette tâche ;
ainsi en avril 1945, Pierre Kaldor, secrétaire général, arrive-t-il en
27e position, suivi des trois secrétaires nationaux Charles Désirat (30e),
Pierre Éloire (38e) et René Madosse (41e). La vente du journal est de fait
une activité quasi obligée pour tout militant, même si les ardeurs sont
inégales : un article de mai 1947 précise que chaque militant devrait –
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personnes ! Où vous en vendiez, c’est quand il y avait un problème
[…] de répression dans un coin ; pendant un certain temps vous en
vendiez, parce qu’on en parlait. Mais le contenu même, et puis la
façon dont c’était fait…
– C’était pas très vendeur.
– C’était pas très vendable ! Et puis il y avait une concurrence
énorme : toutes les organisations de masse avaient leur journal, à
l’époque ; l’ARAC, les syndicats… […]. Moi je me souviens, je suis
allé diffuser deux, trois fois au marché Montorgueil, vous vendiez
trois ou quatre journaux… Il fallait tomber sur des copains, quoi 8. »
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bénévole, départ des Imprimeries parisiennes réunies au profit d’un
imprimeur moins onéreux… Le parti communiste tente lui aussi d’aider
en nommant de nouveaux directeurs du journal, qui se succèdent
cependant au fil de la dégradation de la situation et des perspectives de
vie meilleure qu’il trouvent ailleurs.
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Dans la conception en « conglomérat », le parti est indubitablement
le lieu le plus prestigieux, qu’on l’appréhende comme le cœur (concep-
tion en couronne) ou le sommet (en pyramide) ; il ne vit cependant pas
sans facettes sectorielles. Le PCF ne cesse ainsi de demander à ses mili-
tants d’intensifier leur pluri-engagement : « renforcer le travail des
communistes dans toutes les organisations de masse et rechercher les
meilleurs moyens de nous lier davantage aux masses » (1946) 11 ;
« développer l’esprit de lutte des membres du parti militant dans les
organisations de masse, secouer les énergies » (1949) 12 ; « s’attacher à
obtenir de tout le parti une plus grande activité dans les organisations
de masse » (1949) 13 ; « améliorer le travail des communistes dans les
syndicats et toutes les organisations de masse » (1950) 14 ; « chaque
communiste doit se préoccuper particulièrement de contribuer à
renforcer les organisations de masse […]. La valeur de chaque
communiste se mesure à son aptitude au travail de masse » (1952) 15, etc.
Les militants du Secours populaire répondent au profil général.
L’écrasante majorité est communiste, particulièrement dans les périodes
de fermeture ; et si la Campagne Henri Martin permet d’opérer quelques
10. Georges Lavau, À quoi sert le Parti communiste français ?, Paris, Fayard,
1981, p. 228-229.
11. Archives du communisme français, procès-verbal du bureau politique du
PCF du 19 décembre 1946.
12. Archives du communisme français, procès-verbal du bureau politique du
PCF du 26 août 1949.
13. Archives du communisme français, procès-verbal du bureau politique du
PCF du 24 novembre 1949.
14. Archives du communisme français, procès-verbal du bureau politique du
PCF du 3 mars 1950.
15. Archives du communisme français, comité central du 18 juin 1952.
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surcroît présents, à chaque réunion nationale, des responsables d’autres
organisations de masse pour évoquer les activités communes. Les
militants sont donc constamment invités au tissage de réseaux internes.
Le militant du Secours populaire est cependant loin de l’archétype
aguerri et formé en interne. L’association possède certes deux ou trois
instructeurs-propagandistes se rendant régulièrement sur le terrain pour
aider à l’organisation, au développement des structures et au règlement
des problèmes. Mais, l’ensemble des dirigeants fédéraux et des militants,
sauf à participer indépendamment aux écoles du parti, ne bénéficient
d’aucune formation. Certes, l’entrée dans une phase de durcissement
conduit l’association à envisager de calquer le modèle des écoles du
parti, et en mai 1948 se tient pour la première fois une « école nationale
du Secours populaire » à Paris, à laquelle participent 27 élèves, dont 5
femmes, venant de 17 départements. Leur sont proposés des cours sur
l’histoire de l’association, la pratique et l’idéologie de la solidarité,
l’organisation des campagnes, le journal et l’action juridique. Le coût est
cependant prohibitif (cent trente mille francs) et la direction nationale
se plaint que les élèves soient trop âgés, alors qu’elle aurait souhaité
pouvoir former de futurs cadres « dévoués et dynamiques, attachés à
l’association » – de fait, les militants du Secours populaire étaient
souvent « des personnes d’un certain âge 16 ». L’entreprise tourne ainsi
court, conséquence et cause de la faiblesse du militantisme, de l’ampleur
des difficultés organisationnelles et financières et de la décrue des effec-
tifs. Les seules formations restent la présence aux réunions nationales,
la lecture du journal et des circulaires internes, le passage par les écoles
du parti.
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mises en valeur par le parti, plus elles sont délaissées par les militants.
L’idée d’une « adhésion-timbre » généralisée est donc inopératoire. Il y
a certes adhésion idéologique importante au parti, et il ne s’agit évidem-
ment pas de nier un engagement viscéral pour nombre de militants. Mais,
il suffit de peu pour quitter le navire dès qu’il tangue : si l’on considère
qualitativement ceux qui ont traversé toutes les tempêtes, au PCF et plus
encore dans les petites organisations de masse, nul doute qu’ils sont des
« adhérents-timbres ». Mais combien sont-ils quantitativement, sinon
une toute petite minorité de la cohorte 1945 ?
Plus, il faudrait ajouter que, pour ceux qui restent, rien n’est moins
sûr qu’ils correspondent à la description idéal-typique du militant. Si
l’on reprend les chiffres de diffusion lors des concours en 1945 et 1946,
période pourtant faste, on constate que si le champion diffuse certes
près de 90 numéros par semaine, le 10e n’en vend plus que 23, le 30e 10
et le 40e 5. De là à parler d’activisme effréné ou du stakhanovisme, le
pas semble difficile à franchir. Ce que corrobore une remarque du
congrès de février 1948 : au moins un tiers des adhérents n’achètent
même pas le journal. En 1951 encore, « est-ce que tous nos amis se
rendent compte qu’ils sont personnellement en cause ? N’y a-t-il pas un
certain nombre de membres du Secours populaire qui ne font rien,
absolument rien 18, pour faire connaître La Défense ? Et que de
nombreux adhérents ne lisent même pas le journal ? 19 ». En
février 1954, toujours, le mot d’ordre « pas un adhérent sans La
Défense » reste révélateur du manque de zèle à la base. Dans la fédéra-
tion de la Seine, pourtant cœur et bastion, la situation est dramatique :
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de sections différentes, et puis c’est tout. Il m’a fallu téléphoner là où
j’avais des numéros de téléphone, discuter un peu au téléphone pour
faire revenir un certain nombre de gens… Avec ce qu’il y avait, j’ai
essayé de constituer une direction, mais j’ai pas du tout été aidé par
le Secours populaire national. Ils avaient la trouille… Comme disait
le copain Roland Weyl, c’était “la dictature de Marty” 20. »
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dirigeants s’accompagnent d’une dépréciation relative des postes infé-
rieurs en même temps que d’une adhésion moins durable et d’un
engagement irrégulier de leurs titulaires 23. »
Au Secours populaire, le problème est donc double : l’association est
en très forte décrue, privant les militants de toute perspective de carrière
et d’ascension 24 ; elle est de surcroît plutôt située au bas de la hiérarchie
du conglomérat – deux raisons suffisantes en elles-mêmes pour expli-
quer « l’adhésion moins durable et l’engagement irrégulier des
titulaires ». Point ne serait donc besoin d’invoquer la non-adhésion poli-
tique, qui pourtant doit elle aussi être un motif important de la déperdi-
tion. Nous souscrivons ainsi à l’explication de Daniel Gaxie, tout en
revalorisant le mobile idéologique 25 : « la mise en relation des gratifica-
tions perçues par les militants et du coût de l’activité partisane permet de
rendre compte de la probabilité pour un adhérent de rester fidèle à une
organisation et d’y être actif ». Aucune des conditions de « gratification »
symbolique n’étant présente au Secours populaire et le « coût » y étant
prohibitif (productivité presque nulle des réunions, du recrutement et
souvent des résultats ; déconsidération de l’association au sein du
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comme, plus qu’une possibilité, une invitation au non-renouvellement.
Les dirigeants ne s’y trompaient d’ailleurs pas, qui ont tenté durant
plusieurs années de faire changer le système, mais se sont toujours
heurtés au refus d’André Marty. Et ce n’est qu’après sa mise à l’écart que
le comité national du 19 octobre 1952 peut enfin annoncer la création
d’une carte annuelle à cent francs.
La vraie question serait donc celle posée par Georges Lavau :
« Adhérer, c’est faire corps avec, c’est coller à. Où commence
l’adhésion ? 26 » Lorsqu’Ion emploie l’image de l’adhésion-timbre, il ne
décrit qu’une parcelle de réalité, qui concerne surtout les dirigeants et
certains « acharnés » de la base 27. Si l’on considère comme adhésion le
fait d’acheter régulièrement ou épisodiquement son timbre et de le
coller sur la carte, alors il y a bien adhésion, même en déliquescence
numérique. Si l’on entend en revanche un militantisme au sens étymo-
logique, où l’individu est un soldat se sacrifiant pour une guerre dont il
est prêt à perdre des batailles, alors il convient de revoir bien des
estimations à la baisse.
S o c io l o g i e d e s é lu s n a t i o n a u x :
« l ’a p p a r e i l » d u S e c o u r s p o p u l a i r e
La faiblesse des implantations, des adhérents et, parfois même, de
l’intensité militante, fait à maints égards du Secours populaire « une tête
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LE SECOURS POPULAIRE FRANÇAIS, 1945-2000
sans corps 28 ». La tête est cependant bien là, faisant l’objet de directives
et de récriminations du parti, de parachutages épisodiques et de limo-
geages non moins réguliers. Les sources permettent d’appréhender la
composition des instances nationales sur la période 1945-1955. Trois
groupes se distinguent : les dirigeants fédéraux, les permanents du siège
et les « parachutés » du parti.
Si 60 % des délégués du PCF sont ouvriers 29, ils ne représentent que
21 % au Secours populaire ; la proportion d’agriculteurs, également
importante au PCF (12 %) y est nulle ; les pourcentages sont en
revanche similaires pour ce qui concerne les employés (environ 11 %) et
les femmes au foyer (4 %). Le SPF se distingue surtout par sa proportion
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d’avocats (18 % en 1953). Ces élus nationaux sont, à en croire les
sources orales, presque tous communistes : contrairement à l’UFF ou à
la CGT, le Secours populaire n’est pas parvenu à s’élargir. Existe en
outre un hiatus important entre les élus du comité national, émanant
aux deux tiers des sections et fédérations, et ceux du bureau national,
concentration de « politiques » (avocats, syndicalistes CGT, élus du
parti).
On compte moins d’une dizaine de permanents, et leur nombre se
réduit à mesure que s’accroissent les difficultés financières. Tous sont
installés par le parti et révocables à merci. Les biographies des quatre
secrétaires généraux traduisent l’absence de « moule » et de profil-type :
tous sont d’origine populaire, mais non nécessairement ouvrière ; un sur
les quatre a fait des études poussées. Tous sont des pluri-engagés dans
les organisations de masse et, évidemment, communistes. Si un seul
s’est distancé du parti à partir des années 1980, sans cependant rien
renier, les trois autres sont toujours restés convaincus ; et s’ils ont pu
douter, leur fidélité était par principe absolue :
« Moi, membre du parti, j’aide dans la ligne qui est prévue. Aucune
rébellion, aucune discussion, aucune lutte de tendance, rien, absolu-
ment rien […]. Chaque fois que je me suis trouvé en conflit quelque
part, j’ai toujours dit : “il faut savoir être minoritaire. Il y en a qui
claquent la porte, moi je ne la claquerai pas” […]. Avant tout, je pen-
sais que c’était bien que le parti communiste soit discipliné, même
dans sa hiérarchie, parce que ça avait des inconvénients, mais c’était
28. Roubaix, CAMT, fonds SPF, 1998 020 0020, compte rendu du congrès
national de 1953.
29. Marc Lazar et Stéphane Courtois, Histoire du PCF, op. cit., p. 425.
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particulièrement celle que j’ai vécue, témoigne que le parti a
toujours été du côté des humbles, des exploités […]. Il a toujours été
du bon côté aux grands rendez-vous de l’histoire 31. »
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personnalité.
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familles (« son instinct féminin et son bon sens de ménagère auront tôt
fait de découvrir ce qui manque au logis 34 »), de suivre la Villette-aux-
Aulnes et de représenter le Secours populaire dans les organismes
d’entraide sociale. Les textes de 1948 stigmatisent cependant le trop
faible nombre de femmes, et le phénomène ne fait que s’aggraver
ensuite.
On voit donc via le Secours populaire combien le conglomérat de
guerre froide est perclus de dysfonctionnements. L’organisation de
masse a en théorie une double visée, fonctionnelle et de pénétration
sociétale, cette dernière opérant selon un double processus : l’attraction,
puis l’absorption par insufflation progressive d’un sentiment d’apparte-
nance. Or si l’association parvient à jouer, tant bien que mal, son rôle
fonctionnel, la pénétration sociétale reste un échec. Ce n’est pas l’orga-
nisation qui conduit au parti et à l’« adhésion-régularisation »
(G. Lavau), mais l’inverse : l’écrasante majorité de la base et la quasi-
totalité du sommet, dont les exceptions se comptent sur les doigts d’une
demi-main, sont préalablement communistes.
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Comités ad hoc
Société
Organisations de masse
Parti
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On constate sur le schéma l’absence de plusieurs flèches en théorie
nécessaires : des organisations de masse vers le parti (fonction de prosé-
lytisme), des comités ad hoc vers les organisations de masse (fonction
d’accoutumance progressive au communisme à partir de campagnes
ponctuelles) et, surtout, la flèche reliant la société à l’organisation de
masse, condition sine qua non de l’efficacité de cette dernière selon les
principes léninistes. Les comités ad hoc ne constituent pas non plus un
sas efficient.
L’engagement est à l’image de la diversité des organisations : hétéro-
gène entre base et sommet, ainsi qu’au sein même de la base. Certes, les
dirigeants rêvent d’une adéquation entre « adhérent » et « militant » :
« pas un adhérent du Secours populaire ne doit avoir la conscience tran-
quille tant que, sur son lieu de travail, son quartier, n’existe un comité de
défense Henri Martin 35 » ; « que chaque membre du Secours populaire
sente la lourde responsabilité qu’il assumerait en n’intensifiant pas
immédiatement et personnellement l’action 36 » ; « chaque matin, un bon
militant doit se dire : “Que vais-je faire aujourd’hui pour le Secours, pour
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affaires courantes, assurer une simple permanence et garder la maison
[…]. Le militant […] est celui qui reste lorsque son enthousiasme
s’estompe […]. Au quotidien, s’engager est pour le militant syndicaliste
l’acceptation de servir, d’assumer les tâches ingrates qui rebutent 38. »
Il faut pourtant se garder d’une vision trop noire, que ce chapitre
contribue certes à construire, mais avec pour seul but de mettre à mal
des représentations trop monolithiques ou idéalisées. Outre ses fonc-
tions spécifiques, le Secours populaire offre au communiste une sociabi-
lité et une socialisation politique lui permettant de compenser des
handicaps sociaux et culturels, servant de substitut pour les exclus de la
« culture dominante 39 » – même si sa faiblesse de recrutement hors du
conglomérat le cantonne plutôt dans une fonction de socialisation
accrue à destination de pré-engagés. On trouve chez beaucoup une
« adhésion existentielle » (A. Kriegel) au PCF. Ainsi, l’adhésion à
l’organisation de masse n’est pas rupture ou nouveauté, mais continuité.