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Jalons pour une histoire des études féministes en France

(1970-2002)
Christine Bard
Dans Nouvelles Questions Féministes 2003/1 (Vol. 22), pages 14 à 30
Éditions Éditions Antipodes
ISSN 0248-4951
ISBN 2940146306
DOI 10.3917/nqf.221.0014
© Éditions Antipodes | Téléchargé le 20/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 80.236.248.153)

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Grand an
Jalons pour une histoire
des études féministes en France
(1970-2002)
Christine Bard

La génération féministe des années 70 (aujourd’hui appelée « histo-


rique ») qui a fourni nombre de chercheuses spécialistes des femmes et du
genre s’est souvent expliquée sur ses liens avec le mouvement social.
« Militantisme et recherche » représente pour elle un débat récurrent, long-
temps virulent, aujourd’hui plus apaisé, mais toujours présent. Il n’est
pourtant pas inutile de revenir, avec la distance qu’implique le travail de
l’histoire, sur les trente dernières années. Ce recul nous permettra de voir
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comment se sont construites, en France, les études féministes, ce secteur
des sciences humaines qui affiche sa vocation et son inspiration.*

De l’Arc de Triomphe à Toulouse Le Mirail (1970-1982) :


la genèse des études féministes

L’élan féministe originel


Les années 70 : les filles du baby-boom arrivent en masse à l’univer-
sité, et dans une université en pleine ébullition. L’Institution est déstabili-
sée, mise en cause par une pensée critique qui se veut irrécupérable, libre,
hors des moules institutionnels. Le MLF (pour les profanes, les intéressées
préférant parler de Mouvement des femmes) trouve là un terrain d’élec-
tion. Ses militantes et sympathisantes ont été des actrices de 68 et des
mouvements qui prolongent le mois de Mai. Elles font table rase du passé.
« Féminisme année zéro » signifie que « toutes les femmes qui ont participé

* L’auteure remercie Corinne Bouchoux pour


ses relectures attentives et ses suggestions.

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gle
à l’émergence du féminisme des années 60, 70, ont été ramenées quel que
fût leur âge, à la même génération. […] Toutes naissaient ensemble au
même moment » (Collin, 1986 : 85). Les féminismes des années 70 s’enraci-
nent pourtant dans la production intellectuelle des années 50-60, mais cet
héritage est-il vraiment assumé ? Le radicalisme d’après 1968 ne gêne-il
pas le dialogue entre les jeunes féministes et les intellectuelles des généra-
tions précédentes ? L’évolution de Simone de Beauvoir (née en 1908) est
exceptionnelle. Parmi les chercheuses, déjà nombreuses au CNRS (Centre
national de la recherche scientifique) et, dans une moindre mesure, à l’uni-
versité 1, beaucoup ont connu la Résistance, puis la lutte contre la guerre
d’Algérie. La plupart d’entre elles s’intéressent à la condition des femmes
qu’elles espèrent transformer profondément : Marguerite Thibert (1886),
Colette Audry (1906), Germaine Tillon (1907), Édith Thomas (1909), Made-
leine Guilbert (1910), puis la génération née dans les années 20 Andrée
Michel, Évelyne Sullerot, Geneviève Texier, Marie-José Chombart de
Lauwe, Viviane Isambert-Jamati (Chaperon, 2001).

Chez les chercheuses féministes de la nouvelle génération,


l’« esprit 68 » est assurément très présent. L’inventaire de son influence,
selon tout le nuancier idéologique de l’époque (trotskistes, maos, liber-
taires…), gagnerait à être dressé d’une manière systématique. Si 68 marque
les parcours intellectuels et professionnels, il ne dit pas tout des origines de
l’engagement féministe qu’il faut plutôt aller chercher dans la révolte
contre la (sa) famille et le couple traditionnel (Garcia, 1993 : 175). « Le per-
sonnel est politique » : la conviction profonde des féministes, nourrie de
leurs expériences, ouvrira de fructueuses pistes de recherche en sciences
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humaines.

Haro sur les sciences


Pour l’heure, les féministes mènent un travail critique : le savoir dit
« scientifique » est démystifié, sa fausse neutralité dévoilée. Reflet de la sub-
jectivité (et de l’inconscient) du dominant, savoir inutile, voire malfaisant
quand il falsifie et masque la « réalité », il est accusé de donner aux femmes
une « fausse conscience ». « Seule l’opprimée peut analyser et théoriser son
oppression », peut-on lire dans Partisans en 1970. Il ne s’agit pas tant de
faire de la recherche SUR les femmes, que de faire de la recherche AVEC les
femmes ou EN TANT QUE femme. Il faut se préparer à répondre à la ques-
tion fatale : « D’où parles-tu ? »

Voilà une posture qui ne facilite pas l’intégration et la promotion des


chercheuses féministes dans un univers plutôt masculin. La notion de car-
rière est d’ailleurs étrangère aux valeurs contestataires du temps. La mise

1. En 1968, il y a 45 % de femmes au CNRS,


contre 28 % à l’université.

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en cause des normes du métier scientifique en matière de production et
d’évaluation libère les énergies pour d’autres activités. Ainsi Christine
Delphy (née en 1941), jeune sociologue entrée au CNRS en 1970, a mieux
à faire que de mener de longues enquêtes de terrain et d’écrire des articles
empesés dans des revues de sociologie peu lues. Mieux, c’est-à-dire porter
une gerbe pour la femme du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, s’immer-
ger dans le mouvement naissant, élaborer une théorie féministe matéria-
liste (Delphy, 1998 et 2001).

Le mouvement, à ses débuts, ne valorise pas la recherche. Les intel-


lectuelles en son sein sont plutôt conduites à proposer des théories pour
l’action. En principe, les militantes, sans distinction entre « intellectuelles »
et « praticiennes », doivent assumer tous les rôles pour participer à l’œuvre
de création collective et anonyme (Collin, 1990 : 87). Certaines ont une
position anti-intellectuelle et Beauvoir n’est pas pour toutes un modèle ou
une référence. Des adeptes de la féminitude peuvent au contraire se tenir
éloignées de toute pensée ou connaissance, sous prétexte que la raison
serait d’essence masculine. Aux femmes, il reviendrait d’explorer leur
propre monde, et en particulier leur corps, d’en rester au niveau des sen-
sations. Parole de femme, d’Annie Leclerc, donnera au grand public une
idée de ce féminisme exaltant la « différence féminine ». Au nom d’une
vision différentialiste, un certain féminisme peut conduire au rejet des
femmes ayant choisi les « sciences dures ». « Femmes scientifiques, phallus
dans la tête » 2 dit-on à de jeunes biologistes qui resteront marquées par
cette violence. Et on les comprend : fragilisées en tant que minorité dans
leur domaine d’étude et de recherche, doublement minoritaires parce que
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féministes, plus exceptionnelles encore dans leur démarche d’interroga-
tion des préjugés sexistes de leur discipline, elles ont le sentiment de ne
pas être entendues quand elles disent qu’il ne faut pas laisser les sciences
aux hommes. Certaines dérives sectaires donnent du mouvement une
image dure. Julia Kristeva se plaint de l’hostilité des féministes du groupe
d’Antoinette Fouque, son éditrice, qui lui reprochent de signer avec le
nom de son père, d’être mariée, d’être mère (Barret-Ducrocq, 1997 : 69).
Les autres tendances du mouvement dénoncent la promotion individuelle.
« Faire une thèse féministe, cela était considéré par certaines comme la
suprême compromission, c’était faire carrière sur le dos des femmes, récu-
pérer leur lutte au profit des institutions masculines » (Picq, 1984 : 916).

Premiers pas des recherches féministes


Il ne faut donc pas s’étonner de la date tardive de la formation des
groupes de recherche féministes dans les universités : à l’exception du
CEFUP (Centre d’études féminines de l’Université de Provence) créé en

2. Selon les témoignages de biologistes féministes


à l’auteure.

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1972 (mais reconnu en 1976), ils ne voient le jour qu’à la mi-temps de la


décennie ; quant aux revues, elles viennent plus tard encore : Questions
féministes et La Revue d’en face (1977), Le Bulletin d’information des
études féminines (1978), Pénélope. Pour l’histoire des femmes (1979). Entre
les règles académiques et les habitudes militantes, les revues ne veulent
pas choisir. Leurs moyens sont modestes (on éprouve une sensation phy-
sique d’étrangeté à la lecture de Pénélope : c’était l’époque d’avant le trai-
tement de texte…). Les travaux sont encore rares : les projets de recherche
et les résumés de maîtrise, les comptes rendus de livres occupent une
grande place. Les rédactrices hésitent sans doute à juger et trier les textes,
ce qui a peut-être nui à l’image de cette production.

Des « pratiques féministes » de recherche commencent à être formulées


au tournant des années 80. Elles ont deux grandes caractéristiques : la plu-
ridisciplinarité et la subjectivité revendiquée sous le nom de « rupture épis-
témologique ». Les recherches de et sur les femmes tendent à se confondre.
Ainsi se trouvent disqualifiées les recherches faites par des hommes sur les
femmes. Les discours des hommes sur les femmes, même savants, sont sus-
pects. Des chercheurs aux sympathies féministes affirmées le reconnaissent
volontiers. Ainsi le sociologue Emmanuel Reynaud, qui entreprend pour-
tant une « analyse critique de la construction sociale de la masculinité »
afin de « décrire le prix payé par les hommes eux-mêmes pour le pouvoir
qu’ils s’imposent » n’ose s’approprier le mot « féministe » pour qualifier sa
recherche (Reynaud, 1990 : 95).
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L’institutionnalisation des études féministes (1982-1995)

La gauche fait un geste


En 1982, l’organisation du premier colloque national « Femmes, fémi-
nisme, recherche » à Toulouse marque un tournant (Kandel, 2001). Son suc-
cès (800 participantes, 144 communications) atteste le développement des
recherches et le besoin d’une reconnaissance que l’on voit ici s’amorcer : le
CNRS soutient l’initiative ; le Ministère de la Recherche et de la Technolo-
gie et le Ministère des Droits de la femme subventionnent. En 1983, Yvette
Roudy obtient la création de trois postes spécialisés à l’université. C’est
peu. En revanche, au CNRS, une action thématique programmée
« Recherches féministes et recherches sur les femmes » est mise en place en
1983. Soixante-huit projets seront financés. Selon Rose-Marie Lagrave :
« Le divorce structural entre féminisme et recherche est consommé ; d’abord
parce que le mouvement des femmes est de moins en moins agissant mais
aussi parce que la stratégie de l’intégration institutionnelle a été victo-
rieuse. En acceptant les règles du jeu scientifique, les groupes et les indivi-
dus se sont laissé enfermer dans le jeu en acceptant de prendre le relais des
pouvoirs institutionnels pour neutraliser et normaliser les études sur les
femmes, en leur retirant toute visée subversive. Celles qui n’ont pas

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accepté de jouer le jeu des institutions ont toujours été minoritaires ; or
ces hérétiques n’étaient pas de taille à s’assurer un rapport de force en leur
faveur, car il faut être doté d’un fort capital scientifique et d’un fort capi-
tal militant pour réussir à subvertir les règles académiques » (Lagrave,
1990 : 39).

Un « travail de normalisation du champ scientifique » est dès lors à


l’œuvre, note Rose-Marie Lagrave. Sans doute, mais il faut cependant
souligner la grande fidélité des chercheuses féministes à leur combat. Le
milieu compte peu de « renégates ». Ainsi se développe un féminisme
« intellectuel », les études devenant une pratique féministe parmi d’autres,
un moyen de transformer la condition des femmes et les relations entre
les sexes (Collin, 1990). Selon Françoise Picq, présidente de l’Association
nationale des études féministes (ANEF), « les études féministes, combi-
nant approche critique et rigueur méthodologique, approfondissent
l’analyse sur les questions et les problématiques que le mouvement avait
soulevées » (Picq, 2002 : 27). D’ailleurs, malgré l’effort de « normalisa-
tion », le stigmate « science militante » continue d’entraver le développe-
ment des études féministes, alors que ce terme ne devrait concerner
qu’une infime minorité de travaux relevant de la « science des femmes »
également dite « féminologie » 3. N’est-il pas prématuré de parler de
« champ scientifique » ? En raison de ses origines, et fidèle à ces dernières,
le noyau dur des études féministes adopte une organisation horizontale,
en réseaux, sans maîtresse à penser. Ses rapports avec l’État sont compli-
qués ; ses points d’appui dans les partis représentés au pouvoir sont assez
faibles. Gauchistes et libertaires de cœur, les femmes entrées dans l’insti-
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tution rejettent le moule. Malgré les apparences, malgré le « nous » senti-
mental qu’elles utilisent pour indiquer leur appartenance à la génération
« historique » des années 70, elles sont culturellement des individualistes :
aux femmes du Mouvement, « il n’était demandé que d’être soi-même, le
plus possible » (Bernheim, 1983 : 54). Des personnalités fortes s’expri-
ment, créent des manières de penser, de s’exprimer, de s’engager très
diverses. L’appartenance disciplinaire, malgré tout l’amour de l’interdisci-
plinarité qui s’exprime, crée aussi de grands contrastes, opposant, par
exemple, les historiennes aux sociologues. Il n’y a pas d’accord minimal
sur la définition des études féministes : il s’agit pour certaines d’études
faites par des féministes, pour d’autres, cela désigne l’objet étudié, enfin,
le terme peut qualifier la grille d’analyse. Si champ il y a, il n’y sévit
aucune pensée unique.

3. Antoinette Fouque (psychanalyste, directrice un « Institut de recherche, d’enseignement et de


des Éditions des Femmes, animatrice du groupe formation en sciences des femmes ». Le terme de
Psych et Po dans les années 70 puis de l’Alliance « féminologie » apparaît dans le sous-titre de son
des femmes pour la démocratie) a fondé en 1980 livre (Fouque, 1995).

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Une image plutôt négative

Les années 80 sont marquées par l’expérience de l’action thématique


programmée (ATP) « Femmes » du CNRS. Celles qui en ont bénéficié jugent
le travail accompli positif et souhaitaient une solution institutionnelle pour
que continuent ces recherches. Mais leur proposition reste sans suite. Le
bilan fait apparaître des déceptions. Ce qui était positif pour les unes,
comme le fait d’offrir des « moyens de travail à des chercheuses féministes
non insérées dans les institutions académiques » (ANEF, 1995 : 694), peut
être jugé négativement par d’autres. Hors du cercle des chercheuses fémi-
nistes, les jugements sont parfois sévères sur certaines des recherches pro-
duites et sur la direction de l’ATP marquée par des conflits interpersonnels
très vifs. La séparation des sphères militante et scientifique se fait difficile-
ment. Gérer l’évolution vers une recherche plus académique ne va pas sans
un sentiment de trahison et de culpabilité. Au sein de l’Association pour
les études féministes de la région Paris-Île-de-France, ces tensions obligent
à une répartition des places au sein de la direction par quotas selon les
trois statuts possibles : « celles qui faisaient de la recherche féministe insti-
tutionnellement », « celles qui avaient un statut institutionnel mais faisaient
de la recherche féministe en marge », « celles qui n’avaient pas de statut de
chercheuse » (Picq, 1997 : 8).

Ceci n’explique pas le désinvestissement de l’État. À la fin des années 80,


le CNRS se désengage au moment « où les autres pays européens multi-
plient leurs initiatives » (ANEF, 1995 : 694). Le Ministère des Droits de la
femme a disparu. Le féminisme militant est au creux de la vague. Mais il
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reste des ressources intellectuelles. L’affaiblissement du mouvement social
pousse d’ailleurs des militantes vers une conversion professionnelle. C’est
le cas d’Éliane Viennot (née en 1951), aujourd’hui professeure de littérature
de la Renaissance à l’Université de Clermont-Ferrand, spécialiste des
femmes de pouvoir sous l’Ancien Régime, qui réoriente ainsi sa vie dans
les années 80, passant l’agrégation à 37 ans après avoir tenu bénévolement
la librairie féministe Carabosse.

Les rapports avec l’Institution restent tendus. Cette dernière est accu-
sée de discriminer les femmes, discrimination redoublée pour celles qui
sont ou pourraient bien être féministes, d’après les indices que donnent les
CV, la rumeur, ou les goûts vestimentaires de la candidate. L’épreuve de
l’oral exige pour certaines un véritable travestissement, peu propice à leur
succès. Sont sacrifiées celles qui, nombreuses dans leur génération, refu-
saient de « jouer le jeu » en passant les concours. D’autres, ingénieures
d’études ou chargées de recherche, ne franchissent pas les échelons, parfois
par découragement face à l’exercice de la thèse. Travailler sur le féminisme
ou avec des problématiques féministes est assurément un handicap. Le
handicap s’alourdit pour les recherches sur l’homosexualité. Les rares cher-
cheuses qui s’y risquent se sentent rejetées par l’Institution. L’historienne
Marie-Jo Bonnet mène ses recherches en « intello précaire » indépendante,
s’autorisant dans ses écrits un mélange d’érudition et de libre expression

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féministe (Bonnet, 1984, et 1995) ; Claudie Lesselier, une autre histo-
rienne, après sa thèse sur les femmes en prison, fonde à Paris le centre
documentaire « Archives, recherches et cultures lesbiennes », sur une base
associative militante et non mixte.

Quel lobbying ?
Le militantisme en faveur de la recherche féministe se constitue dans
les années 80. Il peut prendre une forme syndicale – via les commissions
« femmes » du Syndicat national des chercheurs scientifiques ou de la
Fédération de l’éducation nationale (SNCS, 1981, et FEN, 1988) – mais
on ne peut dire que les syndicats ont considéré avec sérieux, constance et
énergie la nécessité des études féministes. L’essentiel du « lobbying » est le
fait de nouvelles associations de femmes. Après le colloque de Toulouse
en 1982, des associations régionales d’études féministes sont créées, se
réunissant, en 1989, au sein de l’ANEF. Les quelque 200 femmes membres
de cette association forment le pôle militant du champ des études sur les
femmes, celui qui défend l’intitulé « études féministes » et réclame la créa-
tion de postes spécialisés et de départements de women’s studies.

Certes l’ANEF ne peut prétendre représenter l’ensemble des cher-


cheuses (il y a aussi quelques chercheurs) spécialistes. Mal connue, elle
inspire de la défiance. Le terme d’études féministes choque en France,
contrairement au monde anglo-américain où il est couramment employé
pour « femmes », « sur les femmes », « de femmes » et où il n’a pas la conno-
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tation radicale qui dissuade les tièdes. Les women’s studies à l’américaine
font peur. Elles supposent des postes spécifiques, des cursus spécialisés et
renvoient à deux phobies républicaines françaises : le séparatisme et le
communautarisme. Pour Françoise Picq, le décalage entre l’association et
le milieu qu’elle est censée représenter s’explique par « l’individualisme
des chercheuses », « le statut incertain de la recherche féministe » et « le
point d’équilibre que l’ANEF a défini entre recherche et militantisme qui
ne convient pas à toutes » (ANEF, 1997 : 8).

Morosité postféministe
Enfin, il faut bien souligner l’importance d’un certain antiféminisme
en France, y compris dans les milieux intellectuels. La diabolisation du
féminisme américain sert de cheval de Troie à un nouvel antiféminisme
(Fassin, 1994, et Ezékiel, 1995). Un mot magique, le « politiquement cor-
rect », suffit à écarter les menaces virtuelles : séminaires, publications, col-
loques… On voit là toute l’ambiguïté des études sur les femmes : elles
dérangent un certain confort intellectuel, mais surtout, menacent l’orga-
nisation des rapports entre les sexes dans le monde universitaire. N’ou-
blions pas que le problème du harcèlement sexuel est au cœur de la tem-
pête du « politiquement correct ». Dans l’Hexagone des années 90, et ce

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malgré l’introduction de la condamnation du harcèlement sexuel sur les


lieux de travail dans le Code pénal, en 1992, le silence règne encore sur
cette question quand, outre-Manche, des universitaires sont formées pour
devenir sexual harassment officers, fonction banalisée, comparable à l’aide
sociale ou à la prévention du suicide.

Certes, il faut souligner le contraste entre la faiblesse du féminisme


militant et le dynamisme du féminisme intellectuel pendant cette période
(Gaspard, 2002). Mais le regain d’antiféminisme affecte les recherches.
Découragement, pour certaines. Renoncement à la recherche, pour celles
qui ne trouvent pas de débouchés professionnels. Pusillanimité dans les
énoncés des recherches. Mise à distance du féminisme explicite. Le dis-
cours dominant s’insinue, la volonté de rassurer s’affiche : on assure que
les recherches féministes ne seront pas un ghetto (oubliant que la mise en
ghetto des minorités est plutôt imposée que choisie) ; on ne fera pas
« comme aux États-Unis ». Les postes spécialisés ne sont ainsi pas réclamés
par toutes les spécialistes : ils relèvent d’une logique qui est loin d’être
consensuelle en France.

Le « problème » de la transmission
Dans ce contexte morose s’élève la déploration de « l’absence de trans-
mission ». Où sont les jeunes ? se demandent les féministes. Le militantisme
de type MLF effraie (Bard, 1999). « Excès » est le mot clé de la réprobation
juvénile. Quant au féminisme, il est déclaré mort par les médias. Il ne s’agit
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pourtant pas d’un « héritage impossible » (Le Goff, 1998). Est-ce un « héri-
tage sans testament », comme l’espère la philosophe Françoise Collin ? Les
féministes sont trop jeunes pour mourir (or, dans ce débat funèbre sur la
non transmission, il s’agit bien d’envisager sa propre mort) et semblent peu
préparées à admettre dans la filiation un risque de trahison ou d’altération.

Les études sur les femmes subissent-elles pour autant une désaffec-
tion ? Non, au contraire. Des étudiantes féministes – car il y en a – s’y
investissent. Des étudiant·e·s, sans être militant·e·s, sont séduit·e·s par la
nouveauté et l’originalité du thème ou la fougue d’une enseignante spécia-
liste. Mais la constance de l’intérêt estudiantin ne suffit pas à calmer les
inquiétudes (voir, par exemple, Thébaud, 1998 : 12).

Peu nombreuses sont celles qui, comme Françoise Collin, rappellent que
« la transmission n’est pas un mouvement à sens unique […]. C’est aux nou-
velles qu’il appartient de déterminer si elles veulent de l’héritage et ce qui,
dans cet héritage, les intéresse. C’est aux anciennes qu’il appartient d’en-
tendre la demande, d’infléchir leur langage vers un autre langage, en un
échange dans lequel, chacune restant ce qu’elle est, faisant honneur à son
histoire propre, s’adresse cependant à l’autre et écoute son adresse » (Collin,
1986 : 82). On aimerait citer plus longuement encore ce texte remarquable,
annonçant l’inéluctable tri qu’effectuera la génération montante.

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La transmission (ou la filiation, pour reprendre le terme élu par Fran-
çoise Collin) devrait aussi concerner les hommes, les fils. Mais le milieu
des études féministes peine à l’envisager. Il y a débat, lors de la fondation
de l’ANEF en 1989, sur l’ouverture ou non aux chercheurs. À une courte
majorité, après un débat houleux, l’assemblée générale choisira la non-
mixité, s’inscrivant ainsi dans la continuité du féminisme radical des
années 70. Les hommes, peu nombreux à travailler dans ce domaine de
recherche, et encore moins nombreux à se dire féministes, ne risquaient
pourtant pas d’envahir l’association. Leur exclusion est alors justifiée à la
fois en théorie et en pratique. En théorie, si l’on admet que les études
féministes sont comme « l’aile académique du mouvement des femmes et
par conséquent comme une part intégrante de celui-ci ». Elles « représen-
tent une tentative de femmes de rassembler théorie, travail intellectuel et
pratique politique en vue d’améliorer leur statut social et symbolique »
(Braidotti, 1990 : 30). Le cadre épistémologique n’a pas lui non plus évo-
lué pour les adeptes de la non-mixité, toujours attachées à l’expression de
la subjectivité des femmes. L’ANEF n’anticipe pas l’une des évolutions
majeures des années suivantes : le désir de mixité. L’exclusion de l’autre
sexe ne peut que heurter les générations scolarisées à partir de 1970 dans
la mixité, cadre naturel de la socialisation dès la crèche.

Expertes et militantes scientifiques


Créer un laboratoire ou un groupe de recherche spécialisé, une revue,
animer un séminaire, deviennent au cours des années 80-90 de nouvelles
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formes de militance. Se dessinent les prémices d’une « professionnalisation
du militantisme » visible également dans d’autres secteurs comme ceux de
l’écologie et des droits des immigré·e·s. Sur tous les dossiers importants des
droits des femmes depuis vingt ans, des chercheuses féministes exercent
leur expertise. Certaines agissent dans un cadre associatif, perpétuant ainsi
une recherche hors-institution sur et avec les femmes, telle l’Association
contre les violences faites aux femmes au travail, fondée et dirigée pendant
de longues années par Marie-Victoire Louis, sociologue au CNRS (voir
AVFT, 1990, et Louis, 1994). D’autres répondent à l’appel de l’État (Anne-
Marie Houdebine-Gravaud, aujourd’hui professeure de linguistique et de
sémiologie à l’Université de Paris V, participe à la Commission de termino-
logie relative à la féminisation des noms de métiers, titres et fonctions, qui
inspirera la circulaire de mars 1986). Mais c’est surtout au Conseil supé-
rieur de l’égalité professionnelle que des chercheuses, sociologues du tra-
vail et juristes, interviennent, ainsi qu’à l’Observatoire de la parité, créé en
1995. Au niveau de l’État, le Service du droit des femmes (dont le secteur
« Études » n’a été créé qu’au début des années 90) ne dispose d’aucune
étude rétrospective sur les subventions accordées pour des projets de
recherche. Sa responsable, Sandrine Dauphin, estime que les grosses revues
d’études féministes sont financées à 70 % par le Droit des femmes. Leur état
de santé est soumis aux fluctuations politiques : entre 1993 et 1997, les
subventions ont diminué de moitié, menaçant la vie de certaines publica-

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tions. Les projets « féministes » culturels se tournent trop exclusivement vers


le Droit des femmes, limitant ainsi la source de leur financement mais aussi
de leur légitimité, ce qui induit – effet pervers – la minorisation des ques-
tions de genre dans les projets du Ministère de la Recherche, de l’Éducation
nationale, de l’Enseignement supérieur.

Il faut souligner l’importance croissante de l’expertise, même si cette


dernière n’est pas centrale dans la tradition française. Il n’existe qu’un seul
DESS (Diplôme d’études supérieures spécialisées) d’études féministes, celui
de Toulouse. La comparaison avec le Québec montrerait des exemples sti-
mulants de recherche appliquée, dans des domaines encore peu explorés
ici, comme la criminologie. Il est vrai que les problématiques féministes y
sont aussi mieux acceptées (Dagenais, 1999).

1995-2002 : l’embellie

Un contexte favorable
À partir de 1995, la floraison d’associations et de structures nouvelles
dans le champ des études femmes/genre/féministes montre le renforcement
du potentiel de recherche, et en même temps l’insatisfaction ressentie face
aux lacunes de l’Institution. Pour ne prendre que l’exemple de l’histoire,
1995 voit la naissance de la revue Clio. Histoire, femmes et sociétés. Un
gros colloque, « Une histoire sans les femmes est-elle possible ? », est réuni à
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Rouen en 1997. La Société internationale d’étude des femmes sous l’Ancien
Régime, SIEFAR (http://siefar.femmes.free.fr), se constitue en 2000, la même
année que l’association Archives du féminisme qui crée un centre de
conservation et de documentation à Angers (http//:buweb.univ-angers.fr/
ARCHFEM). La même année naît Mnémosyne (http://www.mnemosyne.
asso.fr), Association pour le développement de l’histoire des femmes et du
genre. Clio fête ses 5 ans lors d’une journée d’études à Lyon. Chez Sedes,
chez Armand Colin paraissent les premiers « manuels » ; le mensuel L’His-
toire sort de son indifférence avec un numéro spécial « Femmes ».

Le vent a tourné, comme le montre le mouvement de féminisation des


fonctions professionnelles (maîtresse de conférence, professeure, cher-
cheuse ou chercheure à la mode québécoise, directrice de recherche). Les
résistances des femmes à cette féminisation, particulièrement fortes, par-
fois même chez des féministes, se sont beaucoup estompées. À l’exemple
des femmes ministres dans le gouvernement Jospin en 1997, beaucoup de
chercheuses acceptent désormais de décliner leur fonction au féminin.
L’évolution aura été rapide. Comme au début de la campagne pour la
parité, le succès était très improbable. Les maigres troupes qui manifes-
taient avec Françoise Gaspard en 1994 devant la Maison des sciences de
l’Homme, boulevard Raspail, à Paris, demandant sa transformation en
Maison des sciences humaines, en étaient bien conscientes.

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Cette effervescence, fruit d’une accumulation primitive considérable,
coïncide aussi avec le réveil du féminisme en France que l’on peut précisé-
ment dater de 1995. La préparation de la conférence mondiale de Pékin
active les milieux associatifs. La manifestation de rue du 25 novembre
pour la défense des acquis sur l’avortement est un succès, le premier
depuis… 1982. Les mouvements sociaux en décembre contribuent à chan-
ger le climat politique, ouvrant des portes pour les revendications fémi-
nistes. Et à la plus importante et la plus novatrice d’entre elles, la parité. La
campagne, puis la réforme de la Constitution le 28 juin 1999, puis la loi du
6 juin 2000, et aujourd’hui la mise en œuvre (jusque dans ses graves
imperfections) semblent avoir déverrouillé les esprits. Ce qui explique, dans
un contexte électoral, la consécration médiatique du féminisme lors du
8 mars 2002. Sans doute une certaine culpabilité collective n’est-elle pas
étrangère à ce succès. Comme en 1944 avec le droit de vote, le retard fran-
çais par rapport aux autres pays d’Europe n’est plus supportable (Commis-
sion européenne, 2001). En 2000, la France a ratifié le protocole facultatif
à la Convention sur l’élimination des discriminations envers les femmes.
Sont prévus des programmes de sensibilisation à l’égalité des garçons et
des filles et la création d’« outils de l’égalité » — tels que les statistiques
sexuées. Le Ministère de la Recherche a créé une mission « Parité ». Une
Convention interministérielle annonce la mise en œuvre d’une politique
globale d’égalité des chances dans le système éducatif, comprenant la lutte
contre les représentations sexistes, la promotion de l’égalité dans des cours
dispensés dans les Instituts universitaires de formation des maîtres, la
valorisation du rôle des femmes dans l’enseignement, la recherche univer-
sitaire et les programmes (voir www.lyon.iufm.fr/aspasie). Les change-
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ments récents vont donc dans le sens d’une reconnaissance de l’utilité
sociale des études sur le genre, terme quasi officiel imposé par l’Europe.

Le temps de l’intégration ?
Visibilité, reconnaissance, intégration : ces mots reviennent sans cesse
dans les argumentaires des associations de chercheuses et chercheurs. La
visibilité médiatique – qui interfère de plus en plus avec les carrières –
est aussi attendue. Elle est bien sûr inégalement partagée, mais elle s’est
étendue. Ainsi Michelle Perrot constate, pour l’histoire des femmes, que « la
reconnaissance publique excède la reconnaissance académique » (Perrot,
2001 : 242). Plus que jamais, le féminisme est sublimé en mouvement cul-
turel. Des femmes publiant sur les femmes peuvent, sans jamais avoir dis-
tribué un tract ou arpenté le pavé, passer dans les médias pour des repré-
sentantes patentées du féminisme. Le « créneau » existe. Il serait par
exemple intéressant d’analyser la fulgurante percée médiatique de la phi-
losophe Sylviane Agacinski (à qui la rumeur attribue la conversion de
Lionel Jospin, son mari, premier ministre, au principe d’une loi sur la
parité). Son image conjugue l’archaïque syndrome de la reine qui dispo-
sait, sous l’Ancien Régime, d’un indéniable pouvoir politique (Cosandey,
2000) et la moderne légitimité de la « chercheuse féministe », fabriquée en

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un essai (Agacinski, 1998). Pour les chercheuses féministes les plus radi-
cales, sa qualité de « féministe » est contestable, voire usurpée.

L’intégration semble aujourd’hui presque unanimement désirée par les


chercheuses féministes. Elle a un coût, pour les plus radicales d’entre elles,
car elle suppose que les normes et objectifs professionnels priment sur les
normes et objectifs militants. Aujourd’hui encore, des universitaires res-
sentent le besoin de se justifier face aux accusations de « trahison » : « La
pratique féministe de mon métier me paraît être dans la recherche d’une
intégration de l’histoire des femmes à la discipline » (Thébaud, 1998 :
p. 167). Cette logique professionnelle est très forte dans la discipline histo-
rique, mais on la voit à l’œuvre dans l’ensemble des sciences humaines. On
la retrouve aussi dans une nouvelle génération d’argumentation féministe :
« Oublier le genre confine à la faute professionnelle. Le jour où tous les
chercheurs en seront convaincus, nous aurons franchi un cap décisif : faire
reconnaître la différence des sexes comme l’une des grandes questions qui
traversent les sciences humaines et sociales » (Laufer et al., 2001 : 24).

Le prix de l’intégration se mesure aussi dans les contenus, en tout cas


dans leurs habillages. Le mot « genre » s’est banalisé après une longue
période où il était précautionneusement employé en anglais. Dans beau-
coup de travaux, cela ne représente aucune révolution conceptuelle ou
méthodologique mais simplement un synonyme de « sexe » ou « femmes ».
Vertu de ce nouvel habillage, le mot paraît plus ouvert, délesté de connota-
tion féministe. Il est clair, par exemple, qu’un colloque, selon qu’il est inti-
tulé « femme » ou bien « genre » ou « différence sexuelle » n’attirera pas la
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même proportion d’hommes et de femmes. Dès 1989, Christine Delphy
signalait le danger qu’il serve à euphémiser la réalité plus palpable et plus
grave du mot sexe (Delphy, 1991). On l’introduit alors en France sans tou-
jours savoir que, pour les féministes « anglo-saxonnes », « l’abandon de la
notion du groupe ‹ femmes › porte un coup dur aux principes fondateurs et
aux objectifs politiques du féminisme occidental contemporain » (Duchen,
1995, p. 353). Effectivement, les chercheuses féministes semblent réti-
centes à employer le mot « genre ». En mai 2002, les organisatrices du col-
loque sur « Le genre comme catégorie d’analyse » estiment qu’il « leur paraît
nécessaire de ne pas l’adopter automatiquement comme le dernier gadget à
la mode, ou le moyen pudique et académique de (ne pas) dire ‹ le sexe ».

Les hommes et les jeunes investissent le champ


L’affirmation depuis quelques années d’un féminisme de la mixité
(association Mix’Cité, créée en 1997) change le climat jusque dans les
centres de recherche où les hommes sont de plus en plus nombreux à s’inté-
resser au genre. Par ailleurs a surgi la militance des hommes proféministes,
dont le Réseau européen, créé en 1996, est représenté en France par un
sociologue du groupe d’études féministes toulousain Simone, Daniel Wel-
zer-Lang. Ce « proféminisme », qui a l’ambition de lutter contre le sexisme,

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l’homophobie et la transphobie, privilégie l’étude, par des hommes, du
genre masculin, selon une logique empruntée au féminisme des années 70.
Puisque seules les femmes peuvent être féministes, un exotique préfixe est
inventé : proféministe. Certains chercheurs de cette mouvance ont cepen-
dant conscience que la mixité du champ de recherche sur le genre mascu-
lin est un objectif important si l’on veut « éviter la création d’un nouveau
pôle de pouvoir masculin, et d’un nouveau moyen, « plus sophistiqué »,
d’oublier et d’ignorer les femmes, les travaux féministes, les women’s stu-
dies, et les rapports de pouvoir entre hommes et femmes » (Hearn, 2000 :
p. 259). Dans le discours consensuel tenu par beaucoup, l’augmentation du
nombre de chercheurs de sexe masculin s’intéressant au genre est une
bonne nouvelle, longtemps attendue… L’affaire « Bourdieu », au moment de
la sortie en septembre 1998 de La Domination masculine, a mis en lumière
l’ambivalence de ce progrès (Louis, 1999, et Mathieu, 1999).

Le souci de la transmission aux plus jeunes n’a pas disparu. Dans la


bouche des aînées, revient, récurrent, l’appel à la « relève ». C’est ce mot
qu’ont repris en 2001 des doctorantes qui ont formé le GREF : Groupe
Relève en études féministes. Mais le temps de la « relève » est-il réellement
venu ? La génération des années 70 occupe encore le devant de la scène
scientifique et médiatique. La transmission – avec ses inévitables altéra-
tions – se fait cependant. Le féminisme existe chez les moins de 30 ans.
Il tient à la mixité (Autain, 2000 et 2001), met en avant l’antisexisme plus
que le féminisme (terme toujours stigmatisé depuis le backlash des années
80), et agit avec pragmatisme. Son dernier coup d’éclat (2002) – le Col-
lectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement dans l’enseignement
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supérieur, CLASCHES – montre que les jeunes doctorantes féministes ne
manquent pas d’efficacité. À la différence de leurs aînées, beaucoup ont
pris contact avec le féminisme à travers les lectures – qui existent main-
tenant à foison – et des cours délivrés dans certaines universités. L’inten-
sification des réseaux, depuis l’utilisation massive d’internet, peut dyna-
miser ce mouvement. Judith Ezékiel, à l’origine de la première liste de
discussion transdisciplinaire en français sur les études féministes/femmes/
genre ouverte en 2002, constate son utilisation presque exclusive par les
moins de 30 ans. Ajoutons que l’intensification des échanges universi-
taires en Europe, grâce au programme Erasmus, permet à un certain
nombre d’étudiant·e·s français·e·s de découvrir dans des universités étran-
gères les études féministes.

Cette génération de la parité est aussi celle des lesbian and gay pride.
Il est possible qu’elle découvre le féminisme à la pensée queer qui n’est pas
sans rappeler les rapports recherche-militantisme des années 70 (Bourcier,
2001). Ainsi, en 1998-1999, le séminaire queer du Zoo a symbolisé son
désir de double affiliation en se réunissant en alternance à la Sorbonne et
au Centre gay et lesbien (Bourcier, 1998). L’institutionnalisation commence
avec vingt ans de retard pour ce que l’on n’appelle pas en France « études
gay et lesbiennes ». En 2002 est né le Réseau interuniversitaire pour le
développement des enseignements et des recherches sur le genre et les

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sexualités (REGENSE). Il utilise les institutions sans renier les principes


militants et les liens vitaux avec la réflexion des associations. En revanche,
les militantes lesbiennes féministes ayant maintenu le principe de la non-
mixité restent en marge. Elles semblent avant tout désireuses d’organiser
librement leurs échanges, en particulier, depuis 1999, lors de « colloques
internationaux d’études lesbiennes » à Toulouse. Fiammetta Venner, cher-
cheuse indépendante, a choisi au contraire l’extension du domaine de la
lutte en créant le réseau d’investigation et d’information Prochoix en
1997 4. Revue et centre de documentation, Prochoix est aussi une maison
d’édition et de production audiovisuelle, un site internet et un centre de
recherche, « né du constat qu’il existait peu de lieux ouverts à des cher-
cheurs indépendants souhaitant travailler sur des recherches privées ou
publiques ayant trait aux thèmes du droit de choisir : avortement, euthana-
sie, santé des femmes, homosexualité, environnement » (www.prochoix.org).

Les jeunes chercheuses féministes peuvent avoir le sentiment d’être


tenues en marge des institutions au recrutement aléatoire et sélectif, sur
des critères susceptibles d’être contestés. Pourtant, les compétences et les
réseaux acquis dans le militantisme pourront se transformer en atouts dans
la compétition pour les postes.

Aujourd’hui, les études sur le genre bénéficient ou souffrent (comme


on voudra) d’une « légitimité mitigée » (Laufer, 2001). Le champ est « dyna-
mique », certes, mais il est aussi « relativement clos » et « infléchit peu l’en-
semble de la production scientifique, sauf par éclats » (Collin, 1991 : 273). Il
est aussi assez mal connu et suscite toujours une certaine gêne, perceptible
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dans l’utilisation maladroite et inappropriée du « vocabulaire spécialisé »,
en particulier du mot « féministe ». Le blocage n’est pas dû à l’absence des
femmes aux postes de recherche, mais à la répugnance à poser des problé-
matiques féministes : aux États-Unis, où le pourcentage de femmes dans
l’enseignement supérieur est inférieur à celui de la France, on sait le déve-
loppement pris par les recherches sur le genre. Les études sur les femmes
ou le genre, même quand elles ne s’affichent pas féministes, ont des effets
militants. En éclairant l’ordre des sexes et des sexualités, elles le dénatura-
lisent, le débanalisent, le rendent visible, et ouvrent la porte au change-
ment. Ainsi s’expliquent les réactions d’hostilité ou de censure qu’elles
peuvent rencontrer. Les féministes ont l’habitude de s’en plaindre – à
juste titre – mais, en pessimistes professionnelles que sont souvent les
militantes, elles ne semblent pas toujours mesurer le chemin parcouru et
l’ampleur des acquis. Les études féministes ne sont-elles pas devenues le
pôle le plus dynamique du féminisme ? La fertilité de ce champ de
recherche, qui doit son essor aux problématiques militantes des années 70,
est entretenue par la volonté, toujours présente, de participer aux transfor-
mations sociales et culturelles. ■

4. Fiammetta Venner, qui a soutenu en 2002 sa sur les réseaux anti-IVG et l’extrême droite (Ven-
thèse en sciences politiques, enquête depuis 1990 ner, 1995).

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