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Françoise Lorcerie
Dans Droit et société 2008/1 (n° 68), pages 53 à 74
Éditions Éditions juridiques associées
ISSN 0769-3362
ISBN 9782275027906
DOI 10.3917/drs.068.0053
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Françoise Lorcerie
Résumé L’auteur
Comment l’épisode de passion collective autour du port du voile isla- Directrice de recherche au
mique à l’école est-il survenu en France, en 2003, et comment la prohi- CNRS, travaille sur la politisa-
bition s’est-elle imposée comme la solution, gravée dans la loi ? Divers tion des frontières ethniques
dans les sociétés occidentales
travaux ont souligné la part qu’y ont prise les médias, notamment les
contemporaines. Ses thèmes de
magazines. Mais un examen plus englobant montre qu’ils n’ont pas eu recherche portent en particulier
la commande de l’affaire. Analysée par hypothèse comme une entre- sur l’usage des catégories ethni-
prise politique, l’affaire révèle une structure somme toute classique, si ques dans l’école française, et
ce n’est que l’enjeu était de nature largement symbolique et que, parmi plus largement sur la question
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7. Cf. Erich GOODE et Nachman BEN-YEHUDA, « Moral Panics : Culture, Politics, and Social Con-
struction », Annual Review of Sociology, 20, 1994, p. 149-171.
8. En raison de la nature analytique de l’exposé, nous n’avons pas cherché à équilibrer les parties.
9. Circulaire du 20 septembre 1994 : « Port de signes ostentatoires dans les établissements sco-
laires ».
10. Sur ces détails, voir Gilles M ANCERON, « Opinion publique et forces politiques », in Françoise
LORCERIE (dir.), La politisation du voile : l’affaire en France, en Europe et dans le monde arabe, Pa-
ris, L’Harmattan, 2005.
11. Une organisation issue des rangs du Parti socialiste.
12. Gilles M ANCERON, « Opinion publique et forces politiques », op. cit., p. 67.
15. L’une des propositions porte sur la création d’une faculté de théologie musulmane.
16. Sa première intervention publique contre la position libérale du Conseil d’État remonte à
l’affaire Mlle Saglamer, jugée en appel par le CE le 10 juillet 1995. Rapportant ses conclusions en
tant que commissaire du gouvernement, R. Schwartz avait alors proposé d’attribuer un caractère
ostentatoire et prosélyte au foulard, dès lors qu’il était porté collectivement. Il n’avait pas été sui-
vi par le CE. Rémi Schwartz est par ailleurs un leader du Mouvement juif libéral de France.
17. Jean-Paul COSTA est l’auteur, avec Guy BÉDOUELLE (spécialiste de l’histoire du catholicisme), de
l’ouvrage Les laïcités à la française, Paris, PUF, 1998.
18. Cf. « Le Conseil d’État, le droit public français et le “foulard” », interview de Monsieur Jean-
Paul COSTA (conseiller d’État), Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-
iranien, 19, janvier-juin 1995, p. 82-84. Voir aussi dans son livre suscité le chapitre 13, intitulé
« L’islam ».
19. Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.
20. Libération, 12 novembre 1999. Les auteurs s’identifient respectivement comme directrice
d’association et directeur d’école, et tous deux membres du comité de rédaction d’Hommes et Mi-
grations.
21. Le renversement du thème de la discrimination est caractéristique de l’épisode : c’est l’islam
qui discrimine et les femmes portant foulard s’auto-discriminent. On retrouvera ces thèmes dans
le rapport de la commission Stasi, lequel fait place aussi au « sentiment de discrimination » des
jeunes issus de l’immigration, dans une stratégie discursive d’équilibrage des normes contraires
que l’on retrouve aussi dans le discours présidentiel (voir infra, § III.2).
22. Cf. la célèbre étude de Serge MOSCOVICI, Psychologie des minorités actives, Paris, PUF, 1979.
23. Rapport, IV, A, 2.
24. Le premier auditionné fut Rémy Schwartz le 11 juin 2003, suivi de Hanifa Cherifi, la média-
trice de l’Éducation nationale pour les affaires de foulards.
25. Voir le documentaire de Dorothée THÉNOT, Derrière le voile : dans les coulisses de la commis-
sion Stasi, Chaîne parlementaire Public Sénat, 2004, cassette vidéo 52 minutes. Nous remercions la
chaîne Public Sénat de nous avoir aimablement transmis ce document.
26. Voir un exposé détaillé de ces biais dans Alain GRESH, L’islam, la République et le monde, Pa-
ris, Fayard, 2004, chapitre 8.
27. Les Renseignements généraux annonçaient, pour le premier trimestre de l’année scolaire
2003-2004, 1 256 élèves portant le foulard, sur lesquelles on comptait 20 cas ayant posé pro-
blème, et 4 exclusions (chiffres donnés par Nicolas Sarkozy sur France 2 le 20 novembre).
28. René Rémond signera le 2 février 2004 dans Le Monde une libre opinion intitulée « De
l’inutilité d’une loi déplacée ».
29. Voir dans ce numéro l’entretien avec Jean Baubérot.
30. Cette dénomination malcommode renvoie au fait que la coalition prohibitionniste a combiné
dans un attelage inédit une ligne nationaliste et une ligne ultrarépublicaine pour l’interprétation
de la laïcité.
31. « Pourquoi le foulard n’est-il pas criminalisé comme le viol ? », s’indigne une universitaire,
membre d’un groupe féministe (Le Monde, 8 juillet 2003).
32. Cf. le chapitre consacré aux médias par Vincent GEISSER dans son ouvrage La nouvelle islamo-
phobie, Paris, La Découverte, 2003. Le livre analyse la campagne éditoriale et médiatique qui s’en
est pris, en 2002, aux jeunes musulmans des banlieues pour antisémitisme.
33. L’Express justifie ce parti pris non sans humour : « Dans ce débat […], on n’entend que la voix
des musulmans les plus radicaux, pourtant moins nombreux que les modérés. C’est à ces derniers
que l’Express donne la parole », L’Express, 18 au 24 septembre 2003, dossier « La laïcité face à
l’islam ».
34. La presse rapporte qu’Alain Seksig s’adresse ce soir-là à Jacques Chirac en ces termes :
« Aujourd’hui, c’est la seconde fois que l’on vote pour vous » (Le Monde, 19.12.03, article signé
Philippe BERNARD, Béatrice GURREY et Martine LARONCHE).
35. Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale.
36. Union nationale des syndicats autonomes (organisation syndicale interprofessionnelle).
37. Cf. David KESSLER, « Neutralité de l’enseignement public et liberté d’opinion des élèves » (À
propos du port de signes distinctifs d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires).
Conclusions sur Conseil d’État, 2 novembre 1992, M. Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme
Kizic, Revue française de droit administratif, 9 (1), janvier-février 1993, p. 112-119.
38. L’UNSA a voté en faveur du projet de circulaire lors de son examen par le Conseil supérieur
de l’éducation le 17 mai 2004, alors qu’elle s’était abstenue précédemment lors de l’examen du
projet de loi.
39. Rapport Debré, tome II, Auditions, audition conjointe de responsables du SNPDEN, 25 juin
2003.
40. Cf. le rapport d’activité de Philippe Guittet devant le congrès du SNPDEN, Direction (revue du
SNPDEN), 119, juin 2004, p. 29.
41. Rapport d’activité de Philippe Guittet, loc. cit.
42. Antoine SFEIR, Les réseaux d’Allah : les filières islamistes en France et en Europe, 2e éd., Paris,
Plon, 2001.
43. Chahdortt DJAVANN, Bas les voiles, Paris Gallimard, 2003.
44. Emmanuel BRENNER (dir.), Les territoires perdus de la République : antisémitisme, racisme et
sexisme en milieu scolaire, Paris, Mille et une nuits, 2002.
45. Bernard LEWIS, Que s’est-il passé ? L’Islam, l’Occident et la modernité, Paris, Gallimard, 2002.
46. Caroline FOUREST et Fiammetta VENNER, Tirs croisés : la laïcité à l’épreuve des intégrismes juif,
chrétien et musulman, Paris, Calman-Lévy, 2003.
47. Rappelons qu’elle a été fondée en 1866 par Jean Macé.
48. Pierre TOURNEMIRE, « Une loi qui serait inopportune », Idées en mouvement, 110, juin 2003.
49. Ibid.
50. Ibid.
51. Les signataires sont l’association Éducation & Devenir (regroupant des chefs d’établissement
favorables à la démocratisation scolaire), la FCPE, la FERC-CGT, la FSU, le SGEN-CFDT, l’UNL, ainsi
que la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme et le MRAP. Seule parmi les gran-
des fédérations syndicales enseignantes, l’UNSA ne s’est pas associée.
55. Norbert ELIAS, La société des individus, Paris, Fayard, 1991 (chapitre « Les transformations de
l’équilibre “nous-je” », p. 286).
56. Rapporté par Philippe Guittet (SNPDEN) qui participait à l’émission (entretien avec l’auteure).
57. Selon Patrick Haenni, cela a contribué à discréditer ces notables dans les quartiers et à ac-
croître l’audience du salafisme. Voir La France face à ses musulmans : émeutes, jihadisme et dépo-
litisation, Rapport pour l’International Crisis Group, mars 2006.
58. Ce qu’a cherché à faire le Haut Conseil à l’intégration sous la présidence de Roger Fauroux.
Cf. HAUT CONSEIL À L’INTÉGRATION, L’Islam dans la République, Paris, La Documentation française,
2000.
59. Emmanuel BRENNER (dir.), Les territoires perdus de la République : antisémitisme, racisme et
sexisme en milieu scolaire, op. cit.
60. Ce sera la directive 2000/43 « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traite-
ment entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».
61. L’évolution reprendra en 2004 après l’épisode, mais dans un contexte politique radicalisé.
Voir Françoise LORCERIE, « Le primordialisme français, ses voies, ses fièvres », in Marie-Claude
SMOUTS (dir.), La situation postcoloniale : les “postcolonial studies” dans le débat français, Paris,
Presses de Sciences Po, 2007, p. 298-243.
62. Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
63. Cette étude s’appuie notamment sur deux chapitres du livre La Politisation du voile, op. cit. :
« À l’assaut de l’agenda public. La politisation du voile islamique en 2003-2004 » et « Les profes-
sionnels de l’école et l’affaire du voile. Des enseignants très partagés sur l’incrimination du
voile ». Merci à Claire de Galembert pour sa précieuse relecture.