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SÉBASTIEN CHAUVIN ET ARNAUD LERCH, SOCIOLOGIE DE

L'HOMOSEXUALITÉ. LA DÉCOUVERTE, COLL. « REPÈRES », PARIS, 2013,


128 PAGES

Massimo Prearo

La Découverte | « Travail, genre et sociétés »

2014/2 n° 32 | pages 202 à 204


ISSN 1294-6303
ISBN 9782707183316
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2014-2-page-202.htm
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Critiques

Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch


Sociologie de l’homosexualité
La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2013, 128 pages

onçu et présenté comme un état des lieux des savoirs sur

C l’homosexualité et des savoirs homosexuels, le livre coécrit par


Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch, deux sociologues travail-
lants sur les pratiques et les politiques sexuelles, constitue, sans aucun
doute, un outil incontournable pour les chercheur-e-s et les étudian-
t-e-s qui abordent le sujet dans leurs travaux. Publié dans la collection
« Repères » de La Découverte, ce livre de 128 pages se donne pour
ambition de toucher un public large, pas uniquement universitaire, en
se proposant de « mettre en lumière non seulement la manière dont la
culture façonne la sexualité, mais aussi la façon dont, à partir de ces
sexualités, s’élaborent en retour des cultures originales » (p. 4). Et
l’année de mobilisations et de controverses qui vient de se clore avec
l’adoption de la « loi Taubira » donnant accès, en France, au mariage
et à l’adoption aux couples de même sexe, a bien montré qu’au-delà
des avancées juridiques, les préjugés et les stéréotypes sur les identités
et les cultures lesbiennes, gaies, bi et trans (LGBT) demeurent fortement
ancrés dans la société française. Cet ouvrage est donc à la fois une
contribution aux études de genre et aux études LGBT et queer, et une
contribution à une « pensée critique au service de l’émancipation »
(p. 110).
Le livre est organisé en six chapitres rédigés avec précision mais
dans un style globalement accessible. Dans le premier chapitre, les
auteurs retracent les étapes de la construction sociologique de l’homo-
sexualité comme fait social, depuis la naissance du concept au XIXe
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siècle jusqu’aux apports critiques de la théorie queer dans les années
1990, en passant par le tournant interactionniste des années 1950 et
1960, et les approches historiques de la sexualité. Ils abordent ensuite,
dans un souci de synthèse – qu’impose aussi le format de la collection
« Repères » – plus que d’approfondissement, les aspects et les enjeux
sociologiques de l’homosexualité, notamment, dans le deuxième
chapitre, la question du « placard », de la stigmatisation et de la discri-
mination dont font l’objet les minorités sexuelles, en soulignant que
« les mécanismes de l’homophobie […] sont inséparables des normes
de masculinité et de féminité, si bien qu’il faut distinguer la gayphobie
(qui touche les hommes) et la lesbophobie (qui touche les femmes) »
(p. 23). Dans le troisième et le quatrième chapitre, sont explorées les
manières dont, autour des sexualités minoritaires, s’organisent des
« modes de vie » et des « types de relations » qui invitent à repenser
les liens entre individus, aussi bien du point de vue du sexe, de
l’amitié ou des formes relationnelles communautaires que de la
conjugalité et de la parentalité. Les auteurs montrent ici à quel point
l’homosexualité n’est plus (ou ne devrait plus) être un objet de recher-
che « exotique » qui marquerait (stigmatiserait ?) l’excentricité de celle
ou de celui qui aurait l’audace d’afficher une spécialisation en
« sociologie de l’homosexualité » – dans un contexte académique

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Critiques

désormais officiellement et institutionnellement ouvert aux études


« genre et sexualité », mais peut-être encore crispé vis-à-vis de ces
chercheur-e-s. Le cinquième chapitre présente une brève histoire
politique de l’homosexualité, depuis la première vague du mouve-
ment homosexuel autour de la figure pionnière de Magnus Hirschfeld
en Allemagne, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles, jusqu’au
« foisonnement associatif gai et lesbien dans les années 1980 et 1990 »
(p. 87), sans oublier la contribution du mouvement homophile (années
1950-1960) et des mouvements révolutionnaires et radicaux (années
1970). Les auteurs montrent ainsi que l’on ne peut penser une socio-
logie de l’homosexualité que dans une perspective pluridisciplinaire.
C’est que l’objet « homosexualité » se révèle être un point de vue
privilégié pour étudier la société dans son ensemble : d’un côté, la
production sociale, historique et politique des normes du genre et de
la sexualité, de l’autre, les formes de résistance et de lutte que les
individus, les groupes et les collectifs mènent pour contribuer au
changement social. Dans le dernier chapitre, les « grandes questions »
de la sociologie sont interrogées « au prisme de l’homosexualité »,
dans la mesure où celle-ci « est une occasion de tenter de penser à
nouveaux frais les grandes questions de la tradition sociologique
comme la mondialisation, le nationalisme ou la mobilité sociale, soit
pour en critiquer les points aveugles et en révéler la normativité
implicite, soit pour modifier la manière dont elle appréhende ses
objets » (p. 93). Abordant les débats récents autour de l’« homonatio-
nalisme », les auteurs soulignent à quel point, dans un contexte
occidentalo-centrique dans lequel l’avancée des droits LGBT est consi-
dérée – du moins dans les textes et les conventions internationales –
comme un exemple du progressisme et de la « supériorité » démo-
cratique des sociétés qui en font la promotion, une partie des
communautés gaies et lesbiennes « sont intégrées aux privilèges de
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l’identité nationale (normalité, mariage, armée, etc.) », ou sont instru-
mentalisées dans ce sens. « Des discours culturalistes localisant l’ho-
mophobie spécifiquement dans les communautés musulmanes et les
quartiers à forte concentration immigrée » (p. 98) se développent ainsi,
pouvant contribuer à renforcer une représentation, que la visibilité
médiatique de certaines personnalités et porte-parole tend à conforter
également, de l’homosexualité comme le privilège identitaire d’une
classe moyenne, masculine surtout, et blanche de surcroît. Une
bibliographie extrêmement bien fournie, que l’on peut saluer pour son
exhaustivité, clôt cet ouvrage ; on peut imaginer qu’il s’imposera
comme une introduction aux études sur l’homosexualité, en plein
essor depuis quelques années, études que l’organisation au sein de
l’université d’options pédagogiques et de Masters spécialisés dans les
études sur le genre et la sexualité a sans doute favorisées.
Cette « sociologie de l’homosexualité » constitue ainsi un événe-
ment éditorial qui présente l’actualité de la recherche sur le sujet, et
marque aussi un moment de reconnaissance et, dans certains cas,
d’institutionnalisation d’une génération de chercheur-e-s qui, entre la
fin des années 1990 et le début des années 2000, sont entré-e-s dans la
recherche scientifique par cet objet bien identifié désormais qu’est

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Critiques

l’homosexualité, en renouvelant en profondeur le visage et les métho-


des des sciences humaines et sociales.

Massimo Prearo
Marie Curie Fellow, Université de Vérone
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