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Sommaire :
1. Un compositeur concerné
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Le genre est un concept qui a évolué au cours de la lutte féministe aux XXème et XXIème
siècles. Se rapportant à l’origine au sexe d’un individu, défini comme féminin ou masculin, il
s’appuie par la suite sur une analyse de la construction sociale grâce aux travaux des gender
studies dans les années 80 aux Etats-Unis. Parmi les femmes qui ont participé à ces travaux
se trouve Judith Butler. Elle envisage le genre comme étant une variable fluide, évoluant
autant dans le spectre des genres allant de féminin à masculin que dans le temps. L’identité de
genre est donc le genre auquel une personne appartient et se reconnaît. Il peut être celui
assigné à la naissance, dans ce cas les personnes sont dites «cisgenres», ou bien à l’opposé du
genre assigné, «transgenres», ou encore «non-binaire», c’est à dire ni femme ni homme. Dans
le spectre allant du genre féminin au genre masculin, il existe une multitude de genres
ressentis. L’évolution de la théorie du genre aux Etats-Unis a engendré un léger retard chez
les français⋅es, pour qui ces études ont été traduites dans les années 2000. Progressivement
les scènes européennes ont bénéficié de ces avancées sur l’identité de genre et ont proposé
une représentation qui remet en cause les injonctions liées aux genres et permet une visibilité
des personnes queer.1 L'opéra a embrassé la tendance et a accueilli sur ses scènes la
représentation de l’identité de genre. En effet, l’opéra a une histoire et un rapport particulier
au genre qui permettent d’exploiter les questions contemporaines liées à celui-ci. Je pense
notamment à la tradition des castrats ou aux rôles travestis, «trousers roles» en anglais.
Traversant les siècles, cet art pluridimensionnel a conservé son répertoire et a su évoluer
jusqu’à aujourd'hui. En s’appuyant sur les mises en scène de deux opéras Ariodante par
Christof Loy et Psychosis 4:48 par Philip Venables et Ted Huffman, respectivement créés en
2017 et 2016, il s’agira d’étudier comment l’opéra européen interroge la représentation de
l’identité de genre au XXIème siècle.
L’époque baroque est à l’origine de la tradition des castrats. C’est à travers l’opéra que la
société de l’époque cherchait à transgresser la différenciation des sexes et ainsi à se
rapprocher d’une ambiguïté du genre. La mise en scène de Christof Loy d’un des
chef-d'œuvres de Georg Friedrich Haendel, Ariodante, suggère une fluidité de genre de
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Être queer signifie revendiquer une opposition au système hétéronormé.
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certains personnages. Par ce sujet rejoignant la lutte féministe du XXIe siècle, le metteur en
scène réussi à actualiser cet opéra, vieux de 280 ans.
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Le dernier castrat, Alessandro Moreschi a vécu jusqu'en 1922.
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Il n’est pas question de faire l’éloge de la castration, pratique incontestablement barbare, mais de constater ses
effets sur la tessiture du sujet liés à son identité de genre dans la société.
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Dominique Fernandez, La Rose des Tudors, Paris, Julliard, 1986, p.13.
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En français : «Plaisante infidèle».
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physique. Les cheveux longs de la chanteuse, tout comme sa poitrine, vont se libérer tout en
coexistant avec sa fausse barbe, lors de la scène dans la forêt. A la fin de l’opéra, Ariodante
n’a plus de barbe ni de cuissardes et possède une apparence féminine6. Le travestissement
opéré dans cet opéra fait écho à l’appropriation par les personnes queer des attributs et des
codes d’un genre qui n’est pas perçu comme étant les leurs. C’est un de leurs moyens de
transgresser les normes. Christof Loy prend le parti d’attribuer une barbe à une chanteuse
femme puis une robe décolletée à un personnage homme. Il fait un pied de nez aux débuts de
l’Opéra, où les rôles de femmes étaient chantés par des hommes travestis; mais surtout, il
participe à déconstruire l’image hétéronormée de l’expression de genre, selon laquelle elle
devrait être rattachée à l’identité de genre de la personne. Ce choix prouve que chacun⋅e
porte en iel une part de masculinité et de féminité qu’iel doit apprendre à embrasser.
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Christof Loy a repris l’idée de Virginia Woolf dans son roman Orlando, où le héro se réveille en femme et finit
sa vie avec un homme.
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L’opéra «Psychosis 4:48» de Philip Venables et Ted Huffman est une adaptation de la pièce de
Sarah Kane du même nom. Se plongeant dans l’univers psychiatrique et la dépression, cette
œuvre nous apporte une opportunité de représenter l’ambiguïté de genre.
1. Un compositeur concerné
Philip Venables a eu l’idée d’adapter la pièce de théâtre de Sarah Kane. Ce compositeur
poursuit la même lutte que l’auteur, celle des droits LGBTQ+. De plus, il se définit comme
étant queer. Quoi de mieux pour soutenir la lutte pour l’égalité qu’un créateur opposé aux
normes du patriarcat ? Les personnes concerné⋅e⋅s sont plus à même de parler et de créer
autour du sujet de l’identité de genre. Les autres ne peuvent prétendre parler pour eux. Même
si l’opéra s’ouvre de plus en plus aux questions de l’identité de genre, il est bien difficile de
les représenter avec justesse sans passer par une déconstruction ainsi qu’une éducation;
celles-ci obtenues avec l’aide et les témoignages des concerné⋅es. Il me paraît essentiel que
ces personnes prennent part à la création. L’opéra n’est pas aussi conservateur qu’on peut le
croire, Philip Venables en est la preuve.
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La création contemporaine est une solution idéale à la représentation des identités de genre.
En effet, elle permet d’être en accord avec les tendances et les néologismes, et dans ce cas
précis de donner une représentation voire une visibilité des personnes transgenres,
non-binaires et queer.
Christof Loy offre sa vision d’homme cisgenre qui ne proclame pas être engagé dans une
lutte pour l’égalité des genres. Il réussit cependant à déconstruire nos attentes hétéronormées
concernant les rôles d’opéra et le travestissement. Philip Venables quant à lui, travaille
beaucoup autour de la politique, de la sexualité, du genre et de la violence. L’engagement est
pourtant nécessaire à la survie de la défense des droits. Leurs œuvres ont su s’ancrer dans le
questionnement autour de l’identité de genre, mais il en faut plus pour convaincre la majorité.
L’opéra est un art sensible qui continue à se réinventer ainsi qu’à s’ouvrir petit à petit à de
nouvelles expérimentations, loin de l’image conservatrice qu’on lui attribue encore parfois. Il
a encore de beaux jours devant lui. Concernat mon point de vue, il reste aussi orienté, étant
une femme cisgenre sans être queer ne me permet pas de partager une expérience de lutte
active pour l’égalité des genres. Bien que m’appuyant sur des ouvrages féministes et engagés
dans une lutte commune avec les personnes transgenres, non-binaires ou queer, mon analyse
reste faussée. J’espère néanmoins que cet écrit aura pu créer un lien direct entre deux causes
qui me sont chères. Mais comme l’écrivait le collectif Notre corps, nous-mêmes :«On ne
détruit pas le patriarcat en écrivant un livre.»
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Bibliographie
Théorie féministe :
- Boston Women’s Health Book Collective, Our bodies ourselves, Etats-Unis, 1973,
paru en français en 1977, réactualisé en 2020. Pour les définitions de l’identité de
genre, de l’expression de genre et de la transition, sans oublier le contournement des
normes.
- Ben Névert, Je suis transgenre-Tartine de vie, vidéo youtube du 4 avril 2020. Pour la
remise en question du regard orienté.
- @aggressively_trans, page instagram de Lexie, militante et autrice de Une Histoire de
Genres. Pour l’éducation féministe pour tous et à propos de l’identité trans.
- Sylvie Cadolle, «Les Féminismes ou le débat du sexe et du genre», dans Journal
français de psychiatrie, n°40, 2011. Pour les différents courants féministes et les
définitions.
https://www.cairn.info/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2011-1-page-25.htm
Opéra et voix :
- Marie-France Castarède, La Voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004.
Pour les spécificités du castrat et la culture qui l’accompagne.
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https://www.operanationaldurhin.eu/files/1e9b62d0/1_4.48_psychosis_dossier_pedag
ogique.pdf
- Philip Venables, 4:48 Psychosis, opera as music and text : A mini-site for the
doctoral submission about the opera 4.48 Psychosis, 2016. Pour des précisions
concernant la forme de la composition. https://448psychosis.philipvenables.com/
Écrits de presse :
- Christian Longchamp, Au son du souffle de mon amour, entretien avec Philip
Venables, revue de l’Opéra national du Rhin, 2019. Pour la démarche du compositeur
et sa réflexion concernant l’opéra.
- Jean-Luc Clairet, «Cecilia Bartoli dans Ariodante à Monaco : audacieuses
métamorphoses», Resmusica.com, 2019. Pour la critique de la représentation à
Monaco.
https://www.resmusica.com/2019/02/26/cecilia-bartoli-dans-ariodante-a-monaco-auda
cieuses-metamorphoses/
- Ilana Walder-Biesanz, «A gender-bending Ariodante is superb in its Salzburg
revival», Opera Online.com, 2017. Pour ses références anglaises.
https://www.opera-online.com/en/columns/ilanawalder/a-gender-bending-ariodante-is
-superb-in-its-salzburg-revival