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TD 1–LE COMIQUE ET LE TRAGIQUE

Introduction
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1. Genres et registres
Il faut faire la distinction entre genre et registre :

 La tragédie, la comédie sont des genres, donc des types de textes ou de spectacles définis
en fonction de certaines caractéristiques constitutives.
 Tragique et comique sont des registres, ou des tonalités. Les registres ou tonalités sont
définis en fonction des effets recherchés sur le destinataire. Une pièce comique est par
exemple une pièce qui cherche à provoquer le rire ou le sourire.
Historiquement, le registre tragique s’est identifié au genre de la tragédie et le registre comique
s’est identifié au genre de la comédie. Jusqu’à un certain point, il y a une superposition du genre et
du registre. Ces 2 registres vont cependant avoir une existence autonome. En effet, le comique
existe au-delà de la comédie et le tragique existe au-delà de la tragédie.
Le tragique n’est pas seulement un registre, mais c’est aussi une notion philosophique. C’est un
concept que les philosophes définissent diversement. La réflexion sur le tragique de l’existence, de
la condition humaine va se développer très fortement à partir du 19 ème et surtout au 20ème siècle.
L’élaboration du tragique comme notion est postérieure à la tragédie comme genre. On réfléchit
sur la notion du tragique, alors qu’on ne fait plus de tragédie. Il y a une tragédie vivante au 18 ème
siècle, mais cela décline au 19 ème siècle, c’est pourquoi est née à ce moment-là une réflexion sur le
tragique.
2. La séparation originelle
Très tôt dans l’histoire du théâtre en occident, s’est faite une séparation entre tragédie et comédie.
Pour l’occident, la naissance du théâtre correspond à Athènes, à la Grèce Antique, au 5 ème siècle
avant J-C. Il y a d’un côté la tragédie et de l’autre, la comédie. Cette séparation va durer très
longtemps, parce qu’elle va porter sur un ouvrage d’Aristote, intitulé Poétique, datant du 4ème siècle
avant J-C. C’est le premier grand essai sur le théâtre en occident. Le terme de « poétique » renvoie
à une sorte de « manuel pour écrire une bonne pièce de théâtre ».
Pour ce faire, Aristote donne des exemples de pièces tragiques de l’époque. Eschyle, Sophocle et
Euripide sont les trois grands pères de la tragédie grecque. Aristote a pour exemple favori
Sophocle. Sophocle sera ainsi, en occident, l’auteur le plus lu et imité. Il y a un effet d’autorité, à
tort ou à raison, dans la tradition occidentale, à accorder un très grand crédit à Aristote quant à ses
réflexions sur le théâtre.
Toute la réflexion au 16ème et 17ème, en Europe sera fondée sur des lectures d’Aristote. Le théâtre
classique (avec la règle des 3 unités) est un théâtre fondé sur la conception d’Aristote. Il y a une

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autorité d’Aristote, lequel cite énormément Sophocle, c’est pourquoi Œdipe roi, tragédie grecque
de ce dernier, a été énormément lue.
Aristote sépare nettement comédie et tragédie, ce qui sera largement repris en occident. Dans
Poétique, Aristote précise que : « l’une veut représenter des personnages pires, l’autre des
personnages meilleurs que les hommes actuels ».
 La tragédie suggère que l’humain peut être grand. On regarde ainsi l’humanité sous un
certain prisme : le prisme de la grandeur.
 La comédie, c’est la réalité humaine enlaidie, vers la caricature, les petitesses humaines.
Avec Aristote, apparaît une hiérarchisation des genres :
 Un genre noble : la tragédie
 Un genre moins noble : la comédie.
De ce fait, naît un prestige propre à la tragédie, à l’inverse de la comédie. Des préjugés culturels
occidentaux sont nés et continuent de persister selon lesquels il y aurait plus de profondeur dans
une tragédie que dans une comédie. La comédie est en quelque sorte évacuée. Il ne reste
aujourd’hui que très peu de pièces d’Eschyle, Sophocle et Euripide.
L’ouvrage d’Umberto Eco, Le nom de la rose, présente une réflexion sur cette question de
hiérarchisation de la tragédie et de la comédie. Il explore l’hypothèse d’une richesse de la comédie,
qui serait en quelque sorte égale à celle de la tragédie.

3. Contestations et dépassements de la séparation


Au 4ème siècle avant J-C, le texte intitulé Poétique d’Aristote est issu de notes de cours que donnait
ce dernier. Cela explique l’aspect contradictoire, composite et pas tout à fait satisfaisant de son
texte. Cela a permis à chaque commentateur d’Aristote d’interpréter le texte en son sens. Le 17 ème
siècle français reconduit à la séparation entre tragédie et comédie. Cette séparation a été contestée
à cette époque. Deux figures de cette contestation ont émergé :

 Diderot, en 1757 et 1758, se préoccupe beaucoup de théâtre. Il plaide pour la


reconnaissance d’un 3ème genre : le drame, ou le genre sérieux, ou la tragédie domestique.
Ce terme de « tragédie domestique » fait exploser le sens de tragédie énoncé par Aristote
(tragédie avec des rois, des héros). Le genre du « drame » pourra emprunter à d’autres
registres, tels que le comique, le pathétique, etc. Diderot ne sera pas très écouté à cette
époque.
 Victor Hugo, en 1827, avec La préface de Cromwell. Il va aussi plaider pour un 3ème genre : le
drame romantique. Son ouvrage, c’est une charge contre la tragédie classique et ses règles.
La thèse dispose que les règles de la tragédie classique ne sont plus productives selon Victor
Hugo. Elles ont pu l’être auparavant, mais, à l’époque romantique, elles sont une prison, un
carcan et brident la créativité. Victor Hugo proteste contre le cadre classique, contre l’unité
de lieu, de temps notamment.
Une partie de son argumentation va demander une coexistence du sublime et du grotesque.
Le sublime, c’est ce qui est au-delà du commun. Le grotesque serait associé à la comédie. A
travers cela, on pourra trouver du comique et du tragique. Le modèle de Victor Hugo, c’est

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Shakespeare. Shakespeare est tout à fait étranger à la bipartition. Par exemple et
typiquement, Roméo et Juliette est une comédie qui vire à la tragédie. C’est impensable
pour la tradition aristotélicienne à la française. De même, Hamlet, pure tragédie, contient
pourtant des moments qui vont relever du comique.
Par la suite, aura lieu la dissolution des genres et l’entrelacement des tonalités. Ionesco est l’auteur
de la pièce Les chaises, de 1952. Il qualifiera cette pièce de « farce tragique » (« comique des coups
de bâton). « Le comique est tragique, et la tragédie de l’homme, dérisoire » cette phrase est
emblématique de ce dépassement complet de la séparation.

1. La tragédie et le tragique
Il y a des incarnations de la tragédie, des manifestations historiques, une pluralité des formes
historiques. Y a-t-il une tragédie transhistorique ?

I. La tragédie grecque
C’est une référence culturelle incontournable. C’est un certain type de spectacle, une manifestation
sociale, des textes dont on sait certaines choses. Il y a en tout 7 textes d’Eschyle, 7 textes de
Sophocle et 6 d’Euripide. La grande époque tragique s’étend de 472 à 404 avant J-C, ce qui
correspond à la période de l’apogée d’Athènes. Le théâtre grec a une dimension religieuse. La
tragédie trouve son origine dans le culte fait à Dionysos.
On ne sait pas comment on est passé du culte à Dionysos à la tragédie. Le théâtre devient théâtre
quand il n’est plus un rituel. Etymologiquement, tragédie signifie « Le chant du bouc ». Les fêtes en
l’honneur de Dionysos sont jouées 2 fois dans l’année. Cela correspond à des périodes de 3 jours.
Une grande partie de l’activité judiciaire, publique de la cité est suspendue afin que le maximum
des membres de la cité puisse se rendre au théâtre. Le financement est assuré par la cité, la polis.
La tragédie a une dimension politique, pour ce qui concerne la vie de la cité. Il s’agit, dans la
tragédie grecque, de soulever des questions qui concernent toute la cité. Il est question de la liberté
et du rapport à l’autorité, de la place de la religion, de l’exercice de la violence.
Il y a une hypothèse énoncée par 2 historiens de la période grecque : Jean-Pierre Vernant et Pierre
Vidal-Naquet. Selon eux, la tragédie correspond à un moment historique précis, c’est-à-dire qu’elle
répond à une transformation de la société qui devient une démocratie. Notamment, dans
l’organisation de la cité, on passe d’une organisation à une autre. Collectivement, les choses sont
en mouvement. La tragédie est une sorte de caisse de résonance de toutes ces préoccupations. Ce
qui est notamment en jeu, c’est la question de la violence et de la délégation de la violence.
Il s’agit de passer d’un principe à un autre. Le principe archaïque est celui de la vengeance familiale.
C’est un mécanisme qui est notamment infini. Le principe nouveau va abolir ce mécanisme de
violence familiale et s’en référer à la société, à la justice, aux tribunaux pour que se fasse une
délégation de la violence. On va retrouver dans la tragédie ce principe de délégation de la violence.
La tragédie va emprunter aux mythes, constitués par l’épopée, comme notamment chez Homère
avec l’Odyssée et l’Iliade.

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Au théâtre grec, le spectacle est joué sur le « proskenion », ou avant-scène. Dans une aire circulaire
au centre, se place le chœur. Il y a des chants, des danses, de la musique. On a perdu une grande
partie du spectacle grec.
Quelques éléments de caractérisation du spectacle tragique grec
Sophocle est l’auteur d’Œdipe Roi, qui est une des 3 pièces les plus commentées en occident. Le
tragique a souvent été défini en référence à Œdipe Roi. Dans la tragédie grecque, ce qui définit le
tragique, c’est le déroulement d’une fatalité (du latin « fatum » : ce qui a été dit). La fatalité, c’est
le déroulement d’une destinée qu’on connaissait d’avance. La fatalité, c’est cette force qui pousse
inéluctablement le héros vers une destinée. C’est une histoire de prophétie, mais aussi une histoire
de famille. Dans Œdipe Roi, la famille des Labdacides est une famille qui était vouée à une destinée
inéluctable, avec Œdipe qui finit par tuer son père sans savoir que c’était son père. A chaque fois
qu’Œdipe pense échapper à son destin, il le suit, c’est ce que l’on appelle l’ « ironie tragique ».

Travail facultatif :
Sur le texte de Jacqueline de Romilly, exprimez les raisons pour lesquelles Jacqueline de Romilly
refuse la notion de fatalité en tant que critère définitoire du tragique ; expliquez la notion que la
critique propose de lui substituer.  Petite synthèse. Petit résumé d’Œdipe roi.
Dans ce texte, est abordée la remise en cause de cette fatalité qui définit la tragédie au sens grec.

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