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Cours : Théâtre classique

Niveau : S3
Année Universitaire : 2020-2021
Cours de M. BELGHIT

LE DRAME ROMANTIQUE

Présentation
Le drame romantique est une forme théâtrale en rupture brutale avec les œuvres antérieures.
Ses traits généraux sont la dislocation de l'unité classique, l’ouverture sur le monde et sur
l'histoire, le mélange des genres et le refus de la distinction du comique et du tragique.
La révolution romantique n'a pas porté tous ses fruits au XIXe siècle. Pour qu'on puisse jouer
et comprendre le drame romantique, qui apparaît à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne et
après 1825 en France, il a fallu la révolution scénique du XXe siècle. Les modèles du drame
romantique se présenteraient comme suit :

1. La tragédie antique : l’affrontement du héros et de la Cité.

2. Shakespeare : le primat de l'histoire, la violence des situations, la liberté dans la

construction temporelle de l’intrigue, la diversité des lieux.

3. Schiller : la réflexion philosophique, la puissance des conflits.

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Aperçu historique
En plein XVIIIe siècle, le drame romantique connaît son début en Allemagne. C’est une
remise en cause des conventions dramaturgiques de la tragédie, tenue pour un art
aristocratique et monarchique. Ainsi, la Dramaturgie de Hambourg de Lessing représente un
véritable plaidoyer pour la liberté et la vérité du contenu et du style de l’artiste. Mais la
grande figure du drame romantique allemand est bien Schiller (1759-1805) qui donne le
modèle du drame mettant en jeu la contradiction entre la fatalité tragique et la liberté du héros.

En France, le romantisme doit beaucoup à la révolution française de 1789. En effet, la


révolution a créé le besoin d'adapter la littérature française du XIX ème siècle à la société. Dans
la préface d'Hernani, Hugo associe le romantisme à la révolution : «la liberté littéraire est
fille de la liberté politique ».

Benjamin Constant s’oppose au respect à la lettre des trois unités et réclame la peinture d'un
caractère entier du héros. De sa part, Stendhal insiste sur la nécessité de mettre à jour les
formes théâtrales. Avec Racine et Shakespeare (1825), il réclame une tragédie nationale en
prose qui s'appuie sur les réalités du présent. Or, c’est la Préface de Cromwell de Victor Hugo
qui constitue le manifeste du drame romantique. L’écrivain y rejette les deux unités du temps
et du lieu, tout en insistant sur la couleur locale et la capacité de dire le mal et le bien, le
plaisant et l'horrible, le beau et le laid, mais par le biais de l’alexandrin.

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Caractéristiques du drame romantique

1. L’Histoire

Le drame romantique se présente comme une révolution par rapport aux formes et aux idées
antérieurs. La revendication majeure d'un auteur de théâtre romantique est la prise en compte
de la transformation de la société. L’innovation réside dans la conscience du mouvement de
l'histoire, c’est le cas de Cromwell d’Hugo, de Wallenstein de Schiller.

Contrairement à la tragédie, le drame requiert une histoire totale, celle qui se déroule surtout
dans les campagnes et les places publiques, non celle qui ne se fait pas dans les antichambres
des palais. Les drames de Shakespeare, Goetz de Goethe, Henri III et sa cour de Dumas, Ruy
Blas de Hugo répondent à ce schéma.

2. Le mélange des genres

La caractéristique du drame romantique réside dans cet effort de vérité historique


accompagnée d’une certaine forme de réalisme aboutissant à une compréhension féconde des
luttes. Le théâtre romantique provient d’une hybridation des genres nobles : la comédie et de
la tragédie classique. L’ordonnancement esthétique de la dramaturgie classique a été mis à
mal par le drame romantique. Quant aux bienséances, elles ont déjà été malmenées par le
mélodrame, une forme abâtardie de la tragédie.

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3. Le refus des règles classiques

Le drame romantique vise à faire éclater l'esthétique classique. Par son écriture et sa
construction, cette esthétique se révolte contre les normes de la dramaturgie classique.

Concrètement, la règle des 3 unités du théâtre classique est une contrainte dont il fallait se
débarrasser car le mouvement d'une société implique la mise en scène des événements
historiques en des lieux divers, tout en assurant au récit une certaine suite temporelle qui
excède les 24 heures. A titre d’exemple, la dramaturgie d'Hernani est révolutionnaire, le
temps est ouvert, le cadre spatial est élargi, l'action est décentrée avec les faux dénouements et
les divers coups de théâtre. Ces choix dramaturgiques bouleversent les normes classiques.

Conséquence directe de cette vision esthétique, le drame romantique connaîtra des difficultés
relatives à la mise en scène et au décor : les somptueux tableaux historiques imposent des
décors trop lents et trop coûteux. Les auteurs romantiques écrivent des pièces sans espoir
d'être jouées (Kleist, Schiller, Büchner, Dumas, Musset, Vigny, Hugo). Quelques uns créent
un découpage dramatique par des tableaux courts et non plus par des actes.

4. Le Bien et le Mal

Dans la tragédie classique, la violence est soit punie au dénouement, soit justifiée par une
Fatalité (la transcendance), de sorte que le Bien, la justice et l’ordre soient rétablis. Par
contre, dans le drame romantique, il existe une sorte de fascination pour le mal : le viol dans
Le Roi s’amuse de Hugo, le régicide dans Lorenzaccio, l’inceste dans La Tour de Nesle de
Dumas. Le drame romantique montre non seulement le triomphe du mal, mais surtout
l’absence de Providence, et retourne contre la société la responsabilité de l’existence du mal.
Le dénouement des pièces ne vient ni justifier ni réduire la violence de l’action.

Les pièces visent à montrer que le mal est la conséquence, non pas d’une Fatalité, mais d’un
déterminisme social ; c’est la société bourgeoise qui produit un mal social qu’elle prétend
éradiquer.

5. L’affrontement
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L'individualisme caractérise l’Europe de la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle : le
héros, placé au centre du récit, s’affirme désormais comme sujet d'une conscience et d'une
action. Après 1800, Napoléon Bonaparte est associé au héros romantique en France comme en
Europe : Danton, Hernani, Lorenzaccio, des héros qui affrontent le monde et sont broyés par
ses lois, mais se trouvent valorisés jusque dans leur échec.

Le drame romantique reste profondément marqué par l’excès du sentiment, par le désir de
croire en la passion totale et par une certaine forme de désespoir devant la médiocrité du
quotidien. Alors, Aucun retour à l’ordre n’est possible, et c’est ce que laissent entendre les
dénouements problématiques des drames romantiques. Le suicide de Doña Sol et Hernani
dans le drame d’Hugo, le meurtre dans Les Caprices de Marianne de Musset.

Contre toute norme établie, les romantiques revendiquent la liberté, une : « liberté de l'art
contre le despotisme des systèmes, des codes et des règles » affirme Hugo dans la préface
de Cromwell.

Œuvre au programme :
Hernani de Victor Hugo

Bibliographie :

- BENICHOU Paul, 1977, Le temps des prophètes, Paris, Gallimard


- BENICHOU Paul, 1992, L’École du désenchantement, Paris, Gallimard.
- BONY Jacques, 1992, Lire le romantisme, Paris, Dunod
- DE JOMARON Jacqueline, UBERSFELD Anne, 1989, Le Théâtre en France, Armand
Colin
- DESCOTES Maurice, 1957, Le drame romantique et ses grands créateurs, Paris, PUF
- LIOURE Michel, 1973, le drame romantique de Diderot à Ionesco, Armand colin,
coll. u
- MILLET Claude, 2007, Le Romantisme, Le Livre de Poche, « Références »
- HUGO Victor, Préface de Cromwell, introduction d’Anne Ubersfeld, 1969, Paris,
Garnier-Flammarion
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- JOUVET Louis, 1968, Tragédie classique et théâtre du XIXe siècle, Paris, Gallimard,
coll. pratique du théâtre
- NAUGRETTE Florence, 2001, Le théâtre romantique, histoire, écriture, mise en
scène, Paris, Seuil, Points lettres
- PEYRE Henri, 1971, Qu'est-ce que le romantisme, Paris, PUF, que sais-je
- SCHERER Jacques, 1986, La Dramaturgie classique, Paris, Nizet
- STENDHAL, Racine et Shakespeare, 1965, Paris, Jean-Jacques Pauvert, « Libertés »
- UBERSFELD Anne, 1993, Le drame romantique, Paris, Belin
- VAN TIEGHEM Philippe, 1969, Le romantisme dans la littérature européenne, Paris,
Albin Michel
-ZARAGOZA Georges (sous la direction de), 2000, Dramaturgies romantiques, Dijon,
éditions universitaires de Dijon.

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