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HIST LITT – Théâtre GENRES

Les genres dramatiques aux XVIIIème et XIXème siècles

A. Comédie, tragédie et drame bourgeois au XVIIIème siècle

Après l’importance prise par le théâtre (Molière, Corneille et Racine) au XVII ème siècle, il semble que le XVIII ème
siècle fasse pâle figure, marqué par l’essor du roman et des textes philosophiques. Mais le public du XVIII ème siècle est
passionné de théâtre. Alors que, pendant le règne de Louis XIV, l’esprit dévot et janséniste condamne le théâtre, la
période de la Régence (après la mort du Roi Soleil) marque une période plus débridée sur le plan des divertissements.
D’autre part, le théâtre est au centre d’un débat d’idées dont témoignent certains textes théoriques écrits notamment
par Diderot et Rousseau qui s’interrogent sur la moralité du théâtre et sur le jeu de l’acteur (Diderot, partisan de la
pantomime).

a. La tragédie perd son importance et se transforme. Prosper Jolyot de Crébillon (1674 – 1762), dit Crébillon père,
en fait une sorte de drame sanglant très expressif : il fait représenter des scènes atroces qui contrastent avec les règles
de bienséance. Par exemple, dans Atrée et Thyeste (1707), un père boit le sang de son fils.
Son grand rival, Voltaire (1694 – 1778) écrit environ une vingtaine de tragédies dont les plus connues sont Zaïre
(1732) et Mérope (1743). Il est plus respectueux des règles du théâtre classique. Il admire la simplicité du style de
Racine et ne parvient pas à créer un nouveau style. La tragédie gagne petit à petit une tonalité dramatique.

b. La comédie : les pièces de Molière restent très appréciées. Les dramaturges du XVIII ème siècle marchent dans ses
pas ; certains choisissent la farce et l’intrigue dans la lignée de la commedia dell’arte, d’autres exploitent la veine
sentimentale. Pourtant des tendances nouvelles s’affirment. Influencée par les modifications de la société au XVIII ème
siècle, la comédie s’oriente vers une critique plus virulente ou vers l’attendrissement (la peinture de l’amour).
Marivaux 1 (1688 – 1763) excelle dans la peinture de la psychologie amoureuse, le marivaudage2 qu’il définit lui-
même : « J’ai guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour lorsqu’il craint de se
montrer, et chacune de mes comédies a pour objet de le faire sortir d’une de ses niches... » (cité par D’Alembert). Il se
livre aussi à l’étude des relations maîtres-serviteurs.
Beaumarchais (1732 – 1799) fait jouer Le Barbier de Séville (1775) qui obtient très vite le succès. D’abord prévue
pour être une « parade » jouée sur une scène privée, la pièce est transformée en opéra-comique en 4 actes. Il triomphe
de la censure de Louis XVI avec Le Mariage de Figaro (1784), une pièce qui devient l’emblème du souffle
révolutionnaire qui gagne la France. Ses comédies se font l’écho d’un monde en ébullition où les pouvoirs ne
demandent qu’à être renversés. Au-delà du clivage maîtres/valets, les relations hommes/femmes aussi changent.

c. Le drame bourgeois3 apparaît au XVIIIème siècle. Ce genre crée par Diderot se situe entre comédie et tragédie. Il
présente une peinture réaliste des milieux bourgeois qui se prêtent bien au comique. Le sérieux du ton vient de la
gravité des malheurs qui menacent les héros. Le but de ces drames est d’émouvoir et se veut moralisateur. Les
passions de la tragédie classique et les caractères de la comédie classique sont remplacés par la peinture des conditions
et des relations de famille, comme en témoignent les titres des œuvres : Le fils naturel (1757) et Le père de famille
(1758) de Diderot, Le négociant de Lyon (1770) et La mère coupable (1792) de Beaumarchais. « Le drame est un
genre nouveau créé par le parti philosophique pour attendrir et moraliser la bourgeoisie et le peuple en leur présentant
un tableau touchant de leurs propres aventures et de leur propre milieu. » (Félix Gaiffe, Le Drame en France au
XVIIIème siècle, 1910). Asservi par la philosophie, le drame bourgeois disparaît à la fin du siècle. Les morales des
drames ont vieilli et ne correspondent plus à l’horizon d’attente du lecteur des siècles suivants.
1
La Surprise de l’amour (1722), La Double Inconstance (1723), L’Ile des esclaves (1725), Le Jeu de l’Amour et du Hasard
(1730), Les Fausses Confidences (1737)
2
marivaudage : subtilité de langage, qui fait appel à toute l’attention du lecteur qui se doit d’être sensible à toutes les nuances de
sentiments correspondant aux différentes étapes de la relation qui s’éprouve et se découvre.
3
Le drame bourgeois se caractérise par le refus de l’unité de temps et de lieu, la primauté du vrai sur la vraisemblance, une plus
grande proximité avec les préoccupations du temps, l’importance de l’empathie afin de provoquer par l’émotion une fonction
didactique, le passage de la peinture des caractères aux conditions, un penchant certain pour le pathos et l’exagération,
l’importance de la pantomime.
B. Renouvellement des genres au XIXème siècle

a. Le drame romantique apparaît au début du XIXème siècle, influencé par le théâtre de Shakespeare, redécouvert à
cette époque, ainsi que par les Romantiques allemands. Il est théorisé par Victor Hugo (1802 - 1885) dans sa Préface
de Cromwell (1827) qui proclame la liberté totale de l’invention et de la forme théâtrale. Dans le drame romantique se
mêlent différents styles, le tragique, le pathétique, mais aussi le comique afin de représenter le monde dans sa totalité,
à la fois grotesque et sublime. Cette nouvelle forme de théâtre refuse de se confronter aux obligations et règles
d’écriture du théâtre classique. L’effet dramatique vise à émouvoir le spectateur, en faisant appel à sa sensibilité.
L’action se déroule dans de multiples lieux, décors intimes mais également dans la nature.
Le héros romantique incarne les révoltes et le « mal du siècle ». C’est un être déchiré, torturé, en proie aux passions
mais souffrant aussi d’aspirations contradictoires, notamment mis en scène dans des pièces éponymes
telles Lorenzaccio (1834) d’Alfred de Musset (1810 - 1857), Ruy Blas (1838) de Victor Hugo ou Chatterton (1835)
d’Alfred de Vigny (1797 – 1863).
Les représentations des pièces du théâtre romantique donnent lieu à des confrontations, parfois violentes entre les «
modernes » et les « classiques ». En 1830, le drame Hernani de Victor Hugo déclenche les passions et provoque la
« bataille d’Hernani » en raison de son thème, de son style et de sa composition. La pièce, qui ne respecte pas les
règles de la dramaturgie classique, est répétée à la Comédie-Française dans des conditions difficiles. Le soir de la
première représentation, le 25 février 1830, les partisans de Victor Hugo, les jeunes artistes romantiques mais aussi
Balzac, Nerval, Dumas, Berlioz et Gautier sont là et acclament la pièce, étouffant toute critique. Le lendemain les
journaux font des comptes rendus très négatifs de la pièce et s’offusquent de l’intervention bruyante des Romantiques.
À la fin du siècle, le théâtre romantique renaît après une parenthèse de quelques décennies grâce à Edmond Rostand
(1868 - 1918). Il connaît le triomphe avec Cyrano de Bergerac (1897) et L’Aiglon (1900).

b. Le proverbe est un genre dramatique mineur répandu aux XVIII ème et XIXème siècles. La pièce mondaine est basée
sur une intrigue sentimentale légère. À l’origine, il s’agit plus d’un amusement que d’un genre littéraire : une société
élégante et désœuvrée se réunit dans un château. Que faire ? Improviser quelques scènes sur un léger canevas, et cette
petite pièce doit, en guise de moralité, justifier un proverbe que l’on ne donne pas à l’avance au spectateur. Mais
Musset oriente parfois le proverbe vers le drame comme dans On ne badine pas avec l’amour (1834). D’autres
proverbes de Musset sont Il ne faut jurer de rien (1836), Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée (1845), On ne
saurait penser à tout (1849).

c. Le mélodrame se développe parallèlement au romantisme. Genre théâtral plus populaire, inspirant la crainte et les
larmes, il s’appuie sur un jeu et des effets scéniques spectaculaires. Les mélodrames se déroulent généralement en
trois actes. Les intrigues tumultueuses reposent sur le conflit entre un « bon » et un « méchant », le héros triomphant
de tous les obstacles. L’action est conçue autour d’une succession de péripéties et de rebondissements spectaculaires
(batailles, poursuites à cheval, catastrophes en tout genre). René Guilbert de Pixérécourt (1773 - 1844) est le plus
connu des auteurs de mélodrames.

d. Le vaudeville mêle à l’origine comédie et chansons, puis évolue : le terme désigne désormais une comédie
populaire légère, pleine de rebondissements dont les chansons ont disparu 4. Le vaudeville se développe sous le Second
Empire : la bourgeoisie enrichie devient le plus fidèle public du théâtre où il est bon de se montrer.
Avec Un chapeau de paille d’Italie (1851), Eugène Labiche (1815 – 1888) fait évoluer le genre en imposant un
rythme endiablé : quiproquos, jeux de mots et péripéties se multiplient. A travers ses 176 pièces, il porte un regard
critique et amusé sur les travers de la petite bourgeoisie.
Georges Feydeau (1862 - 1921) perpétue le vaudeville en développant la mécanique comique, notamment dans
Tailleur pour dames (1886), L’Hôtel du libre échange (1894), La Dame de chez Maxim (1899). Il renouvelle ensuite
le genre par une étude plus approfondie des caractères dans ses comédies de mœurs en un acte, montrant notamment la
médiocrité des existences bourgeoises avec On purge bébé (1910) et Mais n’te promène donc pas toute nue ! (1911).

4
Le théâtre chanté prend alors le nom d’opérette, popularisée par Jacques Offenbach (1819 – 1880).

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