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Garcia Dominique et Le Bras Hervé (dir.), 2017, Archéologie des migrations ,


Paris, La Découverte/Inrap, 392 p.

Article in Population (French Edition) · January 2018


DOI: 10.3917/popu.1804.0839

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Isabelle Séguy
Institut national d'études démographiques
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GARCIA DOMINIQUE ET LE BRAS HERVÉ (DIR.), 2017,
ARCHÉOLOGIE DES MIGRATIONS, PARIS, LA DÉCOUVERTE/INRAP,
392 P.
Isabelle Séguy

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Institut national d'études démographiques | « Population »

2018/4 Vol. 73 | pages 840 à 843


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ISSN 0032-4663
ISBN 9782733220344
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-population-2018-4-page-840.htm
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Bibliographie critique

Garcia Dominique et Le Bras Hervé (dir.), 2017, Archéologie des migrations, Paris,
La Découverte/Inrap, 392 p.
Cet ouvrage fait suite au colloque éponyme tenu les 12 et 13 novembre 2015
à Paris, au Musée national de l’Histoire de l’immigration, réunissant une trentaine
de chercheurs (préhistoriens et paléontologues, archéologues et historiens,
anthropologues et généticiens, géographes et démographes). Au large panorama
disciplinaire ainsi offert répondait naturellement une grande diversité des sujets
abordés et un traitement diachronique du thème, depuis l’apparition du genre

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Homo (et même un peu avant) jusqu’à l’époque contemporaine.
Les actes de ce colloque, publiés sous la direction de Dominique Garcia et
d’Hervé Le Bras, reprennent les présentations des communicants invités et en
conservent la structuration chronologique en quatre grandes périodes : Préhistoire
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– c’est-à-dire Paléolithique et Néolithique, jusque la fin du troisième millénaire


avant notre ère ; Protohistoire et Antiquité ; Moyen Âge ; époque Moderne et
contemporaine. Ces quatre parties sont précédées d’une «introduction » et
d’une « ouverture », et suivies d’une « conclusion » au titre trompeur. Couvrant
l’œcoumène et toute l’histoire humaine, l’ouvrage aborde des thématiques extrê-
mement variées sous la plume de vingt-quatre experts.
« Le passé éclaire le présent », assertion qui sonne juste une fois encore, tant
le thème retenu fait écho à des préoccupations contemporaines et place la ques-
tion des migrations, au sens large, au cœur d’enjeux sociétaux. Rappeler que
l’homme est et a toujours été une « espèce » migratrice – le peuplement de la
terre entière par l’espèce Homo sapiens sapiens en est la meilleure preuve –, n’est
sans doute pas inutile. Tout comme rappeler que l’Afrique est le berceau de
l’humanité, duquel les Hommes se sont « échappés » à de nombreuses reprises
dans les temps reculés de la Préhistoire, et qu’ils ont continué – et continuent – de
le faire durant ces derniers millénaires. L’archéologie rappelle aussi la présence
de communautés juives et musulmanes, sur la longue durée (dès le iie siècle avant
J.-C. pour les premières et dès le viiie siècle après J.-C. pour les secondes), dans
certaines régions du territoire métropolitain. Bien après la bataille de Poitiers
(732), le Languedoc et la Provence restaient des terres d’accueil pour des popu-
lations arabo-musulmanes, en lien sans doute avec les intenses échanges com-
merciaux autour de la Méditerranée. De même, après que l’expulsion des juifs
ait été prononcée par Philippe le Bel à la fin du xive siècle, de nombreux juifs
ont vécu dans le Comtat Venaissin (alors appartenant au Saint-Siège), dans la
Lorraine et dans le Pays basque français tout au long de l’époque moderne. Las,
Philippe le Bel ne fut pas le dernier à persécuter, spolier et déporter la population
juive. L’archéologie des périodes contemporaines retrouve les traces des camps,
tout autant que des chemins et des maisons d’accueil de la « migration »
clandestine.
Au-delà de la justice rendue à ces hommes et à ces femmes sans doute
« insuffisamment entrés dans l’histoire », l’archéologie récente contribue égale-
ment à une profonde remise en question des grands mythes fondateurs de notre

Population-F, 73 (4), 2018, 840-843 DOI : 10.3917/popu.1804.0840


Bibliographie critique

Histoire. Finies les « Grandes invasions » ou les « Invasions barbares » qui


auraient précipité la chute de l’Empire romain à la fin du iiie siècle. D’abord parce
que l’Empire romain ne s’effondre qu’au ve siècle, ensuite parce qu’existaient de
longue date des accords entre Rome et les « Barbares », c’est-à-dire ceux qui
n’étaient ni Grecs, ni Romains. Sans doute contraints de quitter leurs territoires
d’origine pour des raisons climatiques, au iiie siècle de notre ère, les Francs, les
Alamans, les Burgondes, les Wisigoths ont pu s’installer en terre romaine, avec
femmes et enfants, tout en conservant leurs propres chefs, lois et coutumes. En
échange, ils s’engageaient à assurer la défense des territoires frontaliers, à cultiver

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les terres en friche et servir dans les armées romaines. Il y a deux mille ans
existaient déjà des politiques migratoires pour contrôler, protéger et intégrer les
migrants… Fini aussi le mythe de l’invasion des Vikings dévastant la Normandie
et faisant trembler Paris : les témoignages archéologiques relativisent considé-
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rablement la présence scandinave sur le continent. Les fouilles d’habitat et de


cimetières, plus nombreuses aujourd’hui avec l’archéologie préventive, ne relèvent
pas de traces d’une implantation massive et conduisent à l’hypothèse de migrants
en petit nombre et rapidement assimilés aux populations locales.
Mais les données archéologiques ne sont pas les seules à venir bouleverser
nos « savoirs » et à remettre en cause les théories de l’acculturation, largement
préférées à celles de la migration dans les débats académiques des années 1960-
1980. Il était en effet tentant de réduire l’importance des migrations et de poser
la question de la présence d’objets, de techniques ou de pratiques visiblement
étrangers à la culture étudiée, en termes d’acculturation ou d’ethnogenèse. Il faut
ici rappeler que les phénomènes migratoires que l’archéologie peut percevoir
sont partiels (seuls les immigrants peuvent être détectés, les départs ou les retours
ne peuvent pas l’être) et leur perception se fait dans un sens contraire à celui du
déplacement : si le point d’arrivée peut être observé, les étapes entre le lieu
d’origine et la destination finale sont difficilement identifiables. La question de
savoir si les changements perçus dans une culture matérielle sont liés à une
arrivée de populations ou à une évolution des idées et des techniques a longtemps
divisée la communauté des archéologues, notamment pour les périodes sans
écriture. Les progrès considérables faits en paléogénomique conduisent à un
réexamen total des doctrines sur les migrations et des contextes politiques dans
lesquels elles ont été produites. Il est désormais possible d’étudier l’ADN ancien
conservé dans les « fossiles » préhistoriques ou les squelettes historiques ; c’est-
à-dire l’ADN nucléaire, et non plus seulement l’ADN mitochondrial. Le matériel
génétique ainsi étudié fournit des informations essentielles pour reconstituer
les migrations anciennes. Les premiers résultats obtenus confirment l’importance
et la multiplicité des déplacements de population.
Mais pourquoi les phénomènes migratoires ont-ils été si longtemps mini-
misés, voire niés par les archéologues ? C’est que, derrière ces interprétations
divergentes, se profilent des contextes idéologiques plus ou moins explicites.
L’historiographie a longtemps été marquée par un héritage pluriséculaire, voire

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Bibliographie critique

millénaire, de paysans sédentaires ou tout au moins attachés à un territoire bien


circonscrit, et toujours suspicieux face au « forain », littéralement celui qui est
de dehors, l’étranger, le Barbare des Grecs (i.e. celui qui ne parle pas leur langue).
Et l’archéologie s’est construite sur un modèle où une population est définie par
une culture et un territoire. Si les traces matérielles observées en un lieu donné
ne correspondent pas à la « culture » locale, il faut supposer soit que de nouveaux
individus sont arrivés, soit que les populations autochtones ont adopté ou imité
des objets et des techniques présents ailleurs. Migration, acculturation ou dif-
fusionnisme, telle est la question lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’histoire

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de certains territoires. Ces dernières décennies, les archéologues ont pris
conscience des arrière-plans idéologiques qui, tout autant que les contextes
géopolitiques, influençaient leurs réponses et continuent à le faire.
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Rappeler que l’homme est un migrant par nature, quelles que soient les
époques considérées, quelles que soient les raisons qui le poussent à se déplacer,
est l’un des mérites de cet ouvrage. L’homme se déplace par voies terrestres ou
maritimes. Si les migrations continentales sont les plus connues et les mieux
étudiées, on s’est aperçu que, dans leurs conquêtes de nouveaux territoires, les
hommes avaient aussi très tôt emprunté des embarcations, sans doute bien fra-
giles. Le peuplement de l’Australie (vers – 50 000 ans) est beaucoup plus ancien
qu’on ne le pensait et n’a pu s’effectuer que par voie maritime à partir de la
péninsule asiatique. Mais c’est peut-être le peuplement de l’Amérique du Sud qui
est le plus remis en cause : il se serait fait par voie maritime, depuis l’Afrique et
l’Australie, et bien plus tôt (vers – 40 000) qu’on ne l’avait longtemps supposé,
c’est-à-dire avant le peuplement de l’Amérique du nord. Il faut donc accepter
l’idée que ces populations possédaient des compétences en navigation côtière,
mais aussi hauturière.
Au-delà des conquêtes continentales d’Homo sapiens sapiens, l’archéologie
commence à s’intéresser aux populations insulaires – notamment océaniennes –,
aux processus de colonisation des îles et aux réseaux d’échanges et d’alliances à
longue distance que ces populations ont dû déployer pour se maintenir dans de
tels environnements. L’Histoire est là aussi en cours de réécriture.
À partir des données archéologiques, considérées comme source princeps
mais non exclusive, cet ouvrage nous invite à suivre les mouvements de popu-
lation sur les cinq continents, qu’il s’agisse de longues ou de courtes distances,
qu’ils remontent à la Préhistoire ou à la période contemporaine... Il nous invite
aussi à penser les migrations humaines dans leurs différentes expressions : départ
volontaire ou forcé du lieu d’origine ; voyage ; implantation et nouvelle existence
dans un lieu étranger, inhabité ou déjà peuplé ; et peut-être de nouvelles migra-
tions vers d’autres lieux ou retour sur le lieu d’origine. Au-delà du réexamen
salutaire des théories de la migration, grâce à la confrontation de données
archéologiques, historiques, génétiques, linguistiques, mais aussi environne-
mentales, cet ouvrage ouvre également la voie à de nouveaux questionnements
qu’autoriserait une approche sociale de la migration. Ces migrations, ces chan-

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Bibliographie critique

gements de lieu de vie, ne sont pas le propre de l’homme, mais certaines des
formes qu’elles ont pu prendre sont, quant à elles, propres aux sociétés humaines.
Diasporas, colonisations, traites et déplacements forcés, échanges commerciaux,
matrimoniaux ou diplomatiques, expéditions guerrières, migrations économiques,
politiques ou environnementales, pèlerinages, etc. Autant de situations qui ont
induit des réactions contrastées, tant pour les migrants (acculturation ou affir-
mation de son identité première) que pour les populations d’accueil (intégration,
ségrégation, hostilité). Elles ont aussi eu des conséquences démographiques non
négligeables pour les populations d’accueil, les populations de départ et les

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populations migrantes ; mais ce point est difficile à traiter à partir de vestiges
matériels.
Le choix a été fait ici de quitter le fil chronologique de l’ouvrage pour mieux
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insister sur toute la richesse de ce champ. Le lecteur intéressé pourra compléter


ce premier panorama avec les articles et les ouvrages qui continuent de renouveler
l’approche archéologique des migrations humaines.
Isabelle Séguy

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