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Michel Legros
Dans Informations sociales 2012/3 (n° 171), pages 132 à 137
Éditions Caisse nationale d'allocations familiales
ISSN 0046-9459
DOI 10.3917/inso.171.0132
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Le social en recherche
édito
C’est vite, c’est bien, c’est Web
Dans un article passionnant paru récemment dans la Revue française de gestion (1)
Pierre-Jean Benghozi, de l’École polytechnique de Paris et Michelle Bergadaà,
de l’université de Genève, proposent une réflexion sur la place de l’Internet dans
les activités de recherche. Leur domaine est celui de la gestion mais les idées sont
aisément transposables d’un champ à l’autre. Ils montrent, en particulier, que le
Web conduit à repenser les relations entre les mondes de la recherche, les
communautés professionnelles et la société. Des phénomènes comme le plagiat,
la diffusion en ligne, la création d’outils de type « wiki », dont Wikipédia est l’un
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des plus connus, le rôle des plateformes électroniques, tout cela contribue à
renouveler de façon nette les pratiques de recherche. Les auteurs de l’article
proposent une série de garde-fous dans la réalisation de tâches comme l’identifi-
cation des sujets de recherche, la façon d’effectuer des revues de littérature, là où
les sources sont accessibles quasiment sans limites, la formulation des questions
de recherche et la détermination des terrains d’investigation. Ils abordent avec
justesse le problème de la communication des résultats de recherche dans un uni-
vers où le savoir narratif, apanage du Web, et le savoir scientifique construit et
validé par les pairs diffèrent profondément. À titre d’exemple, les deux tiers des
rapports présentés dans ce numéro sont issus de centres de documentation
présents sur le Web. Les thèses, qu’il était si difficile de se procurer, fleurissent
maintenant dans les archives ouvertes. Lorsqu’un centre de recherche se contente
de diffuser la liste de ses publications sans donner accès aux textes en PDF, le site
perd immédiatement de son attrait. L’article de la Revue française de gestion appelle
à ne pas bouder cette évolution mais il engage à penser fortement les compor-
tements éthiques voire déontologiques dans cette nouvelle situation. Que cela
ne vous empêche pas d’aller voir la dernière lettre de « Liens socio » d’avril 2012
proposée par Pierre Mercklé (lettre-socio@listes.revues.org).
1 – Benghozi P.-J. et Bergadaà M., 2012, « Métier de chercheur en gestion et Web. Risques et questionne-
ments éthiques », Revue française de gestion, n° 220, p. 51-69.
« Donner
De la fin de l’État-providence au nouvel État-social
du sens aux réformes. De l’équation sociale fordiste à la nouvelle
équation sociale : l’enjeu des réformes dans l’ordre du genre »
Chantal Nicole-Drancourt
Habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, Paris, juin
2011, 205 p., accessible sur Archives ouvertes
Même si elle ne bénéficie pas encore de l’aura d’un Robert Castel ou d’un Pierre Rosanvallon,
Chantal Nicole-Drancourt est bien connue des professionnels du secteur social. Ses travaux sur
l’insertion des jeunes, ses nombreuses interventions dans les écoles de service social et surtout ses
multiples publications sur le travail des femmes lui ont conféré une image de sociologue sachant
conjuguer analyse de terrain et réflexions théoriques mais aussi de pédagogue talentueuse. Le
rapport produit pour la soutenance d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), s’il est plus
théorique que pédagogique – mais c’est la loi de l’exercice – ne fera que conforter cette apprécia-
tion élogieuse et largement partagée. En quelque 200 pages, Chantal Nicole-Drancourt propose une
relecture des politiques sociales conduites depuis le début des années de crise. Loin d’adopter une
perspective négative qui ne verrait dans les tensions et les crises actuelles que la fin d’un monde, ou
tout au moins la fin d’un modèle, celui de l’État-providence, l’auteure fait l’hypothèse que les mesu-
res et les politiques mises en œuvre ne sont pas seulement des correctifs bricolés dans l’urgence
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mais contiennent les germes de transformations nouvelles. Plus proche de Norbert Elias que de
Robert Castel, même si ce dernier est souvent cité, Chantal Nicole-Drancourt ne nie pas
l’importance des transformations de l’offre d’emploi ou des exigences du marché du travail, mais
elle montre que des mesures comme le revenu minimum d’insertion, les politiques de gestion des
âges, la loi du 2 janvier 2002, la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005
et, même la si controversée réforme générale des politiques publiques (RGPP), participent autant
à l’élaboration d’un nouveau modèle social qu’elles ne contribuent à remettre en cause l’État-
providence. À titre d’exemple, l’auteure analyse longuement le passage de l’Allocation parentale
d’éducation (APE) à la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Réf. 1672
« Impact socio-économique
Des prêts à visage humain
du microcrédit mis en place par le Crédit Municipal
de Paris sur la situation des emprunteurs », Isa Aldeghi, Christine Olm
Crédoc, 142 rue du Chevaleret, 75013 Paris, Collection des rapports n° 276, juillet 2011, 87 p.
Le Crédit municipal de Paris – « Ma Tante » pour les connaisseurs – pratique depuis plus de
200 ans le prêt sur gage. En échange d’un objet de valeur, et maintenant même d’une bonne
bouteille de vin ou d’une bande dessinée de collection, un prêt est immédiatement accordé. Lors
du remboursement, l’objet en gage est restitué à son propriétaire, sinon, il est mis aux enchères
publiques. Depuis la création par la loi de Cohésion sociale en 2005 d’un Fonds de cohésion
sociale destiné à garantir les microcrédits personnels, des associations, des centres communaux
d’action sociale mais aussi des établissements financiers comme le Crédit municipal de Paris
proposent de tels services. Le prêt est inférieur à 3 000 euros et finance des petits projets pour
des personnes dont les ressources ne leur permettent pas d’obtenir un accès aux crédits classiques.
Selon l’étude du Crédoc, les emprunteurs sont majoritairement âgés de 30 à 59 ans et les deux
tiers vivent seuls. Financement d’un permis de conduire, achat ou réparation d’un véhicule, accès
à une formation, le prêt est majoritairement destiné à améliorer une situation professionnelle, dans
les autre cas, il peut s’agir d’une réparation du logement ou de soins à effectuer. Même si les
budgets des emprunteurs sont toujours très tendus, les échéances de remboursements sont tenues.
L’étude du Crédoc montre surtout que les projets financés connaissent peu d’échecs et que le
prêt est concomitant d’une période de stabilisation ou mieux d’amélioration de la situation des
emprunteurs. Réf. 1673
« Du nomadisme contemporain
Mémoire de saisonnière
en France avec les saisonniers agricoles qui vivent
en camion », Anaïs Angeras
Mémoire pour l’obtention du master 2 Recherche spécialité Dynamique des Cultures et des
Sociétés, Université Lyon 2 - 2010, téléchargeable sur Mémoire Online
De la cueillette des cerises et des abricots au ramassage des asperges, du travail dans les planta-
tions de tabac à la délicate récolte des fraises en passant par l’ébourgeonnage des vignes, Anaïs et
son compagnon arpentent les campagnes à la recherche de travaux saisonniers. D’abord à pied,
en dormant sous la tente, puis en voiture et, enfin, dans une camionnette aménagée pour y loger
nuit et jour. À genoux dans les champs, le dos souvent courbé, ils partagent la vie de ceux qui
font les saisonniers. Ce ne sont pas des saisonniers de luxe – Megève l’hiver et Saint-Trop’ l’été –,
plutôt des ouvriers agricoles itinérants que les agriculteurs emploient tout en se méfiant d’eux,
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un peu comme on se méfie des gitans et des vagabonds. La camionnette tombe souvent en
panne, les autres saisonniers ou les agriculteurs deviennent parfois des amis, certaines récoltes
remplissent le porte-monnaie, d’autres laissent les bras tétanisés de fatigue. Ni militants d’une
contre-société, ni exclus de l’école ou du monde du travail, Anaïs Angeras décrit ces saisonniers,
et se décrit, juste comme des personnes en quête d’une façon différente de vivre, dans laquelle le
travail ne constitue pas un ancrage, mais seulement un point de passage. Les normes académiques
imposent des durées courtes d’élaboration de mémoire. Anaïs Angeras a su trouver des
interlocuteurs universitaires qui l’ont accompagnée pendant plusieurs années dans ce travail
ethnologique qui pourrait devenir l’amorce d’une thèse ou le début d’un ouvrage. Ce ne sera sans
doute pas le cas, l’auteure de ce travail est surtout passionnée par ces terrains que l’on parcourt
en nomade. Réf. 1674
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ment de ces personnes en les faisant passer directement de la rue à un logement, sans phases de
transition de type hébergement, centres d’accueil ou de soins. Bien évidemment, l’association offre
aux personnes ainsi relogées, si elles le souhaitent, un accompagnement social et sanitaire. Cette
réponse apportée aux personnes sans abri a connu en Europe un vif succès tant auprès des
grandes associations que des gouvernements. En France, la politique dite de « logement d’abord
» s’inspire de cette approche mais elle s’adresse plutôt à l’ensemble des gens à la rue sans cibler
spécifiquement les personnes en difficultés psychiatriques. Celles-ci sont l’objet d’un programme
expérimental en cours dans quatre villes, Paris, Lille, Marseille et Toulouse, visant à proposer à
quelque 800 personnes sans abri, tirées au sort, de s’inclure dans ce programme baptisé « un
chez-soi d’abord » comprenant l’accès direct à un logement et à un accompagnement sanitaire
très renforcé. Il faudra quelques dizaines de mois aux chercheurs qui conduisent ce programme
pour en démontrer les effets en termes de stabilisation des conditions de vie, d’acceptation par
les entourages, et d’impact économique. Le protocole de la recherche, ses motifs, les formes de
l’accompagnement mis en œuvre et les réactions des personnes relogées sont présentés dans une
vidéo d’une vingtaine de minutes. Présentation peu banale d’un programme de recherche, cette
vidéo d’une grande qualité technique et plastique, réussit à décrire des hypothèses de travail tout en
donnant la parole et l’image à des personnes issues de la rue. Réf. 1676
« Contribution à la formation
Nettoyeuses avec compétences
à l’écrit en milieu professionnel. Le cas des métiers
à la propreté », Marie-Hélène Chinours-Lachaud
Thèse pour l’obtention du grade de docteur, École doctorale Langues, Littératures et Sciences
Humaines, Université Stendhal de Grenoble 3, laboratoire Lidilem, décembre 2011, 362 p.,
consultable sur Archives ouvertes
L’illettrisme, ou pire l’analphabétisme seraient pour les travailleurs étrangers une tare les dissuadant
de pouvoir remplir des emplois dans le secteur industriel ou dans celui des services tout comme
la non-maîtrise de l’orthographe par les jeunes des cités constituerait un obstacle insurmontable
pour un accès à un premier emploi. Si la transformation des emplois nécessite certes l’acquisition
de compétences linguistiques nouvelles, il n’est peut-être pas nécessaire de toujours interpréter en
terme de manques et de lacunes la situation de jeunes adultes en échec scolaire ou d’étrangers à bas
niveaux de qualification. On pourrait même se demander si la mise à l’index de ces populations
sur la base de critères de qualification scolaire n’est pas une façon de délégitimer d’autres
compétences qui pourtant permettent de faire face à des situations professionnelles. La thèse de
Marie-Hélène Chinours-Lachaud ne va pas tout à fait jusqu’à cette conclusion mais dans un travail
d’ethnologique linguistique, l’auteure montre la nature et la réalité des compétences mobilisées
par des travailleurs du secteur du nettoyage. Dans cet univers où la pression économique est très
forte et la concurrence féroce, la faible qualification des professionnels est souvent décrite comme
un facteur de blocage. Marie-Hélène Chinours-Lachaud montre que ces femmes à très faible
qualification scolaire sont capables de comprendre les codes linguistiques en usage dans leurs
milieux de travail, et d’inventer des façons de faire faisant appel à des savoirs empiriques mais
parfaitement adaptés aux situations à traiter. L’auteure montre même que dans certains cas, les
normes et les procédures définies dans des démarches de type qualité et certification sont de nature
à freiner le processus de travail construit par ces professionnelles. Cette thèse devrait fortement
intéresser les professionnels du social qui agissent dans le secteur de l’insertion et de la formation
professionnelle. Réf. 1677
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« De la réinsertion
Travail social et bracelet électronique
à la prévention de la récidive : quel processus de profession-
nalisation pour les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation », Yann Couzigou
Mémoire pour l’obtention du master recherche « Travail social, action sociale et société »,
Conservatoire national des Arts et métiers, Chaire de travail social et intervention sociale, 2011,
140 p. + annexes. Consultable sur Mémoire Online
La politique pénale mise en œuvre depuis le début des années 2000, accentuée en 2005 et
confirmée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, n’a pas eu pour seule conséquence
d’accroître le nombre des personnes incarcérées, elle a surtout eu pour effet de passer d’un modèle
qui visait, même s’il était loin de l’atteindre, à la réhabilitation des personnes à un modèle qui met
en avant la régulation des niveaux de déviance et la protection de la société par le contrôle des
personnes dangereuses. De multiples faits divers sont venus donner de la lisibilité à ce change-
ment de stratégie, pouvoirs publics et élus, mettant l’accent sur la protection des populations face
à la dangerosité réelle ou supposée des récidivistes. Deux instruments ont été mis au service de
ces politiques : le placement sous surveillance électronique et, plus récemment, les programmes
de prévention de la récidive. Ce changement de modèle a eu également un impact sur les
personnels chargés de son application et principalement sur les conseillers pénitentiaires d’insertion
et de probation qui glissent d’une pratique de travail social, inaugurée dès 1958 avec la création
des juges d’application des peines à une autre forme de travail, plus juridique aux confins de la
criminologie. Sociologiquement, cette évolution se traduit par le remplacement des hommes,
souvent éducateurs spécialisés, par des jeunes femmes, juristes titulaires de masters. Nouveaux
professionnels, déplacement du cœur de métier, évolution des formations, le mémoire de
Yan Couzigou éclaire l’inflexion d’un des segments du travail social, éclairage qui pourrait être
utilement transposés à d’autres segments. Réf. 1678
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leurs constats souvent très voisins d’une région à l’autre.
Réf. 1679