Herm 082 0195

Les processus de diffusion des innovations sociales
Nicolas Duracka
Dans Hermès, La Revue 2018/3 (n° 82), pages 195 à 200
Éditions CNRS Éditions
ISSN 0767-9513
ISBN 9782271122582
DOI 10.3917/herm.082.0195
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Nicolas Duracka
Institut Godin
Université Clermont-Auvergne – laboratoire
Communication & Société

Analyser la transformation sociale c’est avant tout se travaux de l’institut Godin. Tout d’abord, elle est appré-
pencher sur un processus de transformation des normes hendée comme une émergence motivée par une aspiration
sociales instituées qui regroupent nos représentations du sociale, dont la nouveauté réside dans la mise en œuvre de
monde et nos pratiques quotidiennes. Autrement dit, l’ana- pratiques en rupture avec les pratiques habituelles dans
lyse de la transformation sociale s’appréhende comme l’étude un milieu donné (le changement institutionnel). Ensuite,
des processus qui émergent d’une aspiration collective et par- la dimension sociale prend forme dans un processus col-
tagée à un idéal social (Besançon, Chochoy et Guyon, 2013) lectif marqué par des pratiques solidaires constitutives d’un
et se diffusent dans la société. Selon nous, elle se rapproche ancrage territorial fort et de façon concomitante d’une gou-
alors du concept d’innovation sociale vu comme un processus vernance élargie et participative (empowerment). Par ailleurs,
qui consiste en la mise en place de nouvelles pratiques, ou ce processus aboutit à un résultat le plus souvent immatériel
l’amélioration de pratiques existantes, dont l’émergence fait (par exemple, de nouvelles façons de consommer) et porteur
appel à un ensemble d’actions mutuelles instituantes dont la d’impacts directs à multi-niveaux en ciblant les individus,
diffusion s’appuie sur un mécanisme complexe de traduction les organisations, le territoire et les collectivités. Enfin, ce
et d’adaptation agissant au cœur des dynamiques sociétales. résultat se diffuse dans la société, produisant alors la trans-
Si le lien entre innovation et communication a été plusieurs formation sociale (Besançon, Chochoy et Guyon, 2013). Ce
fois souligné, en particulier dans le numéro « Communiquer- sont donc les quatre étapes de ce processus d’innovation qui
innover » de la revue Hermès (2008), nous souhaiterions peut aboutir à la transformation sociale que nous allons étu-
poursuivre cette exploration scientifique en analysant les dier sous l’angle communicationnel. Nous montrerons alors
liens existants entre les innovations sociales et les sciences de que se succèdent l’éclatement d’une « bulle d’incommunica-
l’information et de la communication. tion » favorisant l’apparition de groupes affectés visant un
Plus précisément, nous aimerions appréhender les nouvel idéal social, puis un processus de délibération col-
quatre phases de l’innovation sociale soulignées par les lectif visant l’élaboration d’un nouvel ensemble symbolique
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au cœur de collectifs homogènes dont la dimension imma- les systèmes institutionnels en réseaux imposent des « ver-
térielle leste la charge communicationnelle. Enfin, une dyna- rouillages sociotechniques » qui produisent l’exclusion
mique praxéologique conduisant le groupe porteur de la d’une frange de la population. Ceci a pour effet de pro-
transformation à s’élargir et à viser l’institutionnalisation de voquer des réactions de la part des populations affectées
ses pratiques au sein de la société par un ensemble d’actions qui s’organisent alors autour de la réalisation d’aspirations
organisantes de perspectives partagées. sociales. Pour être plus précis, ces groupes – que l’on peut
nommer par ailleurs « mouvements sociaux » – regroupent
un ensemble d’individus qui visent la mise en œuvre de
pratiques « en rupture avec les pratiques habituelles dans
Émergence des transformations : un milieu donné » (Besançon, Chochoy, et Guyon, 2013,
l’incommunication comme facteur p. 80). Pour ces individus, c’est alors un autre processus
déclencheur de typifications qui s’engage, faisant émerger à terme une
transformation des codes sociaux du groupe.
La transformation sociale ne se décrète pas. Autrement Il y a de nombreux facteurs sociologiques qui expliquent
nommée changement institutionnel, c’est avant tout un cette émergence collective d’une aspiration à la rupture. Mais
phénomène social incrémental qui émerge au sein d’un en donnant une focale communicationnelle à notre ques-
groupe social visant un idéal partagé et qui s’étend ensuite tionnement, nous postulons que l’un des effets déclencheurs
à l’ensemble de la société. Plus précisément, une institu- de l’aspiration sociale est une « bulle d’incommunication »
tion est un ensemble d’habitudes, de coutumes, de rites. qui éclate. Précisons que nous définissons l’incommunica-
Elle est une matrice coutumière qui favorise le lien et la tion comme une communication qui dysfonctionne et ne
sécurité entre les agents sociaux qui se réfèrent, communé- débouche pas sur l’élaboration d’un sens commun à tous
ment, à ces systèmes pour faire société. Pour Peter Berger et les acteurs. Dès lors, lorsque les agents sociaux ne partagent
Thomas Luckmann (1966), la façon dont nous percevons plus les mêmes idées et idéaux concernant certains sujets
le fonctionnement de notre société est continuellement (par exemple, l’alimentation, la mobilité ou l’économie),
en construction et passe ainsi par la nécessaire typifica- l’incommunication grandit et favorise la création d’un
tion d’habitudes et de routines donnant progressivement espace d’incompréhension mutuelle au sein de la société.
lieu à une institutionnalisation des conduites et à la for- Autrement dit, une bulle éclate lorsque les agents sociaux
mation d’un ensemble de normes, de rôles sociaux et de constituant le groupe affecté s’appuient sur une visée d’idéal
représentations partagées par les individus constituant le social différent pour reconstruire leurs cadres d’interpréta-
groupe social. L’essentiel de l’activité sociale reviendrait tions ; ils entament l’élaboration d’un langage revendicatif
alors à tendre vers une légitimation partagée d’une repré- commun dans le but de se faire entendre et de faire recon-
sentation commune du monde. Toutefois, cette négocia- naître leur légitimité sociale à contester la norme existante
tion constante montre qu’il est impossible d’arriver à un dans la société. Bref, lorsqu’un groupe d’individus n’arrive
partage universel : le social reste un lieu de confrontation plus à partager le sens commun typifié par les acteurs de la
des univers symboliques, un espace conflictuel au sein société (concernant un sujet social en particulier), une bulle
duquel les différentes définitions de la réalité s’affrontent d’incommunication apparaît entre eux et le reste du groupe
pour définir laquelle collera finalement à la réalité. Pour qui, en éclatant, fait émerger l’aspiration d’un mouvement
Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001), social à transformer la société. Reste alors à ce groupe à
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élaborer un nouveau système symbolique en coconstruisant rapport à cet acte de parole, contractent l’un avec l’autre
une vision partagée de leurs aspirations. une relation interpersonnelle. » (Habermas, 1985, p. 35). La
communication est alors un acte social, un moyen de coor-
donner la vie quotidienne, une relation intersubjective per-
mettant de construire une réalité commune (Watzlawick,
Processus de transformation : 1978) sur la base d’une « situation de parole ». Toutefois,
la délibération au service Habermas souligne l’importance d’un monde vécu partagé
de la reconstruction symbolique entre les interactants. Dès lors, ce monde vécu « constitue
un horizon, et il offre en même temps une provision d’évi-
Une fois que les agents sociaux se constituent en dences culturelles dont ceux qui participent à la com-
groupes affectés autour d’aspirations partagées, que se munication tirent, lorsqu’ils sont amenés à fournir une
passe-t‑il ? Les membres du groupe doivent reconstruire interprétation, les modèles exégétiques communément
un ensemble symbolique partagé dans le but de « faire acceptés » (Habermas, 1985, p. 353). Autrement dit, c’est
société » au sein d’espaces sociaux contestataires et afin de l’ensemble des représentations partagées par les individus
faire pression sur le groupe social élargi, et ainsi le trans- engagés dans la communication et qui s’appuient sur un
former. Nous partageons la réalité de la vie quotidienne ensemble de normes et de règles historiques et sociocul-
avec d’autres individus, membres de notre groupe social turelles. Ainsi, le groupe porteur d’aspiration sociale se
et l’expérience la plus importante est alors le face-à-face, consolide autour d’individus partageant une vision du
lieu d’une réciprocité continuelle des actes expressifs. monde et typifiant leurs habitudes afin de coconstruire du
Nous appréhendons l’autre au moyen de schémas norma- sens commun. Plus précisément, ils délibèrent et conso-
tifs typifiés et partagés qui affectent continuellement notre lident leur champ sémantique commun sur la base d’un
interaction. Or, « nos relations interpersonnelles sont donc monde vécu partagé. Ces individus qui « se ressemblent »
des “négociations” continuelles » (Berger & Luckmann, sont dans un « agir communicationnel » favorisant l’inter-
2006, p. 86) et la structure sociale découle alors de « la compréhension pour faire émerger un sens partagé col-
somme totale de ces typifications et de ces modèles récur- lectif correspondant à leur aspiration de départ.
rents d’interactions établis au moyen de celle-ci » (Ibid.,
p. 89). Pour Berger et Luckmann, l’un des lieux privilégiés
de typification est le champ sémantique. La construction
sociale s’effectue, en grande partie, sur la base d’une élabo-
Le résultat : une innovation
ration commune d’un ensemble de signes qui constituent immatérielle qui pèse symboliquement
un stock social de connaissances qui alimente ce que le dans la balance communicationnelle
philosophe allemand Jürgen Habermas nomme un « agir
communicationnel ». Ce dernier repose sur le « paradigme Le processus de coconstruction d’un ensemble de
de l’intercompréhension » : « c’est l’attitude performa- normes partagées par le groupe affecté a pour résultat un
tive adoptée par ceux qui participent à une interaction, ensemble de pratiques et de représentations. Ce résultat est
qui coordonnent leurs projets en s’entendant les uns et donc profondément immatériel. Or, si nous venons d’ap-
les autres sur quelque chose qui existe dans le monde en préhender la communication comme une coconstruction
accomplissant un acte de parole et en prenant position par symbolique visant l’intercompréhension, il est important
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de souligner que ce processus supporte des charges assez entre individus partageant une vision du monde (le groupe
faibles. Autrement dit, tant que les acteurs partagent large- affecté), mais bien avec un ensemble social hétérogène dont
ment l’ensemble symbolique de référence dans le groupe, le l’écart symbolique devient vite un obstacle infranchissable
sentiment d’altérité est faible. Mais quand les mondes vécus dans la course à l’institutionnalisation de nouvelles normes.
se distancient, tout se complique et les efforts à fournir
sont plus importants afin d’arriver à l’intercompréhension
(Habermas, 1985). Plus nous avons des visions du monde
différentes et plus il est difficile de se comprendre. Dès lors,
Processus de diffusion : l’importance
à un certain niveau de complexité, le médium langage peut du modèle praxéologique
être remplacé par un médium symbolique chargé de codes
et de normes connues de tous. Dans ce cas « les fonctions Tout l’enjeu de la transformation sociale se situe dans
de la reproduction matérielle se prêtent tout particulière- la capacité des mouvements sociaux à institutionnaliser les
ment à un tel délestage, dans la mesure où elles n’exigent nouvelles pratiques et représentations qu’ils ont coconstruits
pas, par leur nature, d’être remplies par des actions relevant par délibération. Autrement dit, est-ce que le nouveau sys-
de la communication (langagière) » (Habermas, 1985). Un tème normatif proposé par une minorité peut se diffuser à
vêtement de marque est un signe de richesse en Occident, une majorité sociale ? Rappelons que « l’institutionnalisa-
un téléphone portable représente une intégration sociale tion se manifeste chaque fois que des types d’acteurs effec-
réussie, etc. Dès lors, les médiums « matériels », même s’ils tuent une typification réciproque d’actions habituelles »
sont appauvris et standardisés, « coordonnent des actions (Berger et Luckmann, 2006, p. 118). Ce qui est donc en jeu
spécifiquement liées à leurs fonctions » (Habermas, 1985). dans la transformation sociale, ce sont les modifications
Ils sont séparés du langage en tant que code spécial, et sont d’un certain nombre d’institutions sociales qui ne sont pas
adaptés aux situations standardisées (l’échange) en condi- immuables mais dynamiques, et toujours conçues comme
tionnant les décisions pratiques, et ce d’une façon qui assure l’évolution d’institutions préexistantes. Un processus allant
efficacement la coordination, en vertu de codes partagés, donc de l’instituant (la modification des normes en cours) à
sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’échange interper- l’institué (un ensemble de normes partagées par les membres
sonnel pour dissiper l’incommunication. Cela nous permet de la société) se met en marche au sein d’une fusée à deux
donc d’affirmer que si le résultat de l’innovation sociale est étages. Le premier étage vise à interpeller les acteurs de la
profondément immatériel, il est plus difficile à diffuser. À société et le second à typifier avec eux de nouvelles pratiques
la différence de l’innovation technologique qui s’appuie sur et représentations. Éric Dacheux (1998) souligne ainsi avec
une production matérielle et l’existence d’un marché pour perspicacité l’impossibilité d’avoir recours à un modèle
la diffuser, l’innovation sociale ne peut compter que sur la de communication marketing pour interpeller les agents
capacité des acteurs sociaux à traduire le nouvel ensemble sociaux. En effet, les différentes techniques d’interpellation
symbolique qu’ils souhaitent faire émerger. Voilà pourquoi (publicité) et de persuasion (viralité, persuasion, séduc-
ils font le plus souvent face à un mur d’incommunication et tion, etc.) sont des techniques de régulation de l’offre et de
au poids de la coconstruction symbolique comme processus la demande sur des marchés concurrentiels – autrement dit,
collectif et incrémental. Le résultat de l’innovation sociale est des techniques de communication instrumentale adaptées
donc lui-même un objet communicationnel, car il est soumis aux dynamiques entrepreneuriales dont justement les inno-
à un processus de coconstruction symbolique non plus vations sociales tentent de se démarquer. Dès lors, il serait
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paradoxal d’utiliser les mêmes outils. Éric Dacheux sou- dans l’institué. […] Plus exactement, elle est l’autoproduc-
ligne l’importance d’avoir recours à une communication de tion d’un sujet collectif dans et par la coproduction conti-
proche en proche visant à interagir avec les groupes sociaux nuée de règles de droit » (Ibid., p. 445).
dont l’ensemble symbolique est le plus proche du groupe Ainsi, lors d’une action de communication, les sujets
porteur de changement institutionnel (par exemple, un col- participants n’accèdent à un état d’intercompréhension
lectif porteur d’une initiative d’énergie renouvelable a tout partiel qu’au prix du partage d’un certain nombre d’élé-
intérêt à se rapprocher d’abord d’une coopérative citoyenne ments symboliques (croyances, projections, utopies, etc.)
produisant de l’électricité photovoltaïque). Alors, la diffu- et d’une capacité à typifier des habitudes communes au tra-
sion peut se faire par sauts successifs visant des groupes de vers d’actions partagées. Ce que Louis Quéré (1991, p. 78)
plus en plus éloignés des normes sociales en transformation. nomme la communication praxéologique, soit « l’usage
Par ailleurs, nous souhaitons souligner l’importance des lea- de la notion de communication comme schème concep-
ders d’opinion dans l’interpellation des agents sociaux car ils tuel pour rendre compte de l’activité et de l’organisation
bénéficient d’un large capital sympathie et d’une confiance sociale, des rapports sociaux et de l’ordre social ». Ainsi la
de la part d’une frange de l’espace sociétal. Ce sont des jour- communication n’est pas une activité qui consiste à rendre
nalistes, des entrepreneurs, des sportifs ou encore des youtu- compte des états intentionnels préalablement pourvus de
beurs (cf. par exemple la chaîne « Partager c’est sympa » de leurs déterminations (information), mais bien d’une acti-
Vincent Verzat) qui peuvent inciter les individus à se tourner vité conjointe de construction d’une perspective commune,
vers les initiatives porteuses de changements. Enfin, ce n’est d’un point de vue partagé (communication), comme base
qu’à la condition d’une interrelation dense et récurrente d’inférence et d’action à partir du modelage mutuel d’un
entre les membres du groupe porteur de transformation et monde commun au moyen d’actions conjuguées (Varela,
certains membres de la société que le changement peut se 1989). Le cœur de la communication consiste alors, pour les
diffuser. Néanmoins, à ce stade, il est important d’analyser agents, à façonner ensemble une représentation commune
le processus de typification en cours entre les acteurs sociaux du monde qui leur permette de configurer, conjointement
afin de bien comprendre comment s’institutionnalisent de et de façon « incarnée », leurs intentions informatives et
nouvelles normes sociales. Les philosophes et sociologues communicatives respectives et ainsi de se rendre mutuel-
Pierre Dardot et Christian Laval (2014, p. 428) nous éclairent lement manifeste ce qu’ils souhaitent expliciter afin de
en affirmant qu’il est nécessaire de « conférer à la praxis col- faciliter l’action. Nous avons à faire là à un mode de com-
lective la première place en lui reconnaissant une dimension munication émergentiste qui place les actions communes
symbolique essentielle ». Autrement dit, c’est dans la praxis typificatrices au centre du processus de diffusion privilégié
collective que l’institution émerge en s’appuyant sur des des innovations sociales. La transformation sociale n’ad-
valeurs symboliques coconstruites et un ensemble d’actions vient qu’au moyen de l’interpellation des agents sociaux et
communes typificatrices. Ainsi comprise, « la praxis serait à la mise en œuvre d’un processus praxéologique instituant
comme le moyen terme par lequel l’imagination radicale le changement de pratiques et des représentations.
des individus pourrait agir sur les significations instituées
de l’imaginaire social » (Idem). Bref, la praxis instituante est Nous venons de faire un tour d’horizon rapide des
« tout à la fois l’activité qui établit un nouveau système de spécificités des processus de communication au sein des
règles et l’activité qui cherche à relancer en permanence cet dynamiques de transformation sociale. Nous avons souligné
établissement de manière à éviter l’enlisement de l’instituant l’importance d’appréhender le phénomène sous l’angle de
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l’innovation sociale en lui attribuant quatre étapes d’évolu- processus d’innovation sociale. Un résultat difficile à dif-
tion majeures. Dès lors, la phase d’émergence des aspirations fuser car il ne bénéficie pas du délestage communicationnel
sociales d’un groupe d’agents sociaux se fait à la suite de l’écla- matériel (téléphone portable par exemple). Toutefois, les
tement d’une « bulle d’incommunication ». Pour l’exprimer agents porteurs de l’innovation montrent alors une habileté
autrement, c’est lorsqu’une petite partie de la société n’arrive à traduire le système symbolique en émergence en interpel-
plus à communiquer (coconstruire un système symbolique lant les agents sociaux par une communication de proche en
partagé) avec la majorité, concernant un sujet social particu- proche et en s’appuyant sur les relais des porteurs d’opinion.
lier, qu’une bulle d’incommunication éclate mettant au jour Enfin, de façon incrémentale, les nouvelles normes sociales
un nouvel idéal social. Ensuite, cette aspiration collective porteuses de transformation sociale vont s’instituer dans la
trouvera dans la délibération (un agir communicationnel) société par la mise en œuvre d’une communication praxéo-
les ressources nécessaires à l’élaboration d’un nouveau sys- logique. Alors, c’est un ensemble d’actions partagées (praxis
tème de normes. Sur la base d’une vision du monde partagée, collective) qui instituent le changement par typification et
et des pratiques communes, ce groupe alimente un processus routinisation de nouvelles pratiques et représentations, fai-
de coconstruction d’un objet social immatériel porteur d’un sant de ce type de communication la spécificité du processus
ensemble symbolique transformateur. C’est le résultat du de transformation sociale.
R ÉFÉR ENCES BIBLIOGR APHIQUES
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Dacheux, E., Associations et communication. Critique du marke- Quéré, L., Des miroirs équivoques, Paris, Aubier Montaigne, 1982.
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Quéré, L., « D’un modèle épistémologique de la communication à
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sociale et solidaire en Auvergne : une approche communicationnelle,
Richez-Battesti, N., Petrella, F. et Vallade, D., « L’innovation
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Duracka, N. et Dacheux, E., « Sur quels modèles théoriques l’analyse ? », Innovations, vol. 38, no 2, 2012, p. 15‑36.
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Varela, F. J., Connaître. Les sciences cognitives, tendances et pers-
s’appuyer ? », Essachess [en ligne], vol. 10, no 2(20), 2017. En ligne
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sur : <www.essachess.com/index.php/jcs/article/view/396>, page
consultée le 10/09/2018. Watzlawick, P., La Réalité de la réalité, Paris, Seuil, 1978.
Callon, M., Lascoumes, P. et Barthe, Y., Agir dans un monde Winkin, Y., Anthropologie de la communication, de la théorie au
incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001. terrain, Bruxelles, De Boeck Université, 1996.
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