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Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

Serge Tisseron
Dans Psychotropes 2011/2 (Vol. 17), pages 99 à 118
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-2092
ISBN 9782804165253
DOI 10.3917/psyt.172.0099
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 03/03/2024 sur www.cairn.info via Groupe IGS (IP: 86.214.47.65)

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Les nouveaux réseaux sociaux
sur internet
The new social networks on the internet
Serge Tisseron
Psychiatre et Psychanalyste
Directeur de recherches de l’Université à Paris Ouest Nanterre.
11 rue Titon – F 75011 Paris
Courriel : serge.tisseron@voila.fr
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Résumé : Les nouveaux réseaux se nourrissent de désirs qui ont
toujours existé : valoriser ses expériences du monde en les racon-
tant, n’être jamais oublié, ou encore pouvoir se cacher et se mon-
trer à volonté. Mais ils introduisent aussi de nouvelles possibilités :
universalité des messages, immédiateté, association de l’intimité à
une intention plutôt qu’à des espaces, désir d’extimité élargi à la
planète entière. En même temps, le web collaboratif suscite de nou-
velles formes de liens, de réseaux et de communautés. Enfin, dans
ce nouveau paysage, les avatars semblent appelés à jouer un rôle
de plus en plus grand.

Abstract: The new networks feed on desires which have always


existed: to valorise our life experiences, to never be forgotten, or to
be able to hide or show ourselves at will. But these networks intro-
duce new possibilities: universality of exchanges, immediacy, and
the association of intimacy of intention as opposed to spatial inti-
macy, desire of “ex- timacy” open to the entire world. At the same
time, web 2.0 gives rise to new forms of relationships, networks and
communities. And finally, in this new landscape, avatars seem des-
tined to play an ever increasing role.

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Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

Mots clés : Internet, réseaux, réseaux sociaux, identité, intimité,


lien, désir.

Keywords: Internet, networks, social networks, identity, intimacy,


connection, desire.

Les nouveaux réseaux sociaux sur Internet créent une situation radicale-
ment nouvelle, à la fois du point de vue des technologies mises en œuvre
et des possibilités offertes aux usagers. Ils se caractérisent non seulement
par l’extrême variété des messages qui peuvent y être inscrits (comme
des textes, des voix, des photographies, des dessins…) mais également
par la multiplicité des voies d’accès et de consultation : à titre d’exemple,
Twitter peut être consulté et alimenté sur le site web qui lui est dédié,
mais aussi par mail, messagerie instantanée et SMS.
Pourtant, les désirs qui investissent ces nouveaux espaces sont-ils
vraiment nouveaux ? Rien n’est moins sûr. C’est pourquoi nous allons
d’abord parler de ces désirs aussi anciens que la vie sociale elle-même.
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Puis, nous aborderons la nouveauté de la communication sur les réseaux.
Enfin, nous envisagerons la symbiose que l’internaute établit dans cer-
tains espaces de rencontre avec les figurines virtuelles chargées de le
représenter, qu’on appelle des « avatars ».

Des désirs qui ont toujours existé


L’être humain a toujours été tiraillé entre des désirs contradictoires qui
ont trouvé des expressions différentes selon les possibilités technologi-
ques offertes à chaque époque. Ces désirs sont au moins au nombre de
cinq : le désir de valoriser l’expérience réflexive qui fonde la perception
de soi comme humain ; celui de n’être jamais oublié, autrement dit qu’un
autre humain pense toujours à moi ; celui de pouvoir se cacher et aussi
de se montrer à volonté, qui fondent respectivement l’intimité et ce que
nous avons appelé l’extimité (2001) ; et enfin celui de contrôler la dis-
tance relationnelle qui unit aux autres tout en séparant d’eux.

Se raconter pour exister : la valorisation


de l’expérience réflexive
L’être humain ne se perçoit comme humain que s’il a la possibilité de com-
menter intérieurement les situations dans lesquelles il est plongé. C’est ce
qui lui permet de s’éprouver comme au-dessus d’elles par la pensée.

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Serge Tisseron

Raconter une expérience n’est pas en effet seulement une manière de la


communiquer : c’est d’abord se constituer soi-même en sujet conscient
de cette expérience. C’est ce qui amène d’ailleurs certaines personnes
particulièrement isolées ou inquiètes du rapprochement (notamment les
adolescents) à se constituer un compagnon intérieur que les psychiatres ont
appelé « imaginaire ». Les nouveaux réseaux matérialisent cette figure. La
plupart des échanges dans les espaces virtuels sont en effet « non adres-
sés ». Autrement dit, ils ne sont adressés qu’à soi-même. Mais pour celui
qui se parle ainsi, c’est déjà beaucoup. Car se raconter est toujours une
façon d’amplifier les résonances intimes, et cette pratique est abondam-
ment utilisée dans les romans contemporains, par exemple ceux de
Houellebecq.

N’être jamais oublié


Dans la relation amoureuse, l’individu se sent exister plus intensément
parce qu’il est convaincu que son amoureux(se) pense sans cesse à lui.
Au contraire, dans les nouveaux réseaux sociaux, l’individu se sent exis-
ter intensément parce qu’il imagine qu’un grand nombre de gens pensent
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à lui de temps en temps.
Mais si le sentiment de solitude peut amener à s’engager sur les
réseaux, cet engagement peut aussi réduire la possibilité d’une rencontre
réelle. Le temps dépensé à y cultiver de nombreux « amis » empêche
d’autant la recherche d’une relation privilégiée dans la réalité.
Mais on peut aussi en souligner les aspects positifs. Cette situation
nouvelle permettrait d’être proche de personnes auxquelles nous accor-
dons de l’attention alors que nous ne sommes pas en mesure de participer
à leur vie autant que nous le souhaiterions. Sans internet, ces personnes
seraient restées de simples connaissances, alors que le réseau permet de
rester en contact avec elles à un niveau de régularité et de proximité qui
n’est certes pas celui des intimes, mais sans pour autant qu’ils soient des
étrangers.
Cette préoccupation peut aussi être altruiste. Donner à d’autres
internautes des informations qu’ils attendent, me rendre utile à eux en
leur donnant des conseils est aussi une manière de faire en sorte d’exister
pour eux. Sur internet, de nouveaux espaces proposent ainsi des échan-
ges de recettes de cuisine (ou la position de radars routiers) et sur Second
life, il ne manque pas d’usagers prêts à expliquer aux nouveaux venus le
fonctionnement de cette grande communauté virtuelle.

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Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

Pouvoir se cacher à volonté : le désir d’intimité


Le désir d’intimité se manifeste d’abord par la maîtrise du territoire de
son propre corps qu’on peut protéger du regard ou de l’intrusion d’autrui.
Puis, par extension, il concerne la maîtrise de tout ce qui prolonge le
corps : ses vêtements, son placard, sa chambre, son appartement… La
construction de l’intimité est articulée à l’estime de soi : construire son
intimité augmente l’estime de soi, mais il faut un minimum d’estime de
soi pour désirer commencer construire un espace d’intimité. Celui qui ne
se respecte pas lui-même ne cherche pas la construction d’un tel espace,
tandis que celui qui en est empêché finit par perdre toute estime de lui-
même. Il se laisse traiter, voire se traite lui-même, comme une chose.
Ce désir n’est pas contradictoire avec celui de vouloir rencontrer
dans la réalité les partenaires rencontrés dans le virtuel. Mais en atten-
dant, il permet d’explorer les plaisirs du voilement et du dévoilement
progressif, bref de favoriser un apprentissage de la pudeur.

Pouvoir se montrer : le désir d’extimité


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Nous avons désigné sous le nom d’extimité le désir qui nous incite à
montrer certains aspects de notre soi intime pour les faire valider par les
autres, afin qu’ils prennent une valeur plus grande à nos propres yeux. Il
ne s’agit pas d’exhibitionnisme : l’exhibitionniste est un cabotin répétitif
qui se complaît dans un rituel figé (Bonnet, 2005). Au contraire, le désir
d’extimité est inséparable du désir de se rencontrer soi-même à travers
l’autre et une prise de risque dans la relation. Sa mise en jeu relève d’un
désir qui n’est pas forcément conscient, et qui participe à la construction
en parallèle de trois dimensions du self : son intégration (une estime de
soi adaptée se nourrit à la fois de sources internes et de profits relation-
nels), sa cohérence (certaines revendications du sujet peuvent lui être
renvoyées par l’entourage comme ne lui appartenant pas en propre), et
son adaptation aux normes sociales. On a besoin d’intimité pour cons-
truire les fondations de soi, mais la construction complète de celle-ci
passe ensuite par le désir d’extimité. La manifestation du désir d’extimité
est ainsi étroitement tributaire de la satisfaction du désir d’intimité : c’est
parce qu’on sait pouvoir se cacher qu’on désire dévoiler certaines parties
privilégiées de soi.
Ce processus peut être mis en relation, en psychanalyse, avec la
théorie du self de Kohut (1973) et en sociologie avec la distinction entre
soi public et soi privé (Baumeister, 1986). Kohut met l’accent sur la
nécessité de la construction d’une estime de soi réaliste affranchie des

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Serge Tisseron

idéaux de toute-puissance du soi grandiose infantile. Le désir d’extimité


peut alors se comprendre comme l’une des instances de régulation qui
permettent ce passage, l’autre étant la capacité des parents de valoriser
les manifestations d’une estime de soi réaliste par l’enfant. Quant à Bau-
meister, il montre l’importance de la gestion du soi publique pour la
construction d’une estime de soi conforme aux nomes sociales et donc
susceptible d’être valorisée par l’environnement.

Maîtriser la distance relationnelle


L’être humain est constamment confronté au problème de sa distance à
autrui. Cette préoccupation est particulièrement forte chez les adoles-
cents, du fait de la quête identitaire qui les anime. C’est ce qui explique
que les réseaux interactifs sur internet sont particulièrement recherchés à
cet âge. La très grande majorité des blogs sont tenus par des adolescents,
ils fréquentent beaucoup Facebook ou Myspace et sont les premiers par
le temps passé sur les jeux en réseau comme World of Warcraft. Ces jeux
offrent en effet la possibilité aux joueurs de faire se succéder des moments
où ils se parlent et des moments où ils jouent. Les internautes peuvent
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ainsi choisir à tout moment de parler ensemble – du jeu ou de la vraie vie
– ou d’agir de concert – par exemple en attaquant une base ennemie. Du
coup, chacun semble pouvoir maîtriser la distance relationnelle.
En fait, les sites d’échange se répartissent entre deux extrêmes : d’un
côté, ceux qui exigent que les noms, statuts et adresses e-mails soient
publics et qui ne laissent donc aucun espace à la dissimulation ; et à
l’opposé, ceux qui imposent l’anonymat et l’utilisation d’un masque
sous la forme de pseudonymes. C’est entre ces deux extrêmes que se
situe l’essentiel de ce qui se passe sur le Net. Autant dire que ceux qui
veulent s’y exhiber peuvent le faire et que ceux qui veulent s’y cacher
peuvent le faire aussi (Cardon, 2008). Le dispositif technique de nom-
breuses plates-formes permet à l’individu de « s’essayer » à diverses
identités qu’il teste avec l’intention d’expérimenter l’effet produit. Le
pseudonyme permet parfois la dissimulation, mais il est d’autres fois un
masque permettant une forme d’authenticité (Klein et al., 2007).

Les nouvelles possibilités d’Internet


Si les nouveaux réseaux se nourrissent de désirs qui ont toujours existé,
ils leur impulsent aussi incontestablement de nouvelles caractéristiques.
J’en vois au moins huit.

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Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

Universalité
Avec internet, tout message peut être adressé au monde entier. Il prend
l’allure d’une multitude de petites bouteilles jetées à la mer contenant
toutes le même message dans l’attente qu’un ou plusieurs interlocuteurs
s’en emparent. Mais ce désir d’élargir ses relations à la planète entière
s’accompagne souvent d’un paradoxe : après être allé explorer le plus
lointain, et le plus différent de soi, l’internaute se retrouve souvent à se rap-
procher finalement de gens qui partagent les mêmes goûts et les mêmes
préoccupations que lui. C’est d’ailleurs un élément important des sites de
rencontres en ligne comme Meetic. Ces espaces sont construits sur l’idée
que le secret d’une bonne entente résiderait dans le fait de se ressembler.
Cette idée n’est pas neuve, mais elle trouve sur ces sites une application
très poussée, chacun devant remplir un questionnaire précis afin qu’un
ordinateur puisse trouver les partenaires avec lesquels la probabilité
d’entente est la plus forte. Le fait que les possibilités soient toujours limi-
tées ferait courir un risque de réification de la subjectivité (Honneth, 2006).

Immédiateté
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Si une préoccupation domine les nouvelles technologies, c’est bien celle
de l’immédiateté. Le téléphone mobile et internet correspondent au désir
de pouvoir joindre nos interlocuteurs et être joint par eux en tous lieux et
à tout moment. Il n’est pas faux de parler d’avidité relationnelle. Beaucoup
de nos contemporains manifestent d’ailleurs des signes d’intolérance à ne
pas pouvoir joindre leur interlocuteur aussi vite qu’ils le voudraient, et
d’autant plus si celui-ci est un proche. Le téléphone fixe nous avait habi-
tués à l’idée du répondeur, le téléphone mobile nous plonge dans un
monde dans lequel chacun est censé être joignable à tout moment, même
dans le train, et bientôt dans l’avion.

Anonymat et interchangeabilité des interlocuteurs


L’invisibilité peut favoriser la désinhibition à propos de sujets que les
individus n’aborderaient pas s’ils devaient donner leur identité. Mais les
possibilités d’anonymat sur internet sont plus souvent exploitées pour se
construire une identité fictive (Hérault et al., 2009). C’est une façon
d’explorer des façons nouvelles d’entrer en contact, de se séduire, de nouer
des relations (Boyd, 2007). Internet est d’abord un espace dans lequel on
explore des identités multiples.
En même temps, la parole n’y est pas forcément adressée. Sur inter-
net, la particularité du désir d’extimité est de pouvoir ne pas s’adresser à
une personne précise, mais à une multitude. De ce point de vue, on peut

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Serge Tisseron

dire que l’internet définit une situation nouvelle dans laquelle la présence
du public est bien réelle, mais qu’elle peut être à tout moment ignorée.
Du coup, le risque lié à la présentation de soi peut être ignoré lui aussi,
d’une façon qui ouvre la porte à des excès.

Tentation d’intéresser plutôt que de communiquer


Internet est d’abord un espace où il faut intéresser pour être remarqué.
D’où la tendance de certains internautes – notamment adolescents – à
rendre leurs messages caricaturaux, voire provocateurs.
En fait, la plupart des échanges engagés dans les espaces virtuels
répondent à la façon dont semble fonctionner le système Google : le
nombre de visiteurs importe plus que le jugement de chacun d’entre eux.
Appliquée aux nouveaux réseaux sociaux, la règle de Google consiste à
vouloir se faire remarquer à tout prix. Le nombre de « clics » prime sur
le jugement que les internautes renvoient. Être aimé ne viendra éventuel-
lement que dans un second temps… C’est ce que nous avons appelé la
« googleisation de l’estime de soi ». On en trouve la manifestation sur les
sites où chacun est invité à mettre une photographie de lui-même (d’elle-
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même) afin que les internautes de passage le (la) note de 1 à 10. Beau-
coup d’adolescents qui le font semblent en choisir une qui les désavan-
tage plutôt que le contraire : ils s’attirent ainsi immanquablement un
grand nombre de commentaires ironiques ou acerbes. Mais n’est-ce pas
l’effet recherché ? Être moqué par cent internautes est aujourd’hui pour
certains plus important que d’être gratifié par dix.

Valorisation de l’oralité
En même temps, le style des messages transitant sur les réseaux est de
plus en plus marqué par la phonétique, et donc par le langage oral tel
qu’il se parle. On connaissait déjà les nombreuses abréviations des SMS.
L’utilisation de Twitter qui impose que le message fasse moins de cent
quarante caractères ne peut que renforcer cette tendance à l’abréviation,
et donc à l’« oralisation » de l’écriture. D’autant plus que la plupart des
messages seront de plus en plus appelés à transiter par le canal de la voix.
D’ores et déjà, dans les chats et les jeux en réseau, il n’est plus nécessaire
de dactylographier ses interventions qui peuvent passer par un micro.

L’intimité associée à une intention plutôt qu’à des espaces


Aujourd’hui, l’intimité n’est plus associée à des espaces physiques –
comme la salle de bain ou la chambre à coucher –, mais à une inten-
tionnalité. Le développement de la télé-réalité, puis la médiatisation à

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Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

outrance des comportements intimes de personnalités de la vie publique,


y compris le Président français, ont contribué à renouveler profondément
la représentation que chacun se fait de l’intimité. Bien entendu, celle-ci
reste indispensable à chacun. Mais les façons dont elle est revendiquée
et construite ont considérablement évolué. La preuve en est que certains
internautes ont choisi depuis quelques années de rendre leur vie intime
et privée visible sur internet pratiquement 24 heures sur 24. Mais tous
ceux qui agissent de la sorte se ménagent toujours une « plage d’inti-
mité ». Pour ceux qui ont mis des caméras dans toutes les pièces de leur
appartement, cette plage consiste dans une tranche horaire où les retrans-
missions sont interrompues. Et pour ceux qui ont choisi de n’exclure
aucune tranche horaire de leur vie domestique, il existe toujours un lieu
dans lequel aucune caméra ne piège leur intimité : pour l’un, ce sont les
toilettes, pour un autre, la salle de bain, pour un troisième, son lit ou un
coin de sa chambre, etc. D’où il apparaît que l’intimité reste bien aussi
essentielle à chacun d’entre nous qu’elle l’a toujours été, mais que son
expression change. Chacun peut aujourd’hui être tenté de dire : « Mon
intimité, c’est là ou je veux, quand je veux »… à condition bien sûr que
cette expression respecte l’intimité d’autrui.
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Un bouleversement éducatif : apprendre avec les pairs
Une étude de l’université de Berkeley 1 montre que les jeunes utilisent
principalement les médias en ligne pour se connecter avec leurs amis, et
pas pour rencontrer des étrangers. Par ailleurs, parmi les gens qu’ils con-
naissent et avec lesquels ils se connectent, les jeunes se connectent plus
avec leurs pairs qu’avec les adultes. Enfin, les jeunes qui utilisent les
nouveaux médias sont plus disposés à apprendre de leurs pairs que des
adultes et des enseignants. Mais les adultes peuvent toutefois avoir une
influence importante sur les jeunes en leur fixant des objectifs d’appren-
tissage et de réalisation (sur le modèle des « maîtres » dans les jeux vidéo
en réseau).

Les identités multiples


La possibilité de se choisir des pseudonymes et de pouvoir interagir à
distance a incontestablement facilité la possibilité pour chacun d’avoir
plusieurs vies simultanées. Cette possibilité prolonge dans les espaces
virtuels celle d’avoir plusieurs vies successives dans la réalité. Alors que
chacun était censé n’avoir qu’une vie jusque dans les années 1950, en

1. http://digitalyouth.ischool.berkeley.edu/report. Final report.

106 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

avoir plusieurs est aujourd’hui devenu la règle : plusieurs couples suc-


cessifs, plusieurs métiers, plusieurs villes, voire plusieurs pays de ratta-
chement successif. Et à chaque fois, dans chaque espace, plusieurs vies
en parallèle rendues possibles par les nouvelles technologies. Cette capa-
cité d’avoir plusieurs vies en parallèle est en outre augmentée par la pos-
sibilité d’avoir plusieurs identités. Non pas qu’avoir plusieurs identités
soit absolument nouveau car cela a toujours existé. Un homme pouvait
ainsi avoir un rôle de leader dans son club de sport, tandis qu’il était plu-
tôt un employé soumis à son travail, un humoriste avec ses amis, et un
être plutôt replié et passif dans sa vie de couple. Mais ces diverses iden-
tités étaient successives et rapportées chaque fois à des espaces diffé-
rents. Ce qui est nouveau avec internet, c’est que ces diverses existences
peuvent apparaître en même temps dans un même espace sur internet et
être donc simultanées.
Ce jeu avec les images de soi trouve sur la toile deux applications de
choix : les jeux en réseau et les blogs.
Dans les jeux en réseau, comme World of Warcraft, chaque joueur
ne peut intervenir dans le jeu qu’en utilisant un « avatar ». Ce mot, qui
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désigne dans la religion hindouiste les diverses incarnations du dieu Vis-
hnou sur terre, sert de terme générique pour les diverses figurines char-
gées de nous représenter sur nos écrans. L’avatar peut être réduit à une
sorte de logo ou enrichi d’un grand nombre de détails personnels, mais,
dans tous les cas, il est aussi indispensable pour entrer et interagir dans
les espaces virtuels que notre carte bancaire pour retirer de l’argent à un
distributeur ! Or les adolescents ne se fabriquent pas un avatar, mais plu-
sieurs, qui leur permettent de faire valoir plusieurs identités. Dans Second
Life, le joueur peut même changer d’apparence à volonté à tout moment.
L’identité sous laquelle un joueur de jeu vidéo en réseau intervient – et
qu’on appelle un avatar – n’est ainsi jamais exclusive d’autres. Chacune
appelle des souvenirs, des projets et des fantasmes différents. Aucune
n’est fausse, mais aucune n’est absolument vraie non plus. Aucune
n’incarne le joueur dans sa totalité, mais chacune figure une partie de ce
qu’il est vraiment. C’est pourquoi, lorsqu’un adulte voit un enfant jouer
à un jeu vidéo avec un certain avatar (par exemple, un chevalier ou un
sorcier, mais tout aussi bien un soldat allemand ou américain), il peut lui
demander s’il a d’autres personnages pour entrer dans le même jeu et
comment il choisit de jouer avec l’un plutôt qu’avec l’autre.
C’est la même chose avec les blogs. Les jeunes ne s’en créent pas
un seul, mais plusieurs en parallèle. L’adolescent qui se sent plusieurs
facettes reste obligé de tenter de les concilier dans la réalité, mais pas

Psychotropes – Vol. 17 n° 2 107


Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

dans les mondes virtuels ! Cette attitude correspond non seulement aux
flottements des identifications à l’adolescence, mais aussi à la logique
des nouvelles technologies numériques.

La révolution du Web collaboratif, ou Web 2.0

Une nouvelle définition des liens


Dans la société traditionnelle, les liens sont absents ou présents et, s’ils
existent, ils sont réputés sécurisants ou non sécurisants. Au contraire,
avec le web collaboratif, les liens sont élastiques et ils se définissent sur-
tout par leur caractère d’« activabilité ». Ce qui est important, ce n’est
pas que les liens soient forts mais qu’ils puissent être utilisés en cas de
besoin. C’est ce que Mark Granovetter (1973) appelait la « force des liens
faibles ». Quand un individu est confronté à certaines tâches comme la
recherche d’un emploi, les stratégies qui s’appuient sur des « amis
d’amis » sont souvent plus efficaces que les relations de grande proxi-
mité.
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L’existence de ces liens nouveaux définit du même coup de nou-
veaux réseaux. Les individus connectés entre eux appartiennent à un
réseau qu’on peut appeler « glocal » parce qu’il est à la fois « global » et
« local ». Il est en effet possible de toucher de la même manière des per-
sonnes géographiquement et socialement lointaines et d’autres géogra-
phiquement ou socialement proches. La distance ne fait pas obstacle au
contact, et inversement entrer en contact ne fait pas obstacle à l’éloigne-
ment.
Sur Facebook, la création de ces nouveaux liens amène à une nou-
velle définition de l’amitié : le friendling. Il s’agit du lien entre deux pro-
fils de telle façon que les friends sont des gens dont le profil m’intéresse
mais qui ne sont pas forcément mes amis. Je peux avoir envie de télé-
charger leur fichier MP3, de lire leur billet de blog, de voir leur photo…
Le friendling est un acte déclaratif qui permet l’échange d’informations.
Il n’a donc rien à voir avec l’amitié qui est un lien entre deux personnes
qui se définit par le fait d’avoir du plaisir à être et à échanger ensemble
et qui naît de l’habitude et de la fréquentation pour constituer une forme
de relation forte. Dans les nouveaux réseaux sociaux, l’important n’est
pas d’avoir de très nombreux amis, mais plutôt des contacts susceptibles
d’être facilement « activés » en cas de nécessité. Le nombre de tels con-
tacts est en fait peu élevé, moins de dix en moyenne (Cardon D.)

108 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

Une nouvelle définition du capital social


L’expression de capital social a été créée au XXe siècle sur le modèle du
« capital économique ». Celui-ci est l’ensemble des ressources matériel-
les qui permettent à une entreprise de prospérer sur le marché. De la
même manière, le capital social est l’ensemble des relations humaines
qui permettent à un individu ou à un groupe d’améliorer sa position.
L’idéologie d’internet est que le web collaboratif pourrait créer un nou-
veau capital social constitué à travers des connexions multiples et sus-
ceptible de se substituer au capital social traditionnel appuyé sur des
connexions fortes avec les pouvoirs en place, et organisées autour des
liens familiaux et sociaux du milieu d’origine. C’est l’idée développée
par le film de David Fincher, The Social Network 2. Mais il s’agit plus
d’une mythologie du Web que d’une réalité. En fait, le nouveau capital
social du web collaboratif n’annule pas l’importance du capital social
traditionnel. L’un et l’autre se potentialisent.
Il n’en reste pas moins que ces nouveaux réseaux modifient les
façons d’entrer en contact avec les autres. La prise de contact y est beau-
coup plus rapide, et c’est la fiabilité du lien qui importe.
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Une nouvelle définition des identités
Le Web 2.0, encore appelé web collaboratif, a accentué cette tendance
aux identités multiples. Dans la sociabilité traditionnelle, l’identité de
chacun est le résultat d’une construction individuelle dans laquelle cha-
cun exprime ce qu’il pense ou veut être. C’est ce que le sociologue Erving
Goffman appelait la « mise en scène de soi » (1959). Au contraire, sur
internet, et notamment dans des espaces comme Facebook, l’identité de
chacun est le résultat d’une activité collective : ce sont les échanges per-
manents de chacun avec tous les autres qui construisent les diverses iden-
tités. Et celles-ci ne s’organisent pas seulement autour des informations
déposées par chacun sur son actualité, ou bien par d’autres à son sujet ;
elles s’organisent aussi autour des éléments du passé individuel et collec-
tif de chacun, et également des projets d’avenir argumentés au carrefour
des diverses interactions.
Il en résulte une différence majeure entre l’identité dans la sociabi-
lité traditionnelle et celle qui se construit dans le web collaboratif : dans
la sociabilité traditionnelle, en cas d’identités multiples, l’une est censée
être authentique, tandis que les autres sont considérées comme des

2. Film américain de David Fincher, 13 octobre 2010.

Psychotropes – Vol. 17 n° 2 109


Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

masques. Par exemple, si une personne est réputée méchante en famille


et « gentille » à son travail (ou le contraire), deux opinions sont possibles :
certains pensent que cette personne est un « vrai méchant » qui se com-
porte de manière hypocrite dans son activité professionnelle de façon à
y bénéficier d’une promotion ; tandis que d’autres pensent qu’il s’agit
d’un « vrai gentil », comme en attestent d’ailleurs tous ses collègues de
travail, mais qu’il est « méchant » chez lui, parce que, par exemple, sa
femme peut le malmener, voire le tromper… Mais sur le web collabora-
tif, cette distinction n’est plus de mise. Toutes les identités d’une même
personne définies au carrefour des réseaux multiples sont considérées
comme également justes. Aucune identité en ligne n’est perçue plus
authentique qu’une autre.

L’avenir des avatars


Les avatars sont les figurines chargées de nous représenter dans les mon-
des virtuels. Ils permettent, pour la première fois dans l’histoire des rela-
tions de l’homme aux images, de devenir en temps réel le spectateur de
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ses propres actions. Les rôles dévolus aux avatars sont pratiquement infi-
nis. Le petit théâtre familial de chacun s’y trouve ressuscité à volonté,
mais aussi celui des revenants et des fantômes.

Une symbiose réussie


Dans tous ses déplacements, mon avatar me permet de voir le monde
« avec ses yeux » – en vision subjective – ou bien de le voir détaché de
moi, exactement de la même manière que dans un rêve. Soit je l’habite,
soit je le regarde vivre. Et du coup, chacun donne et reçoit de l’autre à
tour de rôle. Par exemple, quand mon avatar se promène dans des paysa-
ges virtuels magnifiques, comme dans Morrowind, je découvre ceux-ci
grâce à lui puisque, sans lui, je ne pourrais pas y avoir accès. C’est moi
qui décide où le faire aller, mais c’est seulement si j’accepte de le suivre
sur le chemin que je lui indique que je peux découvrir les merveilles
cachées qui s’y trouvent.
Cette symbiose est tout particulièrement mise à l’épreuve dans les
rencontres. Mon avatar est dépendant de moi pour le choix de ses vête-
ments, de son apparence, du décor dont il s’entoure. Mais je suis, quant
à moi, dépendant de lui pour mettre en scène mes fantasmes à travers la
rencontre avec d’autres avatars. Je sais qu’il n’est, dans ces rencontres,
qu’une toute petite partie de moi, et je m’aperçois avec surprise que cette
partie est souvent confondue avec le tout par les autres avatars que je

110 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

croise. Bref, l’avatar, peu à peu, m’impose sa propre logique. Il n’est plus
moi, qui suis dans ma chambre ou mon bureau ; c’est moi qui suis lui, là
où il se trouve, au combat ou en amour. Et nous n’en sommes qu’au
début de ces formes de téléprésence.

Les fonctions de l’avatar


Commençons par évoquer leurs fonctions explicites. Dans les jeux en
ligne (appelés MMORPG pour Massively Multiplayer Online Role
Playing Game), tout joueur de jeu en ligne doit en effet spécialiser son
avatar. Trois possibilités s’offrent à lui : les Tank sont chargés d’attirer
l’attention des ennemis et d’encaisser leurs coups ; les DPS infligent un
maximum de dommages à l’ennemi (DPS est l’abréviation de Dommage
Par Seconde qui renvoie à l’importance des blessures infligées à l’ennemi
à chaque seconde) ; et les Healer soignent les joueurs de leur équipe.
L’association des trois est indispensable pour réussir une attaque. Mais
les avatars ont aussi des usages beaucoup plus personnels.

Un fragment de soi
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Parfois, l’avatar est fabriqué sur mesure pour redonner vie à ce que nous
avons été. Un enfant malmené, dans les Sim’s par exemple. Mais le plus
souvent, il incarne une facette imaginaire de soi. Il réalise mes rêveries
glorieuses, triomphe des monstres, fait fortune, dirige un empire, tout à
la fois César, Alexandre le Grand et Ulysse. Mais à d’autres moments, il
accueille ma part sombre, ce que la saga de la Guerre des étoiles appelle
le « côté obscur de la force ». Bien des joueurs prennent plaisir à tuer,
étriper, torturer des personnages générés par l’ordinateur…

Un disparu très cher


Le personnage auquel le joueur donne vie est aussi parfois une figure
parentale à laquelle il cherche à rester attaché. Valérie Morignat, qui
s’est choisie comme avatar sur Second Life une femme noire, déclare par
exemple : « Le fait que je sois (sur SL) une femme noire n’est pas du tout
un hasard. Je suis originaire de Nouvelle-Calédonie. Ma grand-mère
était canaque, j’ai un métissage qui est invisible. Quand je rencontre les
gens, c’est la chose que j’ai envie qu’ils sachent 3. » Ici, le choix de l’ava-
tar relève clairement du désir conscient de rendre visible, dans le virtuel,

3. Morignat (V.), Le Sujet désenchanté : suprématie et singularité dans les mondes


virtuels, conférence du 3 mai 2007, à la Maison Suger.

Psychotropes – Vol. 17 n° 2 111


Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

une réalité invisible dans le réel. Mais souvent, les choses ne sont pas
aussi évidentes ! D’ailleurs, Valérie Morignat eut un jour la surprise
qu’un proche qui la connaissait bien ajoute une seconde interprétation à
celle qu’elle avait donnée de son avatar. Cette femme noire qui la repré-
sente sur SL a les cheveux bleus, et elle appelait sa grand-mère canaque
« Mamy Blue » ! Comme quoi la façon dont nous personnalisons ces
marionnettes chargées de nous représenter en révèle beaucoup plus sur
nous que nous ne le croyons…

Un fantôme
Beaucoup d’enfants n’ont pas reçu de la part des adultes qui les entourent
les mots pour penser les désastres vécus par leurs ancêtres. Ils vivent
avec des angoisses qui ne sont pas les leurs : celles de guerres civiles ou
familiales, de maladies gardées secrètes, d’avortement, d’abandon ou de
trahison. Quand leurs questions restent sans réponse – ou qu’ils renon-
cent à les poser par crainte de provoquer la colère ou le désespoir de leurs
parents –, il arrive qu’ils mettent en scène dans la réalité des événements
familiaux problématiques dont ils n’ont entendu parler que par ouï-dire.
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Heureusement, la mise en scène du drame secret vécu par un parent
ne se fait pas toujours « pour de vrai ». Les enfants explorent parfois ces
opacités familiales à travers leurs jeux.
Gaspard, par exemple, joue sans cesse à World of Warcraft. Mais à
la différence de beaucoup d’autres joueurs, il a donné à son avatar un
nom qui n’évoque ni la puissance, ni la gloire, mais une simple famille
écossaise : « Mac Gregor ». À ma question sur ce nom, il me répond
d’abord qu’il l’a choisi au hasard et que cela n’a pas d’importance. Mais
la fois suivante, il m’explique avoir soudain réalisé que ce nom est en
réalité très important pour lui ! « Mac » signifie « fils de », et son père
s’est toujours plaint de ne pas connaître l’identité de son géniteur ! Gas-
pard avait donc donné ce patronyme à son avatar comme il aurait aimé
pouvoir rendre à son père sa filiation en l’appelant « fils de… ». Son
choix lui permettait, comme dans un rêve, que son père connaisse enfin
ses origines, et d’être lui-même l’acteur de cette révélation 4.

4. Pour d’autres exemples de telles situations, on peut consulter Tisseron (S.), Virtuel
mon amour, penser, aimer et souffrir à l’ère des nouvelles technologies, Paris,
Albin Michel, 2008.

112 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

Une relation sur le modèle mère-enfant


Dans la mesure où l’internaute fabrique son avatar, il entretient évidem-
ment une forme particulière d’empathie avec lui. Il éprouve des émo-
tions « pour lui » et « avec lui ». Par exemple, une jeune femme adepte
de Second Life me disait ressentir le picotement des bulles sur sa peau
quand elle plongeait son avatar dans un jacousi virtuel 5 ! Et je me suis
fais l’écho de cette autre jeune femme qui se sentit « violée » lorsqu’un
habitant de Second Life « abusa » de son avatar. Profitant de l’inexpé-
rience de néophyte, il fit asseoir l’avatar de la jeune femme sur une boule
colorée qui le dénuda et le mit aussitôt en position d’accouplement. La
jeune femme vit alors le pénis virtuel de son hôte disparaître dans son
avatar. Si elle avait été un peu plus expérimentée, elle aurait su éviter de
s’asseoir sur une sphère rose, et elle aurait su aussi qu’il est à tout
moment possible d’interrompre de telles manipulations en appuyant sur
la touche « espace ». Mais comme elle l’ignorait, elle eut le sentiment
d’« être violée ». En eut-elle les sensations ? Il nous faut ici à la fois recon-
naître le pouvoir des images et le relativiser. Ce viol par images interpo-
sées n’avait rien de comparable à ce qu’aurait été un viol réel. La preuve
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en est que la victime en parla aussitôt à l’internaute indélicat qui s’était
amusé avec son avatar à ses dépens. Prétendre – ou seulement laisser
entendre – qu’un traumatisme d’images puisse être comparé à une agres-
sion physique relève de la confusion.
Mais ce n’est pas parce que l’avatar représente son utilisateur que
celui-ci ressent ce qui arrive à son avatar comme s’il le vivait lui-même.
En réalité, ce que ressent l’internaute n’est pas de l’ordre d’une souf-
france perçue en première personne, mais comparable à celle qu’on peut
éprouver par empathie pour quelqu’un d’extrêmement proche et qui se
plaint. En fait, à ce moment-là, tout se passait comme si l’avatar était
l’enfant de l’internaute.
L’avatar chargé de nous représenter dans les espaces virtuels a en
effet cette double polarité. Lorsque nous le dirigeons et agissons à travers
lui, il nous incarne. Mais quand il est en situation d’éprouver des sensa-
tions, il devient notre enfant. C’est de cette façon qu’il faut comprendre les
propos de la jeune femme au jacousi virtuel. Quand elle y plongeait son
avatar, les picotements qu’elle ressentait étaient bien de l’ordre d’une sen-
sation physique, mais cette sensation n’était pas directe comme lorsqu’on
se trouve soi-même dans cette situation. Elle était indirecte, et comparable
à ce que peut éprouver une mère quand elle met son bébé dans son bain et

5. Ibid.

Psychotropes – Vol. 17 n° 2 113


Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

s’émerveille de le voir si heureux ou, à l’opposé lorsqu’elle le voit se


cogner et qu’elle a mal pour lui. Autrement dit, cette sensation était de
l’ordre de l’empathie, et précisément de cette forme primaire d’empathie
dans laquelle je m’imagine éprouver la même chose que ce que je vois
l’autre ressentir. Les moments vécus avec intensité laissent en effet sub-
sister des traces mnésiques qui ne demandent qu’à être réveillées par le
simple spectacle d’une situation qui les rappelle. Ceux qui ont un jour
souffert sous la fraise d’un dentiste comprendront ! La vue de quelqu’un
dans cette situation – ou parfois le simple bruit caractéristique de l’instru-
ment – suffit à évoquer des sensations pénibles. C’est pourquoi, et bien
qu’elle ne m’en ait jamais parlé, je pense que la jeune femme au jacousi
virtuel connaissait « en vrai » – in real life, comme on dit aujourd’hui –
les sensations que procure un vrai jacousi. Sinon, elle aurait pris bien
moins de plaisir à y plonger son avatar !
Quant à la jeune femme qui se sentit « violée » sur Second Life, on
peut imaginer qu’elle n’avait jamais subi une agression semblable dans
la réalité. Si tel avait été le cas, il est probable qu’il eut été beaucoup plus
difficile pour elle d’en parler, sauf à imaginer qu’elle ait totalement
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dépassé ce traumatisme. Le propre des images qui réveillent une situa-
tion traumatique réellement vécue est en effet de plonger brutalement le
spectateur dans son passé et de bloquer ses processus de pensée. Les sen-
sations et les émotions enfouies au moment de la situation traumatique
sont réveillées et occupent le devant de la scène psychique. La confusion
est totale entre le présent et le passé.

Les bienfaits des interactions narratives


Nous voyons que les rôles dévolus aux avatars sont pratiquement infinis.
Le petit théâtre familial de chacun s’y trouve ressuscité à volonté, avec
la possibilité d’y jouer un autre rôle que le sien, d’inverser les généra-
tions, de se mettre en scène sous un autre sexe… Et chacun peut aussi y
mettre des disparus qu’il a connus ou qu’il a imaginés à partir de ce qu’en
ont dit ses proches. Ce n’est plus le petit théâtre des vivants, mais celui
des revenants et des fantômes…
Mais le fait que les avatars invitent le joueur à être le spectateur de
ses propres actions ne veut pas dire que cette possibilité soit utilisée à
chaque fois. Il existe en effet deux façons bien différentes de jouer : l’une
intègre les dimensions de l’avatar, l’autre les évite. L’une mobilise des
émotions complexes en encourageant l’identification et l’empathie, l’autre
met au premier plan les sensations extrêmes (notamment le stress) et les
réponses motrices rapides.

114 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

Dans les interactions narratives, les excitations et les sensations sont


moins importantes et la réponse corporelle est moins immédiate : le joueur
réfléchit avant d’agir. En outre, les émotions mises en jeu sont comple-
xes. Il s’agit d’identification, mais aussi d’empathie. Le joueur est invité
à avoir des sentiments « pour » les avatars et aussi « avec » eux. Les
angoisses mises en jeu engagent une rivalité et une initiation. La préoc-
cupation narrative est centrale. Le joueur joue comme on lit un roman, et
cherche un parcours initiatique.
Dans les interactions sensori-motrices au contraire, le joueur est
essentiellement occupé à surveiller l’apparition de certains objets sur son
écran afin de les faire disparaître, de s’en emparer ou de les classer. Les
sensations extrêmes sont au premier plan et les réponses motrices stéréo-
typées. Les émotions mises en jeu font une grande place au stress. La
violence y est surtout narcissique dans la mesure où le but est d’abattre
le plus grand nombre possible de créatures interchangeables. La préoc-
cupation narrative est peu présente. Cette manière de jouer évoque une
situation de « stimulus-réponse » proche de celle des jeux de hasard et
d’argent.
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Le jeu structurant fait alterner ces deux types d’interactions, alors
que le jeu pathologique ne fait intervenir que les interactions sensori-
motrices. C’est pourquoi, quand un joueur veut fuir une situation angois-
sante ou douloureuse, la meilleure façon d’y parvenir est de privilégier
les interactions sensori-motrices. Il peut s’agir d’une souffrance psychi-
que liée à la vie personnelle (un deuil, une rupture sentimentale, une vio-
lence scolaire, etc.) ou familiale (divorce des parents, dépression de l’un
des parents, etc.), mais aussi d’une souffrance psychique d’origine interne
comme un défaut d’estime de soi ou une dépression. Dans tous les cas, le
jeu n’est plus l’occasion d’une recherche de plaisir, mais d’évitement du
déplaisir.
Inversement, la préoccupation des avatars invite le joueur à sortir
d’une façon de jouer compulsive et stéréotypée pour entrer dans une
autre plus narrative. C’est pourquoi il est bon que les parents, les éduca-
teurs, les enseignants et les thérapeutes, invitent, chacun à leur façon, les
enfants à raconter ce qu’ils font dans leurs jeux. Ceux-ci apprendront à
intégrer leurs expériences ludiques dans leur discours, et ils échapperont
au risque d’un jeu compulsif, stéréotypé et dissocié, celui-là même qu’on
appelle parfois « dépendance », bien que ce terme soit totalement ina-
dapté à la situation de l’adolescent chez lequel rien n’est fixé et tout est
en construction.

Psychotropes – Vol. 17 n° 2 115


Les nouveaux réseaux sociaux sur internet

Conclusion
Nous voyons que les nouveaux espaces de rencontre ne créent pas seule-
ment des dynamiques relationnelles différentes, mais aussi de nouvelles
économies de l’estime de soi qui les rendent particulièrement attractifs.
Pourtant, une menace les guette. Dans ces nouveaux espaces de commu-
nication ouverts sur internet, rien n’est jamais effacé et tout se diffuse
très vite, parfois à l’insu des usagers eux-mêmes ! Certains découvrent,
par exemple, que ce qu’ils inscrivent sur leur « fiche perso » est utilisé
par des moteurs de recherche pour leur fournir des publicités ciblées. Par
ailleurs, les informations données à un seul ami peuvent parvenir de pro-
che en proche à une personne mal intentionnée. Ainsi de la photographie
d’un jeune homme qui a un peu trop bu, mise sur internet par un cama-
rade de boisson, et qui se retrouve un an plus tard chez l’employeur du
garçon…
Bref, on s’aperçoit avec ces nouveaux réseaux que le danger d’inter-
net n’est pas seulement le contrôle de chacun par un pouvoir centralisé,
mais aussi le contrôle de chaque citoyen par des sociétés privées, à des
fins de protection ou de commerce… voire de chacun par tous les autres :
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surveillance des enfants par leurs parents, des employés par leur patron,
des maris ou femmes suspects d’infidélité par leur conjoint, etc.
C’est pourquoi il est essentiel que chaque usager des nouveaux
réseaux prenne conscience de ces problèmes et réfléchisse bien à ce qu’il
désire livrer d’informations personnelles. Pour l’y aider, chaque ordina-
teur devrait porter cette inscription : « Attention : tout ce que vous met-
tez ici peut tomber dans le domaine public ! » D’ailleurs, la possibilité
pour chacun d’effacer des informations qu’il a déposées sur internet
n’est pas seulement un problème de liberté publique, c’est aussi la con-
dition de la survie du système. En effet, la satisfaction du désir d’extimité
suppose que le désir d’intimité soit satisfait. On peut dire les choses
autrement : pour que les gens aient envie de se montrer, il faut qu’ils
puissent se cacher aussi souvent qu’ils en ont envie. C’est ce droit qu’il
faut mettre en place. Des internautes de plus en plus nombreux en ressen-
tent le besoin. Face aux logiciels qui menacent les libertés, il est essentiel
d’en concevoir qui les protègent.
De façon générale, le problème des nouvelles technologies n’est
plus aujourd’hui celui d’une fracture sociale, ni même d’une fracture
générationnelle. C’est celui d’une fracture d’usage entre d’un côté des
usagers qui sont capables de prendre du recul par rapport à ces nouvelles
technologies, et d’un autre côté des usagers qui en sont incapables. Du

116 Psychotropes – Vol. 17 n° 2


Serge Tisseron

premier côté, on trouve les adolescents qui bénéficient d’un environne-


ment qui les met en garde contre les pièges d’internet et qui les accompa-
gne et les valorise dans leurs découvertes. Quant au groupe des usagers
sans recul, il est constitué à la fois par les adultes qui ignorent – voire
méprisent – les nouvelles technologies, et les adolescents de milieux
défavorisés qui ne bénéficient pas d’accompagnement, et encore moins
de reconnaissance.
Pour lutter contre cette fracture, les structures éducatives et les col-
lectivités publiques ont un rôle majeur à jouer. Les premières doivent
donner les repères théoriques et pratiques indispensables. Les repères
théoriques concernent les modèles économiques et le marketing des
divers médias (jeux vidéo, Facebook, YouTube…) ainsi que leurs spéci-
ficités. Quant aux repères pratiques, ils concernent notamment le droit à
l’image, la différence entre espace intime et espace public avec le droit à
l’intimité, et les trois règles fondamentales d’internet : tout ce qu’on y
met peut tomber dans le domaine publique, tout ce qu’on y met y restera
éternellement, et tout ce qu’on y trouve est sujet à caution et nécessite la
confrontation à d’autres sources.
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Enfin, les structures éducatives doivent aussi, en lien avec les collec-
tivités publiques, valoriser les productions d’images des jeunes et faciliter
les échanges intergénérationnels autour d’elles. Cela peut se faire notam-
ment par la création de festivals de films faits au téléphone mobile ou par
capture dans des espaces virtuels (qu’on appelle Machinima) à l’échelle
des établissements scolaires, des villes et des départements. La recon-
naissance et la valorisation des productions d’images des jeunes sont
aujourd’hui un levier essentiel de la lutte contre le risque de fracture
d’usage, autant social que générationnel, autour des nouvelles techno-
logies.

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technologies, Paris : Albin Michel.
http://digitalyouth.ischool.berkeley.edu/report. Final report

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