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Swift trust et équipes temporaires : une étude exploratoire

dans les cabinets de conseil


Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili
Dans Innovations 2022/1 (N° 67), pages 41 à 68
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807398122
DOI 10.3917/inno.pr2.0121
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 11/11/2023 sur www.cairn.info via Université Catholique de Lyon (IP: 193.51.243.241)

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Swift trust et équipes
temporaires : une étude
exploratoire dans les
cabinets de conseil
Frédéric BORNAREL
IAE de Metz
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Laboratoire de Recherche CEREFIGE
Centre Européen de Recherche en Économie Financière
et Gestion des Entreprises
Université de Lorraine
frederic.bornarel@​univ​-lorraine​.fr

Sandrine VIRGILI
IAE de Metz
Laboratoire de Recherche CEREFIGE
Centre Européen de Recherche en Économie Financière
et Gestion des Entreprises
Université de Lorraine
sandrine.virgili@​univ​-lorraine​.fr

RÉSUMÉ
Ce papier interroge une forme de confiance peu étudiée dans la littéra-
ture, et pourtant très actuelle, la swift trust ou confiance rapide. En effet,
le contexte des équipes temporaires, très largement diffusé, n’offre pas les
conditions de stabilité et de longévité propices au développement de la
confiance personnelle. Ceci est problématique car la confiance person-
nelle est vue comme un ingrédient essentiel à l’engagement dans la dyna-
mique collaborative. Notre objectif est double. Premièrement, d’un point
de vue conceptuel, nous interrogeons les mécanismes organisationnels
qui permettent de produire cette forme de confiance dépersonnalisée.
Deuxièmement, nous cherchons à en préciser la réalité et les usages empi-
riquement à travers une étude exploratoire menée au sein de trois cabi-
nets de conseil, considérés comme un des idéaux-type d’équipes tempo-
raires. Nos résultats permettent de préciser la réalité de cette forme de
confiance ainsi que les mécanismes organisationnels qui la soutiennent.

n° 67 – innovations 2022/1 DOI: 10.3917/inno.067.0041 41


Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

En conclusion l’articulation swift trust / confiance personnelle est


réinterrogée.
MOTS CLÉS : Swift trust, Confiance personnelle, Équipes temporaires, Cabinets de
conseil
CODES JEL : M5, M12

ABSTRACT
Swift Trust and Temporary Groups: An
Exploratory Study in Consulting Firms
This paper questions the swift trust, a form of trust still little studied and
yet very current. Indeed, the context of temporary teams, which brings
together actors without a common relational history and without guar-
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antee of being able to build one, does not offer the conditions of stabil-
ity conducive to the development of personal trust. This is problematic
because trust is viewed as essential for cooperative dynamics. Our aim is
twofold. First, we seek to understand what are organizational mechanisms
producing this depersonalized trust. Second, we seek to clarify its reality
and uses from an empirical point of view. We rely on an exploratory study
conducted in three consulting firms, as another ideal-type of temporary
teams. Our results make it possible to better define the reality of this swift
trust as well as organizational mechanisms that support it. To conclude,
we examine the articulation of swift trust and personal trust.
KEYWORDS: Swift Trust, Personal Trust, Temporary Teams, Consulting Firms
JEL CODES: M5, M12

Les multiples courants de recherche portant sur l’innovation et plus


largement le comportement organisationnel considèrent depuis bien
longtemps que la confiance est au cœur des dynamiques coopératives.
De manière générale, la confiance se comprend comme la décision assu-
mée de se fier à un « autre » pour agir dans une situation marquée par
l’incertitude. Le choix du destinataire de la confiance est conditionné par
sa capacité à répondre efficacement à ce problème d’incertitude. Ainsi,
dans une situation donnée, il sera préférable d’accorder sa confiance à
une personne alors que dans une autre, la préférence portera sur une insti-
tution, ou encore sur une organisation. Ce découpage classique entre la
confiance personnelle et la confiance impersonnelle (Luhmann, 1968)
continue d’accompagner les nombreuses typologies de la confiance
proposées dans la littérature (Adler, 2001). Toutefois bien que les orien-
tations soient multiples et les contextes d’étude divers, c’est le concept

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Swift trust et équipes temporaires

de confiance personnelle (ou interpersonnelle) qui a été principalement


mobilisé (Lewicki et al., 2006). Le concept est d’ailleurs clairement déli-
mité (Gillespie, 2012). Ainsi, Mc Evily et Tortoriello (2011), confirment
que la définition la plus utilisée est celle de Mayer et al. (1995, p. 712) : la
confiance personnelle est « la volonté délibérée d’être vulnérable aux actions
d’une autre partie fondée sur l’espérance que celle-ci accomplira une action
importante pour la partie qui accorde sa confiance, indépendamment de la
capacité de cette dernière à surveiller ou contrôler l’autre partie » (définition
traduite par les auteurs1).
Dans cette perspective, les recherches sur la confiance personnelle ont
démontré qu’elle représentait un réel avantage pour les organisations, tout
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comme pour les individus (Bornarel, 2017). Basée sur des composantes
cognitives et affectives (Mc Allister, 1995), la confiance personnelle
suscite et renforce les comportements coopératifs. Des études centrées sur
le lien entre performance et confiance ont d’ailleurs établi depuis long-
temps que les équipes avec un haut niveau de confiance personnelle et
affective étaient plus performantes que celles démontrant des niveaux de
confiance plus faibles (De Jong, Elfring, 2010).
Les travaux en innovation confirment également ce lien fort entre
haut niveau de confiance et capacité à innover au sens large (Boschma,
2004 ; Loilier, Tellier, 2004). Elle est vue comme favorisant l’engagement
dans des interactions collaboratives, elles-mêmes au cœur de l’innova-
tion (Blomqvist, Cook, 2018). La confiance personnelle affective est par
exemple une caractéristique fondamentale des communautés centrées sur
l’innovation d’exploration (Amin, Cohendet, 2004) ou l’innovation radi-
cale (Nooteboom, 2002). Elle soutient en effet l’apparition d’un climat de
travail psychologiquement sûr pour inciter les individus à échanger. Plus
précisément, la dimension affective de la confiance instaure une logique
de réciprocité motivant les acteurs de l’innovation à s’engager durable-
ment dans des relations d’échanges créatrices de nouveauté (Loilier,
Tellier, 2004). Des travaux plus récents sur l’innovation ouverte (Bertin,
2019) ou les fablab (Aubouin, Capdevila, 2019) confirment le rôle crucial
de la confiance dans l’organisation d’un espace relationnel où la collabo-
ration soutient efficacement la dynamique de l’innovation. Finalement,
la réussite de tout système coopératif et collaboratif repose sur sa capacité
à faciliter l’émergence, le renforcement et le maintien dans le temps de

1. The willingness of a party to be vulnerable to the actions of another party based on the expectation that
the other will perform a particular action important to the trustor, irrespective of the ability to monitor or
control that other party.

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Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

relations de confiance personnelle et affective (Schaubroeck et al., 2013).


Cela est d’autant plus vrai que sans la confiance, il semble de plus en plus
difficile de manager efficacement l’innovation (Adler, 2001 ; Nooteboom,
2002).
Toutefois, cette forme de confiance ne se développe que dans un
cadre spécifique : celui où les individus s’investissent dans des relations de
longue durée. En effet, seules ces dernières sont propices à la génération
successive d’interactions suscitant des relations plus affectives. Mais que
se passe-t-il lorsque les équipes sont temporaires, les contextes instables
et incertains, et que les conditions organisationnelles ne permettent pas
un investissement relationnel de long terme, comme c’est le cas pour de
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nombreuses organisations actuelles, qualifiées de temporaires (Burke,
Morley, 2016) ?
Afin de répondre à cette question, nous mobilisons une forme de
confiance particulière, encore très peu étudiée et pourtant propre à ces
contextes : la swift trust2 ou confiance rapide (Meyerson et al., 1996). Ce
concept se réfère à une forme de confiance dépersonnalisée qui diffère
significativement de la confiance personnelle, mais dont on connaît très
peu les ressorts ou la nature hormis dans le contexte d’équipes virtuelles
(Blomqvist, Cook, 2018 ; Jawadi, 2010). En nous basant sur l’article sémi-
nal de Meyerson et al. (1996) et à partir d’une revue de littérature sur
cette swift trust, l’objectif de ce papier est d’étudier à travers une démarche
exploratoire la réalité et les usages de cette forme de confiance dans le
contexte de trois cabinets de conseils, considérés comme un idéal type des
formes organisationnelles temporaires. Nous souhaitons ainsi explorer les
mécanismes producteurs de cette swift trust car ils restent largement sous-
théorisés (Crisp, Jarvenpaa, 2013), tout comme les études empiriques en
contexte de travail réel. Nos résultats démontrent que non seulement la
swift trust existe, mais surtout qu’elle ne se transforme pas de facto en une
confiance personnelle. Elle se maintient tout au long des projets à travers
des mécanismes organisationnels qui la renforcent.
L’article présente dans une première partie les fondements théoriques
de la swift trust. Dans une seconde partie, nous exposons la démarche
exploratoire, fondée sur une méthodologie qualitative et justifions l’inté-
rêt des contextes étudiés. Enfin nous présentons dans une troisième partie

2. Dans ce qui suit, nous mobiliserons toujours le même terme en anglais : « swift trust ». Étant donné
sa spécificité (notamment par rapport à la confiance personnelle) et le peu d’études (hors contexte
virtuel) à ce sujet, nous avons jugé pertinent de garder la terminologie originelle.

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Swift trust et équipes temporaires

les résultats et discutons le lien swift trust / innovation dans les cabinets
de conseils.

Revue de littérature : les spécificités


de la swift trust en contexte
d’équipes temporaires
La swift trust est un concept original qui a émergé dans les années
1990 pour répondre théoriquement au fonctionnement des modes d’orga-
nisations post-bureaucratiques. Après avoir présenté l’état de la littérature
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sur ce sujet, nous exposons et justifions de l’intérêt de nous centrer sur les
mécanismes organisationnels soutenant ce type de confiance et qui feront
l’objet de notre étude de terrain.

Émergence du concept et
positionnement des travaux
La « swift trust » a été introduite par Meyerson et al. (1996) pour quali-
fier la nature des liens de confiance particuliers qui se développent dans
des organisations structurant le travail autour d’équipes temporaires. Il
s’agissait de comprendre comment ce type d’organisation parvenait à fonc-
tionner efficacement alors que les conditions traditionnelles de formation
de la confiance personnelle (stabilité des membres dans l’équipe, degré de
connaissance interpersonnelle ou engagement dans des relations affec-
tives) n’étaient pas réunies. En effet, les équipes temporaires consistent
essentiellement à rassembler dans le cadre de projets à horizon temporel
limité, une équipe de personnes hautement qualifiées qui se connaissent
peu, qui auront peu d’occasions de travailler de nouveau ensemble à l’issue
de la clôture de ce projet ; ces équipiers doivent pourtant interagir rapide-
ment dans un environnement complexe et incertain et sont soumis à une
pression temporelle forte (Goodman, Goodman, 1976).
Après deux décennies, le mode d’organisation en équipes tempo-
raires est devenu commun (Burke, Morley, 2016). Il concerne tout autant
les organisations du secteur industriel ou informatique, que les projets
cinématographiques ou encore les cabinets de conseils. La diffusion des
équipes temporaires rend donc particulièrement pertinente la question de
la formation et de la dynamique de la swift trust pour comprendre les
nouvelles pratiques managériales à l’œuvre, mais également pour ajouter

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Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

à la compréhension d’une forme de confiance largement sous-théorisée


dans la littérature (Crisp, Jarvenpaa, 2013).
Rappelant que la confiance est avant tout dépendante du contexte
organisationnel dans laquelle elle se développe, Meyerson et al. (1996) ont
cherché à vérifier la réalité de cette confiance supposée, de comprendre
en quoi elle se différenciait de la confiance personnelle traditionnelle-
ment étudiée et sur quels mécanismes elle reposait. La swift trust a ainsi
été définie comme « une forme unique de perception collective et relative qui
est capable de gérer les problèmes de vulnérabilité, d’incertitude, de risque,
et les attentes requises [dans les systèmes temporaires] » 3 (Meyerson et al.,
1996, p. 167).
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Elle se distingue de la confiance personnelle sur deux points principaux.
Premièrement ce sont les caractéristiques mêmes de ces organisations qui
présupposent la présence rapide de la confiance : les acteurs ne peuvent
tisser des relations de longue durée qui leur permettraient de former un
jugement les incitant à faire confiance ou non, et ils subissent une pres-
sion temporelle forte. Ils doivent donc immédiatement s’appuyer sur des
référents impersonnels pour interagir avec leurs « collègues ». Sans cette
confiance immédiate dans la structuration du projet, il ne peut y avoir
d’engagement dans l’action. Contrairement à la confiance personnelle qui
met du temps à se développer (Kramer, 1999), la swift trust est donc propre
à ces systèmes temporaires et présumée ex ante. Deuxièmement et consé-
quemment, elle est une forme dépersonnalisée car elle se développe par les
actes et les réalisations dans l’équipe plutôt que sous l’effet de dimensions
relationnelles et affectives (Meyerson et al., 1996).
Ce concept de swift trust a très vite été transposé aux équipes virtuelles4
(Jarvenpaa, Leidner, 1998 ; Kanawattanachai, Yoo, 2002 ; Piccoli, Ives,
2003 ; Jarvenpaa et al., 2004 ; Robert et al., 2009). La dépersonnalisation
produite par l’absence d’interactions en face-à-face et par la médiatisation
technologique, tout comme la distance culturelle souvent forte entre les
membres de ces équipes, ont semblé être un terrain propice à l’étude de la
swift trust (Zolin et al., 2004). Les travaux, foisonnants depuis 20 ans, ont
ainsi cherché à vérifier la réalité de la swift trust ainsi que sa dynamique
d’évolution à l’instar de l’article séminal de Meyerson et al. (1996) Les
résultats principaux vont dans le sens des travaux initiaux : réalité ex ante

3. Notre traduction de :’The trust that unfolds in temporary system sis more accurately portrayed as a
unique form of collective perception and relating that is capable of managing issues of vulnerability, uncer-
tainty, risk and expectations’.
4. Pour une revue de littérature sur ce sujet, voir Blomqvist et Cook (2018)

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Swift trust et équipes temporaires

(dès la constitution) de l’équipe, prédominance du cognitif sur les compo-


santes affectives, fragilité et évolution dans le sens d’un renforcement ou
d’un affaiblissement (Blomqvist, Cook, 2018).
Un résultat significatif de cette évolution est mis en exergue dans les
travaux de Robert et al. (2009) et Hung et al. (2004). Selon ces travaux,
au cours de tout projet, l’expérience d’interactions répétées entre membres
permet à chacun de disposer d’éléments objectifs pour se forger son propre
jugement sur le comportement des autres. La swift trust – en tant que forme
de confiance strictement cognitive et dépersonnalisée – est donc suscep-
tible de se voir remplacer progressivement par la confiance personnelle.
Tout comme la swift trust, la confiance personnelle se construit d’abord
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sur une base strictement cognitive. En effet, la répétition des interactions
conditionne des échanges principalement motivés par des intérêts person-
nels et mutuellement bénéfiques (Mc Allister, 1995). Bien plus, progressi-
vement, les interactions réussies deviennent suffisantes pour qu’une fami-
liarité s’installe entre les professionnels. Ces interactions deviennent alors
le vecteur d’une communication plus dense qui, à son tour, participe à
soutenir la diffusion de la confiance personnelle dans les échanges pour
remplacer définitivement le recours à la swift trust. Enfin, la plus grande
proximité sociale entre les membres de l’équipe facilite le développement
de la confiance personnelle grâce à l’activation de sa dimension affec-
tive (Mc Allister, 1995 ; Nooteboom, 2002). Cette proximité fait réfé-
rence selon Boschma (2004, p. 15) à « des relations socialement ancrées
entre individus impliquant une confiance fondée sur l’amitié, la familiarité et
l’expérience ».
En dépit de tous ces apports, la plupart des résultats restent ambigus
concernant cette trajectoire de la swift trust (Blomqvist, Cook, 2018).
Certaines recherches, telle Robert et al. (2009), se sont centrés sur l’iden-
tification des antécédents de la confiance au niveau individuel, et notam-
ment la propension naturelle d’un individu à faire confiance, alors qu’il ne
s’agit pas tout à fait du même concept. D’autres travaux se sont davantage
focalisés sur la manière dont on pouvait réguler cette confiance pour la
maintenir dans le temps, en repositionnant le curseur sur les relations
interpersonnelles entre équipiers et managers. L’importance du leadership
et l’usage des pratiques de communication pour maintenir et renforcer
cette confiance sont un autre résultat fort et reconnu de ces recherches
(Jarvenpaa, Leidner, 1998 ; Piccoli, Ives, 2003 ; Zolin et al., 2004 ; Newell
et al., 2007). Mais de manière plus nuancée, des résultats plus récents affir-
ment que ce ne sont pas tant les pratiques de communication ni même

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Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

le rôle du leader qui importent pour comprendre cette trajectoire, que


les règles et normes impersonnelles sur lesquelles ce leadership s’appuie
(Crisp, Jarvenpaa, 2013).
Une troisième approche, inédite dans la littérature sur la swift trust,
peut également être utile à ces débats. Elle se comprend comme une posi-
tion intermédiaire par rapport aux précédentes et s’appuie sur la lecture
théorique proposée par Adler (2001) pour appréhender le lien entre
confiance et management de l’innovation. Bien que l’auteur ne s’inté-
resse pas explicitement à la swift trust, son analyse nous aide à identi-
fier une possible nouvelle trajectoire. Selon Adler (2001), la qualité de la
communication interpersonnelle est la clef d’une compréhension claire,
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par chaque membre d’une équipe, des comportements et motivations
de tous les autres. En effet, plus la qualité est élevée, plus les individus
peuvent être réflexifs et plus il leur est facile de s’engager dans de nouvelles
interactions sociales. C’est alors que des échanges personnalisés, appuyés
essentiellement sur les éléments cognitifs de la confiance personnelle,
ouvrent à la construction de nouvelles valeurs partagées. Ces valeurs se
cristallisent dans une nouvelle forme de confiance généralisée et acceptée
collectivement puisque légitimée par tous les intervenants. Cette nouvelle
forme est, comme la swift trust, dépersonnalisée et construite sur une
base strictement cognitive. Tout comme la swift trust, elle agit comme un
mécanisme qui canalise les interactions sociales. Ainsi, elle est suscep-
tible de remplacer idéalement la swift trust puisqu’elle privilégie le recours
à la confiance personnelle pour coordonner les actions, tout en évitant
également que des relations affectives potentiellement destructrices ne
s’immiscent dans le collectif grâce au contrôle assuré par la confiance
généralisée.
Malgré l’amélioration des connaissances sur la swift trust et ses trajec-
toires permise par les travaux évoqués ci-dessus, deux problèmes subsistent.
Premièrement, l’essentiel des recherches empiriques est basé sur des
méthodes quasi-expérimentales auprès de populations composées de
groupes d’étudiants travaillant à distance. Des tâches leur sont réguliè-
rement assignées et des variations dans les conditions d’expérimentation
sont introduites pour intégrer une perspective longitudinale (désignation
autoritaire ou émergence d’un leader, variation des tâches, modifications
temporelles des activités, actions du leadership, etc.). Si l’on considère
avec Meyerson et al. (1996) que la confiance est contextuelle, il paraît
difficile de transposer sans précaution les résultats de ces études aux
équipes temporaires plus « classiques » : celles où l’essentiel des tâches et

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Swift trust et équipes temporaires

interactions se déroulent en présentiel dans des milieux de travail réel.


Or les études manquent à ce sujet pour améliorer notre connaissance de
la swift trust (Crisp, Jarvenpaa, 2013 ; Blomqvist, Cook, 2018). Dans ce
papier nous prendrons justement comme terrain d’étude les cabinets de
conseils, réputés comme étant une forme d’organisation où il est possible
d’observer la réalité et la nature de la confiance en jeu au sein des équipes
ad hoc (Meyerson et al., 1996).
Deuxièmement, les mécanismes producteurs et régulateurs de ce type
de confiance restent largement sous théorisés alors qu’ils sont fondamen-
taux pour comprendre les usages de la swift trust par les acteurs d’une
équipe temporaire. En effet, bien que cette confiance soit présumée ex
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ante, elle n’est pas spontanée et se fonde sur des mécanismes qui sont expli-
citement mis en œuvre par l’organisation elle-même. Or, ils n’ont pas fait
l’objet d’une attention approfondie dans la littérature (Crisp, Jarvenpaa,
2013) et restent donc à explorer sérieusement, autant d’un point de vue
théorique qu’empiriquement. Nous exposons ces mécanismes dans la
partie suivante.

Les mécanismes fondamentaux de la swift trust :


réputation, rôles et évaluation des résultats
Pour que des inconnus s’engagent rapidement à faire confiance, l’orga-
nisation se doit d’activer des mécanismes organisationnels construisant
une forme de perception collective unique et partagée (Ferrin et al., 2006).
Le partage de cette perception imprègne toutes les actions, de manière à
présumer la confiance avant même que la relation ait lieu. Meyerson et al.
(1996) listent rapidement des mécanismes susceptibles de produire et de
maintenir la confiance dans ce contexte. Ces mécanismes incitent les
membres de l’équipe à s’engager rapidement dans l’action. Ils sont censés
faciliter cet engagement rapide en atténuant fortement l’ambiguïté du
milieu professionnel dans lequel les acteurs évoluent par la mobilisation de
critères objectifs et impersonnels connus de tous. Le recours à ces méca-
nismes permet à la swift trust de dépersonnaliser les relations a priori pour
rendre caduque toute référence à des éléments de jugement sur la person-
nalité des acteurs. Ces trois mécanismes fondamentaux sont la réputation
qui relève d’un mécanisme psychologique de catégorisation, ainsi que la
clarté des rôles et l’évaluation des résultats qui relèvent de mécanismes
normatifs.

n° 67 – innovations 2022/1 49
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

La réputation
La qualité de la réputation facilite un engagement rapide et significa-
tif dans la confiance. Un inconnu jouissant d’une bonne réputation sera
catégorisé comme une personne digne de confiance alors même que l’on
ne disposera pas de savoir de première main sur lui (Mc Knight et al.,
1998). La réputation agit alors comme un proxy de l’historique relationnel
(Meyerson et al., 1996) puisque les informations de seconde main sont
essentielles au jugement sur la confiance. Elle est le construit d’un juge-
ment condensé sur des relations du passé qu’un collectif a formé par la
mise en commun de ses expériences professionnelles. Cette évaluation
collective et positive confère à son porteur un crédit d’intention qui pose
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la confiance avant même que la relation ait lieu. Dans le contexte des
organisations projets, le fait qu’une personne ait été choisie pour intégrer
le projet accorde de facto un capital confiance, qui s’actualisera au fur et à
mesure des échanges au cours du projet.

La clarté des rôles


La clarté des rôles est un mécanisme qui conditionne l’échange avec
des inconnus car leur compétence est présumée connue du fait de l’ap-
partenance objective de tous les membres de l’équipe à une catégorie de
métier très précisément définie (Mc Knight et al., 1998 ; Kramer, 1999).
En ce sens, dès le début du projet, les membres de l’équipe peuvent se faire
confiance a priori en se référant aux rôles et compétences que chacun doit
assurer selon son appartenance à une catégorie métier. Cette clarté s’ob-
tient par une définition précise de leurs spécificités, comme par exemple
leur possible déclinaison en tâches. Bien précisée, la clarté des rôles s’ap-
parente à une offre de services standardisée et assure la stabilisation des
attentes de chacun dans l’équipe ainsi que leur légitimité. En résumé, avec
la clarté des rôles chacun fait ce que le groupe est légitimement en droit
d’attendre de lui, alors qu’avec la réputation une réponse non conforme
à une attente légitime est sanctionnée socialement. Ainsi, en équipant
un inconnu d’un portefeuille de services standards compris par tous, ces
mécanismes conditionnent la réalisation rapide des projets.

L’évaluation des résultats


L’évaluation des résultats se réfère à des objectifs individuels fixés
par l’organisation. Elle suit le schéma de la clarté des rôles définie plus
haut : plus l’évaluation est claire, plus le jugement est objectivé. Ce méca-
nisme aide l’organisation à juger la contribution individuelle de tous les

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Swift trust et équipes temporaires

participants à un projet collectif. L’évaluation des résultats permet in fine


de classer les individus de chaque catégorie pour les comparer sans que la
stimulation produite par cette comparaison ne freine la coopération.
Bien que ces mécanismes soient régulièrement évoqués comme des
antécédents de la swift trust, les travaux précédemment cités se sont
concentrés sur la construction et l’activation de ces mécanismes par le
manager de projet au sein des équipes virtuelles. Si le contexte expéri-
mental de ces études produit des résultats enrichissants, il ne permet pas
de comprendre la manière dont ces mécanismes s’incarnent à l’épreuve de
la réalité et leurs interrelations. L’objet de notre travail est d’approfondir
leur compréhension en explorant la réalité de leur fonctionnement et la
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manière dont ils sont ou non mobilisés dans les cabinets de conseil.
La démarche qualitative et le terrain d’étude sont précisés dans la
partie suivante.

Démarche méthodologique : étude


exploratoire qualitative dans le conseil
Le choix du terrain des cabinets de conseil se justifie au regard de
sa pertinence avec les caractéristiques d’une organisation fonctionnant
sur le principe des équipes temporaires. En effet, les cabinets de conseil,
bien qu’ils présentent une structure permanente, fonctionnent sur la
base d’équipes temporaires dont les caractéristiques sont similaires aux
systèmes définis par Meyerson et al., (1996). Les cabinets de conseil étudiés
proposent des prestations de service auprès de clients exigeant une solu-
tion rapide à un problème souvent mal défini, complexe et urgent, comme
le souligne depuis longtemps la littérature sur le conseil (Villette, 2003).
Dans le cadre de ces projets multiples gérés par un cabinet, l’historique
relationnel et coopératif des consultants intégrés sur ces projets est limité,
tout comme la possibilité de se retrouver à nouveau dans la même équipe,
tandis que l’interdépendance des activités est forte ainsi que l’organisa-
tion des projets, qui se fait de manière consécutive et non routinière.
Compte tenu du manque d’études sur ce terrain et de la rareté des
démarches qualitatives associées à ce sujet, nous avons jugé pertinent le
choix d’une méthodologie qualitative dont le potentiel de découverte est
reconnu. Dans une perspective compréhensive et exploratoire (Dumez,
2013), nous nous sommes appuyés sur l’entretien semi-directif comme
mode de collecte principal. Nous avons mené la recherche auprès de 3

n° 67 – innovations 2022/1 51
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

cabinets judicieusement sélectionnés en fonction de leur similitude sur des


facteurs de contingence clefs (activité, ancienneté et effectif). Ce choix se
justifie pour mener une exploration approfondie de la relation « swift trust
et équipes temporaires » sous la contrainte de profils organisationnels
comparables. Les caractéristiques de la population sont résumées dans le
tableau 1, ainsi que le nombre d’entretiens (39 au total) opérés et leur
répartition dans chaque cabinet.

Tableau 1 – Caractéristiques de la population

Profil cabinet 1 Profil cabinet 2 Profil cabinet 3


Contingence
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Âge + 20 ans +15 ans +15 ans
Activité ressources communication ressources humaines
Effectif humaines et et changements et management
organisation 37 personnes 24 personnes
44 personnes
Échantillon
interrogé
Total 15 13 11
Associé 2 2 2
Manager 4 4 3
Consultant 9 7 6

La population interrogée regroupe des consultants, managers et diri-


geants des 3 cabinets. Il nous a semblé important, dans le cadre de cette
démarche exploratoire, d’interroger tous les profils concourants à la réali-
sation du projet (consultant, manager et associé) et ce pour deux raisons.
Premièrement, ce choix permet de mieux explorer la relation entre les
mécanismes organisationnels de la swift trust et la structuration des
projets. Deuxièmement, il permet de comprendre les effets combinés des
mécanismes sur la gestion de chaque stade du projet. Le guide d’entretien
a été structuré autour des thématiques clés identifiées dans la littérature
sur la swift trust. Toutefois, afin de ne pas biaiser l’entretien en dévoilant
immédiatement la notion de confiance, nous avons choisi d’échanger avec
les répondants sur la base de la dynamique coopérative dans un projet ; la
question de la confiance a émergé plus tardivement, au cours des échanges
à l’occasion de relances sur les relations entretenues entre les membres
de l’équipe projet. Synthétiquement, les principaux thèmes soutenant les
échanges sont les suivants : la structuration et le fonctionnement de l’or-
ganisation, la conduite de projet, les relations personnelles dans l’équipe
et en dehors du projet. Ce qui nous permettait d’explorer également la
place des relations interpersonnelles et de la confiance personnelle dans

52 innovations 2022/1 – n° 67
Swift trust et équipes temporaires

la dynamique du projet, à l’instar des résultats communément admis sur la


trajectoire de la swift trust.
Les entretiens ont tous été réalisés en face-à-face et dans les locaux de
chaque cabinet. Les consultants étant souvent très occupés, la prise de
rendez-vous a été compliquée. Cependant, nous sommes parvenus à inter-
roger la population voulue et à garantir pour chaque entretien une durée
d’échange minimale d’une heure.
Les entretiens, intégralement enregistrés et retranscrits, ont fait l’objet
d’une analyse manuelle de contenu. En appliquant le principe de conden-
sation des données, nous avons procédé en deux temps. La première étape
consiste en plusieurs allers et retours entre la littérature et le terrain dans
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une logique abductive. Le matériel empirique est alors considérablement
réduit et davantage centré sur l’objet de recherche. La deuxième étape
s’inscrit dans une démarche d’abstraction. Les données précédemment
réduites sont codées pour être à nouveau condensées et faciliter davantage
la lecture du matériel empirique. L’analyse peut se centrer plus finement
sur les éléments empiriques significatifs pour comprendre le questionne-
ment théorique initial et produire des résultats originaux. Les analyses et
résultats sont détaillés dans la partie suivante.

Analyse des résultats


Nous présentons d’abord l’analyse des mécanismes de la swift trust tels
qu’ils ressortent de nos entretiens puis leur interrelation. Nos analyses
confirment la réalité de cette swift trust mais également une instrumenta-
lisation consciente de cette forme de confiance par les managers et asso-
ciés de la structure.

Repérage des mécanismes de la swift


trust dans l’organisation temporaire

La réputation
Le conseil est une prestation de service qui le plus souvent résulte
d’un travail en équipe. Généralement, et comme cela se vérifie dans les
cabinets étudiés, le manager du projet compose librement son équipe. Le
consultant ne réalise donc son travail que s’il est sélectionné par le mana-
ger. Un consultant qui n’est pas suffisamment sélectionné risque de ne pas

n° 67 – innovations 2022/1 53
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

pouvoir réaliser ses objectifs individuels5. Ce principe de fonctionnement


place les consultants dans une situation de forte dépendance et favorise
une situation de compétition permanente, comme l’indiquent les verba-
tims des consultants ci-dessous :
« J’ai régulièrement des difficultés pour atteindre mes objectifs. Je
dois rapidement aller démarcher les responsables de projet pour
récupérer des jours ». (Consultant)
« Il y a eu des vraies rivalités, clairement de la violence, pour des
histoires de staffing ». (Consultant)
La réputation est le principal mécanisme de sélection mobilisé par le
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manager. Le consultant doit impérativement se former une bonne réputa-
tion. Celle-ci se construit rapidement, le consultant étant principalement
jugé sur la qualité de ses premières participations à des projets :
« On se retrouve très vite sous les spots, c’est énorme ». (Consultant)
« C’est plus en faisant mes preuves. Ils ont dit : il répond bien, c’est
l’occasion de le mettre sur ce type d’intervention ». (Consultant)
Le consultant doit rapidement démontrer ses capacités à bien répondre
aux attentes du manager. Notamment, de faire du projet sa priorité :
« Nous n’avons pas de problème à mobiliser les troupes lorsqu’on a
une charrette6 ». (Manager)
« On prend beaucoup sur sa vie personnelle. Les missions sont très
intenses ». (Consultant)
« Je sais qu’en cas de problème, le consultant s’implique. Il reste
la nuit s’il le faut ou travaille le week-end. Il s’investira à fond ».
(Manager)
Un consultant qui ne comprend pas cette règle comportementale se
retrouve rapidement sans affectation sur de nouvelles missions. Le mana-
ger a le pouvoir de porter atteinte à la réputation du consultant et d’en
faire la publicité à tous les managers du cabinet comme en témoignent les
verbatim suivants :

5. Dans les cabinets de conseil, il est dit que le consultant est « staffé » par le manager. Le « staffing »
est l’opération par laquelle un manager recrute un consultant sur une mission. L’objectif de staffing est
le nombre de jours d’intervention que le consultant doit facturer aux clients.
6. Charrette, terme employé pour désigner un travail à effectuer de toute urgence et nécessitant de
travailler le soir et le week-end.

54 innovations 2022/1 – n° 67
Swift trust et équipes temporaires

« Un bon consultant n’est jamais disponible, alors qu’un mauvais


ne parvient pas à être staffé ». (Manager)
« Si un consultant n’est pas à la hauteur, qu’il ne me donne pas
satisfaction alors je lui pourris sa réputation ». (Manager)
« Si la personne ne convient pas, ça remontera vite et les gens diront
« je ne veux pas travailler avec elle ». (Manager)
En résumé, la réputation est un mécanisme qui permet au manager de
ne pas se soucier de la personnalité du consultant pour juger sa confiance,
l’essentiel étant que le consultant comprenne rapidement quelle est sa
place dans le projet. La réputation apparaît alors comme un mécanisme
efficace pour deux raisons : premièrement, elle se forme sur un historique
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relationnel très bref et, deuxièmement, sa visibilité participe à renfor-
cer le pouvoir du manager. Dans les cabinets étudiés, la réputation est
tout autant un mécanisme de sélection que de sanction sociale puisqu’il
permet de choisir et de discipliner les consultants. Nous comprenons alors
mieux comment le manager bénéficie de la forte implication du consul-
tant dans le projet sans qu’il lui soit nécessaire de construire une relation
de confiance personnelle.

La clarté des rôles


Elle est un outil sur lequel s’appuient les managers. Le manager est
responsable de la bonne réalisation du projet. En premier lieu, il s’assure
de ne pas déroger aux termes du contrat. Les principales contraintes
concernent la date à laquelle la prestation doit être rendue et le respect
d’un coût prédéfini par avance de la prestation vendue. Ces contraintes
sont particulièrement fortes : ne pas satisfaire à l’une ou l’autre risque
d’affecter significativement soit la réputation commerciale soit la produc-
tivité du cabinet. Le passage de la vente à la production a un donc un
effet particulièrement structurant sur la démarche de la mission. Cela est
d’autant plus vrai que le cabinet répond souvent à un client qui n’hésite
pas à le mettre en concurrence.
« Lorsque que nous signons une affaire, celle-ci est décomposée en
nombre de jours d’intervention dans un délai à ne strictement pas
dépasser ». (Associé)
« Le client ne comprend pas toujours qu’il faudrait prendre plus
de temps ou affecter plus de moyens, mais c’est le client… et il a
toujours le choix d’aller voir ailleurs ». (Associé)

n° 67 – innovations 2022/1 55
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

Le manager compose avec ces contraintes par deux moyens.


Premièrement, il forme une équipe qui répond aux contraintes budgé-
taires établies et, deuxièmement il l’anime de manière à tenir le délai.
Comme nous l’avons vu précédemment, pour trouver les profils appro-
priés le manager recourt au mécanisme de la réputation. Le manager
anime l’équipe en tenant compte de son intégration dans une démarche
structurée où le projet est découpé en plusieurs étapes clairement iden-
tifiables. Ainsi, quel que soit le contenu de la mission, la méthode est
toujours semblable.
« (…) une pré-démarche d’intervention est vendue… ». (Manager)
« Les procédures visant à répondre à une proposition commerciale
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et à gérer une mission ont été mis en place de manière rigoureuse ».
(Associé)
La clarté des rôles l’aidera à répartir rapidement le travail sans que
cette attribution soit discutée dans l’équipe. En effet, la clarté des rôles est
construite par l’organisation pour signifier à chacun de ses membres quelle
est sa place dans la structure grâce à une définition claire des fonctions :
« On a des fonctions qui sont très claires ». (Manager)
« L’équipe se compose de consultants appartenant à des statuts
différents allant d’expert à junior. Chaque statut est associé à des
tâches précises du projet ». (Manager)
Avec la clarté des rôles, les étapes et les activités du projet priment
sur les caractéristiques personnelles. Chacun comprend rapidement ce
qu’il doit faire dans le projet, mais aussi ce que les autres doivent faire.
La clarté des rôles assure une visibilité des actions qui canalise une mise
sous tension de l’équipe durant tout le déroulement de la mission, tout en
conférant de l’autonomie à des personnes jugées rapidement et collective-
ment sur leurs actions. Par ailleurs, la clarté des rôles invite les membres
de l’équipe à ne contacter le manager que pour des demandes en relation
avec la tenue de leur rôle. Le manager répond donc aux attentes d’ajuste-
ment en levant d’éventuelles ambiguïtés grâce à une réponse centrée sur
une meilleure clarification des rôles.

L’évaluation des résultats


Nos entretiens démontrent que le consultant est uniquement jugé sur
ses résultats. Ce jugement se forme rapidement et sans ambiguïté.

56 innovations 2022/1 – n° 67
Swift trust et équipes temporaires

« S’il y en a qui se retrouvent le week-end ou le soir à travailler chez


eux parce qu’ils n’arrivent pas à s’organiser, c’est bien fait pour eux !
On ne regarde que le résultat ! » (Manager)
« L’évaluation de la contribution se fait au travers de chiffres stan-
dards très révélateurs. » (Associé)
L’existence d’une politique d’évaluation claire, simple, rapide et
constante explique cette situation. Elle est claire et simple puisque l’objec-
tif à satisfaire consiste à facturer un maximum de journées d’intervention,
et elle est rapide et constante puisque les dirigeants connaissent l’état au
quotidien de la charge de travail de tous les consultants.
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« Je surveille au jour le jour la charge de tous mes consultants.
Quand j’en surprends un en sous-activité, je descends à l’étage le
voir ». (Associé)
Il convient de préciser que la politique d’évaluation est adossée à une
politique de gestion de carrière particulièrement exigeante. L’évaluation
des résultats ne conduit pas seulement à vérifier si les objectifs sont
atteints, elle facilite également la classification des consultants. À partir
d’un classement des consultants selon ce seul critère des résultats obtenus,
le cabinet repère ceux qui seront aptes à être promus managers. Ce prin-
cipe de sélection est très diffusé dans les cabinets de conseil. Il est nommé
« up or out » pour signifier que seuls les meilleurs méritent de progresser
tandis que les autres doivent partir.
« Celui qui n’a pas de résultat, on ne le regarde pas. On sait que
dans peu de temps il sera ailleurs ». (Consultant)
Le système d’évaluation des résultats exige du consultant qui souhaite
faire carrière dans le conseil de ne jamais relâcher sa forte implication
dans les projets.
« On est évalué en permanence. On est toujours exposé même
lorsqu’on progresse ». (Manager)
« Cela est toujours vérifié quelle que soit son ancienneté : on ne
peut pas justifier de mauvais résultats dans le présent par de bons
résultats dans le passé ». (Associé)
L’évaluation des résultats génère donc une tension suffisamment
forte qu’elle évite l’apparition de problèmes disciplinaires qui oblige-
raient le manager à faire preuve d’autorité dans la conduite du projet.

n° 67 – innovations 2022/1 57
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

Plusieurs échanges insistent sur l’importance de ne pas faire référence à


la hiérarchie :
« Il arrive, mais c’est rare, qu’un consultant ne tienne pas sa place
alors que j’ai pris soin de lui rappeler ce qu’il convenait de faire. La
discussion n’est jamais autoritaire, le consultant doit être respon-
sable. Il se passe alors que je fais en sorte qu’il ne puisse plus remplir
son taux de staffing avec d’autres managers ». (Manager)

La swift trust selon les phases


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de développement du projet
Notre premier résultat vérifie la présence de la swift trust dans les cabi-
nets de conseil. La préférence pour cette forme de confiance en lieu et
place de la confiance personnelle dans la conduite des projets est confir-
mée par une mobilisation significative de ses trois mécanismes organi-
sationnels. Cependant, nous avons procédé à une description de l’usage
de la réputation, de la clarté des rôles et de l’évaluation des résultats sans
nous interroger sur leurs interrelations. Notre second résultat apporte des
précisions à cette question. Nous mettons désormais à jour leurs interrela-
tions significatives en centrant notre analyse selon les moments structu-
rants de la vie des projets évoqués lors des entretiens.

La swift trust avant le démarrage d’un projet :


l’articulation entre la réputation et clarté des rôles
Avant de se lancer dans la phase de production du projet, le mana-
ger compose son équipe. Il n’a pas d’autre choix que d’en sélectionner
les membres en prenant appui sur leur réputation. En procédant de cette
manière, le manager accorde sa confiance aux jugements de tierces
personnes. Cette méthode de sélection est rationnelle puisque le manager
s’appuie sur un jugement collectif dont la construction repose sur des expé-
riences professionnelles passées et similaires au projet qu’il va conduire. Sa
préférence pour sélectionner prioritairement les consultants ayant la meil-
leure réputation confirme qu’il veut agir vite. Il cherche à économiser sur
les moments du projet qui sont susceptibles d’être chronophages, comme
par exemple : le temps dédié à la construction d’un compromis quant
au fonctionnement de l’équipe, ou encore celui relatif aux explications
détaillées des activités de chaque participant. La qualité de la réputation

58 innovations 2022/1 – n° 67
Swift trust et équipes temporaires

fournit au manager une information sur le temps qu’il sera nécessaire de


dégager pour résoudre les futurs problèmes organisationnels et humains
de son projet. Cette information est précise. Comme la réputation porte
sur le jugement d’expériences passées comparables, le manager sait que le
consultant qui a une bonne réputation est une personne qui comprend
rapidement les rôles qu’il doit remplir une fois les grandes lignes du projet
connues. À l’inverse, plus le manager devra travailler avec un consultant
dont la réputation est faible, plus il perdra du temps à expliquer le travail
et à s’assurer de sa bonne réalisation :
« Le consultant qui travaille bien, il sait déjà ce qu’il doit faire. C’est
la situation la plus confortable quand on n’a pas besoin de dire quoi
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faire ». (Manager)
La réputation est un jugement des managers sur la capacité du consul-
tant à tenir ses rôles. La relation entre réputation et clarté des rôles
confirme que la réputation est un mécanisme de sélection rationnel pour
composer les équipes mais aussi pour anticiper la qualité du pilotage du
projet.

La swift trust pendant la conduite du


projet : l’articulation clarté des rôles/
évaluation des résultats
Le manager s’appuie sur la clarté des rôles tout au long du projet. Au
début du projet, ce mécanisme l’aide à répartir rapidement la charge de
travail de toute l’équipe. Ainsi, mieux le manager clarifie les rôles de
l’équipe, plus le consultant identifie rapidement toutes les activités que
chacun doit accomplir. Le consultant sollicite éventuellement le manager
pour avoir des précisions concernant ses rôles pour s’ajuster au mieux aux
spécificités du projet. Normalement, ces temps de discussion sont souvent
très courts puisque chacun sait dans les grandes lignes ce qu’il doit faire
et qu’il dispose de l’autonomie nécessaire pour travailler. Le consultant
qui prend le risque de ne pas faire ce qu’on attend de lui, mais aussi de
trop solliciter le manager sur les conditions de son travail démontre son
incapacité à comprendre la place qu’il occupe :
« La difficulté qui règne c’est la gestion du temps (…), vous vous
dites : « mais est-ce que je ne vais pas aller monopoliser l’autre,
n’est-ce pas un manque d’autonomie ? ». (Consultant)

n° 67 – innovations 2022/1 59
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

La clarté des rôles donne du sens à deux niveaux : le consultant


comprend sa contribution, mais également celles de toute l’équipe. Cette
référence commune conditionne l’agir en commun d’individus qui ne se
connaissent pas personnellement.
Pendant le déroulement du projet, le manager pilote en temps réel
le projet. Avec la clarté des rôles, il est facile de vérifier si les activités
confiées à chaque consultant sont bien satisfaites. Il lui suffit de demander
au consultant de faire un point sur sa situation de travail. Le manager
peut également être directement informé par l’équipe qu’un des membres
ne satisfait pas à ses attentes. En définitive, la clarté des rôles conditionne
une évaluation des résultats particulièrement étroite de toute l’équipe sur
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toutes les étapes du projet. À la fin du projet, le consultant qui a satisfait
efficacement à ses rôles par une évaluation objective de ses résultats sur
toutes les étapes du projet, peut enfin confirmer que toutes ses actions
justifient la confiance qui lui a été accordée ex ante7.

La swift trust après le projet : l’affectation


sur d’autres projets, ou la relation
réputation / évaluation des résultats
La réputation permet au manager de diffuser son jugement sur la qualité
du travail du consultant à toute l’organisation. Comme nous l’avons vu,
cette diffusion du jugement est particulièrement utile pour aider les autres
managers à composer leur équipe. Plus la réputation d’un consultant sera
solide, plus son recrutement sur de futurs projets sera rapide. Quelques
consultants parviennent même à tirer la situation à leur avantage en choi-
sissant les missions sur lesquelles ils souhaitent travailler :
« Un bon consultant n’a jamais de problème de sous-activité ».
(Associé)
« Il arrive qu’on se batte pour avoir le consultant qu’on veut ».
(Manager)
« Quand je suis en sous-activité, c’est la panique. Je dois aller frap-
per à toutes les portes ». (Consultant)

7. Précisons que si l’évaluation des résultats sur le dernier projet est supérieure aux anticipations
fondées sur la réputation, le consultant a des chances d’améliorer sa réputation. Dans ce cas, l’évalua-
tion des résultats agit comme un antécédent de la réputation. Cependant, cette situation est rarement
observée.

60 innovations 2022/1 – n° 67
Swift trust et équipes temporaires

À l’inverse, la diffusion d’un jugement négatif posera très rapidement


problème au consultant. Comme l’expliquent unanimement les acteurs,
être l’objet « d’un second choix » le mettra en difficulté pour répondre à
la forte exigence de l’évaluation des résultats. Ajoutons que s’il parvient
à atteindre les résultats attendus, sa situation peut rester délicate malgré
tout. En effet, la réalisation des résultats sera toujours rapportée à celle des
autres consultants. Comme l’évaluation des résultats se résume à la quan-
tité de jours facturés, sa mesure aboutit à un classement objectif et rapide
des consultants dès le projet clôturé. Ainsi, la carrière du consultant s’en-
gage fortement dès ses premières participations à des projets. La réputation
agit alors comme un mécanisme qui amplifie la pression qu’exerce l’éva-
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luation des résultats.
En résumé, les consultants qui ont les résultats les mieux évalués (après
le projet) sont ceux qui ont la meilleure réputation et qui seront les plus
sollicités par les managers (avant le projet) parce que leur réussite passée
indique qu’ils comprennent mieux que les autres les rôles à tenir (pendant
le projet). L’ensemble de ces éléments structure une dynamique collabora-
tive efficace au sein d’une équipe où il n’y a pas nécessité que la confiance
personnelle soit présente. L’articulation de ces mécanismes est représentée
dans la figure suivante.

Figure 1 – Mécanismes producteurs de la swift trust au cours d’un projet

Dans la partie suivante, nous discutons de de l’articulation confiance


personnelle/swift trust puis de son lien avec l’innovation.

n° 67 – innovations 2022/1 61
Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

Discussion : swift trust,


confiance personnelle et
management de l’innovation
Nos deux résultats se complètent et mettent à jour la mobilisation de
la swift trust comme forme de confiance privilégiée pour assurer la coopé-
ration pendant toutes les étapes du projet dans les équipes temporaires. Ils
soulignent également que les cabinets de conseil participent activement à
structurer les usages de la swift trust sur le projet pour qu’il soit conduit le
plus rapidement possible.
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Nos résultats apportent une confirmation empirique à la lecture analy-
tique de la confiance dans les équipes temporaires initialement proposée
dans l’article de Meyerson et al. (1996). Les résultats ajoutent également
une contribution supplémentaire aux travaux empiriques existants sur la
swift trust. Ils répondent ainsi à l’appel de plusieurs chercheurs pour amélio-
rer la connaissance de la swift trust (Crisp, Jarvenpaa, 2013 ; Blomqvist,
Cook, 2018), et en particulier dans les nouveaux contextes organisation-
nels où les équipes temporaires deviennent un mode d’organisation de
plus en plus commun.
Nous espérons que cette contribution soit jugée comme significative
puisque le contexte organisationnel de notre étude n’a jamais fait l’objet
d’une observation empirique appuyée sur ce sujet, alors même qu’il est
particulièrement adapté à une compréhension approfondie de cette forme
de confiance. En effet, ce terrain nous a permis de détailler comment les
trois mécanismes fondamentaux de la swift trust (réputation, clarté des
rôles et évaluation des résultats) participent à la formation d’une percep-
tion collective partagée. Or, une analyse approfondie des mécanismes est
nécessaire pour comprendre comment le partage de la perception collec-
tive imprègne toutes les actions avant que le projet ne démarre. Nos résul-
tats confirment ce point fondamental.
Ils l’enrichissent également. La description précise des usages des
mécanismes sur les trois stades du projet révèle que la perception collec-
tive imprègne aussi les actions pendant toute la réalisation du projet. La
référence à la confiance personnelle n’est pas absente des discours des
managers interrogés. Cependant, l’analyse démontre qu’ils ne la jugent
pas comme essentielle pour gérer leur équipe. Ce comportement contre-
dit un point théorique défendu par l’approche considérant que la swift
trust est une forme fragile qui se doit d’être remplacée par la confiance

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Swift trust et équipes temporaires

personnelle une fois le projet démarré (Robert et al., 2009 ; Hung et al.,
2004 ; Blomqvist, Cook, 2018).
Ainsi, nos résultats provisoires, qui ne sont pas en ligne avec cette
thèse, invitent à réfléchir à une lecture alternative pour comprendre la
dynamique de la swift trust. Ils conduisent in fine à interroger le rôle de la
swift trust pour manager l’innovation dans les cabinets de conseils et plus
largement dans les formes organisationnelles comparables.
Premièrement, cette lecture alternative confirme que la confiance
personnelle n’assure toujours qu’un rôle très secondaire dans le fonction-
nement des projets, notamment par sa faible contribution à l’efficacité du
travail en équipe. En effet, les consultants sont régulièrement affectés sur
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des projets dont la configuration toujours différente en termes de nature,
taille, composition ou encore pilotage, les dissuadent de s’engager dans
des relations de confiance personnelle -tout du moins d’un point de vue
rationnel8. Certes, il arrive que des membres du projet aient déjà travaillé
ensemble par le passé. Le plus souvent, c’est le cas lorsqu’un manager gère
de nombreux projets simultanément et/ou des projets de courte durée. Une
relation de confiance personnelle a alors pu s’établir. Mais cette relation
demeure secondaire au regard de son efficacité dans le fonctionnement
de l’équipe. La contrainte du temps exercée sur le projet étant particuliè-
rement forte, une atmosphère « d’urgence » règne et exerce une pression
constante à l’action. Pour agir vite, le consultant est invité à faire preuve
d’initiative pour préférer une solution autonome à une discussion coûteuse
en temps avec son manager. L’usage de la confiance personnelle reste un
calcul non rationnellement justifié.
Selon nous, l’inefficacité de la confiance personnelle dans le fonction-
nement des équipes temporaires étudiées justifie l’usage privilégié et répété
de la swift trust par tous les membres de l’équipe, et ce pour organiser
individuellement leur activité et coordonner collectivement les actions.
La swift trust n’est donc pas, dans le contexte organisationnel particu-
lier observé, une confiance fragile. À l’inverse, les relations personnelles,
quand elles existent, prennent davantage la forme de relations éphémères.
Dans cette perspective, le premier élément de la vision alternative
proposée consiste à poser la stabilité de la swift trust dans le fonctionne-
ment des équipes temporaires comme hypothèse de départ. En procédant
ainsi, ce cadrage facilite l’application de la recommandation de Meyerson

8. Il est fréquent pour le consultant de n’avoir que très peu de connaissance sur la personnalité des
consultants et/ou manager avec lesquels il va travailler sur de nouveaux projets.

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Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

et al. (1996) selon laquelle il faut éviter de tomber dans le piège d’une
lecture trop rapidement centrée sur les conditions de la confiance person-
nelle dans le fonctionnement de l’équipe pour préférer porter le regard sur
le rôle des actions dans la formation et le maintien de la swift trust.
Deuxièmement, la relation particulière entre swift trust et forme
personnelle de la confiance observée interroge le management de l’inno-
vation dans les équipes temporaires sous un nouveau jour.
Prise plus globalement, notre analyse participe à mieux comprendre
comment des organisations qualifiées « d’intenses en connaissance »,
par référence à leur expertise métier et à leur personnel très qualifié,
présentent un potentiel d’innovation limité. En dissuadant les acteurs de
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s’engager dans des relations de confiance personnalisées, le recours prédo-
minant à la swift trust est nuisible pour manager efficacement l’innova-
tion. En effet, le rôle des relations de confiance personnelle construites
par le manager dans la gestion efficace de l’innovation est clairement
établi depuis au moins la fin du XXe siècle (Adler, 2001). Récemment,
Aubouin et Capdevila (2019) confirment que réunir des collaborateurs
dans un espace spécialement dédié à l’innovation ne suffit pas pour qu’ils
innovent, il faut d’abord que le manager favorise le recours à la confiance
personnelle pour que l’innovation soit gérée efficacement : si de bonnes
conditions pour coopérer ne sont pas réunies, alors l’innovation n’aura
pas lieu.
Une question se pose : comment une organisation peut-elle bénéficier
des avantages de la swift trust et manager efficacement l’innovation ? Pour
y répondre positivement, revenons sur l’articulation swift trust / confiance
personnelle à l’appui de la lecture analytique de la confiance proposée par
Adler (2001).
Pour Adler (2001), une nouvelle forme de confiance plus moderne,
« réflective » c’est-à-dire reposant sur des éléments objectifs et non sur les
sources affectives traditionnelles de la confiance, est indispensable pour
manager l’innovation dans les environnements concurrentiels actuels. La
confiance réflective autorise un management des relations sociales plus
efficace grâce à une plus grande fluidité des échanges de savoirs tacites
essentiels à la production rapide d’innovations plus complexes.
La confiance réflective repose sur une base strictement cognitive via
la mobilisation de normes de management rationnelles et partagées. Elle
opère à deux niveaux : collectif et personnel. Sur le plan personnel, elle est
efficace pour gérer les relations hiérarchiques. Le manager construit une
relation de confiance avec ses collaborateurs en adoptant principalement

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Swift trust et équipes temporaires

une attitude d’ouverture, d’écoute et de tolérance. Le manager développe


la confiance par une mobilisation rationnelle de la confiance personnelle
pour renforcer l’efficacité de l’équipe. La formation de la confiance repose
uniquement sur la compétence et l’intégrité du manager ; pour rester
rationnelle, la confiance ne doit pas se former sur l’affectif. Sur le plan
collectif, les fondements sont les mêmes. La qualité de la communication
est essentielle pour former une confiance réflective qui sera partagée par
tous. La qualité du dialogue, aussi valorisée par une attitude d’ouverture
et d’écoute, incite chacun à faire rationnellement confiance aux autres
puisqu’une évaluation suffisamment précise de leur compétence et de leur
intégrité est autorisée.
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La confiance réflective présente néanmoins l’inconvénient de prendre
du temps pour que son développement soit efficace. Mais à l’inverse des
formes traditionnelles, elle est davantage compatible avec la swift trust
puisqu’elle canalise de manière dépersonnalisée et rationnelle les compor-
tements en conditionnant les actions à des normes (les valeurs construites
et partagées par tous). Une articulation entre ces deux formes semble
une solution pertinente pour que l’organisation bénéficie des avantages
associés à l’usage d’une nouvelle forme de confiance mieux adaptée aux
exigences actuelles du management de l’innovation. Ainsi la complémen-
tarité pourrait s’opérer de la manière suivante : la swift trust répond au
besoin d’un usage rapide de la confiance tandis que la confiance réflective
répond à celui d’un usage plus efficace.

Conclusion
La revue de littérature sur la swift trust et l’application d’une démarche
qualitative exploratoire à une forme organisationnelle représentative du
fonctionnement en équipes temporaires ont permis d’améliorer notre
compréhension des usages de cette forme de confiance dépersonnalisée.
Nous avons également centré notre analyse et discussion sur les principaux
mécanismes producteurs de la swift trust pour que les résultats donnent
des éléments de réponse à cet aspect sous-théorisé de la littérature.
Cependant, compte tenu du caractère exploratoire de notre travail,
l’étude comporte des limites qui peuvent ouvrir plusieurs pistes de
recherches futures. Premièrement, l’accent sur les mécanismes producteurs
de confiance identifiés dans les cabinets de conseil devrait être davan-
tage mis en relation avec les mécanismes de socialisation particuliers à

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Frédéric Bornarel, Sandrine Virgili

ces contextes. Ceci permettrait de mieux comprendre l’acceptation et


la connaissance partagée a priori des mécanismes organisationnels de la
swift trust par les membres de l’équipe.
Deuxièmement, bien que nous évoquions la présence de la confiance
rapide à travers les mécanismes qui la soutiennent tout au long du projet,
notre étude n’est pas longitudinale et ne s’appuie que sur le discours des
répondants. Le recours aux entretiens ne permet pas de restituer toute la
complexité du phénomène. Une méthode par observation permettrait, de
manière complémentaire, de mieux percevoir la dynamique de construc-
tion et d’évolution de la swift trust. En examinant des situations variées,
voire problématique, des projets et leurs processus de résolution (Journé,
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2005) nous pourrions vérifier la prédominance de la swift trust sur la
confiance personnelle. En effet, quels que soient les niveaux de confiance
évoqués, elle reste produite par et dans les interactions quotidiennes. Il
s’agit donc d’un processus social dynamique, évolutif et complexe que des
méthodes de type ethnographique sont mieux à même de saisir. Une voie
de recherche à développer devrait s’attacher justement à étudier la dyna-
mique possible entre la swift trust et la confiance personnelle en plaçant
davantage l’observation sur le regard des consultants vis-à-vis du compor-
tement de leur manager pour approfondir la thèse de la non substitution
des formes de confiance que nous défendons. Selon nous, les deux formes
peuvent coexister et il est probable que tandis que l’attention des mana-
gers porte sur l’instrumentalisation d’une confiance rapide, les consul-
tants soient plus attentifs à tenter de nouer des relations plus personnali-
sées avec leurs managers. Ce qui pose la question d’une asymétrie dans les
formes de confiance. Enfin une extension à des contextes organisation-
nels temporaires plus innovants serait utile pour approfondir le lien swift
trust/ innovation.

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