Inno 072 0275

Paul Bouvier-Patron (2022), Innovation frugale et création
innovante, Smart Innovation, Londres, ISTE Ed., 340 p.

Son Thi Kim Le
Dans Innovations 2023/3 (N° 72), pages 275 à 279
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807380188
DOI 10.3917/inno.072.0275
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
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À PROPOS…
Paul Bouvier-Patron (2022), Innovation frugale et
création innovante, Smart Innovation, Londres, ISTE
Ed., 340 p.
Des approches plus sobres et durables de la production et de la consom-
mation ont été largement prises en compte et ont facilité l’évolution des
recherches dans le domaine de la science frugale. L’innovation frugale
représente une opportunité dans une société moderne, soumise à une
pression constante sur les ressources, de répondre aux besoins locaux avec
des solutions simples, peu coûteuses et ingénieuses. L’innovation frugale
ne doit pas se limiter à des aspects purement technologiques, mais doit
également comporter des aspects socio-économiques et politiques. En
particulier, l’innovation frugale peut se référer à son utilité (en satisfaisant
les besoins essentiels des communautés et des individus), à sa convivialité
(en termes de faible coût et de solutions simples) et à sa durabilité (en
réduisant les impacts environnementaux et sociaux de la solution tech-
nique, l’éco-conception, la frugalité des ressources nécessaires, la robus-
tesse et le recyclage). En considérant ces facettes de l’innovation frugale,
cette approche innovante peut-elle être une solution respectueuse de
l’environnement naturel à faible coût, voire se substituer à l’innovation
technologique à coût élevé ? Les sept chapitres du livre Innovation Frugale
et Création Innovante de Paul Bouvier-Patron s’attachent à trouver les
réponses à cette question.
Tout d’abord, en passant en revue les défis des entreprises en matière
de respect de l’environnement naturel, le chapitre 1 commence par expli-
quer en détail le concept et les catégories de bien privé positif (BPP) et
confirme ensuite que l’environnement naturel ne peut être préservé en
maintenant les règles actuelles de prise de décision économique. Au
lieu de cela, en s’appuyant sur une approche conséquentialiste, l’auteur
montre qu’un bien privé innovant pourrait être en mesure de surmonter
les externalités négatives préjudiciables à l’environnement naturel, non
pas en réparant ou en compensant ex post, mais en anticipant ex ante.
Cela signifie qu’il serait préférable de prendre en compte, ex ante, dès le
stade de la conception, les conséquences prévisibles (en termes d’exter-
nalités négatives) de la production et/ou de l’utilisation d’un bien sur
l’environnement naturel. Par conséquent, le bricolage et l’improvisation
s’inscrivent dans une approche conséquentialiste en raison de leur nature
n° 72 – innovations 2023/3 275

À propos
qui consiste à faire avec les ressources disponibles, à trouver des solutions
astucieuses (dans un temps donné ou non) et démontrent ainsi la capacité
à maîtriser les matériaux et les outils et à réduire les éventuels déchets et
débris ainsi qu’à éliminer tout impact négatif sur l’environnement natu-
rel. La démarche pour y parvenir doit mobiliser un niveau de technologie
satisfaisant.
Concernant le choix des technologies de fabrication, d’utilisation et de
recyclage adaptées à l’objectif de respect de l’environnement naturel, cet
ouvrage souligne l’importance d’identifier le bon niveau technologique.
Le chapitre 2 présente donc le modèle des FabLabs comme une combinai-
son d’organisation technologique et de frugalité. En particulier, l’auteur
introduit d’abord le réseau d’entreprises comme une forme d’organisation
industrielle contemporaine, puis présente le modèle des FabLabs. Les
FabLabs sont des espaces de création collaborative ouverts à tous à priori,
offrant la possibilité de créer des objets par le design puis par la production
numérique grâce au partage des connaissances et des compétences pour
passer rapidement du concept au prototype et puis à l’unité du développe-
ment. En comparant les FabLabs aux réseaux d’entreprises industrielles,
l’auteur cherche à répondre à la question : les FabLabs pourraient-ils être
une forme hétérogène ou un renforcement des formes de réseaux ? En
effet, les FabLabs peuvent être un nouvel appendice potentiel des réseaux
d’entreprises (via les technologies de l’information et de la communica-
tion et la technologie numérique ; y compris dans son extension virtuelle)
qui permettent d’accroître la compétence collective tout en réduisant les
coûts de conception et de prototypage et donc de générer une création de
valeur décisive afin de créer et de maintenir un avantage concurrentiel.
Le développement des FabLabs est donc crucial au niveau individuel et
sociétal.
L’innovation s’affirme comme un processus collaboratif et ouvert dès la
phase de conception. Compte tenu du rôle déterminant des communau-
tés dans la création et la conception de l’innovation, la combinaison des
technologies de l’information et de la communication et de la technologie
numérique s’accompagne d’une nouvelle façon d’innover par la commu-
nautarisation de l’innovation en amont (communauté de pratique) et
en aval (communauté d’usage) comme expliqué dans les chapitres 3 et
4. Le chapitre 3 examine l’orientation technologique en se penchant sur
la communautarisation de l’innovation (en amont par les communau-
tés de pratique ; en aval par les communautés d’usage). En particulier, ce
chapitre résume d’abord la forte interaction entre les réseaux, l’écosystème
276 innovations 2023/3 – n° 72

À propos
commercial et les communautés d’innovation pour produire de nouveaux

produits, puis discute du lien entre les communautés d’innovation, les
lieux technologiques et les réseaux inter-organisationnels représentés
dans la pratique. Ce chapitre conclut donc que la communautarisation
permet d’innover à moindre coût et de créer de la valeur par l’usage.
Sans contester l’importance de la technologie et de ses progrès (y
compris l’intelligence artificielle – IA), il est nécessaire ici de clarifier les
conséquences de l’excès technologique en pratique avec les contraintes
sociales, sanitaires et environnementales dans un univers aux ressources
limitées. Le chapitre 4 examine les raisons de l’excès technologique et ses
conséquences. En particulier, ce chapitre est une étude exploratoire sur
les mutations en cours concernant les communautés virtuelles d’usage.
Ainsi, l’auteur analyse le processus de branding qui se développe grâce aux
outils technologiques numériques, tels que le techno-marketing et plus
loin, avec le soutien de l’IA. L’IA ouvre également un large éventail de
nouvelles opportunités pour le marketing, comme l’influenceur virtuel.
Le développement de l’approche techno-marketing ainsi que des objets
complémentaires liés à l’univers d’une marque (par exemple, l’écosys-
tème Apple) sont tous en lien avec les réseaux sociaux qui structurent
aujourd’hui la vie sociale technologique. Enfin, le chapitre 4 conclut que
plus la technologie structure la vie sociale, plus on assiste à des appropria-
tions et/ou des détournements (d’abord par les hackers puis par les geeks) et
affirme que le bricolage et l’improvisation sont des ressources clés qui se
manifestent à la fois au niveau de la création et au niveau de l’utilisation.
Cette réalité nous amène à plaider pour un modèle contradictoire suscep-
tible d’intégrer la contrainte du respect de l’environnement naturel tout
en remettant la technologie à sa place (c’est-à-dire comme un moyen et
non comme une fin en soi, ou comme un possible outil d’asservissement).
Après avoir examiné l’excès de technologie utilisée, le chapitre 5 se
concentre sur différents aspects : la frugalité et l’innovation frugale. Ce
chapitre présente une vue d’ensemble de l’innovation frugale, y compris
sa contextualisation, sa définition et sa place conceptuelle. L’innovation
frugale peut être un outil efficace pour les entreprises occidentales afin
de répondre au défi concurrentiel de la mondialisation en réduisant le
coût de l’innovation. Cependant, en se basant sur cette approche concep-
tuelle de l’innovation frugale, l’auteur indique que l’innovation frugale
néglige quelque peu l’environnement naturel car la frugalité en elle-même
ne conduit pas intrinsèquement à la prise en compte de l’environne-
ment naturel. Par conséquent, la frugalité n’est pas suffisante pour établir

À propos
une approche d’innovation alternative, surtout lorsque l’alternative doit

considérer et intégrer l’aspect écologique, c’est-à-dire considérer le respect
de l’environnement naturel. En conséquence, le concept d’innovation
frugale environnementale se positionne comme une alternative qui prend
en compte la protection de l’environnement naturel sans s’orienter aveu-
glément vers la sophistication occidentale de l’innovation. Ce chapitre
distingue également l’innovation frugale environnementale de l’innova-
tion frugale et de l’innovation environnementale. L’innovation environ-
nementale implique souvent une haute technologie et donc un coût élevé,
tandis que l’innovation environnementale frugale induit moins de sophis-
tication tout en préservant l’environnement naturel.
L’innovation frugale environnementale a été expliquée au chapitre 6
comme une innovation environnementale spécifique qui représente un
degré technologique satisfaisant car elle est adaptée à l’innovation respec-
tant l’environnement naturel. Le chapitre 6 vise principalement à posi-
tionner et à explorer l’innovation frugale environnementale par rapport
à l’innovation environnementale. Pour ce faire, l’auteur souligne l’impor-
tance de la proactivité et de la créativité dans le cadre de l’innovation
environnementale. Ensuite, les types d’acteurs et la diffusion de l’inno-
vation environnementale ont été étudiés. A partir de la base concep-
tuelle de l’innovation environnementale, ce chapitre présente plusieurs
solutions stratégiques pour l’innovation. Plus particulièrement, un choix
stratégique fondamental doit être fait entre la logique préventive ex ante
et la logique curative ex post. Dans la logique préventive, l’auteur continue
de soutenir que l’innovation peut être utilisée pour minimiser ou éliminer
les externalités négatives sur l’environnement naturel dès le stade de la
conception par un degré variable de sophistication : de la sophistication
maximale dans une logique technologique à une approche pragmatique
frugale et à une innovation frugale environnementale.
Prenant en compte l’aspect du respect de l’environnement naturel,
l’innovation environnementale et l’innovation frugale environnementale
peuvent être représentatives de deux approches opposées : la sophistica-
tion et la frugalité. Cependant, quel que soit le type d’innovation (haute
ou basse technologie, en amont ou en aval, individuelle ou collective),
tout dépend de deux facteurs clés dans la dynamique de la création inno-
vante : le bricolage et l’improvisation. Pour comprendre le processus vers
l’innovation frugale environnementale, le chapitre 7 fournit un résumé du
concept, de la logique et de l’application actuelle du bricolage. À partir de
cette analyse, l’auteur indique que le bricolage peut être considéré comme
278 innovations 2023/3 – n° 72

À propos
un mécanisme clé de la création innovante en analysant sa relation avec

l’improvisation et l’innovation frugale. Par la suite, ce chapitre propose
une carte conceptuelle qui permet d’ouvrir des perspectives de recherche
théorique et appliquée concernant la dynamique de la création innovante
et de l’innovation frugale environnementale. Dans cette carte concep-
tuelle, en fonction de l’existence de ressources actuelles par rapport à de
nouvelles ressources et d’un contexte de rareté élevée ou faible, le brico-
lage et l’improvisation s’exprimeront, en tant que porteurs d’innovations,
selon le niveau de créativité : de l’incrémentale à la radicale. De ce résul-
tat, on pourrait conclure que dans un contexte frugal, le bricolage et/ou
l’improvisation sont des pratiques utilisées parce qu’elles sont particulière-
ment adaptées pour réduire/éliminer tout impact négatif sur l’environne-
ment naturel. L’enjeu est de rechercher un niveau technologique satisfai-
sant qui s’inscrive dans une approche conséquentialiste conduisant à une
innovation frugale environnementale.
Son Thi Kim LE
ISI/Research Unit on Industry and Innovation
Université du Littoral Côte d’Opale, France
sontk.le@univ-littoral.fr

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