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La co-création de valeur dans un projet d’innovation

collaboratif : un cas de transition vers l’économie circulaire


Jean-Claude Boldrini
Dans Innovations 2018/1 (N° 55), pages 143 à 171
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807391857
DOI 10.3917/inno.pr1.0028
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 02/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.27.60.162)

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LA CO-CRÉATION DE VALEUR
DANS UN PROJET D’INNOVATION
COLLABORATIF : UN CAS
DE TRANSITION VERS
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE 1
Jean-Claude BOLDRINI
Université de Nantes – IAE Nantes
Institut d’Économie et de Management
jean-claude.boldrini@univ-nantes.fr

RÉSUMÉ
Les projets d’innovation collaboratifs se sont fortement développés depuis vingt ans.
Malgré cela les processus à l’œuvre pour co-créer de la valeur restent mal connus. Il en
est de même des relations qui permettent à leurs acteurs de faire émerger progressivement
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cette valeur. Cet article vise à apporter des réponses à ces questions à travers l’étude d’un
projet de transition vers l’économie circulaire. Notre participation observante au sein d’un
projet collaboratif de recyclage de films plastiques maraîchers usagés nous permet d’appor-
ter plusieurs contributions. Tout d’abord, nous montrons l’intérêt de relier les dimensions
relationnelle et cognitive de la co-création de valeur pour mieux comprendre l’émergence
de celle-ci dans un projet d’innovation collaboratif. Ensuite, nous proposons un modèle
générique de processus de co-création de valeur, en montrant comment des acteurs par-
tagent des ressources pour élaborer des résultats intermédiaires porteurs de valeur. Enfin,
nous présentons une typologie des résultats possibles de la co-création.
Mots-clés : Co-création de valeur, Processus, Projets collaboratifs, Conception innovante,
Service-Dominant Logic, Économie circulaire
Codes JEL : O32, O33, L20

1. Cet article est une version révisée et complétée d’une communication proposée à la
2nde journée de l’innovation Abbé Grégoire, au CNAM Paris, le 28 mars 2017.

article en prépublication – innovations 2017 I


Jean-Claude Boldrini

ABSTRACT
The Value Co-Creation in a Collaborative Project of Innovation:
A Case of Transition towards Circular Economy
The collaborative projects of innovation have been strongly developed for twenty years.
Despite this, the processes operating to co-create value remain poorly understood. The
same applies for the relationships that allow their actors to make emerge progressively
this value. This article aims at providing answers to these questions by studying a project
driving transition towards the circular economy. My participation in a collaborative pro-
ject, dedicated to recycle used garden market plastic films, allows me to provide several
inputs. Firstly, I emphasize the importance of linking the relational and cognitive dimen-
sions of value co-creation in order to better track its emergence during a collaborative
project. Secondly, I propose a generic model of value co-creation process and I demonstrate
how actors share resources in order to develop promising intermediary outcomes. Thirdly,
I present a typology of possible value co-creation results.
Keywords: Value Co-Creation, Process, Collaborative Projects, Innovative Design, Service-
Dominant Logic, Circular Economy
JEL Codes: O32, O33, L20

« La stratégie est l’art de créer de la valeur » écrivaient Normann et Ramírez


(1993, p. 65). Cet énoncé, simple dans son expression, est difficile à opéra-
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tionnaliser tant la notion de valeur est polysémique et soumise aux contro-
verses (cf. Bréchet, Desreumaux, 1998 ; Lindgreen et al., 2012 ; Ramírez,
1999 ; Ueda et al., 2009 ; Vargo et al., 2008).
Dans la production de biens et de services 2, c’était traditionnellement le
fournisseur qui était considéré être le créateur de valeur, au bénéfice du client,
à travers les activités réalisées le long d’une chaîne dite de valeur (Porter,
1982). Ce postulat, fondé sur un client 3 supposé passif, a fait long feu depuis
qu’il a été observé que le consommateur pouvait également être créateur
de valeur (Lindgreen et al., 2012 ; Prahalad, Ramaswamy, 2004 ; Ramírez,
1999). C’est le cas du prosommateur 4 (Toffler, 1980) qui, en se profession-
nalisant, prolonge l’action de l’entreprise, celui du client qui fait un usage
inédit et créatif du produit acheté (détournement, extension, adaptation…)

2. Dans la suite du texte, le terme produit sera utilisé comme terme générique pour désigner
aussi bien un produit, tangible ou immatériel, qu’un service.
3. Les termes étant variés, dans la littérature, nous utiliserons les mots client, consommateur,
utilisateur et usager de manière interchangeable, par opposition à producteur ou fournisseur.
4. Producteur-consommateur, néologisme qui traduit le terme prosumer, contraction de produ-
cer-consumer.

II innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

(Akrich, 2006) ou encore de l’utilisateur pionnier d’une innovation (von


Hippel, 1986). On comprend donc l’intérêt d’un rapprochement précoce
entre producteurs et utilisateurs actifs et imaginatifs pour co-créer plus, ou
mieux, de valeur, dès les phases de conception d’un produit, à un moment où
les choix sont encore très ouverts (Nahuis et al., 2012).
L’activité de conception est par nature collective car elle nécessite, face
à un problème de départ généralement large et peu circonscrit, une pluralité
de compétences qu’une personne seule ne peut plus posséder (de Terssac,
Friedberg, 1996 ; Perrin, 2001). L’accélération du rythme des innovations,
à partir des années 1990, a entraîné un développement massif des activités
de conception auquel les bureaux d’études ne pouvaient plus répondre. Face
à ces difficultés, des collectifs ont été formés avec des acteurs hétérogènes
(clients, fournisseurs, usagers…) dépassant les frontières de l’entreprise
(co-conception) (Midler, 2001). Ces acteurs, rassemblés physiquement et de
manière précoce sur un même plateau-projet (co-location) (Midler, 1993)
n’intervenaient plus séquentiellement mais simultanément ce qui facilitait
l’apprentissage collectif et les compromis entre des logiques parfois anta-
gonistes (concourance) (Navarre, 1992). Progressivement, la palette des
dispositifs inter-organisationnels conçus pour innover s’est élargie : projets
collaboratifs, réseaux, partenariats de R&D, innovation ouverte, concours
d’innovation en ligne (Barringer, Harrison, 2000 ; Chesbrough, 2003 ;
Gebauer et al., 2013 ; Hagedoorn, 2002 ; Powell et al., 1996).
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Le point commun de ces dispositifs était de co-créer de la valeur en ras-
semblant des parties prenantes variées dès l’amont des projets d’innovation.
La littérature sur ces dispositifs a souligné, en forgeant des termes à partir du
préfixe « co », l’importance de la dimension collaborative mais elle ne pré-
cise pas ce que recouvrent exactement ces notions en termes de démarches,
de relations entre les acteurs ou d’intensité de la collaboration. En effet, au
départ, l’objet de leur coopération est vague, le problème est mal posé, les
connaissances sont lacunaires, les spécifications du produit ne sont pas défi-
nies, les futurs clients ne sont pas identifiés, etc. L’appréciation du potentiel
des idées initiales est donc difficile et les intérêts à coopérer sont mal cer-
nés (Segrestin, 2006). Des réponses méthodologiques et organisationnelles
ont été apportées à l’instabilité de ces collectifs. Elles vont de la sélection
du périmètre d’exploration jusqu’au prototypage des concepts prometteurs
(Hatchuel et al., 2009 ; Gillier et al., 2010 ; Agogué et al., 2013 ; Boldrini,
Schieb-Bienfait, 2016). Malgré ces avancées, les modalités d’émergence de la
valeur, dans ces collectifs, restent mal connues. Les processus à l’œuvre dans
l’« innovation en train de se faire » (Bertheau, Garel, 2015, p. 15) demandent
encore à être élucidés même si la boîte noire de la co-création de valeur a
été entrouverte et théorisée par le marketing, notamment de services (Frow

article en prépublication – innovations 2017 III


Jean-Claude Boldrini

et al., 2016 ; Reypens et al., 2016 ; Vargo et al., 2008). Dans le prolongement
de ces travaux, cet article va s’attacher à décrypter, au cours d’un projet
d’innovation collaboratif, les processus de co-création de la valeur et à en
représenter la genèse. Il vise à comprendre comment des acteurs, qui ne se
connaissaient pas nécessairement auparavant, peuvent progressivement par-
tager des connaissances et combiner des ressources et des compétences pour
parvenir à innover ensemble.
Les projets de transition vers l’économie circulaire présentent une acuité
particulière à ce titre et n’ont pas encore été étudiés, à notre connaissance,
sous cet angle. L’économie circulaire, fondée sur une utilisation en boucles
des matières et des produits, a pour objectif de réduire les flux des énergies
et des matières (Le Moigne, 2014 ; Ghisellini et al., 2016) afin de préserver
la biosphère et d’en maintenir la viabilité. Ses principes impactent les méca-
nismes de la co-création de valeur à plusieurs niveaux : intégration d’attri-
buts de valeur environnementaux et sociaux dans la conception des produits,
extension du rôle et de la responsabilité des concepteurs sur l’ensemble du
cycle de vie du produit (Manzini, Vezzoli, 2003 ; Maxwell et al., 2006), bou-
leversement des relations traditionnelles des protagonsites qui, dans une
boucle fermée, deviennent simultanément client et fournisseur l’un de l’autre
(Gelbmann, Hammerl, 2015), gouvernance des transitions sociotechniques
et politiques d’innovation indissociables de la co-création de nouvelles
valeurs avec/dans l’ensemble de la Société (Huguenin, Jeannerat, 2017).
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L’article apporte trois contributions en réponse aux questions en suspens
(Qui co-créée ? Quoi ? Comment ? Quand ?). Tout d’abord, il montre l’intérêt
de relier les dimensions relationnelle et cognitive de la co-création de valeur
pour mieux en comprendre l’émergence dans un projet d’innovation colla-
boratif. Ensuite, il propose un modèle générique de processus de co-création
de valeur en montrant comment des acteurs partagent des ressources pour
élaborer des résultats intermédiaires porteurs de valeur. Enfin, il présente une
typologie des résultats possibles de la co-création. La section qui suit passe
en revue la littérature sur la (co-)création de valeur et sur la théorie C-K du
raisonnement de conception. La méthodologie et le cas étudié, le recyclage
des films plastiques usagés des maraîchers nantais, sont ensuite décrits. La
section dédiée aux résultats relate le processus de reconstruction de la valeur
d’un film maraîcher usagé recyclé. La discussion porte sur les contributions.

REVUE DE LA LITTÉRATURE
En situation d’innovation collaborative, la création de valeur comporte
des dimensions relationnelles (Dyer, Singh, 1998) et cognitives (Lettl et al.,

IV innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

2005). En effet, les acteurs de ces collectifs, porteurs de valeurs multiples,


doivent se coordonner et coopérer pour faire progresser la connaissance per-
mettant de concevoir un produit innovant lequel devra être perçu comme
ayant de la valeur par le futur consommateur. Nous illustrerons ces méca-
nismes en mobilisant, d’une part, la Service-Dominant (S-D) Logic et, d’autre
part, la théorie C-K.

La co-création de valeur, ses acteurs, ses processus


et ses résultats
Pour qualifier la valeur, l’analyse de la valeur (value engineering) (Miles,
1961) et la Stratégie Océan bleu (Kim, Mauborgne, 2005) distinguent les élé-
ments de satisfaction du besoin du client des coûts qu’une entreprise doit
supporter pour y répondre. Dans cet esprit, nous définissons la valeur comme
« la relation entre la satisfaction du besoin [des parties prenantes] et les ressources
utilisées pour atteindre cette satisfaction » (norme NF EN 12973 : 2000, p. 11) 5.
Des attributs de valeur plus ou moins génériques permettent de la quali-
fier plus finement. Les attributs de satisfaction du besoin peuvent être fonc-
tionnels, sociaux, esthétiques, affectifs… Les ressources consommées sont
l’argent, le temps, les matières premières, l’énergie, les équipements…
A la notion de coproduction de valeur (Ramírez, 1999), nous préférerons
celle de co-création. La co-création, qui « consiste à faire advenir à l’existence
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ce que l’on tire du néant » (Marion, 2016, p. 26), est en effet plus représen-
tative du contexte en amont des projets collaboratifs. L’expression « co-­
création de valeur » a été popularisée par Prahalad et Ramaswamy (2004) et
par la Service-Dominant (S-D) Logic (Vargo et al., 2008). Ces derniers auteurs
récusent la distinction de rôles entre producteur et consommateur et l’idée
que la valeur soit créée par cette seule « dyade ». Ils considèrent que tous les
acteurs engagés dans un échange économique sont à la fois des intégrateurs
de ressources et des fournisseurs de services. Le cafetier et le serveur, par
exemple, vont intégrer les ressources que sont le percolateur, le café torréfié
et la tasse pour préparer et servir un « petit noir ». A l’échelle de réseaux,
tous les acteurs sont des « acteurs génériques » dont l’objectif commun est de
co-créer de la valeur au bénéfice de chacun. Cette approche, bien qu’éma-
nant du marketing des services, correspond bien à ce qui se joue en amont
des projets d’innovation collaboratifs. De plus, dans ce contexte, les rela-
tions entre les acteurs présentent également les caractéristiques formelles
d’un service (immatériel, intangible, indivisible…).

5. Norme sur le management par la valeur, extension de l’analyse de la valeur, qui traite de
questions managériales avec un raisonnement « valeur ».

article en prépublication – innovations 2017 V


Jean-Claude Boldrini

La co-création de valeur débute quand un acteur soumet des proposi-


tions suffisamment séduisantes pour inciter d’autres acteurs à contribuer à en
façonner la valeur, par exemple organiser un commerce équitable du café. La
Service-Dominant (S-D) Logic établit une échelle de co-création de valeur à
plusieurs niveaux, de micro à méga, selon que la co-création de valeur mobi-
lise un seul acteur, une dyade, un réseau voire l’interconnexion de réseaux
(Frow et al., 2016). Les acteurs génériques peuvent avoir divers rôles dans la
co-création : initiateur, fournisseur ou bénéficiaire de service. Le point de
départ de leur relation est une invitation à co-créer, présentée par l’initia-
teur, à laquelle vont répondre d’autres acteurs si l’invitation s’inscrit dans
leurs activités et buts du moment. Le commerce équitable, par exemple,
est le résultat d’initiatives d’associations auxquelles ont adhéré progressi-
vement des coopératives de petits producteurs dans des pays du Sud, des
organismes de labellisation, des magasins spécialisés, la grande distribution
et les consommateurs. Un acteur générique peut tenir simultanément les
rôles de fournisseur et de bénéficiaire. La coopérative de production de café
équitable, par exemple, fournit les ressources que sont les caféiers et leurs
graines séchées et bénéfice d’un préfinancement de la récolte, d’une garantie
de juste prix et de contrats d’achat pluriannuels. Un acteur générique peut,
selon les moments, être actif ou passif dans les divers rôles (Ekman et al.,
2016).
Un acteur crée de la valeur lorsqu’il partage, à travers ses pratiques, une
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ressource qui est transformée en un bénéfice par ou pour d’autres acteurs
de l’écosystème (Frow et al., 2016). Par exemple le grain de café récolté,
séché, lavé, torréfié a acquis de la valeur comparativement à la cerise de café
sur l’arbuste. L’intégration continue de ressources nouvelles et variées, dans
un écosystème, en modifie la structure, au fil du temps, ce qui impacte, en
retour, l’attrait de ses offres et crée de nouvelles opportunités. Un écosystème
évolue donc en permanence en termes de propositions de valeur offertes, de
ressources disponibles et de pratiques de co-création.
Ce n’est pourtant que très récemment que les pratiques de co-création
ont été identifiées et classifiées (Magne, Lemoine, 2015 ; Frow et al., 2016).
Trois processus caractéristiques ressortissent de ces pratiques : 1) la coordina-
tion et le partage d’informations entre parties prenantes, 2) la consultation
des parties prenantes et un dialogue ouvert au sujet des idées, besoins et
attentes de chacun et 3) le compromis afin de rapprocher les points de vue
divergents avant de prendre des décisions (Reypens et al., 2016). Ces trois
processus ne rendent toutefois pas compte de l’émergence et de la genèse de
la valeur au cours de la co-création car ils ne précisent pas quelles sont les
connaissances partagées, par qui et comment. Or notre objectif est bien de
mieux comprendre la construction progressive et raisonnée de la valeur.

VI innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

La Théorie C-K pour représenter l’émergence de la valeur


La conception est l’activité collective à la source de l’innovation (Kline,
Rosenberg, 1986 ; Perrin, 2001 ; Le Masson, McMahon, 2016). Deux types
de conception peuvent être distingués (Le Masson et al., 2006). En conception
réglée, l’identité de l’objet à concevoir est stable, ses spécifications et ses cri-
tères de valeur sont connus ainsi que les règles et expertises métier. En concep-
tion innovante, il s’agit de concevoir en situation d’incertitude sur l’identité
d’un objet versatile, c’est-à-dire dont les usages, les performances, l’architec-
ture et les métiers à maîtriser pour y parvenir restent des questions ouvertes.
Face aux fortes incertitudes et aux connaissances lacunaires caractéristiques
de la conception innovante et du démarrage des projets d’innovation, la
valeur du produit à concevoir n’est pas pré-déterminée, elle est au contraire à
construire au cours du projet (Gillier et al., 2015). Cette construction s’opère
par l’exploration de champs d’innovation, c’est-à-dire d’espaces d’inconnu
qui présentent un potentiel de valeur (Le Masson et al., 2006). Déterminer la
valeur dans ces processus d’exploration implique de valoriser, en amont des
filières et des marchés donc, ce qui n’existe pas encore (Garel, Rosier, 2007).
La théorie C-K (Hatchuel, Weil, 2008) permet de formaliser un raison-
nement de conception que celle-ci soit réglée ou innovante. Elle postule
qu’il est possible de concevoir intentionnellement des objets encore incon-
nus que l’on dotera des propriétés souhaitées (Hatchuel, Weil, 2008). Son
formalisme vise à organiser l’exploration des possibles à partir des connais-
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sances disponibles ou, à défaut, de connaissances qui seront à produire. La
théorie C-K repose sur la distinction entre un espace des concepts C et un
espace des connaissances K (Knowledge) (figure 1). Une connaissance K
est une proposition ayant un statut logique, c’est-à-dire dont on sait si elle
est vraie ou fausse (ex : la plupart des tapis sont produits en Orient). Un
concept C est une proposition novatrice sans statut logique c’est-à-dire qui
est inconnue eu égard aux connaissances disponibles. Un concept est donc
irréalisable avec les connaissances existantes à l’instant t, bien que formé
de propriétés connues dans K (ex : le concept « tapis volant » correspond à
un objet inexistant actuellement bien qu’il soit la combinaison d’un objet
connu, le tapis, et d’une propriété également connue pour certains objets,
volant). Bien qu’étant une proposition inconnue, au moins partiellement,
un concept a également pour caractéristique d’être désirable (Le Masson,
McMahon, 2016). Or « la valeur est le corrélat – objectif ou subjectif – du désir »
(Comte-Sponville, 1998, p. 15). C’est donc le fait d’être des « inconnus dési-
rables » (Garel, Mock, 2012, p. 98) qui explique que les concepts jouent un
rôle important dans le processus de formulation de la valeur (Garel, Rosier,
2007) et que la théorie C-K soit pertinente pour construire la valeur dans des
situations incertaines ou inconnues (Gillier et al., 2015).

article en prépublication – innovations 2017 VII


Jean-Claude Boldrini

Un raisonnement de conception (figure 1) démarre par l’opération de


disjonction qui conduit à une proposition inconnue, le concept initial C0,
en combinant de manière inédite des propriétés connues dans l’espace K. La
connaissance K1 sur les réveils indiquerait, par exemple, que ceux-ci agissent
en émettant des sons. Un réveil qui émettrait des sons inédits, voire qui
agirait sans en émettre, pourrait être une proposition novatrice du concept
C0. Pour transformer le concept indécidable en propositions vraies dans K
des propriétés, issues de K, sont progressivement ajoutées au concept initial
conduisant à son expansion. La connaissance K2 « Les odeurs de cannelle
et de menthe poivrée facilitent le réveil » permet ainsi l’expansion (C2) du
concept C0 par ajout de la propriété « olfactif » au réveil. L’adjonction de
propriétés permet d’effectuer des partitions restrictives ou expansives. Une
partition restrictive consiste à ajouter une propriété déjà connue et qui ne
modifie pas l’identité de l’objet. Les sonneries (C11) ou la musique (C12) sont
des partitions restrictives parce que ces propriétés sont déjà connues même
si ces sons sont originaux. Une partition expansive est inédite et modifie
l’identité de l’objet, ce qui est le cas d’un réveil olfactif (C2).

Figure 1 – Le formalisme du raisonnement de conception dans la théorie C-K


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Source : adapté de Hatchuel et Weil (2009, p. 188).

Le raisonnement de conception consiste à organiser progressivement la


double expansion des espaces C et K à l’aide des quatre opérateurs K  C,
C  C, K  K et C  K. Au cours de la coévolution des deux espaces,
les concepts, dotés de leurs propriétés additionnelles, sont progressivement
transformés en connaissance. Après expérimentation du réveil olfactif,
il sera possible d’affirmer, par exemple, que son test est probant (K3). La
conception s’arrête lorsque toutes les propriétés du concept sont validées
dans K, on parle alors de conjonction.

VIII innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

Relier les littératures sur la Service-Dominant (S-D) Logic et sur la théo-


rie C-K présente deux intérêts. Tout d’abord, la S-D Logic permet de com-
prendre comment l’intégration continue de ressources, à travers les pra-
tiques d’une multiplicité d’acteurs génériques, crée de la valeur mais ne dit
pas comment le progrès des connaissances au cours de l’action collective
contribue à la co-création de cette valeur. De manière symétrique, la théorie
C-K explicite le progrès des connaissances et l’émergence progressive de
la valeur par la double expansion des espaces C et K mais elle occulte les
relations entre acteurs ainsi que les ressources autres que les connaissances
qu’ils mobilisent. Ensuite, l’articulation des deux théories permet de dresser
un inventaire des résultats de la co-création de valeur dans un projet colla-
boratif. Reypens et al. (2016) en distinguent trois : 1) la solution innovante
conçue en réponse au problème posé, 2) les connaissances co-créées (tech-
nologiques, managériales ou marketing) et 3) la création d’un réseau de
relations entre parties prenantes. Pour Smals et Smits (2012), les résultats
de la co-création sont les revenus issus de la vente des produits, les connais-
sances technologiques nouvelles, la réputation acquise grâce aux affaires
réalisées avec des entreprises d’avant-garde ainsi que les opportunités en
termes de diversification ou d’expansion. Les résultats de la co-création
peuvent encore être déterminés à partir des critères d’Elmquist et Le Masson
(2009) pour évaluer la valeur de concepts : les revenus générés, l’extension
de la vision stratégique, les compétences développées et l’identification des
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lacunes dans la connaissance. Enfin, Bertheau et Garel (2015) considèrent
que les outils de gestion conçus pour rendre compte du processus de créa-
tion de valeur en sont également des résultats intermédiaires. Le tableau 1,
synthèse des résultats possibles de la co-création de valeur, constitue en lui-
même un résultat intermédiaire de la recherche, résultat qui sera mobilisé
plus loin.

Tableau 1 – La variété des résultats de la co-création de valeur


dans les projets collaboratifs

- La solution innovante issue de la co-création de valeur (Reypens et al., 2016)


- Les revenus générés par sa vente (Ekman et al., 2016 ; Elmquist, Le Masson, 2009 ; Smals,
Smits, 2012)
- Les compétences développées (Elmquist, Le Masson, 2009)
- Les connaissances acquises et/ou co-produites (Reypens et al., 2016 ; Smals, Smits, 2012)
- L’identification des lacunes dans la connaissance (Elmquist, Le Masson, 2009)
- La réputation, l’image de marque, la notoriété (Ekman et al., 2016 ; Smals, Smits, 2012)
- Le développement du réseau de relations (Reypens et al., 2016)
- L’extension de la vision stratégique (Elmquist, Le Masson, 2009)
- La découverte, la saisie de nouvelles opportunités (Smals, Smits, 2012)
- Les outils de gestion conçus pour la valuation (Bertheau, Garel, 2015)

article en prépublication – innovations 2017 IX


Jean-Claude Boldrini

UNE PARTICIPATION OBSERVANTE


DANS UN PROJET COLLABORATIF
Pour répondre à la question « Quels sont les processus de co-création
de la valeur, au cours d’un projet d’innovation collaboratif, et comment en
représenter la genèse ? », le suivi en temps réel d’un cas représentatif s’impo-
sait (Soulé, 2007 ; Yin, 2009).

Contexte et méthodologie
Nous étudierons le projet S.M.A.R.T. 6 qui vise à créer une filière locale
et circulaire de production de films plastiques maraîchers recyclés. Les films
maraîchers servent à protéger les cultures en formant de petits tunnels. Les
films usagés sont actuellement valorisés hors filière maraîchère. L’objectif
du projet S.M.A.R.T. est de produire, à partir de ces films usagés, un film
maraîcher recyclé aux qualités identiques à celles d’un film neuf. Nous
avons participé au projet en tant que partenaire (tableau 2) de mai 2013,
date de la candidature à une labellisation, jusqu’à son terme contractuel en
décembre 2016.

Tableau 2 – Les partenaires du projet S.M.A.R.T.

Partenaires Statuts
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Trioplast (chef de projet) Producteur/recycleur de films plastiques
SCEA Bouyer Maraîcher, administrateur de la FMN
Fédération des Maraîchers Nantais (FMN) Syndicat agricole de maraîchers
Comité Départemental de Développement Centre d’appui technique aux maraîchers
Maraîcher (CDDM)
Innovations et Prospective Maraîchère (IPM) Pilote stratégique de la filière maraîchère
AgroCampus Ouest Angers École d’ingénieurs en agronomie. Recherche
Université de Nantes Enseignement supérieur. Recherche

Les données primaires proviennent de trois sources : des entretiens, des


documents associés aux revues du projet et des notes prises au cours des réu-
nions. Douze entretiens ont été réalisés, de juin 2015 à juin 2016, avec des
maraîchers, des partenaires du projet et des acteurs de la filière. Le nombre
d’entretiens a été limité pour des questions de confidentialité du projet mais
aussi parce que nous étions parvenus à saturation des données recherchées.
Les entretiens, d’une heure en moyenne, se sont déroulés sur les sites d’ex-
ploitation et ont été enregistrés puis retranscrits. Les notes de réunions sont
les traces de notre participation observante (Soulé, 2007) laquelle nous a

6. Sustainability, Material, Agreement, Recycling, Together. Le projet est labellisé par le pôle de
compétitivité Végépolys (végétal spécialisé) et est financé par la Région des Pays de la Loire.

X innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

permis de nous imprégner des catégories mentales des acteurs (vocabulaire,


valeurs) et d’examiner in vivo les modalités de leurs interactions et les pra-
tiques réelles de leur coopération.
Les données secondaires émanent de plus de cinquante documents ou
rapports rédigés par des organismes professionnels, du maraîchage ou de la
plasturgie, ainsi que d’articles issus de revues professionnelles ou de la presse
quotidienne régionale. La validation des données a été établie par mul-
tiangulation (Hlady-Rispal, 2000) des sources et des techniques de recueil
(étude de cas, entretiens, observations). Une succession de codages (Strauss,
Corbin, 1990) a permis de relier les catégories issues des données aux notions
théoriques centrales de processus et de résultat de la co-création de valeur.
Le traitement des données a conduit à pouvoir décrire le cycle de vie des
films plastiques maraîchers et à mettre au jour le processus de co-création/
transformation de la valeur des films recyclés. Nos diagnostics et résultats
intermédiaires ont été présentés et validés lors des réunions du projet. En
effet, la recherche, réalisée avec des professionnels du maraîchage et de la
plasturgie, vise également à produire des connaissances scientifiques utiles à
l’action (Mohrman et al., 2001).

Le film plastique, un intrant incontournable


du maraîchage nantais
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Pour obtenir des légumes primeurs, spécialité des maraîchers nantais,
les cultures doivent impérativement être couvertes, de fin septembre à fin
mars, afin de hâter leur pousse et les protéger des intempéries et des mala-
dies. Aujourd’hui, les cultures sont principalement couvertes par de petits
tunnels de semi-forçage constitués d’un film en polyéthylène tendu sur des
arceaux. Ce film doit être très résistant pour ne pas se déchirer au moment
de sa pose et de sa dépose mécaniques ou en cas de tempête. Pour garantir sa
résistance les plasturgistes fabriquent des films constitués de trois couches. La
recette du polyéthylène de la couche centrale est différente de celle des deux
couches périphériques. Les films à usage unique sont retirés des parcelles
peu avant la récolte, après avoir protégé les cultures durant trois à douze
semaines. Ils sont alors couverts d’eau, de sable et de terre. Ces souillures
représentent les deux tiers de la masse des films déposés. Les films usagés sont
recyclés, depuis une vingtaine d’années, dans le site de l’entreprise SITA RP
à Landemont (49). Une filière nationale de collecte et de valorisation des
films agricoles usagés, dite APE (Agriculture, Plastique et Environnement),
a été mise en place, en 2009, avec l’appui du CPA 7 et de l’éco-organisme

7. Comité français des Plastiques pour l’Agriculture.

article en prépublication – innovations 2017 XI


Jean-Claude Boldrini

ADIVALOR 8. Les films usagés sont rachetés aux maraîchers mais ceux-ci
doivent aussi payer, lors de l’achat de leurs bobines de films, une éco-contri-
bution destinée à financer la filière APE. Jusqu’à présent les films usagés
sont recyclés pour fabriquer des sacs poubelle ou des bâches. Ces débouchés
constituent un « sous-cyclage » pour le film maraîcher aux caractéristiques
mécaniques élevées. Le projet S.M.A.R.T., piloté par l’entreprise Trioplast
à Pouancé (49), cherche à « iso-cycler » ces films afin qu’ils retrouvent un
usage maraîcher. Trioplast a la particularité de posséder à la fois des équi-
pements industriels pour fabriquer des films neufs et des lignes de recyclage
de plastiques usagés, principalement d’origine industrielle. L’entreprise est
proche des maraîchers nantais (70 km) alors que ses principaux concur-
rents français sont situés à 700 km. L’« iso-cyclage » intéresse les maraîchers
pour deux raisons. Tout d’abord, le fait qu’un plasturgiste réputé pour la
qualité de ses produits recycle leurs propres films usagés est une importante
source de confiance dans la qualité du futur produit. Ensuite, les maraî-
chers ne voient plus leurs films usagés comme des déchets mais comme
des coproduits 9 à valoriser le mieux possible. Les films plastiques sont en
effet le troisième poste de dépenses des exploitations après la main d’œuvre
et le sable.

RECONSTRUIRE LA VALEUR DES FILMS


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RECYCLÉS
Trois verrous devaient être levés au cours du projet S.M.A.R.T. : 1) la
faisabilité de la production d’un film recyclé à partir de films maraîchers usa-
gés et souillés, 2) le maintien des performances mécaniques et agronomiques
des films (résistance à la déchirure, qualité et rendement des récoltes) et
3) la gestion de la transition vers l’économie circulaire. Pour lever ces ver-
rous il a été nécessaire de réviser la valeur des films. Les mécanismes de la
reconstruction de la valeur seront illustrés à partir de la théorie C-K et de la
S-D Logic.

La co-création de valeur via la double expansion


des concepts et des connaissances
Au début du projet S.M.A.R.T. une « filière locale et circulaire de recy-
clage des films plastiques maraîchers usagés » est un concept, au sens de la

8. Agriculteurs, Distributeurs, Industriels pour la VALORisation des déchets agricoles.


9. Bien que, littéralement, le terme coproduit soit abusif.

XII innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

théorie C-K, dans la mesure où personne ne sait encore si l’« iso-cyclage »


des films plastiques maraîchers est faisable, tant d’un point de vue technique
qu’économique, ni si les maraîchers seront sensibles aux attributs du nou-
veau produit. La proposition novatrice est pourtant bien désirable pour le
plasturgiste et le maraîcher du projet. En effet, les entreprises françaises de
plasturgie rencontrent régulièrement des difficultés d’approvisionnement en
résines vierges. Ces difficultés risquent de s’accroître à moyen terme car le
polyéthylène est produit pour une large part à partir de pétrole, ressource
non renouvelable et qui fait l’objet de spéculations. Les incertitudes sur la
disponibilité et le coût de cette ressource menacent la pérennité de l’ac-
tivité de Trioplast mais également celle des maraîchers car la couverture
des cultures est incontournable. Il y a donc un intérêt partagé à s’affran-
chir autant que possible des granules vierges et donc à mieux valoriser les
5 000 à 6 000 tonnes annuelles de films usagés du bassin maraîcher nan-
tais. À cette fin, Trioplast invite le maraîcher partenaire à lui fournir des
films usagés pour les traiter sur l’une de ses lignes de recyclage. Les granules
régénérés obtenus sont de bonne qualité mais leur traitement est difficile et
plus coûteux que celui du recyclage des films usagés d’origine industrielle.
En effet, le film maraîcher est trop souillé par rapport aux capacités des
lignes de lavage. L’ingénieur plasturgiste de Trioplast, fort de son expertise,
estime que, pour garantir les performances du nouveau film, seule la couche
centrale doit contenir des granules régénérés. Des techniciens de Trioplast
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réalisent, sur une extrudeuse de laboratoire, des échantillons de films avec
des taux de granules recyclés allant de 10 % à 100 % dans la couche cen-
trale. Les tests de qualification auxquels ils procèdent montrent que les films
recyclés ont, même dans le cas extrême, des caractéristiques équivalentes
(résistance à la traction, allongement à la rupture…) à celles d’un film
neuf. Afin de déterminer leur performance agronomique, Trioplast confie
au maraîcher partenaire quelques bobines de films recyclés. Les ingénieurs
et techniciens du CDDM les testent sur une culture témoin dans une par-
celle du maraîcher. Les essais montrent de nouveau que les performances
sont équivalentes, en termes de rendement, de transparence et de facilité
de pose/dépose, au film neuf. Par ailleurs, une étude environnementale,
conduite par un universitaire, révèle des gains appréciables en termes d’im-
pacts environnementaux. Ces résultats sont prometteurs mais, à ce moment,
l’intérêt, pour les maraîchers, d’un film recyclé ainsi que leur acceptation
pour les modèles d’affaires de l’économie circulaire restent inconnus. Les
entretiens, menés par des universitaires du projet, auprès des maraîchers ont
permis d’apporter des réponses restituées à travers les quelques verbatim du
tableau 3.

article en prépublication – innovations 2017 XIII


Jean-Claude Boldrini

Tableau 3 – L’avis des maraîchers au sujet des films recyclés


et des modèles d’affaires de l’économie circulaire
- « Pour moi, la valeur du plastique c’est sa qualité technique. » (maraîcher 2)
- « On préférera certainement travailler avec du granule vierge car on sera plus
Acceptabilité sécurisé. » (maraîcher 1)
du film recyclé - « [Je suis à] 100 % pour à partir du moment où, en termes de qualité, on s’y
retrouve. (…) Il ne faut pas que le coût de traitement coûte plus cher que le
neuf. » (maraîcher 6)
- « C’est du consommable pour nous le plastique ! » (maraîcher 1)
Acceptabilité - « Alors on le loue[rait] au temps, à la quantité, au poids ? » (maraîcher 4)
de nouveaux - « Tout ce qui est abonnement, forfait, je suis contre. (…) Je sais que ça va
modèles me revenir plus cher. » (maraîcher 8)
d’affaires - « Je ne sais pas demain ce que je vais vendre (…) et encore moins à quel
prix. » (maraîcher 3)
- « On achetait [la bobine de film] à 110 € l’année dernière, on l’achète à 150 €
cette année alors qu’entre-temps le pétrole a chuté ! » (maraîcher 6)
Volonté de - « Les fabricants de granules (…) produisent pour l’Asie ou les Etats-Unis et
s’affranchir des ils laissent le marché français ou européen car ils peuvent tirer des prix plus
fluctuations du intéressants [ailleurs]. » (maraîcher 1)
prix des films - « Le scénario idéal, c’est que je sois propriétaire de ma matière et [que] je
la fasse recycler. (…) Un bon levier (…) pour faire pression sur les fabricants
pour maintenir les prix. » (maraîcher 6)

Les maraîchers sont prêts à utiliser des films recyclés à condition que leur
résistance et leur transparence soient garanties et qu’ils soient moins chers
ou a minima au même prix que le film neuf. Les maraîchers sont en revanche
ambivalents à l’égard des modèles d’affaires de l’économie circulaire. Pour
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eux un film de semi-forçage est un produit consommable à usage unique.
Ils ont l’habitude de mettre chaque année leurs fabricants en concurrence
afin d’obtenir les meilleurs prix. Ils ne comprennent donc pas bien l’idée de
facturer un usage plutôt que la vente d’un produit. Ils sont aussi réticents
au principe de s’engager dans un contrat à long terme avec un seul four-
nisseur alors qu’eux-mêmes n’ont pas de visibilité, même à court terme, sur
leur propre activité à cause des aléas météorologiques ou du marché. Enfin,
ils craignent que la location d’un film leur coûte plus cher que son achat.
Observant qu’il n’y a pas de corrélation entre le prix des films et le cours du
pétrole, ils en concluent que ces prix sont opaques. Cela les rend suspicieux
et les incite à essayer de conserver la maîtrise de leur intrant.
À ce point, le produit est donc techniquement faisable, avec quelques
difficultés, mais à un prix insatisfaisant pour les maraîchers. Aucun gain de
coût ne sera possible avec la ligne de lavage actuelle. L’achat d’une nouvelle
ligne nécessiterait un investissement de quelques millions d’euros ce qui n’est
pas envisageable avant d’avoir la certitude qu’il y a bien un marché pérenne
pour le film « isocyclé ». Pour trouver une issue à court terme Trioplast a
fait laver et regranuler des films maraîchers usagés chez un prestataire qui
a l’expérience des films souillés. L’essai s’est avéré concluant. Les granules

XIV innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

recyclés sont de bonne qualité et leur coût est inférieur au coût interne.
Deux points durs subsistent. Tout d’abord, les maraîchers considèrent que
leurs films usagés sont propres, comparativement aux films de paillage par
exemple, alors que les plasturgistes les trouvent sales. Par ailleurs, comme
on l’a vu, les maraîchers ne sont pas encore prêts à accepter de nouveaux
modèles d’affaires. Face à ces difficultés, un comité de pilotage du projet
S.M.A.R.T. a décidé, à partir de la suggestion d’un universitaire, d’organiser
une journée d’échanges et de confrontation de points de vue entre maraîchers
et plasturgistes. L’objectif était, avec une animation fondée sur la méthode
Diapason© 10, de prendre appui sur les points qui font consensus, de mieux
comprendre les freins et d’y apporter des réponses co-construites. Cette ren-
contre a été annulée à deux reprises par les maraîchers, ceux-ci évoquant la
priorité qu’ils devaient accorder à leurs exploitations. Trioplast fait alors un
bilan, en trois points, de la situation. Tout d’abord, l’entreprise maîtrise le
recyclage de films propres d’origine industrielle. Ensuite, elle dispose d’une
solution pour faire laver et regranuler, si besoin, des films maraîchers usagés
souillés. Enfin, elle doit s’en tenir au système actuel de vente de bobines de
films, leur fourniture par d’autres moyens semblant prématurée. À partir de
ce bilan Trioplast décide de lancer une nouvelle gamme de produits nom-
mée Triosmart. Le film Triosmart a une couche centrale constituée à 100 %
de granules recyclés provenant de films industriels usagés. Cette gamme est
vendue exclusivement aux maraîchers, de manière conventionnelle et au
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prix du film neuf. Après usage ce film sera récupéré par Trioplast qui pourra le
faire laver et regranuler chez son prestataire. Trioplast produira ensuite, avec
les granules régénérés, un film de seconde génération qui sera entre temps
devenu un film d’origine agricole et non plus industrielle. Le film Triosmart
est donc une conjonction, au sens de la théorie C-K, puisque toutes ses
propriétés sont devenues vraies dans l’espace K. La figure 2 représente le
processus de coévolution des concepts et des connaissances qui vient d’être
décrit et qui a abouti au film Triosmart. Ce film a, lors de son lancement
commercial, rapidement séduit les grandes coopératives agricoles. Celles-ci
sont actuellement engagées dans des mouvements de concentration qui exa-
cerbent leur concurrence. Le fait que Triosmart soit en phase avec le concept
d’« agriculture écologiquement intensive » (Musson, Rousselière, 2016) est
un de ses atouts différenciateurs.

10. Serious game issu de la méthode PAT-Miroir© conçue par G. Le Cardinal, ex-enseignant-
chercheur à l’Université de Technologie de Compiègne (Le Cardinal et al., 1997). L’objectif
de la méthode Diapason est de permettre à une équipe coopérante d’élargir sa perception de la
situation étudiée et de construire des préconisations, afin d’atteindre des objectifs souhaitables,
en définissant les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour éviter toute forme de conflit.

article en prépublication – innovations 2017 XV


Jean-Claude Boldrini

Une lecture cognitive insuffisante pour comprendre


la co-création de valeur
La figure 2 montre le nombre d’essais, de tests et d’enquêtes qui ont été
nécessaires au cours du projet S.M.A.R.T. Cela n’est pas surprenant dans la
mesure où le concept initial était, par définition, indécidable. Dans ce cas,
le meilleur moyen de faire progresser la connaissance est d’entreprendre une
série de petites expérimentations permettant d’apprendre sur le potentiel
de valeur de l’innovation avec un risque minimal (Hamel, 1998 ; Thomke,
1998). Faute d’avoir des garanties suffisantes vis-à-vis de l’acceptation de
nouveaux modèles d’affaires, le film Triosmart n’est qu’un résultat intermé-
diaire par rapport aux ambitions initiales, une expérimentation stratégique
qui vise à confronter le film recyclé à une partie du marché afin d’apprendre
de celui-ci. Ce résultat est malgré tout un succès pour Trioplast car, en
surmontant deux verrous (faisabilité du film recyclé et maintien des per-
formances), il a abouti à la mise sur le marché d’un produit nouveau. Si
le projet est inachevé, à ce jour, vis-à-vis du troisième verrou (nouveaux
modèles d’affaires) Triosmart présente tout de même plusieurs avantages :
1) pouvoir sonder le marché avec un film recyclé, sans en bousculer les habi-
tudes, 2) enclencher une boucle qui générera un stock de granules pour pro-
duire une seconde génération de film maraîcher recyclé et 3) être le produit
fer de lance de Trioplast, industriel éco-responsable. Trioplast entend ainsi
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consolider sa notoriété et sa position économique dans le maraîchage nan-
tais. Rien n’empêchera l’entreprise d’expérimenter la facturation de l’usage
des films, si quelques maraîchers ou coopératives sont volontaires, et d’en
découvrir ainsi les avantages et les limites. À court terme, Trioplast peut
faire laver et regranuler les films usagés chez son prestataire. Cela laisse du
temps avant d’envisager d’autres options en fonction du succès commercial
rencontré par Triosmart et des volumes vendus.
La figure 2 révèle également que conceptions réglée et innovante ont été
combinées. Le projet S.M.A.R.T. impliquait de concevoir en situation d’in-
certitude partielle sur le nouvel film : le recyclage d’un film souillé est-il pos-
sible ? Avec quelles recettes de polyéthylène ? Quelles performances peuvent-
elles être atteintes ? Sur quelle base le facturer ? La versatilité de l’identité du
film usagé était toutefois manifeste longtemps avant le projet S.M.A.R.T.
C’est le fait qu’un déchet puisse devienne une ressource valorisable qui a
radicalement modifié l’identité du film. C’est cette possibilité de révision,
restée en suspens pendant des années, qui a permis le projet S.M.A.R.T. Au
départ, produire des granules recyclés à partir d’un film usagé maraîcher et
non plus industriel paraissait n’être qu’une évolution à traiter avec les règles
du métier (Le Masson et al., 2006 ; Le Masson, Weil, 2010). Les premières

XVI innovations 2017 – article en prépublication


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Figure 2 – La double expansion des concepts et des connaissances dans le projet SMART

article en prépublication – innovations 2017


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

XVII
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Jean-Claude Boldrini

expérimentations ont donc été réalisées dans le cadre d’une conception


réglée, comme le montre la branche de droite de l’arborescence (figure 2).
L’exploration s’est faite en convergence, avec des partitions restrictives fon-
dées sur une succession de spécifications et de critères connus (types de polyé-
thylène, résistance, transparence, rendement). Les expérimentations étaient
conduites successivement par l’un ou l’autre des partenaires en fonction des
compétences qu’il maîtrisait. Elles avaient surtout un rôle de validation ou
d’identification des limites de paramètres connus. Lorsque le projet a buté
sur des difficultés insolubles avec les connaissances disponibles (souillures,
facturation de l’usage), il a fallu changer les règles et imaginer un nouveau
chemin de conception faisant appel à des ressources inhabituelles. Cela a
entraîné une nouvelle déstabilisation de l’identité des films et le début d’une
phase de conception innovante (Le Masson et al., 2006 ; Le Masson, Weil,
2010). L’exploration a alors été plus divergente (partie gauche de l’arbores-
cence). Les partitions expansives ont nécessité une importante production
des connaissances nouvelles (leviers et freins pour une transition réussie…)
en mobilisant des compétences ou des acteurs inhabituels que ce soit au sein
du partenariat (universitaires) ou à l’extérieur (prestataire).
On perçoit aisément, à travers la double expansion des concepts et des
connaissances qui a abouti au film Triosmart, qu’il y a eu création collective
de valeur au cours de l’exploration du concept. En effet, le film usagé est
devenu un produit nouveau commercialisé avec succès. Pourtant, la théo-
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rie C-K ne suffit pas à rendre compte de manière précise du processus de
co-création progressive de cette valeur bien que ses protagonistes aient été
décrits ainsi que les principales ressources qu’ils ont mobilisées. Le recours à
la S-D Logic va permettre de dépasser cette lacune.

La co-création de valeur par partage


et combinaison de ressources
Rappelons qu’il y a co-création de valeur quand un acteur invitant sou-
met une proposition séduisante à un ou plusieurs autres acteurs répondants
puis le ou les invite à en élaborer conjointement la valeur. La co-création
de valeur, matérialisée dans le produit final, résulte ainsi de la succession des
partages/combinaisons de ressources et des résultats intermédiaires obtenus.
Les ressources mobilisées peuvent être les connaissances ou l’expérience des
acteurs, leurs relations, les outils qu’ils utilisent ou les infrastructures dont
ils disposent. Les résultats intermédiaires possibles sont ceux listés dans le
tableau 1 (section 2).
Dans le projet S.M.A.R.T., neuf activités ont été plus particulièrement
créatrices de valeur (cf. tableau 4). Ainsi, par exemple, les plasturgistes de

XVIII innovations 2017 – article en prépublication


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Tableau 4 – Les acteurs, leurs ressources et les résultats intermédiaires de la co-création de valeur.

article en prépublication – innovations 2017


Source : adapté de Ekman et al. (2016, p. 59 et 61).
La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

XIX
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Jean-Claude Boldrini

Trioplast ont été l’acteur invitant pour l’activité « réaliser des essais de faisa-
bilité de lavage et de recyclage de films usagés » et le maraîcher partenaire a
été l’acteur répondant qui a fourni les films usagés. Ceux-ci ont été lavés et
regranulés, par les spécialistes de ces procédés, sur les lignes de production de
Trioplast. En combinant la ressource du maraîcher (les films usagés) et celles
de Trioplast (ses équipements et son expertise en lavage et en extrusion),
l’activité a débouché sur trois résultats intermédiaires : une quantification
des souillures extraites du lavage des films maraîchers, une connaissance des
limites des lignes de lavage en termes de taux de souillure et une caractérisa-
tion des granules régénérés.
Le partage et la combinaison des ressources, au cours des pratiques de ces
deux acteurs, constituent une source de valeur dans la mesure où les résultats
obtenus sont en eux-mêmes porteurs de valeur (figure 3).

Figure 3 – Co-création de valeur dans l’activité


« réaliser des essais de faisabilité de lavage/recyclage »
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Seuls les salariés de Trioplast ont contribué à l’activité « concevoir et
mettre au point le film recyclable » (tableau 4). Ils ont de ce fait été simul-
tanément invitant et répondant. L’ingénieur plasturgiste et les techniciens
ont, dans le laboratoire de l’entreprise, formulé et expérimenté de nouvelles
recettes de polyéthylène, ont produit, sur une extrudeuse d’essai, des films
avec différents taux de granules régénérés puis ont testé les caractéristiques
mécaniques des films obtenus. Cela a permis de déterminer le taux maximal
de granules régénérés qui pouvaient être incorporés dans le film de seconde
génération. Ce résultat est de nouveau un résultat intermédiaire porteur de
valeur (figure 4).
Dans l’activité « dresser un état des lieux initial de la filière » (tableau 4),
c’est un universitaire du projet qui a été invitant et toutes les autres catégo-
ries de partenaires plus des acteurs hors partenariat (le prestataire externe)
ont été des répondants. Comme il s’agissait, au terme de l’activité, d’iden-
tifier les critères de valeur des acteurs au sujet des films maraîchers ainsi

XX innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

Figure 4 – Co-création de valeur dans l’activité « concevoir et mettre


au point le film recyclable »

que les valeurs personnelles de ces acteurs afin de mettre au jour les atouts
et les freins pour une transition réussie de la filière vers l’économie circu-
laire, les compétences d’un enseignant-chercheur et d’un stagiaire en master
recherche ne suffisaient pas. Au contraire, il était nécessaire de collecter et
d’analyser de nombreuses données relatives au maraîchage et à la plastur-
gie via des entretiens avec des professionnels et l’étude de documents secto-
riels. Il ne sera pas proposé de figure représentant la co-création de la valeur
pour cette activité à cause de la place que cela occuperait dans l’article. En
revanche, une synthèse des « ingrédients » de la co-création de la valeur est
présentée, dans le tableau 4, pour les neuf principales activités créatrices de
valeur.
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Ce tableau confirme que la co-création de valeur s’est opérée à diffé-
rents niveaux (acteur, dyade, réseau) (Ekman et al., 2016). Elle est le résultat
du travail, à parts égales, d’un acteur seul, d’une dyade ou de quatre types
d’acteurs. Cette observation relativise le terme « projet collaboratif » dans la
mesure où un tiers seulement des activités a mobilisé plus de deux acteurs. Ce
constat confirme le sentiment de responsables de pôles de compétitivité qui
supputent que les projets collaboratifs se limitent souvent à une répartition
des lots. Cette division du travail est pourtant aussi une forme d’efficience
car seules les ressources nécessaires à une activité donnée sont mobilisées.
Ce n’est que si un acteur ne peut pas apporter une réponse au problème qui
se pose à lui qu’il va initier une activité de co-création de valeur en invitant
un ou plusieurs partenaires à le rejoindre (Ekman et al., 2016). Ainsi, ce ne
sont que les activités les plus atypiques ou pour lesquelles les connaissances
étaient les plus lacunaires qui ont mobilisé plus d’une dyade. Dans le cas
général, les partenaires se contentent de coordonner leurs activités, souvent
de manière assez informelle, pour répondre au besoin l’un de l’autre. Des
liens de coordination au niveau dyadique ne génèrent toutefois que peu de
ressources et celles qui sont créées ne sont pas toujours transférées au niveau
collectif (Loup, Peyronas, 2015). Leur prééminence peut donc être un frein

article en prépublication – innovations 2017 XXI


Jean-Claude Boldrini

à l’action collective. Dans le projet S.M.A.R.T., les comités de pilotage et


les réunions plénières ont été assez rares. Cela n’a pas nui à la levée de deux
premiers verrous. En revanche, une coopération plus intense aurait été indis-
pensable pour surmonter le troisième verrou.

PROPOSITION D’UN MODÈLE GÉNÉRIQUE


DE CO-CRÉATION DE VALEUR
Les mécanismes de co-création de la valeur ont été étudiés, au cours du
projet S.M.A.R.T., à l’aune de la théorie C-K et de la S-D Logic. Chaque
approche théorique présente des intérêts mais aussi des limites. La théorie
C-K permet de bien comprendre le progrès des connaissances et l’enrichis-
sement du concept initial jusqu’à l’obtention d’un produit innovant. Elle
s’attarde assez peu, en revanche, sur les acteurs, leurs pratiques et leurs res-
sources, excepté leurs connaissances, ni sur la manière dont ils les combinent
pour parvenir au résultat. La situation est quasi symétrique avec la S-D Logic.
Les théories semblant complémentaires, il est tentant de relier leurs apports
dans un modèle générique de processus de co-création de valeur (figure 5).

Figure 5 – Un modèle générique de processus


de co-création de la valeur
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L’Acteur Invitant AI1 possède les ressources R11 et R21 et l’Acteur


Répondant AR2, la ressource R12. En combinant, à la date t1, leurs ressources
respectives R11 et R12, les acteurs AI1 et AR2 co-créent la Source de Valeur SV1.
L’opérateur @ symbolise à la fois la mise à disposition, le partage et la com-
binaison des ressources. SV1 est une nouvelle ressource, enrichie par la com-
binaison des ressources initiales et est également un résultat intermédiaire

XXII innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

RI1, porteur de valeur. A la date t2, le même raisonnement, avec AR3 et AI4,
conduit à co-créer SV2 et SV3 aboutissant aux résultats intermédiaires RI2 et
RI3. Le mécanisme se répète autant de fois qu’il y a des acteurs qui partagent
ou combinent des ressources au fil du projet collaboratif. La valeur totale co-
créée, qui aboutit au résultat final, la solution innovante, est ainsi la somme
ou la combinaison de l’ensemble des résultats intermédiaires RIi du projet.
Les résultats de la co-création de valeur dépassent cependant la seule solu-
tion innovante issue de l’action collective. Ils peuvent inclure tout ou partie
des résultats présentés dans le tableau 1, ceux-ci étant déjà une synthèse de
la revue de littérature sur la S-D Logic et la théorie C-K.
La proposition de modèle générique de processus de co-création de valeur
relie également des travaux récents (Ekman et al., 2016 ; Frow et al., 2016 ;
Reypens et al., 2016) encore disjoints concernant le rôle des acteurs et leurs
relations, les ressources qu’ils partagent et les résultats qu’ils co-créent. Le
modèle permet de comprendre qu’un projet puisse être collaboratif bien que
les échanges entre acteurs aient concerné principalement des dyades. La
multiplication des partages/combinaisons de ressources, entre dyades diffé-
remment appariées pendant la durée d’un projet, conduit à un résultat qui
est pourtant bien, à son terme, celui d’un travail collaboratif. Par analogie,
des travaux ont montré qu’une innovation qui paraissait être de rupture, vue
de l’extérieur, pouvait en fait n’être qu’une « révolution à petits pas » résul-
tant d’une longue succession d’innovations incrémentales (Schoettl, 2009).
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Dans le même esprit, notre modèle éclaire ce que serait la réalité du pré-
fixe « co » dans un projet collaboratif. Il signifierait moins « tous, toujours
ensemble, pour tout faire » que « toi et moi aujourd’hui, d’autres demain, et
ainsi de suite, pas à pas ».
Dans notre intention de relier la S-D Logic à la théorie C-K, les résultats
intermédiaires constituent des ponts. D’une part, ils sont une représentation
provisoire de la valeur co-créée, par partage et combinaison de ressources,
sachant que la ressource résultante aura plus de valeur que chacune des res-
sources isolées antérieures. D’autre part, les résultats intermédiaires contri-
buent à la co-création de valeur via la double expansion des concepts et des
connaissances. Ces résultats sont en effet les connaissances obtenues après
une opération C  K qui permet de valider ou non l’expansion d’un concept.
Ces résultats intermédiaires permettent également aux partenaires du projet
de repérer ce qu’ils ne savaient pas auparavant. Supports du dialogue entre
acteurs hétérogènes et de l’enrichissement progressif des concepts, les résul-
tats intermédiaires font office d’« objets intermédiaires » dans leur triple rôle de
traduction, de médiation et de représentation (Jeantet, 1998). Ils illustrent
de ce fait le passage progressif du domaine conceptuel au domaine maté-
riel et ils rendent le concept progressivement plus désirable. Ils contribuent

article en prépublication – innovations 2017 XXIII


Jean-Claude Boldrini

ainsi à la cohésion au sein du partenariat. En effet, la succession des résultats


intermédiaires de plus en plus « concrets » tend à renforcer l’intérêt com-
mun des partenaires du projet collaboratif.

CONCLUSION
Bien que les projets d’innovation collaboratifs se soient fortement déve-
loppés, depuis un quart de siècle, les processus de co-création de valeur qui
y sont à l’œuvre restent relativement méconnus. En effet, si la littérature a
étudié divers dispositifs organisationnels (concourance, co-conception, co-
location…), elle a encore rarement ouvert la boîte noire de ses processus.
Cet article a étudié ces mécanismes au cours d’un projet collaboratif de recy-
clage de films plastiques maraîchers usagés dont l’objectif était de créer une
filière locale et circulaire afin que les films usagés retrouvent un usage maraî-
cher une fois recyclés. L’article apporte plusieurs contributions, théoriques et
managériales, au terme de trois années de participation observante dans ce
projet de transition vers l’économie circulaire.
Tout d’abord, comme « le secret de la création de valeur [serait] d’améliorer
continument l’adéquation entre relations et connaissances » (Normann, Ramírez,
1993, p. 77), nous avons relié la théorie Service-Dominant (S-D) Logic, dont
l’orientation est plutôt relationnelle, à la théorie C-K, plutôt cognitive,
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afin de suivre avec précision la création collective de valeur et l’expansion
des connaissances au cours du projet. Les recherches récentes concernant
la Service-Dominant (S-D) Logic ont été particulièrement éclairantes pour
décrypter les processus de co-création de valeur. Ce courant théorique, issu
du marketing des services, nous semble donc également pertinent pour com-
prendre ce qui se joue en amont des projets d’innovation. Ensuite, nous
avons élaboré un modèle générique de processus de co-création de valeur
qui prolonge la S-D Logic en reliant ses contributions jusque-là disjointes :
rôles et relations des acteurs qui contribuent à la co-création de valeur, res-
sources qu’ils partagent ou combinent et succession des résultats intermé-
diaires auxquels ils parviennent. Enfin, nous proposons une typologie des
résultats possibles de la co-création de valeur. Nous démythifions également
le préfixe « co » de projet collaboratif. Contrairement à ce qu’il laisserait
penser, ou à des idéaux managériaux, ses acteurs ne coopèrent pas tous tout
le temps. Leurs échanges, finalement peu fréquents, s’opèrent principale-
ment au sein de dyades mouvantes. Ce n’est que face aux situations diffi-
ciles qu’un collectif élargi se réunit pour les traiter. Ce résultat rejoint les
travaux de Torre (2009) relatif aux proximités selon lesquels les processus
de collaboration alternent des phases de travail à distance, hors contact en

XXIV innovations 2017 – article en prépublication


La co-création de valeur dans un projet d’innovation collaboratif

face-à-face, et des phases de rencontres de courte durée (réunions program-


mées ou rencontres ad hoc). Ce résultat fait également écho aux travaux de
Weppe (2011) fondés sur la théorie de l’acteur réseau. Cet auteur considère
que les relations entre acteurs sont rares et peu créatrices de connaissances
dans les équipes projet. Ce serait plutôt les relations entre actants humains
et non humains (artefacts physiques, documents) qui seraient au cœur de la
dynamique de création de connaissances. Le véritable travail collectif pro-
viendrait du dialogue entre acteurs, favorisé par les artefacts. La dimension
collective du processus de construction de connaissance ne résulterait donc
pas d’« un travail fait ensemble », mais plutôt d’un système d’activités indi-
viduelles inter-reliées par des actants non humains (Weppe, 2011). D’un
point de vue managérial, comme le processus de co-création de valeur est
désormais rendu plus observable, grâce au modèle que nous avons élaboré, il
devrait être plus aisé de le gérer. Par ailleurs, si les projets collaboratifs ont de
nombreuses vertus, nous en avons aussi montré des difficultés possibles. Le
projet étudié est un succès, dans la mesure où il a débouché sur la commer-
cialisation réussie d’un nouveau produit, bien qu’il n’ait pas atteint tous ses
objectifs. Faute d’avoir pu, à ce jour, mobiliser un large collectif pour conce-
voir de nouveaux modèles d’affaires c’est toujours le produit qui est vendu,
et non son usage comme le voudraient les principes de l’économie circulaire.
Enfin, la recherche a montré que la transition vers l’économie circulaire ne
se résumait pas au recyclage et à la création d’une chaîne logistique inverse.
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Une limite de la recherche est bien sûr qu’elle porte sur un cas unique
ce qui obère la validité externe de nos contributions. Outre l’étude de nou-
veaux cas, de prochains travaux pourraient examiner plus en détail le rôle
des résultats intermédiaires dans le processus de co-création de valeur tant
par combinaison de ressources que par co-évolution des concepts et des
connaissances. Leur fonction d’objets intermédiaires mais également de pas-
serelles entre la S-D logic et la théorie C-K serait ainsi mieux comprise.

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