Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807398146
DOI 10.3917/inno.069.0251
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
ampleur inédite, bien que les causes, les symptômes et les conséquences
ont été le reflet d’inégalités intra- et inter- nationales latentes ou confir-
mées et cela dans un grand nombre de domaines. Cet ouvrage met en
lumière les enjeux économiques, technologiques, sanitaires, environ-
nementaux, sociétaux et d’innovation exacerbés par ces deux années
marquées par la pandémie de COVID-19 (2020 et 2021). Les stratégies
industrielles, les mécanismes de création et d’impact de l’innovation ont
ainsi été analysés dans cet ouvrage à travers le regard de 45 scientifiques
et experts, aussi bien en sciences sociales (économie, gestion, sociologie,
géographie, histoire, marketing et philosophie) que des microbiologistes,
médecins, psychologues et ingénieurs. L’ouvrage est ainsi composé de 38
textes répartis en quatre parties.
Dans la première partie, intitulée « Contextes », les auteurs dépeignent
des éléments historiques de compréhension des approches de gestion des
crises pandémiques. On y découvre que l’approche historique de gestion
des crises sanitaires n’a pas forcement changé, qu’elle revêt une dimension
mercantile en rupture avec les dimensions sociales et dont les impacts
sur celles-ci sont révélateurs des dysfonctionnements de performances
des différents systèmes de santé dans le monde. Raison pour laquelle il
demeure primordial de prendre en compte les sciences sociales dans le
développement des innovations relatives à la lutte contre les pandémies.
La deuxième partie, « Constats », dresse un état des lieux des nombreux
domaines d’activités impactés par la COVID-19. De l’économie de marché
à l’économie de guerre, la centralisation et priorisation de la production
questionne la souveraineté industrielle et les moyens mis en œuvre pour
lutter contre la crise. Dans un contexte où l’action sociale est redevenue
un centre de préoccupation, le dilemme entre santé et économie est plus
que jamais présent, en particulier dans la reconnaissance des ambiva-
lences du système hospitalier et du modèle de « l’hôpital entreprise ». Les
auteurs montrent que les technologies de l’information et de la communi-
cation (TIC) et la médecine de précision sont au cœur de la gestion de ce
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
des innovations ou aux mesures politiques mises en œuvre pour lutter
contre la pandémie en questionnant ainsi l’engagement des individus vis-
à-vis des organisations à différentes échelles de compréhension. Enfin, la
quatrième partie intitulée « Transitions » développe des pistes prospectives
sur le « monde d’après ». Les auteurs pointent ici la remise en question des
systèmes alimentaires et de transport, en soulignant la prise de conscience
collective de l’impact négatif des activités humaines sur l’écosphère et la
nécessité de reconfiguration des filières industrielles. En effet, la pandémie
a été révélatrice de la vulnérabilité des systèmes alimentaires mondiaux
et des contradictions de l’agriculture productiviste d’une part, mais égale-
ment des paradoxes liés à nos modes de déplacement et de consommation,
en relation avec la mondialisation des modes de production.
À la lecture de l’ouvrage, force est de constater que les réflexes médié-
vaux de recherche de coupables restent intacts, de la fureur du ciel au
pangolin tout en passant par le laborantin. Réflexes auxquels s’est rajou-
tée dès les temps modernes (XIIe siècle), une dimension mercantile qui
s’est intensifiée jusqu’à la gestion vaccinale compétitive et mondialisée
pour lutter contre la COVID-19. Cette facette continue de libéralisation
opportuniste œuvre ainsi contre le développement de logiques de gestion
des biens communs en temps de crise comme en temps de récession. Une
réflexion nous est alors offerte sur ce concept central, notamment sur
les communs de la connaissance qui soulignent, en contexte du COVID-
19, les dérives de la course aux vaccins et de la gouvernance des brevets.
Cette notion de bien commun, qui repose sur la solidarité dans les sociétés
capitalistes, est appréhendée dans cet ouvrage au-delà des transitions de
l’industrie pharmaceutique, notamment dans les problématiques d’inno-
vations ouvertes et collectives.
Les auteurs nous montrent que le transfert et la circulation de connais-
sances sont nécessaires en cas de difficultés économiques et restrictions des
échanges. Cependant, ces collaborations entre entreprises, qui se réfèrent
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
à les concevoir et à les promouvoir. Il est d’autant plus primordial qu’une
rupture entre les différents « points de vue » (technicien, usager, citoyen)
est vecteur d’inopérabilité de l’innovation. Les auteurs rappellent ainsi la
nécessité d’intégration des sciences sociales dans le développement d’in-
novations notamment en contexte de crises. Et ce n’est pas la COVID-19
ni même les épidémies de ces vingt dernières années comme le SRAS, le
H1N1 ou Ebola qui ont pu faire naître l’intégration d’une liaison entre
les problématiques médicales et les dimensions sociales ou économiques
dans la gestion de ces différentes crises, et cela même si les auteurs nous
montrent qu’elles sont pourtant intimement liées.
La dimension sociale se retrouve en effet primordiale dans la compré-
hension des différents systèmes de santé, des systèmes productifs ou
alimentaires, puisque la gestion des crises est alors révélatrice des inégali-
tés qui les composent, de ses performances et finalement en influence la
structure. La recherche scientifique en général n’échappe pas à ce constat,
et les auteurs mettent également en évidence la subjectivité de certains
projets de recherche et de la production scientifique, du point de vue de
leur financement mais également par rapport aux courants main stream
des différentes disciplines qui re-questionnent le système d’évaluation par
les pairs et les relations de pouvoir inhérentes à tout système social. Et les
paradoxes constitutifs des systèmes sociaux qui régissent nos modes de vie
(agriculture, santé, transport, industrie, entreprises), mis en lumière par
les auteurs, nous invitent à remettre en question notre rapport individuel
et collectif au territoire, à la nature et à la société. Entre filières mondia-
lisées et circuits courts, entre commerce de proximité et économie digi-
tale, il convient ainsi de s’interroger sur l’intégrité et l’éthique des choix
économiques, écologiques et sociaux à long terme pour faire face à de
futures crises liées à de nouvelles pandémies, au changement climatique
ainsi qu’aux famines et aux conflits qui en résulteraient.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 90.121.1.253)
alienor.de-rouffignac@univ-littoral.fr