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Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de

l’innovation responsable dans les initiatives locales de


transition
Le cas d’un réseau de tiers-lieux
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti
Dans Innovations 2023/3 (N° 72), pages 35 à 64
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807380188
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 24/10/2023 sur www.cairn.info via Angers-Le Mans COMUE expérimentale (IP: 185.204.175.52)

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DOI 10.3917/inno.pr2.0152

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-3-page-35.htm

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Caractériser les rôles de
l’innovation sociale et de
l’innovation responsable
dans les initiatives
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locales de transition
Le cas d’un réseau de tiers-lieux1

Céline BOURBOUSSON
GREDEG CNRS – Université Côte d’Azur
celine.bourbousson@​univ​-cotedazur​.fr

Nadine RICHEZ-BATTESTI
LEST CNRS – Aix Marseille Université
nadine.richez​-battesti@​univ​-amu​.fr

RÉSUMÉ
Cet article vise à observer et caractériser les liens et tensions entre les
notions d’innovation responsable et d’innovation sociale. La littérature
scientifique les ayant peu confrontées, nous proposons leur mise en pers-
pective et cherchons à comprendre leur rôle dans l’éclairage du phéno-
mène de transition socio-économique. Nous illustrons ce questionnement
par l’étude de cas unique d’un réseau rural de tiers-lieux dans le sud de la
France et par le recours à une analyse processuelle, qui donne à voir deux
séquences, chacune marquée par un paradigme spécifique de l’innovation.
Alors même que nos résultats soulignent la participation de l’innovation
sociale à la démocratisation d’un développement territorial alternatif, ils
pointent également que le paradigme de l’innovation responsable intro-
duit un possible risque de dépolitisation des enjeux liés à la transition
socio-économique.

1. Les auteures remercient chaleureusement les éditeurs et rapporteurs pour leur accompagnement
et leurs conseils avisés. Le terrain de cet article est issu d’une recherche financée par le programme
POPSU « Révéler les territoires à travers l’étude de cas ».

n° 72 – innovations 2023/3 DOI: 10.3917/inno.072.0033 35


Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

MOTS CLÉS : Innovation sociale, innovation responsable, transition, tiers-lieux,


territoire
CODES JEL : L31, 035

ABSTRACT
Identifying the Roles of Social Innovation and
Responsible Innovation in Local Transition
Initiatives: The Case of a Third Places’ Network
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This article aims at observing and characterizing the linkages and
tensions between the notions of social innovation and responsible inno-
vation. The scientific literature has little confronted them so far, thus we
propose to compare them and seek to understand their role in shedding
light on the phenomenon of socio-economic transition. We illustrate this
questioning by the unique case study of a rural network of third places
in the south of France and by a processual analysis, which reveals two
sequences, each marked by a specific paradigm of innovation. While our
results underline the participation of social innovation in the democrati-
zation of alternative territorial development, they also point out that the
paradigm of responsible innovation introduces a possible risk of depoliti-
cization of the issues related to socio-economic transition.
KEYWORDS: Social Innovation, Responsible Innovation, Transition, Third Places,
Territory
JEL CODES: L31, 035

L’innovation responsable (IR) comme l’innovation sociale (IS) ont


construit leur reconnaissance et leur légitimité à l’échelle européenne, et
ont en commun de prendre en compte et d’articuler des parties prenantes
hétérogènes. Elles apparaissent l’une et l’autre comme des tentatives de
réconcilier l’entreprise et la société (Capron, Lanoizelée, 2015).
En France, elles ont aussi fait l’objet d’une reconnaissance et d’un
processus d’institutionnalisation par la loi, celle de 2014 sur l’Économie
sociale et solidaire (ESS) pour l’IS, et la loi Pacte pour l’IR. Pour autant,
les deux champs ne se rencontrent pas et les deux notions sont héritières
de deux courants de pensée aux interactions réduites. Tandis que l’IR
puise ses sources dans les champs de l’évaluation technologique et de
la gestion préventive (Von Schomberg, Hankins, 2019), l’IS s’est plutôt
construite en tension avec la dimension technologique et s’est centrée sur
la production de nouveaux liens sociaux (Mulgan, 2012).

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Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

Les deux notions suscitent un foisonnement de définitions et conti-


nuent à faire l’objet de débats. Elles ont cependant en commun d’émerger
chacune explicitement dans un contexte de crise et de doute sur la capacité
des innovations récentes à assurer un avenir radieux. Un nombre crois-
sant de travaux met en lumière « la face sombre des innovations » (Coad
et al., 2021) et les externalités négatives qu’elles génèrent à l’échelle de la
société et de l’environnement, qui induisent autant de fractures sociales
et écologiques (Swyngedouw, 2009). Dans ce contexte exacerbé par les
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enjeux des transitions, citoyens, chercheurs, acteurs publics et entrepre-
neurs plébiscitent de nouveaux modes de production et de consommation,
ainsi que le développement de concepts et de cadrages scientifiques pour
les caractériser et les développer. Ils plaident pour un « changement de
paradigme » (Howaldt, Schwarz, 2010) et s’approprient les vocables de l’IR
et de l’IS pour tenter d’en dessiner les contours.
Nous mobilisons alors dans cet article ces notions d’IR et d’IS dans le
cadre d’initiatives de transition (Hopskins, 2010 ; Jonet, Servigne, 2013)
caractérisées comme des dynamiques portées par le bas et par des collec-
tifs pour transformer des pratiques à l’échelle locale, dans l’objectif de
promouvoir des alternatives plus responsables et d’infléchir la trajectoire
de développement local. En quoi ces deux notions d’IR et d’IS mettent-
elles en avant des rôles différents et éventuellement complémentaires de
ces initiatives ? Quels sont leurs soubassements et implications ? En quoi
se recoupent-elles et divergent-elles lorsqu’il s’agit de concevoir les tran-
sitions à l’échelle des territoires ? Nous choisissons ici de donner de la
profondeur empirique à ces interrogations par la conduite de l’étude de
cas d’un réseau rural de tiers-lieux. Les tiers-lieux sont en effet souvent
présentés comme des initiatives de transition emblématiques, à l’échelle
locale, à la fois manufactures de proximité, ateliers de fabrique numérique
et laboratoires d’innovation sociale (francetierslieu.fr). En regroupant des
espaces hybrides de rencontre, d’expérimentation et de création d’activi-
tés, le réseau de tiers-lieu auquel nous nous intéressons, situé dans le sud de
la France cherche activement à œuvrer à la transition socio-économique
du territoire dans lequel il s’implante. Toutefois, les discours des acteurs
que nous avons interrogés oscillent implicitement entre les notions d’IR
et d’IS, et semblent liés à des postulats, objectifs et cadres d’action bien
distincts. Par la conduite d’une analyse processuelle (Mendez et al., 2010)
nous montrons que chaque notion est convoquée dans une phase particu-
lière du processus, marquée par des logiques d’action et rationalités spéci-
fiques. Alors même que le réseau émerge par l’initiative de l’acteur public
local, porteur d’injonctions à de l’innovation territoriale responsable (IR)

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Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

par le développement de start-ups et d’une dynamique entrepreneuriale


affirmée, il bifurque ensuite dans une seconde séquence sur une perspec-
tive d’IS autour d’un projet que l’on qualifie d’entrepreneuriat de solidarité.
Dans cet article, nous mobilisons les concepts d’IR et d’IS dans le
cadre des transitions socio-économiques. Nos résultats empiriques, en
incarnant les deux notions analysées, leur portée et leurs modalités d’ap-
propriation, nous permettent de proposer deux contributions principales.
Nous suggérons d’une part que la grille conceptuelle de l’IR sous-estime la
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dimension collective et participative des projets, et qu’elle suscite dans son
appropriation une surestimation du rôle individuel de l’entrepreneur dans
le processus de transition territoriale. À l’inverse, nos résultats révèlent
aussi que la notion d’IS, lorsqu’elle est convoquée, génère des espaces de
médiation et de co-construction entre les acteurs. Nous montrons à la fois
une certaine porosité entre IR et IS et un engouement plus marqué pour
la notion d’IR, tant sur le terrain investi que dans les travaux scientifiques
analysés. Nous pointons alors un risque de dépolitisation des initiatives
de transition par le recours massif à cette catégorie analytique, tendant
à sous-estimer la prise en compte des conflictualités dans les transitions.

Mise en perspective théorique des


notions d’innovation responsable
et d’innovation sociale
Après avoir traité séparément les origines et avancées scientifiques des
notions d’IR et d’IS, nous présentons dans cette section les travaux qui
les ont mis en perspective et qui nous conduisent à problématiser notre
démarche.

L’innovation responsable
L’IR s’inscrit dans le prolongement des travaux sur la RSE, construits
face aux dérives d’un capitalisme actionnarial centré sur la seule perfor-
mance financière et visant la recherche d’une éthique dans les affaires
(Filippi, 2022). L’IR trouve son origine dans les études de sciences et tech-
nologies (Grunwald, 2011 ; Hellstrom, 2003 ; Owen et al., 2012 ; Von
Schomberg, 2013 ; Stilgoe et al., 2013) et s’inscrit dans le prolongement de
la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) et plus récem-
ment de l’impact. Le Bas (2017) identifie dans l’IR quatre visions de la

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Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

responsabilité. Tandis que la première a trait à la notion de reddition, la


seconde insiste sur la dimension de régulation liée à la conformité à la loi
et la troisième renvoie directement à la RSE sous ses formes stratégique et
réactive. Enfin, la dernière s’inscrit dans le champ de l’éthique et ambi-
tionne la recherche de prise de décisions justes.
L’IR témoigne globalement d’une certaine remise en question du para-
digme dominant de l’innovation en soulignant les conséquences indési-
rables et intentionnelles de l’innovation et en interrogeant ses liens avec
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la société et avec l’environnement (Sveiby et al., 2012 ; Von Schomberg,
Hankins, 2019 ; Macnaghten, 2020). L’IR accorde en effet un rôle privi-
légié à la dimension environnementale, comme le montrent les propos
de Kormelink (2019, p. 11) qui la définit comme « la transition vers une
nouvelle situation – et une amplification des possibilités – pour répondre aux
obligations et honorer plus de devoirs envers les autres êtres humains, l’envi-
ronnement, la planète et les générations futures qu’auparavant ».
Dans le champ académique de l’IR, la définition la plus influente, sur
la base des citations et d’une analyse bibliométrique (Ayob et al., 2016) est
celle proposée par Von Schomberg (2013, p. 63) qui l’appréhende comme
« un processus transparent et interactif par lequel les acteurs sociétaux et les
innovateurs deviennent mutuellement réactifs les uns envers autres en vue de
l’acceptabilité (éthique), de la durabilité et de la désirabilité sociétale du proces-
sus d’innovation et de ses produits commercialisables (afin de permettre une
bonne intégration des connaissances scientifiques et avancées technologiques
de notre société) ». Ce même auteur considère que l’IR est un nouveau
paradigme de la science, de la technologie et de l’innovation qui émerge
après les paradigmes « contrôle public des innovations technologiques » et
« innovation basée sur le marché » respectivement fondés sur les notions
de « contrôle responsable » par l’État et de « marketing responsable » lié aux
mécanismes de marché. Le paradigme de l’IR serait pour l’auteur asso-
cié à la notion de « co-responsabilité collective ». En lien avec la straté-
gie européenne Horizon 2020 et la déclaration Lund qui la précède, ce
paradigme s’inscrirait dans une perspective de réponse aux grands « chal-
lenges » (Déclaration Lund, 2009) de notre époque : réchauffement clima-
tique, pandémies, inégalités… Il introduirait alors une réflexion nouvelle
sur la gouvernance de l’IR, qui se doit désormais d’impliquer des parties
prenantes multiples autour de partenariats public-privé. Puisque ce para-
digme s’intéresse principalement à la technologie, cette implication passe
surtout par des codes de conduite et par l’adoption de standards et de
certifications.

n° 72 – innovations 2023/3 39
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

Stilgoe et al. (2013) sont aussi à l’origine d’un article fondateur dans le
champ de l’IR et identifient quatre dimensions dans la caractérisation de
la notion. L’anticipation, la réflexivité, l’inclusion et la réactivité. Pour les
auteurs, tout projet d’IR doit être capable de prévoir ses impacts et poten-
tielles conséquences. Il implique une réflexion sur l’utilité de l’innova-
tion, qui doit prendre une forme tangible et mesurable, et intégrer toutes
les parties prenantes concernées. Enfin, il doit réagir de manière dyna-
mique à l’évolution permanente des besoins sociétaux. Les notions d’IR et
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celle de Responsabilité Sociale de l’Entreprise, bien qu’elles fassent l’objet
d’applications à des TPE-PME (par exemple avec les travaux de Berger-
Douce, 2015), sont plutôt calibrées pour des projets d’envergure nationale
voire internationale, et soulignent comme nous l’avons dit la dimension
technologique.
Les travaux de Von Schomberg (2015) mettent d’ailleurs en évidence
les ancrages normatifs de l’IR dérivés du Traité de l’Union Européenne.
Ces ancrages s’articulent autour de la promotion du progrès scientifique et
technologique, de l’économie compétitive de marché, du développement
soutenable, de la justice sociale et de la qualité de vie.

L’innovation sociale
L’article de Phills et al. (2008, p. 36), l’article le plus cité dans la litté-
rature sur l’IS d’après une analyse bibliométrique (Ayob et al., 2016), la
définit comme « une nouvelle solution à un problème social qui est plus effi-
cace, efficiente, durable ou juste que les solutions existantes et pour laquelle la
valeur créée revient principalement à la société dans son ensemble plutôt qu’aux
particuliers ». L’IS est en effet le plus souvent définie comme renvoyant aux
évolutions des pratiques sociales et des organisations ayant pour motiva-
tion principale d’améliorer directement le bien-être des individus et non
le profit (Smith, 2017, p. 2).
La littérature sur l’IS s’est d’abord construite en tension avec l’inno-
vation technologique ; elle s’est ensuite déployée autour de ses usages
(Richez-Battesti et al., 2012) ; elle s’est plus récemment tendue entre une
vision dominante et une vision plus radicale et transformative (Laville,
2014 ; Moulaert et al., 2013, 2017 ; Fougère et al., 2017). D’un côté, dans le
prolongement de l’agenda politique du BEPA (2011), inspiré de l’OCDE,
l’IS est centrée sur l’introduction et le développement de « nouvelles idées
(produits, services et modèles) pour répondre à des besoins sociaux et contri-
buer à l’émergence de nouveaux liens » (Mulgan, 2012). Dans une logique

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Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

fonctionnaliste, cette définition considère l’IS comme une stratégie


locale pour préserver la cohésion sociale en temps de crise généralement
portée par un entrepreneur social et/ou par une collectivité territoriale.
D’un autre côté, dans une perspective plus radicale inspirée des travaux
de Moulaert et al. (2013), l’IS se définit comme des initiatives de terrain
portées par la société civile organisée, initiatives socio-politiques qui se
développent pour satisfaire des besoins humains fondamentaux non satis-
faits, donner aux groupes sociaux et aux communautés exclus la possibilité
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d’accéder aux droits sociaux et à la citoyenneté, changer les relations de
pouvoir et transformer les pratiques de gouvernance.
Selon les deux points de vue, l’IS est un phénomène social positif,
soit pour une amélioration progressive du fonctionnement de la société,
soit pour un changement social transformateur, « progresser vers quelque
chose de meilleur » (Brandsen et al., 2016, p. 6). Cette IS repose sur des
processus ascendants, composés de « réseaux d’activistes et d’organisations
qui génèrent des solutions de développement et de consommation soutenable,
solutions qui répondent à la situation locale et aux intérêts et valeurs des
communautés impliquées. Contrairement à l’écologisation des entreprises, ces
initiatives locales opèrent dans les arènes de la société civile et impliquent des
militants engagés » (Seyfang, Smith, 2007, p. 585). L’IS souligne ainsi l’im-
portance du niveau local comme étant celui approprié pour une gouver-
nance efficace. Les analyses pointent également aux cotés des initiatives
de la société civile organisée et plus largement de l’ESS, le rôle crois-
sant des acteurs publics (Fraisse et al., 2021). Elles soulignent enfin deux
dimensions particulièrement significatives de l’IS : son ancrage dans les
territoires et les débats relatifs au partage de la valeur produite (Richez-
Battesti, 2016).

Quels recoupements et enjeux dans


l’appréhension de la transition ?
Malgré la popularité exponentielle des concepts d’IR et d’IS, les déve-
loppements se sont opérés de manière indépendante dans chaque champ,
qui ont évolué séparément et très peu interagi. Ce manque d’interaction
s’explique principalement par des racines institutionnelles distinctes et
des communautés académiques différentes. Il existe néanmoins quelques
travaux qui ont entrepris une mise en comparaison des deux notions.
La grande différence entre IS et IR se retrouve dans les dimensions
concernées (Mobhe Bokoko, 2020). Alors même que comme nous l’avons

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Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

dit plus haut, l’IR se développe en réaction à l’émergence de technologies


avancées, qui a poussé à intégrer les concepts de responsabilité par anti-
cipation ou réaction aux impacts négatifs du processus d’innovation (Von
Schomberg, Hankins, 2019), Logue (2019) montre que le contexte et les
raisons de l’émergence de la notion d’IS sont bien distincts puisqu’elle
s’affirme comme une réponse à une relative incapacité des gouvernements
à répondre aux besoins sociaux. L’IS n’intègre pas de manière intuitive les
défis environnementaux. Ils sont plutôt pris en compte lorsqu’ils affectent
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significativement le bien-être sociétal ou le changement social souhaité.
Bolz et de Bruin (2019) proposent un cadre d’analyse intégré qui
conjugue IR et IS. Les auteures démontrent que l’IS appréhende le chan-
gement systémique depuis l’échelle du local tandis que les approches en
termes d’IR sous estiment les contextes locaux, les cultures et pratiques,
comme l’avaient auparavant affirmé Macnaghten et al. (2014). En s’ap-
puyant sur le cadre de la pensée logique proposée par Quine en 1962, elles
reprennent l’analogie de la rivière en considérant qu’IR et IS font partie
de la même rivière mais pas de la même eau (Quine, 1963). Les auteures
montrent d’abord qu’IR et IS ont une source commune : le « tournant
social » contemporain (Macnaghten et al., 2014, p. 6) que nous préférons
traduire par objectif de transition. Il s’agit d’une prise de conscience, parti-
culièrement dans le monde occidental, de problèmes sociétaux complexes
comme la dégradation de l’environnement et la pauvreté (ibid, p. 6).
De cette même source, IR et IS revêtent des identités distinctes mais
se rejoignent d’après les auteures dans les caractéristiques suivantes : la
réflexivité, la collaboration et le design. La réflexivité renvoie au contrôle
et à l’auto-évaluation des acteurs qui se lancent dans l’IR ou l’IS. Ils
s’engagent dans les deux cas dans une démarche de réflexivité qui peut
se traduire ou non par une évaluation chiffrée. L’IR et l’IS se focalisent
également toutes les deux sur les modes de collaboration permettant d’im-
pliquer une multiplicité et une hétérogénéité de parties prenantes. Enfin
dans les deux cas, le design, défini par les auteures en référence à Simon
(1996) comme le lien entre situation présente et futur désirable, apparaît
comme fondamental.
Toutefois et au-delà de ces convergences, le registre de la responsabi-
lité, et celui de l’IR semblent ancrer plus naturellement l’innovation dans

42 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

le champ de l’entreprise, comme nouvelle déclinaison de la RSE. Celui


de l’IS oscille entre entrepreneuriat social, ESS et mobilisations sociales
par le bas (Richez-Battesti, Itçaina, 2021). Le territoire peut y apparaître
comme un trait d’union ainsi que le mettent en évidence les travaux
récents sur la Responsabilité Territoriale des Entreprises (Filippi, 2022 ;
Richez-Battesti, Itçaina 2022) ou encore ceux de Häikiö et al. (2017). Mais
le plus souvent, la référence à la responsabilité, au sens d’une redevabilité
vis-à-vis de la société, tend à occulter les formes organisationnelles alter-
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natives et leurs spécificités (gouvernance démocratique, droits de propriété
et règles de partage de la valeur (Bidet et al., 2019 ; Bidet, Richez-Battesti,
2022), dans leur contribution à la responsabilité. De fait, alors qu’elle est
au cœur de l’IS, l’ESS ne s’inscrit que marginalement dans le discours
responsable alors que les règles qui fondent son organisation constituent
des marqueurs de la responsabilité.
Le caractère incrémental ou de rupture de l’innovation apparaît comme
un élément supplémentaire de différenciation des deux notions puisque
l’IR considère l’innovation comme « la seule manière » de répondre aux
enjeux sociétaux (EC, 2011, p. 3) et met l’accent sur les innovations de
rupture alors que l’IS se présente plutôt comme une innovation incré-
mentale, « une innovation qui n’en semble pas une » (Richez-Battesti, 2010)
et qui correspond souvent à la redécouverte d’un savoir banal, même si
certains auteurs pointent l’existence d’innovations sociales de rupture
(Douchet, 2019 ; Palluault, Douchet, 2022).
Nous reprenons dans le tableau ci-dessous les convergences et diver-
gences des deux notions, et nous en servirons plus bas comme grille
d’analyse.
Nous nous interrogeons alors sur ces recoupements et divergences entre
IS et IR et cherchons à comprendre comment l’une et l’autre ou l’une
avec l’autre contribuent à éclairer le phénomène d’innovation sous un
angle alternatif ou en marge des conceptions dominantes. Puisque nous
avons identifié la transition socio-économique comme source commune
des deux notions, nous nous demandons comment chacune des deux
approches se développe pour servir cet objectif. Nous formulons alors plus
précisément la question de recherche suivante : Comment les notions d’IS
et d’IR permettent-elles d’appréhender des initiatives locales de transition ?

n° 72 – innovations 2023/3 43
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

Tableau 1 – Convergences et divergences des notions


d’IR et d’IS à partir de la revue de littérature

Innovation responsable Innovation sociale


Dimension territoriale
Rôle de l’entrepreneur (e.g. (e.g. Filippi, 2022 ;
Von Schomberg, 2015) Richez-Battesti, Itçaina,
2022)
Rôle des collectifs à la base
Objectif de compétitivité
et de la solidarité
(e.g. Von Schomberg, 2015)
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(e.g. Seyfang, Smith, 2007)
Développement durable et
technologie (e.g. Grunwald, Importance de l’acteur
Divergences
2011 ; Hellstrom, 2003 ; Owen public (e.g. Fraisse et al.,
et al., 2012 ; Von Schomberg, 2021 ; Mulgan, 2012)
2013 ; Stilgoe et al., 2013)
Nature radicale de l’inno-
Nature plus incrémentale
vation (EC, 2011 ; Von
(Richez-Battesti, 2011)
Schomberg, 2015)
Partage de la valeur
(Richez-Battesti, 2016 ;
Smith, 2017)
Objectif de transition socio-économique
(e.g. Bolz, de Bruin, 2019)
Gouvernance multi parties prenantes
Convergences (Stigloe et al., 2013 ; Harisson et al., 2012)
Réflexivité (e.g. Stigloe et al., 2013 ; Cajaiba Santana, 2014)
Design (e.g. Ayob et al., 2016 ; van den Hoven, 2007)

Source : les auteures

Un protocole méthodologique
axé sur l’étude de cas unique
Pour répondre à notre questionnement, nous proposons l’étude de cas
unique d’un Réseau Territorial d’Organisation (RTO) de tiers-lieux, dont
nous analysons le processus d’émergence et de développement. Après
avoir justifié ce choix méthodologique, nous présentons dans cette partie
les modalités de collecte puis d’analyse des données.

Le choix de l’étude de cas unique d’une initiative


locale de transition pour interroger IR et IS
Nous proposons une étude de cas instrumentale (Stake, 1995), c’est-à-
dire une étude qui s’intéresse à une question qui dépasse le cas retenu et qui

44 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

le sollicite pour donner un aperçu d’un problème particulier, pour discuter


ou construire une théorie (Mills et al., 2010). L’étude de cas instrumentale
nous permet ici d’illustrer et de discuter les approches en termes d’IR et
d’IS présentées dans la revue de littérature, et de saisir comment elles
peuvent éclairer, conjointement et/ou séparément, une initiative locale
de transition.
L’étude de cas unique permet ici de comprendre en profondeur le
phénomène auquel nous nous intéressons et sert le triple objectif de
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motivation de la question de recherche, d’inspiration et d’illustration
(Siggelkow, 2007).
Les tiers-lieux, considérés de manière isolée, sont définis comme des
espaces innovants et hybrides d’expérimentation d’activités multi parties
prenantes, et se présentent explicitement comme des initiatives visant la
transformation sociale (Burret, 2015). Du point de vue des transitions, ils
s’inscrivent a priori à la fois dans le registre de l’IR et dans celui de l’IS et
font l’objet d’une politique publique qui oscille entre les deux discours et
s’approprie les vocables et catégories. Car si l’accent est généralement mis
sur les initiatives locales et citoyennes privilégiant ainsi la rhétorique de
l’IS, on observe aussi l’importance accordée aux incubateurs – et à travers
eux aux dynamiques entrepreneuriales – ainsi qu’au développement du
numérique, certaines grandes entreprises telles qu’Orange venant soute-
nir des tiers-lieux (Liefooghe, 2018).
Lorsque ces tiers-lieux se structurent en réseau, ils témoignent d’une
dynamique de changement d’échelle mais surtout incarnent une initia-
tive de développement territorial alternatif puisqu’ils cherchent collecti-
vement et à l’échelle d’un territoire à transformer les modes de production,
de travail et de lien social. Ils représentent donc un cas d’école d’initiative
locale de transition. Parmi l’ensemble des RTO de tiers-lieux, nous faisons
le choix d’étudier Ruralo, anonymisé pour les besoins de la recherche.
Au-delà de l’opportunisme méthodique (Girin, 1989) lié à l’existence
d’un projet de recherche qu’une des autrices codirige sur ce terrain, le
RTO Ruralo apparaît comme particulièrement pertinent pour interro-
ger et discuter IR et IS puisque ces notions sont directement convoquées
par les éléments de communication du projet, présenté à la fois comme
un outil pour favoriser l’esprit d’entreprendre responsable et comme une
réponse aux besoins sociaux du territoire. Ruralo est situé dans un terri-
toire rural du Sud de la France, marqué par le déclin, et se compose de
trois tiers-lieux qui reflètent la diversité de ces formes organisationnelles :

n° 72 – innovations 2023/3 45
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

il regroupe en effet un espace de coworking, un fablab et un tiers-lieu


culturel.

Collecte des données


Le cas Ruralo a été étudié au regard d’une triangulation de données
primaires (entretiens semi-directifs, focus group et observations parti-
cipantes) et de données secondaires (site internet, données internes,
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données publiques) récoltées en 2020 et 2021. La conduite d’entretiens
participe d’une co-construction, entre le chercheur et les personnes
interrogées, de la compréhension des éléments vécus par ces dernières.
Celles-ci, grâce à leur expérience ou à leur fonction, vont éclairer les cher-
cheurs et leur permettre de mieux appréhender le problème posé (Mishler,
1986). De type semi-directif, les 21 entretiens réalisés s’appuient sur des
guides construits autour des indicateurs d’IR et d’IS retenus dans la revue
de littérature et présentés dans le tableau 1. Ils questionnent le rôle de
l’entrepreneur et des acteurs publics, la place du développement durable,
les mises en lien et les mobilisations collectives, ainsi que les attentes
des personnes rencontrées. Plus précisément, les principales thématiques
abordées lors des entretiens : le diagnostic du territoire et les enjeux de son
développement (notamment la conception du modèle de développement
et des transitions), la co-construction des tiers-lieux et leur mise en réseau
(avec quels acteurs, dans quel objectif), la mise en lien et les coopéra-
tions sur le territoire. Ils ont été complétés par quatre focus group nous
permettant de réunir des groupes homogènes (étudiants ou usagers d’un
tiers-lieu) ou hétérogènes (des acteurs du territoire) afin d’observer dans
un cadre collectif la teneur de leurs attentes et la nature des débats relatifs
aux tiers-lieux et au développement du territoire. Quant aux observations
participantes, elles se sont déroulées lors de réunion de travail dans les
différents tiers-lieux ou lors de réunions portées par des acteurs publics,
ou à l’occasion d’évènements organisés par l’un ou l’autre des acteurs du
territoire (soit à l’occasion d’une quinzaine d’évènements).

46 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

Tableau 2 – Liste des entretiens, focus group et observations participantes

Entretiens semi directifs (2020 et 2021)


Maire de la ville et Présidente de
1h
l’Agglomération
Responsable du service
5x1h
Développement, Agglomération
Chargé de mission développement
1 h 20
économique, Agglomération
Cheffe de projet « Territoire de pleine
1h
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santé », Agglomération
Acteurs publics
Chef du service Vieillesse-Handicap
40 min
Conseil Départemental
Directrice Centre communal d’action
1h
sociale
Directeur Pole emploi, ville 35 min
Coordinateur de projet Campus
45 min
Connecté
Enseignant chercheur Université 1 h 10
Directrice Entreprise sur le maintien à
30 min
Entreprises domicile
Directrice agence de communication 45 min
Chef de projet La Fabrique à Initiative 5x1h
Directrice Réseau Initiative
2 x 50 min
département
Directeur association en lien avec le
45 min
handicap
Conseiller communautaire Aide à
1 h 10
Domicile en Milieu Rural
Acteur associatif/ Chef de projet Tiers-lieu culturel 2x1
société civile Trésorier Adjoint, Tiers-lieu culturel 45 min
Chargé de projets Pôles d’innovation
45 min
territoriaux
Délégué départemental Entente des
générations pour l’emploi et l’entreprise 30 min
(EGEE)
Directeur atelier Canopée 40 min
Directrice régionale Emergence 1h
Total entretiens 21 26 h
Focus group 2021
Usagers (10) 1h
Étudiants université (2x15) 2 x 1 h 30
Territoire 1 : 15 personnes 1 h 30
Territoire 2 : 17 personnes 1 h 30
Observations participantes
À différentes occasions sur le territoire

n° 72 – innovations 2023/3 47
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

Tableau 3 – Liste des données secondaires

2019-2020-
Rapport d’activité Initiative
2021
Rapport diagnostic territorial 2018
Étude développement tiers-lieu 2019
2019-2020-
Rapport d’activité tiers-lieu culturel
2021
Rapport Étude 2022
Rapport de la mission coworking https://​www​.economie​
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.gouv​.fr/​apie/​actualites/​remise​-rapport​-mission​ 2018
-coworking
AMI Fabrique de Territoire https://​agence​-cohesion​
2022
-territoires​.gouv​.fr/​fabriques​- de​-territoire​-582
AMI Nouveaux lieux nouveaux liens https://​agence​
-cohesion​-territoires​.gouv​.fr/​nouveaux​-lieux​-nouveaux​ 2020
-liens​-56

Analyse des données


Pour saisir au mieux et en profondeur l’initiative locale de transition
à laquelle nous nous intéressons, nous proposons une analyse processuelle
(Mendez, 2010) de l’émergence et du développement du RTO dans le
temps. Dans le prolongement des travaux d’Abott (2001), l’analyse proces-
suelle permet de rendre compte des évolutions des contextes et des inte-
ractions entre les facteurs dans le cadre d’une analyse temporelle.
Nous cherchons de cette manière à repérer les ingrédients (Mendez,
2010) du contexte qui structurent les différentes séquences temporelles et
qui permettent de caractériser en finesse IR et/ou IS en fonction de l’évolu-
tion du processus. Les bifurcations (raison des changements de séquences).
Le caractère longitudinal permet d’intégrer la dimension temporelle dans
l’analyse du phénomène étudié. Les temporalités ne sont pas limitées à la
mesure, « les phénomènes traversés par la durée ont une "épaisseur tempo-
relle" » (Mendez, 2010, p. 12). L’analyse processuelle permet de saisir cette
épaisseur. En retraçant l’histoire du processus on s’intéresse « à la succes-
sion des opérations que l’on doit prendre en compte » (Mendez, 2010, p. 18).
Nous nous attellerons donc à repérer et à sélectionner les « ingrédients »,
sur différentes échelles et niveaux de contexte, qui s’agencent pour struc-
turer des « séquences ». Le passage d’une séquence à l’autre est marqué par
ce que les auteurs appellent « bifurcation ». Il s’agit d’un moment particu-
lier qui implique une recomposition des ingrédients et débouche sur un
changement d’orientation du processus. Les bifurcations, imprévisibles et
seulement repérables a posteriori, peuvent être marquées par deux sortes

48 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

d’évènements : l’évènement déclencheur, qui vient ébranler la cohérence


apparente de la séquence précédente et l’évènement résolutif, qui suit une
longue période de montée des tensions et ré agence les ingrédients pour
déboucher sur une sortie de crise.

Le cas Ruralo : du registre


de l’IR à celui de l’IS
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Ruralo concerne un territoire rural marqué par le déclin, tant démo-
graphique qu’économique. Il est qualifié plus haut de cas d’école d’initia-
tive de transition et donne à voir des éléments d’innovation que l’on peut
rattacher tantôt à l’IR et tantôt à l’IS. Les discours des acteurs que nous
avons interrogés et ceux qui ressortent des données secondaires que nous
avons analysées oscillent entre les notions d’IR et d’IS, et semblent liés à
des postulats, objectifs et cadres d’action bien distincts. L’analyse proces-
suelle s’est révélée particulièrement pertinente pour Ruralo puisqu’elle nous
permet d’identifier deux périodes, correspondant donc à des séquences,
chacune rattachée à l’une des deux notions. Ces deux séquences sont
reliées par une bifurcation, qui clôture la première et introduit la seconde.
Alors même que Ruralo nait de la création d’un tiers-lieu par l’initiative
d’un acteur public qui porte un discours d’IR, celui-ci va par la suite s’asso-
cier à un acteur associatif pour développer un entrepreneuriat de solida-
rité. C’est ainsi que va se construire un réseau de tiers-lieux, englobant
deux autres initiatives émergeant de cette nouvelle dynamique.

L’impulsion publique
d’un tiers-lieu sur le registre de l’IR
C’est à partir de 2017 que l’agglomération avec le soutien de la munici-
palité a développé l’espace de coworking. Il s’agissait de proposer aux entre-
prises et aux entrepreneurs un lieu d’accueil, de faciliter leur installation sur
le territoire et d’offrir de nouvelles perspectives de développement fondées
sur le renforcement des coopérations entre les entrepreneurs. Cet espace a
été créé à la suite d’une étude du réseau BGE identifiant des besoins sur le
territoire en lien avec la création d’entreprises et le télétravail.
Dans la première séquence, le registre dominant est celui d’un dévelop-
pement porté par l’entrepreneuriat. La création d’un espace de coworking
par les acteurs publics locaux a pour objectif de proposer aux entreprises

n° 72 – innovations 2023/3 49
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Figure 1 – Analyse processuelle de Ruralo

50
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

innovations 2023/3 – n° 72
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Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

et aux entrepreneurs un lieu d’accueil, de faciliter leur installation sur le


territoire et de renforcer leurs interactions. Les acteurs publics soulignent
l’importance de remettre le territoire en mouvement par l’entrepreneuriat
en mobilisant un registre de la transition pris au sens de l’inflexion d’une
trajectoire de développement. L’objectif est de transformer les logiques de
développement préexistantes marquées par la prédominance d’activités
administratives au profit de logiques entrepreneuriales. La reconquête de
la dynamique du territoire repose sur des logiques d’agglomération d’entre-
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prises selon une vision classique du développement économique fondé sur
la dynamisation d’une offre économique par un accompagnement à la
création d’entreprise. Il s’agit de remédier à l’absence des facteurs clas-
siques de l’innovation tels qu’identifiés par le CGET (2015) : insuffisantes
concentration de talents et opportunités de mise en lien, faiblesse de la
R&D et des dynamiques technologiques, manque de réseaux de trans-
port et de communication… Un acteur public souligne ainsi « on avait
l’image des start’up dynamiques, innovantes et porteuses de développement
durable qui allaient transformer radicalement notre territoire et opérer une
transition ». Toutefois dès 2019, le diagnostic posé par un cabinet d’études
démontre que les principaux ingrédients propices à la réussite du tiers-lieu
ne sont pas réunis : faiblesse des dynamiques entrepreneuriales sur le terri-
toire et difficulté à mobiliser une communauté d’entrepreneurs, absence
d’ancrage territorial et animation insuffisante du lieu qui limitent son
attractivité. Confortant ce diagnostic, une entreprise installée sur le terri-
toire souligne ainsi « Il y avait un discours entrepreneurial étonnant, un peu
décalé de la réalité du territoire, pas très en lien avec les réalités des marchés ».
Cette première séquence, est majoritairement dans un registre de
l’IR, marquée par la recherche d’une innovation fondée sur des logiques
entrepreneuriales, privilégiant la recherche de compétitivité, avec une
dimension presque hors sol par rapport aux réalités du territoire et à ses
caractéristiques socio-économiques et démographiques. La dimension
de responsabilité concerne majoritairement l’acteur public qui considère
d’une part qu’il doit « réveiller la belle endormie » dans le cadre d’une
responsabilité vis-à-vis des citoyens et d’autre part qui fait des entreprises
compétitives et de leur mise en lien le levier de la dynamique du territoire.

n° 72 – innovations 2023/3 51
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

La bifurcation vers un entrepreneuriat de


solidarité à travers un partenariat associatif
Si au début de la mobilisation entrepreneuriale en 2017, la nature de
l’activité économique véhiculée par l’entreprise est peu prise en compte,
tout comme son lien au territoire, très vite une dimension de dévelop-
pement durable est introduite. La logique n’est plus celle d’un dévelop-
pement entrepreneurial tous azimuts. Elle est progressivement orientée
vers la valorisation d’un patrimoine territorial naturel et vers la qualité de
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vie dans le cadre d’une transition socio-économique. Les acteurs publics
prennent en effet conscience du levier que constitue ce patrimoine naturel
en termes de création d’entreprise dans une double dimension : offrir un
cadre de vie de qualité aux futurs entrepreneurs et développer des activités
et des entreprises en lien avec ce cadre de vie (tourisme des seniors, ther-
malisme, territoire de pleine santé…). Ce patrimoine naturel, de ressource
latente et potentielle, va progressivement être considéré comme un levier
du développement en capacité de nourrir des stratégies d’innovation en
lien avec le développement durable. « Au début, il y avait l’urgence d’agir,
infléchir la tendance au déclin, offrir des perspectives rapidement… En tant
qu’acteur public, on se devait d’agir. Pour nous, l’entreprise était le levier du
développement, il fallait à la fois les attirer et les mettre en lien. D’où l’idée
de l’espace de coworking… Mais pas n’importe quelle entreprise, au début on
imaginait des entreprises technologiques, innovantes, compétitives, on était sur
un modèle start’up. … Puis, on s’est rendu compte qu’il fallait qu’on s’appuie
plus sur les ressources du territoire, notamment son patrimoine naturel et son
potentiel en termes de santé et de développement durable ».
Un autre élément joue dans l’inflexion de la stratégie initiale : l’acteur
public prend conscience qu’il doit déléguer de façon à associer plus large-
ment des acteurs diversifiés, qui puissent jouer le rôle d’intermédiaire et
ainsi faciliter le lien et la mobilisation sur le territoire. C’est notamment
le cas de la gestion de l’espace de coworking déléguée à une association
reconnue pour ses compétences entrepreneuriales. « On a pris conscience
dans le cadre de l’accompagnement par le cabinet d’étude qu’il fallait qu’on
délègue plus, à des acteurs qui avaient l’expérience de l’entreprise, parce que
les dynamiques entrepreneuriales sont faibles en fait sur le territoire,…, et qu’il
fallait qu’on élargisse notre vision du développement en lien avec les spécifi-
cités du territoire » (entretien acteur public). Pour la collectivité territo-
riale, c’est un changement de posture important : « on a appris à travailler
ensemble, à se faire confiance ». Il est alors intéressant de noter que l’acteur
associatif, en charge de la gestion de l’espace de coworking et partenaire

52 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

clé de l’acteur public, se trouve lui aussi progressivement en situation de


s’ouvrir sur d’autres acteurs du territoire avec lequel il n’entretenait pas ou
peu de relations à l’origine. « On s’est progressivement mis en lien avec les
acteurs du développement durable puis du social, au début c’était pas notre
cible ». La dimension de développement durable qui émerge progressive-
ment s’accompagne donc de l’élargissement des acteurs potentiels pris en
compte pour infléchir la stratégie de développement. On retrouve ici le
rôle clé qu’occupe un tiers-lieu dans la mise en lien entre acteurs hétéro-
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gènes et dans l’animation de cette mise en lien.
Cette bifurcation passe donc par l’émergence d’un discours sur le déve-
loppement durable en phase avec l’IR qui s’accompagne d’une référence
croissante au territoire en lien avec l’IS. Si la dimension entrepreneuriale
reste forte (IR), elle s’oriente vers un entrepreneuriat de solidarité (IS),
associant de nouveaux collectifs issus de la solidarité.

Le développement d’un réseau


de tiers-lieux sous le sceau de l’IS
On assiste ainsi à une bifurcation dans la stratégie de l’acteur public
qui tout à la fois élargit sa conception de la stratégie de développement
de son territoire et les acteurs qu’il y associe questionnant progressive-
ment la gouvernance des dispositifs qu’il contribue à mettre en œuvre.
On y observe tout d’abord une articulation progressive des dynamiques
entrepreneuriales et sociales favorisant des opportunités de marché. « On
ramait pour développer l’entrepreneuriat, on s’est dit qu’il fallait explorer
d’autre façons de créer de l’activité, en s’appuyant sur des structures existantes,
que l’on pouvait sensibiliser à l’entrepreneuriat ou qui pouvait nous aider à
repérer des marchés potentiels. On a noué des liens avec pas mal d’acteurs du
social, qu’on n’avait pas imaginé mobiliser au départ » (association en gestion
de l’espace de coworking). C’est cette orientation que nous qualifions d’en-
trepreneuriat de solidarité. Cette articulation entrepreneuriale et sociale
repose aussi sur le développement de nouveaux tiers-lieux sur le territoire
autour de la santé et de la culture. Ce sont ensuite le renforcement des
stratégies de coopération : c’est moins la mise en concurrence d’acteurs
privés pour construire du développement local, que la valorisation de
coopération pour élargir les tiers-lieux en présence que l’on peut observer.
« On n’allait pas mettre en concurrence les acteurs pour la gestion de l’espace
de coworking, on a fait le choix de la confiance » (acteur public). C’est enfin
l’accent mis sur des fonctions d’animation qui deviennent motrices de

n° 72 – innovations 2023/3 53
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

l’activité, tant pour l’acteur public, « on se mettait en retrait », que pour


l’acteur associatif « on a pris conscience de l’importance de l’animation, faire
se rencontre , rendre possible, plutôt que faire directement » allant jusqu’à
induire une réflexion sur la gouvernance des tiers-lieux : « l’accompagne-
ment du cabinet d’étude puis la recherche universitaire réalisée, ça nous a aidé
à réfléchir à l’animation des tiers-lieux mais aussi sur leur gouvernance et
l’élargissement des membres associés. On n’a pas forcément de solution mais
on sent qu’il faut travailler la gouvernance, élargir les associés, plus croiser, il
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faut se rencontrer, débattre » (acteur associatif).
Dans cette seconde séquence, on est plus dans le registre de l’IS, même
si les termes ne sont jamais employés directement. L’acteur public continue
à jouer un rôle essentiel dans l’amorçage des processus et l’accompagne-
ment des dynamiques, mais il est plus en lien avec la réalité de son terri-
toire et les acteurs en présence. Si l’entrepreneuriat reste un levier clé du
développement, c’est un entrepreneuriat encastré dans le territoire qui est
recherché, plus en phase avec les besoins et les attentes de la population,
dont chacun des trois tiers-lieux peut être le vecteur. Les acteurs asso-
ciatifs entrent en scène de façon croissante dans cette seconde période,
contribuant à exprimer les besoins des personnes sur le territoire. Enfin et
surtout, l’affaiblissement progressif de la posture descendante des pouvoirs
publics et le rôle croissant accordé à l’animation s’accompagne de mise en
débat et de controverses autour des stratégies de développement portés
par des acteurs diversifiés, élargissant la palette des associés et des actions
possibles. Dans ce contexte, la référence au développement durable, plutôt
légère et superficielle au départ, se transforme en un objectif de transition
socio-économique, et s’inscrit moins dans le registre de la responsabilité
que dans celui d’une perspective soutenable pour le territoire en fonction
de ses spécificités. Une gouvernance multi-partie prenante commence à
s’amorcer et s’accompagne d’une dimension marquée de réflexivité puisque
les acteurs s’interrogent explicitement sur l’utilité de l’innovation qu’ils
développent, en cherchant à l’adapter au mieux aux spécificités territo-
riales. « Notre enjeu, c’est de s’appuyer sur les ressources du territoire, et de
questionner nos choix ensemble. …, on apprend à s’écouter, à se comprendre »
souligne le responsable du service développement de l’agglomération.

54 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

Tableau 4 – Analyse processuelle des dimensions


de l’innovation chez Ruralo

RTO Ruralo
IR IS Séquence 1 Séquence 2
Volonté de dévelop- Entrepreneuriat au
Rôle de
pement porté par service des besoins
l’entrepreneur
l’entrepreneuriat du territoire
Coworking pour L’objectif de
Objectif de booster la compéti- coopération prend
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compétitivité tivité des entreprises le pas sur celui de
locales compétitivité
Volonté de soutenir Volonté de mobiliser
Développement des startups orien- les ressources du
durable tées sur le dévelop- territoire de façon
pement durable soutenable
Volonté de transi- Volonté de transi-
tion d’une logique tion vers un para-
Objectif de transition
administrative digme alternatif
socio-économique
à une logique et ascendant de
entrepreneuriale développement
Gouvernance multi parties Absence de réflexion
Design
prenantes sur la gouvernance
Absence de réflexion
Réflexion collec-
Réflexivité collective sur l’utilité
tive sur l’utilité de
de l’innovation l’innovation
Futur désirable
Futur désirable ancré ancré dans la
Design
dans la technologie réponse aux besoins
sociaux
Le territoire comme Le territoire comme
Dimension
support des activités moteur des activités
territoriale
économiques économiques
Positionnement
Positionnement
Importance de l’acteur public
de l’acteur public
de l’acteur comme financeur
comme partenaire
public de l’innovation
de l’IS
technologique
Émergence d’es-
Médiation et Absence d’arènes et
paces de mise en
controverses de mise en débat
débat

Discussion
En reprenant la grille d’analyse mobilisée pour analyser notre terrain,
nous proposons une relative montée en généralité et rebouclons avec la
littérature investie. Nous pointons d’une part les limites des catégories

n° 72 – innovations 2023/3 55
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

retenues pour distinguer les deux catégories d’innovation. D’autre part,


nous identifions l’enjeu de caractériser l’intentionnalité de l’innovation
en précisant le risque de dépolitisation des enjeux de transition socio-
économique que porte le paradigme de l’IR dans le cas étudié (figure 2).

Figure 2 – Les rôles différenciés de l’IS et de l’IR dans les


initiatives de transition : l’intentionnalité en question
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Conformément aux apports de la littérature et aux travaux de Bolz et
de Bruin (2019), la dimension de transition ressort clairement des propos
des acteurs, qu’ils aient été recueillis lors de la première séquence ou au
cours de la seconde séquence. Le réseau de tiers-lieu observé constitue
effectivement une initiative de transition. Nos résultats révèlent toute-
fois que le terme transition est investi de manière radicalement différente
selon la séquence considérée. Alors même que dans le registre de l’IR le
terme est apolitique et renvoie à un changement de stratégie de dévelop-
pement territorial appuyé sur la technologie, il devient politique dans le
registre de l’IS et renvoie à un changement de paradigme et à l’émergence
d’alternatives, conformément à la conception de Jonet et Servigne (2013).
Ce n’est plus la dynamique économique centrée sur le rôle des entreprises
et de la technologie qui est recherchée à Ruralo, mais un entrepreneuriat
encastré dans les besoins du territoire et orienté vers les solidarités et le
bien commun, un entrepreneuriat qui est le fruit de conflictualités qui
s’expriment sur le territoire. Nous qualifions de politique, en lien avec
le changement de paradigme, ce déplacement vers un entrepreneuriat
encastré dans le territoire et ses conflictualités identifié pour l’IS dans le
cas Ruralo.
On observe aussi que les catégories mobilisées à partir de la revue
de littérature sont partiellement inopérantes pour distinguer l’IR et l’IS
ou plus exactement qu’elles doivent faire l’objet d’une analyse plus fine
pour être mieux distinguées. Au terme de nos observations, seuls trois
marqueurs restent spécifiques contre six au départ : la compétitivité pour
l’IR et le territoire et la mobilisation des collectifs pour l’IS. La distinction

56 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

entre IR et IS porte moins sur la place des dynamiques entrepreneuriales


que sur la nature et la diversité de l’entrepreneuriat (qui peut être tech-
nologique comme dans le living lab mais aussi se traduire par un entrepre-
neuriat de solidarité).
Il en va de même de la dimension multi parties prenante qui émerge
progressivement dans Ruralo. La littérature sur l’IR la pose comme fonda-
mentale en ce qu’elle permet de mutualiser la gestion des risques liés aux
innovations technologiques et de s’assurer d’une satisfaction globale des
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parties prenantes impliquées. Nos résultats montrent toutefois qu’elle est
moins un outil de gestion des risques (IR) qu’un moyen de démocratisa-
tion du développement du territoire (IS). En effet dans le contexte parti-
culier de Ruralo, dans la seconde période, les parties prenantes diversifiées
(acteur public, associations, entreprises) sont associées dans une perspec-
tive politique de démocratisation d’un développement territorial qui se
veut alternatif et de redéfinitition des fondements d’une action publique
bottom up. Le réseau des tiers-lieux rompt avec les tendances à l’indivi-
dualisation et constitue un espace de mise en lien et d’intermédiation
multi parties prenantes entre citoyens et associations, acteurs publics et
entreprises. Ce réseau s’efforce de favoriser la mise en débat et aspire à
devenir un réceptacle des controverses relatives au développement du
territoire. Il occupe de ce fait une fonction centrale de médiation sur le
territoire. Si le rôle de l’acteur public apparaissait clivant dans la revue
de littérature pour caractériser l’IS, on observe là encore, que ce n’est pas
la présence ou l’absence de l’acteur public qui distingue l’IR de l’IS, mais
l’imaginaire qui oriente son action. Il est structuré par les grands chal-
lenges et la compétitivité dans la première période plus que par le soutien
à la transformation sociale. Dans la seconde phase, ce sont finalement des
innovations modestes, très en lien avec le quotidien qui sont recherchées,
qu’elles concernent les modes de construction de la politique publique ou
la nature des entreprises à accompagner ou à mobiliser. Elles ont moins
une dimension technologique et plus une dimension de transformation
des modes d’action. Elles ne privilégient plus l’entreprise, elle-même
performante et responsable, comme moteur de la transition mais tentent
d’intégrer l’ensemble des acteurs socioéconomiques sur le territoire. Ce
qui se joue dans l’IS c’est bien ce processus d’élargissement des acteurs
engagés dans le développement du territoire, la mise en débat des objec-
tifs et des stratégies à déployer et les tâtonnements qui en résultent. C’est
moins la performance de l’entreprise, aussi globale soit-elle, et son impact,
que la mobilisation collective et la mise en mouvement et en lien des
acteurs du territoire qui apparaît centrale, orientée vers le bien commun.

n° 72 – innovations 2023/3 57
Céline Bourbousson, Nadine Richez-Battesti

Cette dimension du collectif et de la construction sociale du territoire


qu’il favorise rend compte d’un processus de territorialisation très éloigné
de la seule question de la localisation des firmes. Il s’agit bien dans ce
processus de « faire territoire » en construisant collectivement le bien
commun, ce qui constitue deux des marqueurs de l’IS.
Confrontés à la relative porosité de l’IS et de l’IR, on peut y voir l’ex-
pression de tâtonnements pour penser des alternatives de façon renouve-
lée. La référence à la responsabilité ou à la dimension sociale exprimeraient
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deux registres complémentaires d’action. C’est sans doute déjà ce que l’on
observe lorsque des entreprises font le choix de se qualifier de responsables
et d’autres d’entreprises sociales. Notre analyse permet d’envisager qu’il
pourrait être fécond pour les distinguer de mobiliser l’intentionnalité de
l’innovation et sa contribution ou non à la contestation d’un ordre établi.
Une manière de penser le caractère plus moins dépolitisé de l’innovation.
Cette porosité prend différentes expressions. Elle passe par l’extension
croissante des registres de la responsabilité et des mesures d’impact qui
la soutiennent comparativement à ceux de l’IS. Cette extension de la
responsabilité suscite de vives critiques de la part de certains auteurs qui
la considèrent comme « fortement naïve » (Blok, Lemmens, 2015, p. 32) et
dénoncent l’incompatibilité du Profit avec la société et l’environnement
dans le fameux triptyque cher à l’IR : People Planet Profit (ibid, p. 29). Elle
passe aussi par l’introduction d’une dimension de contestation, plus en
lien avec l’IS, par Chanteau et al. (2017) qui soulignent que la concep-
tion de la responsabilité est tendue entre la contestation d’un modèle
d’entreprise et un nouvel outil de gouvernementalité actionnariale des
entreprises. La porosité s’exprime enfin dans les récentes tentatives d’arti-
culation entre IS et IR, notamment avec l’émergence du terme d’innova-
tion socialement responsable (Zenko, Sardi, 2014). En France, cette tenta-
tive se traduit notamment par la notion de Responsabilité Territoriale
de l’Entreprise (Filippi, 2022, p. 45) définie comme une « forme d’entre-
prendre en commun et en responsabilité pour le bien commun ». Notons que
cette dernière notion a l’avantage de délimiter et d’encadrer la notion de
responsabilité, non plus en l’accolant au triptyque People Planet Profit mais
en la mettant au service du bien commun.

58 innovations 2023/3 – n° 72
Caractériser les rôles de l’innovation sociale et de l’innovation responsable

Conclusion
Notre travail de terrain nous a conduits à formuler deux recomman-
dations managériales auprès de l’acteur public porteur de l’impulsion de la
démarche de réseau de tiers-lieux. Ces recommandations sont en mesure,
par extension, d’éclairer les décideurs - qu’ils soient publics ou privés - qui
dirigent, coordonnent ou participent à des initiatives locales de transi-
tion telles que nous les avons appréhendées dans cet article. La première
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invite à ne pas s’enfermer dans conception à dominante technologique
et entrepreneuriale de l’innovation et à prendre en compte une dimen-
sion politique ancrée dans la mobilisation des collectifs sur le territoire.
Comme nous l’avons montré, cela peut réduire le risque de dépolitisation
de l’initiative, qui la priverait de son potentiel émancipatoire et alterna-
tif revendiqué dans le cas étudié à travers le changement de paradigme.
Une seconde recommandation concerne plus spécifiquement l’animation
et la gouvernance multi-parties prenantes des tiers-lieux : il importe non
seulement de l’introduire, mais aussi de la faire vivre ce qui suppose des
apprentissages en termes de facilitation et d’éducation coopérative qui ne
s’improvisent pas.
D’un point de vue théorique, nous contribuons à affiner la distinc-
tion des rôles entre IR et IS dans les processus de transition en pointant
notamment l’importance de l’intentionnalité de l’innovation.
Notre travail de recherche n’est pas exempt de limites qu’il convient
d’énoncer ici afin d’en dégager des perspectives de recherche. Les deux
auteures étant spécialisées dans la recherche en IS, le terrain investi l’a été
au départ avec le postulat d’en retrouver les spécificités. Pour autant, l’ana-
lyse processuelle conduite et la construction progressive de la question de
recherche nous a conduites à investir en finesse le champ de l’IR – qui
avait déjà été défriché par l’une des auteures dans une recherche précé-
dente (Richez-Battesti, Itçaina, 2022) – ce qui a permis de comprendre
comment un processus temporel pouvait supporter le passage de l’IR à
l’IS. Notons toutefois les limites d’une analyse processuelle menée sur un
temps court marquée par une seule bifurcation. Il serait intéressant de
poursuivre nos travaux par des études de cas complémentaires, qui porte-
raient sur la mise en comparaison de terrains associés chacun à l’une ou
l’autre des notions d’IR et d’IS. Ce projet permettrait une mise en perspec-
tive plus radicale des deux notions et contribuerait à affiner la différencia-
tion des marqueurs que nous avons identifiés.

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