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© Armand Colin | Téléchargé le 26/11/2023 sur www.cairn.info via UPEC (IP: 193.48.143.25)
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◮ Introduction
« Je voudrais aussi tordre le cou à une idée qui en ce moment fait fureur,
c’est qu’il y aurait en quelque sorte une politique économique ambitieuse
pour les gens qui réussissent, et puis, que quand on vient dans les quartiers
en difficulté, on viendrait parler d’une politique sociale, parce que les gens
des quartiers n’auraient pas droit à la politique économique [...] il y a partout
dans notre pays une société à mettre en mouvement pour la faire réussir ».
Le Président Emmanuel Macron a tenu ce discours lors de la « mobilisation
nationale pour les villes et pour les quartiers » à Tourcoing en novembre 2017.
Il revendique la réussite entrepreneuriale pour les habitants des quartiers à
qui il reconnait un « droit à la politique économique » malgré les difficultés
économiques, sociales et urbaines auxquelles ils font face.
À l’aune de la Start-up Nation où l’entrepreneuriat permettrait à chacun de
réussir sa vie tant qu’il en a la détermination, le soutien à la création d’activité
en politique de la ville apparaît comme une politique publique territorialisée
d’égalité des chances. Elle favoriserait la mobilité sociale des habitants des
quartiers prioritaires en les aidant à consolider leur projet d’entreprise. Pour
favoriser l’égalité des chances et permettre à chacun d’occuper les meilleures
places dans la société selon son mérite (Dubet, 2010), l’État entend lutter
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été conduits avec des acteurs institutionnels qui soutiennent l’entrepreneuriat
dans l’intercommunalité nantaise ou avec des personnes accompagnées par
Osez Entreprendre.
Les résultats issus de l’enquête se nourrissent de travaux en géographie des
inégalités qui alimentent le débat sur la pertinence de la territorialisation
des politiques publiques françaises pour lutter contre les inégalités sociales,
et plus particulièrement sur la pertinence de la politique de la ville (Tis-
sot, Poupeau, 2005). Supposant qu’il existe des liens structurels entre la
pauvreté, le territoire et les politiques, les acteurs publics spatialisent leurs
dispositifs. Des chercheurs interrogent les sources et les effets de tels présup-
posés. L’article rejoint leur questionnement en analysant l’accès spatial de
l’accompagnement à l’entrepreneuriat comme mode d’action privilégié pour
réduire les inégalités entre les individus et favoriser leur égalité des chances.
Il questionne aussi l’idée d’une société entrepreneuriale méritocratique qui
contribuerait à produire cette égalité des chances.
Après avoir décrit les objectifs nationaux du soutien à l’entrepreneuriat
en quartier prioritaire et présenté le dispositif Osez Entreprendre, l’article
détaille la mise en œuvre spatiale de son accompagnement. Celui-ci se
décline par plusieurs processus spatiaux qui visent à intégrer les habitants
des quartiers aux dynamiques entrepreneuriales de l’intercommunalité. Des
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cohésion urbaine. Cette réforme marque un tournant en ce que le développe-
ment économique et l’emploi deviennent l’un des trois axes d’intervention
à côté des thèmes historiques de la cohésion sociale et du renouvellement
urbain. La politique macroniste de soutien à l’entrepreneuriat poursuit cette
orientation initiée sous le quinquennat de François Hollande.
En aidant les habitants des quartiers prioritaires à devenir entrepreneurs,
l’État entend lutter contre le chômage et la pauvreté mais aussi favoriser leur
émancipation. L’approche libérale qui envisage l’entrepreneuriat comme un
moyen de renforcer la capacité d’action et le bien-être des individus est diffu-
sée par des gestionnaires et des praticiens des politiques de développement.
Elle est partagée par les acteurs gouvernementaux français. Dans son dis-
cours « Une chance pour chacun » tenu en mai 2018, le Président Emmanuel
Macron souhaite une « politique de l’émancipation » qui s’affranchisse des
inégalités territoriales : « c’est que chacun puisse aller vers ce à quoi il aspire,
et qu’il n’y ait plus cette assignation à résidence, sociale ou territoriale, qui
fait que quand on est né à un endroit, ou quand on a eu un accident de la
vie à un endroit, eh bien il n’est plus possible de s’en sortir [...] c’est que
je veux que chacun, ensuite, puisse choisir sa vie ». En améliorant l’accès à
la création d’entreprises dans les quartiers, l’État renforcerait l’égalité des
chances car la réussite entrepreneuriale reposerait sur la volonté des indi-
vidus et permettrait leur ascension sociale. Les acteurs gouvernementaux
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individus.
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de dynamique urbaine. Ces territoires sont d’ailleurs dissociés de la dyna-
mique métropolitaine nantaise. Alors que le territoire de Nantes Métropole
est caractérisé par une aisance socio-économique, les quartiers sont mar-
qués par la précarité. Les données ci-dessous montrent cette forte fracture
territoriale.
Conception : Loréna Clément, à partir des données Insee pour l’année 2018.
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Les conseillers du dispositif tentent d’intégrer les habitants des quartiers prio-
ritaires aux dynamiques entrepreneuriales de l’intercommunalité pour éviter
de recréer de la stigmatisation et de la ségrégation territoriales. L’efficacité
de leurs actions nécessite toutefois un ancrage local.
2. Des représentants de l’État et de Nantes Métropole ont tenu ces propos lors d’une réunion en mai 2018.
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la morphologie urbaine des quartiers a laissé la place à des pictogrammes
qui entourent un trentenaire souriant au style décontracté. La référence terri-
toriale est abandonnée au profit d’une figure de l’épanouissement individuel
qui serait caractéristique de l’entrepreneuriat. Les conseillers considèrent
que les entrepreneurs des quartiers sont similaires aux entrepreneurs qu’ils
suivent ailleurs.
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le département de la Loire-Atlantique. Les membres d’Osez Entreprendre en
font partie. Les Supporteurs de la création 44 organisent chaque année « la
semaine de la création ». Elle est destinée à tous les entrepreneurs ligériens
sans distinction. L’inscription d’un entrepreneur dans des réseaux profes-
sionnels situés hors de sa sphère intime conditionne la pérennité de son
activité en lui procurant des opportunités d’affaires. Depuis la théorie de la
« force des liens faibles » élaborée par le sociologue Granovetter en 1973,
les liens étrangers aux solidarités familiales et amicales de l’entrepreneur
sont jugés fondamentaux pour le développement de l’activité car ils mettent
en relation des acteurs d’environnements différents. Cette diversité offre
de nouvelles opportunités économiques, qui n’existent pas avec les « liens
forts » habituels (Granovetter, 1973).
Ainsi, les conseillers d’Osez Entreprendre sont une passerelle vers les réseaux
économiques professionnels et vers le territoire nantais pour les entrepre-
neurs des quartiers prioritaires. Les dynamiques spatiales de leur accompa-
gnement révèlent l’enjeu d’un accès à l’entrepreneuriat qui soit multiscalaire
et dépasse la répartition d’actions à l’échelle des quartiers. Il s’agit de rendre
accessibles aux entrepreneurs des quartiers les haut-lieux entrepreneuriaux
de la métropole nantaise car celle-ci représente la locomotive économique
régionale (fig. 4). Par exemple, les conseillers proposent des rendez-vous
individuels à la Maison de la création et de la transmission des entreprises
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les nouvelles technologies situé à plus de 130 kilomètres de Nantes durant
lequel elle vend ses plats algérois.
L’inscription dans des réseaux économiques reconnus par les institutions
et dans des lieux commerciaux fréquentés de l’intercommunalité concourt
à légitimer le statut d’entrepreneur des personnes qui vivent en quartier
prioritaire en les dissociant des images dévalorisées et stigmatisantes dont
ces territoires font l’objet.
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tions qui oeuvrent de manière disjointe, marginalisant la place des quartiers
prioritaires dans le développement économique intercommunal. Cette décon-
nexion administrative et thématique freine les capacités d’Osez Entreprendre.
Par exemple, Nantes Métropole gère une plateforme intercommunale de res-
ponsabilité sociétale des entreprises (RSE) à laquelle elle n’a pas associé
le dispositif. Cette situation complique le travail des conseillers qui veulent
entrer en contact avec des dirigeants d’entreprise concernés par la RSE pour
les inciter à parrainer des entrepreneurs implantés en quartier.
Le regard que Nantes Métropole focalise sur le dynamisme économique du
centre-ville nantais occulte le rôle d’acteurs du développement territorial
que pourraient jouer les entrepreneurs des quartiers prioritaires. Le champ
de vision réduit de l’Intercommunalité sur l’entrepreneuriat en quartier est
partagé par la Région Pays de la Loire. Dans son schéma régional de dévelop-
pement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), celle-
ci insiste sur la fonction d’entraînement de la métropole nantaise dont le
développement aurait des retombées positives sur les territoires jugés en
retard, comme les quartiers prioritaires. Ces derniers ne sont pas considérés
comme des acteurs mais comme des bénéficiaires du développement éco-
nomique territorial. Représentant seulement 4,1 % du territoire régional, ils
sont rapidement évoqués dans la partie du SRDEII consacrée à la politique
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l’emporte sur l’enjeu de mobilité sociale de tous dans la ville (Donzelot
et al., 2003). Ce constat révèle un traitement inégal des territoires et de
leurs habitants de la part des acteurs publics territoriaux, qui semblent
juger nécessaire que les quartiers populaires changent socialement sans que
la réciproque advienne pour le centre-ville nantais. Cette analyse rejoint
les résultats de travaux qui portent sur la politique de mixité sociale dans
l’habitat en quartier prioritaire. En prétendant que l’arrivée de classes
moyennes réduirait les effets de quartier négatifs et aurait un rôle intégrateur
auprès des classes populaires, les acteurs publics légitiment des actions de
rénovation urbaine situées majoritairement en quartier (Launay, 2011).
L’incapacité de certains acteurs publics territoriaux à considérer les entre-
preneurs des quartiers prioritaires comme des acteurs du développement
économique intercommunal est partagée par des acteurs économiques privés.
Ces derniers ne collaborent pas avec Osez Entreprendre. Les conseillers ont
contacté des entreprises locales pour monter un programme de mentorat et
des partenariats commerciaux de proximité, mais les entreprises ont été réti-
centes à s’impliquer. Selon la coordinatrice du dispositif, elles sont frileuses
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plus excentré du dynamisme économique du centre-ville nantais et surtout
formé de zones d’habitation.
Profitant pragmatiquement des moyens qui sont mis à leur disposition, les
conseillers d’Osez Entreprendre s’ancrent davantage dans les quartiers qui
connaissent un fort dynamisme économique et urbain (fig. 4). En agissant là
où les acteurs publics territoriaux créent des projets entrepreneuriaux, ils ren-
forcent les écarts socio-économiques qui préexistent entre les quartiers. Par
exemple, l’une des associations tient une permanence hebdomadaire à Belle-
vue dans un local prêté dans le cadre du renouvellement urbain. Une étude du
soutien à l’entrepreneuriat dans les quartiers prioritaires de l’agglomération
bordelaise parvient au même résultat : le maillage différencié des struc-
tures d’accompagnement entre les quartiers des rives droite et gauche de la
Garonne engendre une inégalité d’accès à l’entrepreneuriat à l’intérieur du
périmètre de la politique de la ville (A’Urba, 2021). Une analyse qui porte
sur les inégalités d’accès au dépistage du cancer du sein dans 33 quartiers
prioritaires franciliens montre aussi un investissement à degrés variables des
acteurs politiques dans ces quartiers. Ceux dont le contexte socio-urbain est
le plus défavorable bénéficient d’actions de promotion du dépistage moindres
(Vaillant et al., 2020). Par conséquent, la mise en oeuvre locale de la poli-
tique de la ville reproduit une gestion territoriale interne discriminante au
détriment des quartiers les moins dotés. Les conseillers d’Osez Entreprendre
tentent toutefois de limiter les inégalités d’accès à l’entrepreneuriat pour les
personnes qui vivent dans les quartiers les moins dynamiques en y organisant
des actions ponctuelles.
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rester proches de l’école de leurs enfants. Faute de moyen de garde, elles
restreignent aussi leur présence aux événements organisés en soirée. L’une
de ces mères entrepreneuses a expliqué ne pas aller aux rendez-vous avec sa
conseillère lorsqu’ils ont lieu à la MCTE, car elle juge celle-ci trop éloignée
de son lieu de vie où elle s’occupe de ses enfants en bas âge.
Se sentant illégitimes en tant qu’entrepreneurs, des personnes minorées
considèrent que les opportunités proposées par Osez Entreprendre ne les
concernent pas. Par exemple, les entrepreneurs au parcours scolaire et/ou
au statut social modestes ne s’estiment souvent pas à leur place aux for-
mations collectives d’une des associations du dispositif. Ces formations
s’adressent aux entrepreneurs des quartiers et à ceux que l’association suit
par ailleurs. Ces derniers sont généralement français, d’une quarantaine
d’années, issus des classes moyennes et supérieures, diplômés de master. En
reconversion professionnelle, ils détiennent beaucoup de ressources cultu-
relles et sociales. Malgré le soin des conseillers à bâtir une communauté
6. La minoration concerne l’ensemble des groupes qui font l’objet de discriminations. Elle désigne un
processus d’infériorisation fondé sur une stigmatisation. Une personne ou un groupe minoré est traité
différemment car on lui impute des capacités moindres du fait d’un stigmate. Ce traitement inégal réduit
ses opportunités d’action.
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sa conseillère l’a invitée à commercialiser ses produits dans l’espace de
vente partagé de l’association situé « en plein centre » nantais, à proximité
de la gare TGV (fig. 7). D’après la conseillère, cette situation centrale doit
« créer une vraie dynamique » en offrant une « vitrine » aux entrepreneurs
(octobre 2018). La vendeuse y a exposé plusieurs fois, mais elle garde un
souvenir amer de l’expérience qui s’est révélée contre-productive : « ils me
font rire avec les Bains-Douches. J’ai essayé d’y aller [...] Tous les jeudis, je
remplissais ma voiture, je ramenais les marchandises pour faire des portes
ouvertes, pour que les gens viennent. Au centre-ville, là où il y a les Bains-
Douches. Il n’y avait personne [...] J’ai payé 30 euros alors que je n’ai rien
vendu [...] C’est à toi d’aller poser les affiches. C’est à toi d’aller chercher
les clients. Mais il n’y avait personne. Je n’ai eu personne » (octobre 2019).
Son inexpérience en vente et en communication a transformé l’opportunité
en désastre. Exprimant un sentiment d’abandon, perdant une confiance
en elle déjà faible, fatiguée par une activité infructueuse, la vendeuse a
décidé d’arrêter son projet. Malgré l’aide de sa conseillère et ses efforts de
déplacement, elle n’a pas réussi à dépasser les obstacles liés à son moindre
capital scolaire, social et financier.
A l’inverse, sa formation universitaire de professeur d’arts plastiques, sa
filiation à un père médecin, le capital financier mis à disposition par Pôle
Emploi, le soutien de son époux et l’autonomie de ses enfants sont autant de
◮ Conclusion
L’égalité des territoires constitue un fondement des politiques d’aménagement
en France car elle relève du principe d’unité républicaine dont l’État est
le garant. Pour réduire les inégalités territoriales et sociales, la politique
de la ville est mise en œuvre dans les quartiers précarisés. Bien que les
conseillers d’Osez Entreprendre augmentent les compétences des entre-
preneurs qu’ils suivent en évitant de les assigner à leur quartier, l’analyse
multiscalaire révèle que le soutien à la création d’activité en politique de
la ville (re)produit des fractures entre le centre-ville nantais et les quartiers
prioritaires, mais aussi entre ces derniers. L’accès différencié des individus
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aux ressources pour entreprendre en fonction de leur lieu de vie nuance les
effets de cette politique publique sur la réduction des inégalités. Il remet en
question la pertinence de la territorialisation en montrant qu’elle engendre
de la stigmatisation sans retour au droit commun. Cette stigmatisation
réduit souvent la légitimité des entrepreneurs des quartiers à être reconnus
comme des acteurs du développement économique intercommunal. Les
quartiers prioritaires sont envisagés par les acteurs publics locaux comme
des marges à intégrer, et non comme porteurs de pratiques entrepreneuriales
urbaines à valoriser. Les territoires et les habitants de la politique de la
ville sont toujours définis par leur écart à la norme qu’il s’agit de réduire
(Epstein, Kirszbaum, 2019). Plutôt que de promouvoir l’égalité en cherchant
à conformer les entrepreneurs des quartiers aux codes économiques métro-
politains, ne faudrait-il pas légitimer leurs conceptions et leurs pratiques
entrepreneuriales en revendiquant un droit aux différences dans la fabrique
urbaine ? Des chercheuses en géographie économique proposent le concept
de diverse economies pour valoriser les pratiques ordinaires des habitants et
penser de nouveaux mondes économiques (Gibson-Graham, 2006).
Les résultats de l’enquête contestent aussi le présupposé méritocratique selon
lequel l’accès à l’accompagnement renforce l’égalité des chances à créer son
entreprise et à réussir sa vie. Le succès de la démarche entrepreneuriale
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tiales en relocalisant des structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat
en quartier prioritaire, mais c’est à l’individu que revient le devoir de réussir
en faisant preuve d’initiatives personnelles, comme si la spatialisation des
structures suffisait à supprimer les inégalités sociales qui entravent les capa-
cités d’action des entrepreneurs. Les conseillers d’Osez Entreprendre aident
les personnes qu’ils suivent à surmonter leurs difficultés au cas par cas, mais
il n’existe pas de stratégie globale de lutte.
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