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POSITIONS
CULTURE
ET FRANC-MAÇONNERIE
Entretien avec Alain GÉRAUDELLE
GRAND OFFICIER CHARGÉ
DE LA CULTURE, L’ÉDITION, LA PROSPECTIVE SOCIÉTALE
par cooptation. Le Grand Orient de France doit, s’il veut être en symbiose avec
les hommes et les femmes de son époque, s’intéresser à tous les aspects
contemporains de la culture, même à celle de l’underground.
La franc-maçonnerie a, d’autre part, trop pris en considération une forme de
culture centralisée et unificatrice de la nation. Le Grand Orient de France, s’il ne
veut pas être accusé de « parisianisme », doit se tourner vers les cultures régionales
et les langues régionales, qui en sont les supports. Le Grand Orient de France est
une fédération de rites, il doit être aussi une fédération de cultures. La revue
Humanisme doit donc aborder le problème du bilinguisme et se faire
régulièrement l’écho des manifestations culturelles organisées par nos loges.
Mais, puisque nous parlons de l’histoire, revenons à Humanisme, qui est notre
« revue-phare ».
Il faudra veiller à ce qu’elle ne soit pas trop passéiste. Certes, le présent est en
partie le produit du passé, mais c’est l’avenir qui nous intéresse et il est plus le
produit du présent que d’un passé la plupart du temps révolu. Il faudrait donc
surtout se préoccuper des problèmes d’aujourd’hui, ceux que pose la bioéthique,
par exemple, et envisager ceux de demain, ceux qui concernent notamment le
développement durable. Rappeler le passé, c’est bien, mais percevoir le présent et
imaginer l’avenir, c’est encore mieux. Bref, moins d’histoire et plus de
prospective.
D’autre part, il est bon qu’une place soit accordée aux travaux des loges. La
publication des travaux qui méritent souvent d’être connus, la sélection en étant
faite par le comité de rédaction, donne à Humanisme un aspect interactif et en
fait vraiment la revue du Grand Orient de France.
Toutes ces décisions sont à examiner par le Comité de rédaction.
Alain Géraudelle : Certes, nous avons tous tendance à estimer que tout était
mieux dans le passé. Mais l’on peut parler de déclin de la culture d’abord et
surtout parce qu’elle n’est plus vécue spontanément ; elle est filtrée et diffusée par
des intermédiaires, tout comme les produits de la nature, ceux de l’agriculture ou
de la pêche. Et cela concerne à la fois la culture élitaire et la culture populaire.
Ses supports techniques et financiers sont tels que la culture élitaire
contemporaine est dépendante des galeristes, des maisons de disques, des
distributeurs de films, de la privatisation des musées, des radios, des chaînes de
télévision et des théâtres. Elle dépend de plus en plus de puissances d’argent, qui,
et c’est normal, pensent d’abord au profit. Les mécènes sont de plus en plus rares
et pensent surtout à la publicité que leur fait leur mécénat. L’État devrait être un
mécène, mais il n’est pas bien riche et la culture passe après d’autres priorités. Les
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Alain Géraudelle : Pour réaliser ce que nous venons d’évoquer, deux outils sont
à notre disposition, l’imprimé et l’audiovisuel. La place qu’occupe le second est,
à notre époque, de plus en plus large, au point que l’UNESCO a institué, à partir
de cette année 2007 une « Journée mondiale du patrimoine audiovisuel ». Nous
utilisons de plus en plus les techniques modernes de diffusion, la vidéo, pour, par
exemple, faire connaître les discours du Grand Maître ou permettre aux
Conseillers de l’Ordre d’expliquer quel est leur secteur de responsabilité. Nous
utilisons aussi le CD pour, par exemple, envoyer dans les loges le règlement
général ou les comptes-rendus des Convents.
Cependant la place de l’imprimé reste importante, aussi bien dans le monde
profane qu’au Grand Orient de France.
Chaque année, les libraires proposent un nombre toujours croissant de livres
nouvellement édités ou réédités ; chaque semaine, chaque mois, les kiosques
regorgent de revues qui couvrent tous les domaines de la culture, qu’elle soit
générale ou spécialisée. Et si tant de livres, de magazines et de revues sont
proposés à la vente, c’est qu’il y a des acheteurs.
Le Grand Orient de France accorde, lui aussi, une large place à l’imprimé. Outre
les trois revues dont il a été question au début de cet entretien, la collection
« Grand Orient » publie un certain nombre d’ouvrages, par exemple, en cette
année 2007, le tome III des Questions de santé publique et de bioéthique, les
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Humanisme : Quels sont à tes yeux les critères d’une culture maçonnique de
qualité ? L’accessibilité, la diversité ?
Alain Géraudelle : Pourquoi s’extérioriser ? Parce que nous devons répandre hors
du Temple les Lumières que nous avons acquises. C’est un devoir pour chaque
franc-maçon, et ce doit l’être aussi collectivement pour une Obédience, de faire
connaître nos valeurs et nos principes.
Nous ne sommes pas des missionnaires et nous ne pratiquons pas le prosélytisme,
mais nous avons l’obligation d’enrichir notre Chaîne d’Union de nombreux et
solides maillons. Et pour cela, il faut nous faire savoir qui sont les francs-maçons
et pourquoi la franc-maçonnerie existe.
Au nom de nos valeurs et de nos principes, nous devons dire ouvertement notre
indignation à propos d’événements où ils sont bafoués. À la barbarie, nous
devons opposer notre culture. C’est la grandeur de la franc-maçonnerie et du
Grand Orient de France d’être une de ces voix qui sont l’espoir quand tout est
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