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Pierre Pech
Dans L'Information géographique 2007/3 (Vol. 71), pages 66 à 78
Éditions Armand Colin
ISSN 0020-0093
ISBN 9782200923617
DOI 10.3917/lig.713.0066
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Développement durable
et géographie physique
Pierre Pech
… et de protection de la nature
Des expertises en matière de diagnostic ante (avant aménagement, transforma-
tion ou utilisation du milieu naturel) et puis post, sont fréquentes en géogra-
phie physique au titre du diagnostic pour prévenir des risques ou pour
envisager des scénarios évolutifs en vue de la gestion durable des territoires.
De la même façon, certaines connaissances expertes de la géographie physique
participent à l’évaluation patrimoniale, en particulier en matière de gestion des
écosystèmes et de la biodiversité (Marty et alii, 2005). Par exemple, des tra-
vaux menés dans un site Natura 2000, la plaine proglaciaire du glacier des
Evettes, dans le bassin amont de l’Arc en Savoie, illustrent l’impact des varia-
bilités du fonctionnement des milieux naturels sur la biodiversité (Pech et alii,
2007). En effet, cette longue plaine proglaciaire est connue pour l’importance
du retrait glaciaire depuis plus de 150 ans. La modification du cortège floris-
tique accompagne les jalons de ce retrait glaciaire : des plantes pionnières,
caractéristiques des milieux périglaciaires, laissent progressivement la place à
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qui est toujours en cours, est censé menacer d’épuisement certaines ressources
non renouvelables, en particulier les hydrocarbures, ainsi que le niveau
d’exploitabilité de nombreuses ressources renouvelables, en particulier l’eau.
Il entraîne aussi des disparitions irréversibles d’espèces et de milieux naturels.
Il détermine une modification notable de certains éléments de notre genre de
vie collectif, en particulier le climat. Irréversibilité, changement, instabilité,
constatées et mesurées à l’aide d’indicateurs ou de modèles évolutifs régres-
sifs, permettant de remonter dans le temps, ou de scénarios prospectifs… que
l’on oppose à une demande de durabilité, de constance, de stabilité, de norma-
lité. Cette inquiétude se double d’une perception aiguë de la vulnérabilité
croissante des sociétés humaines face à des risques environnementaux, qu’ils
soient naturels ou technologiques. Ces risques sont à la fois réellement en aug-
mentation mais aussi perçus comme tels, grâce aux progrès des mesures, des
moyens de communication et à la diversification des médias (Pech, 2005).
Face à la question de la durabilité, il semble que la géographie physique soit
placée devant une double contradiction, celle de la perception du changement
et celle de l’urgence de lutter contre des risques environnementaux croissants.
Elle a des réponses à apporter.
Dans les nuances apportées aux questions primordiales qu’évoque le déve-
loppement durable, le réchauffement climatique et les risques induits par les
phénomènes météorologiques sont un thème illustrant les apports des géo-
graphes. Nos sociétés, fortement marquées par les médias et par les retom-
bées des conclusions de certains grands programmes comme le GIECC 6, ont
pris conscience que le climat est influencé par les activités humaines à toutes
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d’une série de mesures démontrant les impacts des activités humaines, par
exemple l’augmentation des GES, Gaz à Effet de Serre, dans certains pièges
comme les carottes de glace, le réchauffement qui a précédé le P.A.G. et qui
s’est produit entre l’époque carolingienne et le XIVe siècle ne devait rien aux
effets des activités humaines. Les glaciers ont grandement fondu, disparaissant
sans doute de certains secteurs des Alpes où ils sont réapparus au P.A.G.
En insistant sur des connaissances factuelles, reposant sur une métrologie
jamais développée jusqu’à présent, qui aboutissent de manière indubitable à la
reconnaissance du réchauffement, on aboutit à une dramatisation du déroulé
des événements en cours, sans chercher à les nuancer, en les replaçant dans
des pas de temps à échelles chronologiques emboîtées. Le développement
durable semble imposer aujourd’hui une vision qui exclurait totalement toute
variabilité des processus et équilibres naturels. Au-delà de simples contribu-
tions d’expertises ponctuelles, il semble bien que la géographie physique
puisse suggérer plus fondamentalement des réponses en forme de contextuali-
sation spatiale et temporelle de ces questions posées par la demande en déve-
loppement durable. Au durable, la géographie oppose le variable, le fluctuant.
Le durable ou l’éphémère ?
Ainsi, pour le grand public, une tempête, un cyclone, un séisme ou une érup-
tion volcanique sont considérés comme des phénomènes à caractère
paroxysmique survenant brutalement dans une normalité fondée sur l’étude
de séries statistiques dans lesquelles la moyenne devient la « norme » (voir
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décideurs sans doute parce qu’il existe une sorte de dichotomie fonctionnelle
entre développement durable et géographie physique, les registres étant totale-
ment différents, l’un scientifique et l’autre idéologique. Cependant, l’introduc-
tion de la participation dans l’analyse des enjeux déterminant la prise de
décision publique aboutit souvent à une forme de remise en cause des dires
d’experts face aux dires des acteurs locaux : les gestionnaires comme les
citoyens et les géographes sont invités à remettre en cause leur posture d’expert.
Au bout du compte, le développement durable est l’occasion pour la géographie
physique de s’interroger sur la vocation de ses approches scientifiques autour
de la question des composantes naturelles des territoires, composantes qu’il est
nécessaire de comprendre pour qu’elles soient bien gérées. Mais cette compré-
hension impose sans doute un regroupement des approches autour de démar-
ches plus globales qui n’aient pas en ligne de mire la question du
fonctionnement des processus mais plutôt celle des enjeux des dynamiques spa-
tiales des éléments naturels. Ces dynamiques doivent sans doute être envisagées
à des échelles spatiales et temporelles différentes de celles auxquelles les géo-
graphes physiciens ont l’habitude de penser, d’autant que, même pour les parti-
sans d’une posture radicalement tournée vers les sciences de la nature, les
financements actuels des programmes de recherche sont essentiellement portés
par les questions tournant autour de la demande en développement durable, que
ce soit en matière de prévention de risques et de catastrophes ou d’élaboration
de scénarios en faveur de l’amélioration de la conservation des écosystèmes et
des ressources naturelles.
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