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Les relations de causalité entre responsabilité sociétale des

entreprises et performance financière : approche


internationale
Gérard Hirigoyen, Thierry Poulain-Rehm
Dans Management & Prospective 2014/1 (Volume 31), pages 153 à 177
Éditions Association de Recherches et Publications en Management
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ISSN 2265-3937
DOI 10.3917/g2000.311.0153

Article disponible en ligne à l’adresse


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précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Gérard HIRIGOYEN
Professeur des Universités
Directeur du Pôle Universitaire de Sciences de Gestion
Université de Bordeaux
IRGO - Centre de recherche sur l'entreprise familiale

Thierry POULAIN-REHM
Maître de conférence HDR
Université de Bordeaux
IRGO - Centre de recherche sur l'entreprise

1 Les auteurs remercient l’agence de notation sociale


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VIGEO pour la mise à disposition des données de l’étude.

Les relations de causalité


entre responsabilité
sociétale des entreprises
et performance financière :
approche internationale
A u cours des trente dernières années, un nombre considérable d’études empi-
riques ont cherché à dégager un lien entre la responsabilité sociétale (RSE) et la
performance financière des entreprises. Selon Margolis et Walsh (2003), 122 études
empiriques ont été publiées sur la période 1971-2001, la première étant due à Narver
(1971). La littérature récente témoigne, de surcroît, de l’actualité de cette thématique
(Bingham, Dyer, Smith, 2011 ; Perrini, Russo, Tencati, Vurro, 2011 ; Baird, Geylani,
Roberts, 2012 ; Barnett, Salomon, 2012).

Les études empiriques de la relation sa part, d’une relation positive, tan-


entre RSE et performance financière dis que Teoh et alii (1999) ne trouvent
sont essentiellement de deux types. aucune relation significative. D’autres
Le premier utilise la méthodologie encore, discutées par McWilliams et
des études d’événement pour évaluer Siegel (1997), sont divergentes quant
l’impact financier de court terme (les à la relation entre RSE et rendements fi-
rendements anormaux) lorsque les nanciers à court terme. Le second type
entreprises s’engagent dans des actes d’études examine la relation entre des
socialement responsables ou irrespon- mesures de la responsabilité sociétale
sables. Les résultats de ces études sont et des mesures de la performance fi-
mixtes. Wright et Ferris (1997) mettent nancière de long terme, en utilisant des
en évidence une relation négative indicateurs comptables ou financiers
entre RSE et performance financière. de rentabilité. Ces études ont égale-
Posnikoff (1997) rend compte, pour ment produit des résultats contrastés.

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Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Cochran et Wood (1984) repèrent une vaise spécification (endogénéité) des


relation positive entre la responsabilité variables, variables omises dans les
sociétale et la performance comptable déterminants de la profitabilité, don-
après prise en compte de l’ancienneté nées limitées (faibles échantillons,
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des actifs. Aupperle et alii (1985) ne données anciennes) et qui ne portent
détectent aucune relation significa- que sur un seul pays ou un seul conti-
tive entre la RSE et le rendement des nent, analyses en coupe transversale
actifs ajusté du niveau de risque de invalides en présence d’hétérogénéité
l’entreprise, pas plus que Makni et des entreprises, problèmes dans les
alii (2008). Au contraire, Waddock et mesures de la responsabilité sociétale
Graves (1997) trouvent une relation si- et de la performance financière. Un
gnificativement positive entre un indice autre important problème concerne le
de RSE et une mesure de performance sens de la causalité entre RSE et perfor-
comme le ROA à un an d’intervalle. mance financière : une meilleure per-
Les travaux ayant recours à des me- formance sociétale conduit-elle à une
sures de rendement fondées sur la per- meilleure performance financière ou
formance boursière indiquent aussi des au contraire une bonne performance
résultats ambivalents. Vance (1975) financière est-elle une condition préa-
réfute les recherches antérieures de lable à un niveau élevé de responsabi-
Moskowitz (1972) en élargissant la lité sociétale ?
période d’observation de 6 mois à
3 ans, ce qui lui permet de conclure La recherche réalisée appréhende pré-
à une relation négative entre RSE et cisément la relation de causalité entre
performance financière. Alexander et la responsabilité sociétale de l’entre-
Buchholz (1978) améliorent l’analyse prise et sa performance financière.
de Vance en évaluant la performance Elle développe une méthodologie sta-
boursière d’un groupe d’actions, ajusté tistique fondée sur le test de causalité
du niveau de risque, produisant un ré- de Granger, et se situe en cela dans
sultat peu concluant. Tandis que Mak- le prolongement de l’étude de Makni
ni et alii (2008) observent, pour leur et alii (2008). Les contributions de
part, un impact négatif de la RSE sur la l’étude se situent à plusieurs niveaux.
performance boursière, de même que Elle retient, tout d’abord, une concep-
Baird et alii (2012). tion étendue de la responsabilité
sociétale des entreprises, par nature
Pour autant, des travaux récents multidimensionnelle, qui intègre la di-
mettent en lumière de nombreux biais mension humaine et les droits humains
et problèmes soulevés par ces ap- et sociaux sur le lieu de travail, mais
proches (McWilliams, Siegel, 2000), aussi la qualité de la gouvernance,
parmi lesquels on peut retenir : mau- l’engagement sociétal, le respect de

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Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

l’environnement et le comportement sur La responsabilité sociétale


les marchés. Elle propose, ensuite, une d’entreprise : définition
approche internationale, fondée sur un
échantillon large et homogène d’entre-
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prises cotées, représentant trois zones Dès 1953, Bowen pensait qu’il était
géographiques : l’Europe, l’Amérique obligatoire pour les entreprises de réa-
et la zone Asie-Pacifique ; elle s’appuie liser et d’exécuter toutes les attentes so-
pour cela sur une base de données ciétales. Entre l’entreprise et la société,
internationale élaborée par l’agence son point de vue est clairement celui de
de notation sociale Vigeo, qui fait réfé- la société, et son souci est la maximisa-
rence dans le domaine. Elle prend en tion du bien-être social plutôt que celui
considération, en outre, l’influence de de la profitabilité de l’entreprise.
l’industrie en classant les entreprises en
six grands secteurs d’activité. Elle ap- De très nombreuses définitions de la
préhende, par ailleurs, la performance responsabilité sociétale ont été pro-
sur la base d’indicateurs comptables posées. Parmi les plus significatives,
(rentabilité financière et rentabilité on peut retenir celles de Friedman
des actifs) et boursier (valeur de mar- (1962), Jones (1980), Wood (1991),
ché/valeur comptable des capitaux McWilliams et Siegel (2001) ou en-
propres). Enfin, sur un plan pratique, core Margolis et Walsh (2003).
elle apporte des éléments de réponse
à deux questionnements managériaux L’idée est que les entreprises doivent dé-
majeurs : la réalisation d’une perfor- velopper, de manière volontaire, une ci-
mance financière supérieure constitue- toyenneté responsable, à la fois économi-
t-elle un préalable nécessaire à la mise quement et socialement, en intégrant des
en œuvre d’une politique socialement préoccupations à la fois économiques,
responsable ? Et, symétriquement, une sociales, sociétales, environnementales,
telle politique est-elle susceptible de dans leurs activités et leurs relations avec
contribuer à l’amélioration des profits ? leurs parties prenantes (salariés, clients,
fournisseurs, collectivités publiques, or-
ganisations non gouvernementales, envi-
ronnement au sens large…). Le concept
Cadre théorique
de responsabilité sociétale des entre-
prises valorise ainsi l’idée d’une perfor-
Il convient, d’une part, de définir de mance globale et multidimensionnelle,
manière précise ce que l’on entend et plus seulement économique et finan-
par RSE et, d’autre part, d’étudier son cière, posant une exigence qualitative de
impact sur la performance financière management durable de l’entreprise qui
de l’entreprise. redéfinit ses normes et ses valeurs.

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Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Les réflexions sur le sujet soulignent comme le meilleur, « one of the most
une double dimension du concept, à la influential helpful parsimonious, and
fois positive et négative : positive, au yet comprehensive conceptualization
sens où les entreprises socialement res- of CSP » (Orlitzky, Schmidt, Rynes,
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ponsables sont celles qui cherchent à 2003). Wood (1991) définit la Cor-
contribuer, activement, à l’amélioration porate Social Performance as « a
de la société ; négative, dans la mesure business organization’s configuration
où elles cherchent à limiter les actions of principles of social responsibility,
susceptibles d’exercer un impact néga- process of social responsiveness and
tif sur la société (par exemple les exter- policies programs and observable out-
nalités négatives sur l’environnement) comes as they relate to the firm’s socie-
(Ambec, Lanoie, 2007). tal relationships » et identifie un certain
nombre de mesures : les mesures multi-
La décomposition de la responsabilité dimensionnelles de la performance so-
sociétale en plusieurs dimensions per- ciale (KLD rating, ARESE rating, Vigeo
met, de surcroît, de mieux appréhender rating…), les mesures relatives aux
le concept. Alors que, dans l’abondante principes structurels de la performance
littérature empirique, des travaux ré- sociale (gouvernance, attentes des par-
cents tendent systématiquement à se fo- ties prenantes…), les mesures relatives
caliser sur une dimension de la politique aux processus de performance sociale
de RSE en particulier (Unepfi, Mercer, (pratiques de management en faveur
2007), Margolis et alii (2007) décom- des parties prenantes) et les mesures
posent les stratégies de RSE en 9 catégo- de l’impact de la performance sociale
ries : charitable contribution, corporate (impact environnemental, résultats sur
policies, environmental performance, le comportement des parties prenantes,
revealed misdeeds, transparency, self effets sur la réputation…).
reported social performance, observer’s
perceptions, third-party audits, screened Le lien entre responsabilité
mutual funds. Ces quatre dernières caté-
sociétale et performance
gories reflétant les différentes voies que
financière
les chercheurs empruntent pour capturer
la politique de RSE des entreprises, qui
recouvre une très large notion de protec- Plutôt que de s’intéresser à la nature
tion des parties prenantes. et aux caractéristiques de l’entreprise
Pour synthétiser les différentes mesures développant une politique socialement
de performance sociale, il est possible responsable, l’axe théorique principal
de se référer au recensement effectué retenu par les auteurs au cours de ces
par Wood (2010) dont le modèle est trente dernières années a été celui de
considéré par bon nombre d’auteurs chercher à justifier l’impact de la RSE

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Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

sur la performance financière. Preston mez (2001) en ajoute une septième,


et O’Bannon (1997) analysent ce rai- celle de la neutralité due au jeu des va-
sonnement et les différentes causalités riables modératrices et intermédiaires.
possibles entre profit et responsabilité En définitive, on aboutit au tableau de
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sociétale. A leurs six hypothèses, Go- synthèse ci-après :

Tableau 1: Relations théoriques entre responsabilité sociétale et performance financière

Direction de la causalité Positive Neutre Négative

RSE > Performance Social Impact Trade-off Hypothesis


financière Hypothesis (Friedman,1962,
(Freeman, 1984) 1970; Vance, 1975)
Moderating and
Performance financière < Slack Resources Managerial
Intermediary
RSE Hypothesis Opportunism
Variables Hypothesis
(Waddock, Graves, Hypothesis
(Ullman, 1985;
1997) (Preston, O’Bannon,
Waddock, Graves,
1997)
1997)
RSE <> Performance Positive Synergy Negative Synergy
financière (Waddock, Graves, (Preston, O’Bannon,
1997) 1997)

Source : adapté et étendu de Preston et O’Bannon (1997) et Gomez (2001)

La Social Impact Hypothesis repose la déception de ces parties prenantes


sur la théorie des parties prenantes peut avoir un impact négatif en aug-
qui prévoit un impact positif de la RSE mentant le risque perçu et conséquem-
sur la performance financière (Free- ment le coût du capital (Cornell, Sha-
man, 1984). Répondre aux attentes piro, 1987). Jensen (2002), dans la
et demandes des parties prenantes, continuité de la théorie des parties
dans leur grande diversité – outre les prenantes, considère que les dépenses
actionnaires, les salariés, les clients, destinées à améliorer la performance
sociale devraient accroître la valeur de
les fournisseurs, l’environnement, la
marché de la firme sur le long terme.
communauté, la société… – contri-
bue à améliorer la performance de
l’entreprise (Perrini, Russo, Tencati, Dans la Trade-off Hypothesis, dérivée
Vurro, 2011). De surcroît, cela tend à de la théorie néoclassique de la firme,
accroitre la réputation de l’entreprise, il est fait référence à la thèse de Fried-
laquelle aura un impact positif sur la man (1962, 1970) qui postule l’effet
performance financière. Inversement, négatif de la RSE sur la performance

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Gestion 2000 2 janvier - février 2014

financière dans la mesure où elle en- Hypothesis), laquelle offre la possibi-


traîne des coûts supplémentaires qui lité de réinvestissement dans les ac-
réduisent les profits et la compétitivité tions socialement responsables (Slack
(Aupperle, Carroll, Hatfield, 1985). Resources Hypothesis). Il y a ainsi une
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Vance (1975) met en évidence une relation simultanée et interactive entre
relation négative entre le cours de RSE et performance financière formant
l’action et l’affichage d’expériences un cercle vertueux (Waddock, Graves,
de responsabilités sociales fortes dans 1997).
l’entreprise.
Quant à la Negative Synergy Hypothe-
La Slack Resources Hypothesis sup- sis, elle indique que des niveaux élevés
pose que les entreprises peu risquées de RSE conduisent à diminuer la per-
s’engagent davantage que les autres formance financière, laquelle, consé-
dans des activités socialement respon- cutivement, limite les investissements
sables. Elles disposent d’un modèle socialement responsables. Il y a une
de rendement stable et peuvent donc relation simultanée et interactive entre
investir dans des activités sociales (Ro- RSE et performance financière, formant
berts, 1992). un cercle vicieux.

La Managerial Opportunism Hypothe- La Neutrality Hypothesis suppose que


sis considère que les dirigeants peuvent l’existence d’un lien éventuel entre RSE
poursuivre leurs intérêts propres au et performance financière serait due
détriment de ceux des actionnaires et au seul hasard (Ullmann, 1985). La
des autres parties prenantes. Lorsque corrélation existante proviendrait de
la performance financière est élevée, variables intermédiaires intervenant
les dirigeants peuvent réduire leurs d’une façon imprévisible et permettant
dépenses sociales afin de maximi- de relier les deux constantes. Parallè-
ser leurs propres gains privés à court lement, Waddock et Graves (1997)
terme. Inversement, quand la perfor- soulignent que les problèmes méthodo-
mance financière diminue, les diri- logiques dans l’opérationnalisation de
geants peuvent essayer de compenser la RSE contribuent à dissimuler ce lien.
leurs résultats décevants en engageant
des programmes sociaux ostentatoires Les résultats des études empiriques
(Preston, O’Bannon, 1997). concernant la nature de la relation
entre RSE et performance financière
La Positive Synergy hypothesis sup- sont mixtes.
pose que les hauts niveaux de RSE
conduisent à une amélioration de la Un grand nombre de recherches
performance financière (Social Impact trouvent une relation positive. En 2005,

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Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

Allouche et Laroche ont recensé 82 McWilliams, Siegel, 2001). Certains


recherches, parmi lesquelles 75 mettent auteurs estiment que les coûts induits
en évidence un lien positif, tendance compensent les profits engendrés,
confirmée depuis (Waddock, Graves, conduisant ainsi à une situation d’équi-
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1997 ; Preston, O’Bannon, 1997 ; libre (McWilliams, Siegel, 2001).
McWilliams, Siegel, 2000 ; Orlitzky, D’autres considèrent que les liens sont
Schmidt, Rynes, 2003 ; Margolis, si complexes qu’ils ne peuvent être
Walsh, 2003). Certains travaux affinent directs (Waddock, Graves, 1997).
l’analyse en montrant que l’influence est D’autres encore établissent que le lien
positive dans certains secteurs d’activi- est trop faible voire inexistant (Alexan-
té seulement (Baird, Geylani, Roberts, der, Buchholz, 1978 ; Cochran,
2012). D’autres encore mettent en évi- Wood, 1984 ; Seifert, Morris, Bartkus,
dence une relation en U : l’étude de Bar- 2003 ; Mahoney, Roberts, 2004).
nett et Salomon (2012) révèle ainsi que
les firmes ayant une faible performance Modèle conceptuel
sociale ont un niveau de performance et hypothèses
financière supérieure à celles qui ont
une performance sociale modérée, et
que les firmes ayant un haut niveau de La revue de la littérature révèle l’ab-
performance sociale ont le niveau le sence de consensus sur le sens de la
plus élevé de performance financière. relation entre la responsabilité socié-
tale de l’entreprise et sa performance
Il convient de noter que le nombre financière, la recherche mobilise le
d’études qui montrent un lien négatif est test de causalité de Granger et pose
faible. Margolis et Walsh (2003), sur l’hypothèse suivante :
27 études recensées, en dénombrent
seulement 8. En 2008, Makni et alii vé- H1 Un niveau de responsabilité socié-
rifient, sur un échantillon de 179 firmes tale supérieur (inférieur) cause au sens
canadiennes cotées, au moins sur le de Granger une performance finan-
court terme, l’hypothèse du trade-off cière supérieure (inférieure).
et l’hypothèse d’une synergie néga-
tive indiquant que la RSE entraîne une La responsabilité sociétale d’entreprise
diminution des profits et de la richesse sera appréhendée sur la base d’un
des actionnaires. score global, intégrant les différentes
dimensions de la RSE : ressources hu-
Toutefois, plusieurs études n’établissent maines, droits humains sur les lieux du
aucun lien entre les deux dimen- travail, gouvernance, engagement so-
sions (Aupperle, Carroll, Hatfield, ciétal, environnement, comportements
1985 ; Graves, Waddock, 1999 ; sur les marchés.

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Gestion 2000 2 janvier - février 2014

La performance financière est, quant à Cinq variables susceptibles d’exercer


elle, analysée sur la base de deux indi- une influence sur la relation de causa-
cateurs comptables (rentabilité finan- lité sont, par ailleurs, prises en compte :
cière et rentabilité des actifs) et d’un l’endettement, le risque, la structure
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indicateur boursier (valeur de marché/ d’actionnariat, la taille et le secteur
valeur comptable des capitaux propres). d’activité. Le modèle testé est le suivant :

Figure n°1 Modèle conceptuel

Dette Risque Actionnariat

Performance
financière
Responsabilité
- Rentabilité financière
sociétale
- Rentabilité des actifs
- Valeur boursière ajoutée

Taille Industrie

Etude empirique Seront présentés successivement la mé-


thode d’échantillonnage, l’opération-
nalisation des variables et la méthodo-
La méthodologie développée consiste logie statistique.
à mesurer, sur un échantillon de 329
entreprises cotées, réparties sur trois
Echantillon
zones géographiques, Europe, Amé-
rique et Asie-Pacifique, la relation de
causalité au sens de Granger entre res- L’étude s’est appuyée sur la base de
ponsabilité sociétale et performance données de Vigeo, agence de notation
financière de l’entreprise, sur des sociale des entreprises, créée en 2002
données relatives aux années 2009 et et présidée par Nicole Notat. Cette
2010. agence a pour mission d’évaluer la res-

160
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

ponsabilité à la fois sociale, environne- peuvent s’écouler entre deux notations


mentale et sociétale des entreprises, par (entre 18 et 24 mois en moyenne). Afin
référence aux normes prescrites par un d’éliminer les biais liés à la non-régu-
certain nombre d’institutions et d’orga- larité des notations, et ainsi garantir
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nisations internationales. Ses méthodes l’homogénéité des données, seules les
sont pleinement compatibles avec la sociétés ayant fait l’objet d’une nota-
norme ISO 26000 « Lignes directrices tion sociale en 2009 et 2010 ont été
relatives à la responsabilité sociétale », conservées.
dont toutes les recommandations sont
contenues dans le référentiel de Vigeo. - les banques, établissements de crédit,
Le modèle repose sur un référentiel d’ob- sociétés de financement, compagnies
jectifs de responsabilité sociétale précis, d’assurances, sociétés de portefeuille
opposables et pondérés, sur un ques- et sociétés immobilières, ont été reti-
tionnement segmenté en angles d’ana- rées compte tenu de leurs caractéris-
lyse formalisés et complémentaires, tiques financières spécifiques.
et, enfin, sur une échelle de notation
conventionnelle, hiérarchisée en quatre - d’autres sociétés, pour lesquelles
degrés de scores discriminants. un certain nombre de données man-
quantes empêchaient de mener l’ana-
La base de données de Vigeo intègre, lyse dans des conditions satisfaisantes,
au total, 1800 entreprises cotées, ré- ont été retirées.
parties sur 3 zones géographiques :
l’Europe, les Etats-Unis et la zone Asie- Ces différentes restrictions ont permis
Pacifique, qui ont fait l’objet d’au moins d’aboutir à un échantillon final de 329
une notation sociale depuis 1999. sociétés.

Cet échantillon global a fait l’objet de


Variables
plusieurs restrictions :

- l’ambition initiale était de conduire Les variables de responsabilité socié-


une étude longitudinale, de la fin des tale, de performance financière et les
années 1990 jusqu’en 2010. La non- variables de contrôle, seront successi-
disponibilité des notations sur la tota- vement présentées.
lité de la période pour l’ensemble des
entreprises a contrarié cette ambition. - La responsabilité sociétale
Vigeo ne procède pas de manière sys-
tématique à une notation annuelle de L’agence de notation Vigeo analyse les
l’ensemble des sociétés appartenant à comportements des entreprises au travers
sa base, de sorte que plusieurs années de six domaines – ressources humaines,

161
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

droits humains sur les lieux de travail, lité, l’élimination des formes de travail
gouvernance d’entreprise, engagement proscrites (travail des enfants, travail
sociétal, environnement, comportement forcé), mais aussi la prévention des
sur les marchés – qui se déclinent, au traitements inhumains ou dégradants
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total, en 38 critères génériques. Ceux- comme le harcèlement sexuel, ou en-
ci sont évalués d’après 200 principes core la protection de la vie privée et
d’actions qui permettent de questionner des données personnelles.
les systèmes managériaux, chaque cri-
tère étant activé et pondéré en fonction - Gouvernance d’entreprise
de sa pertinence sectorielle. Le score
de chacun des 38 critères s’établit Cette dimension s’intéresse à l’effi-
par consolidation des différents scores cience et probité de la gouvernance,
attribués à la pertinence des politiques ce qui renvoie à l’indépendance et à
(contenu, visibilité, portage), à la cohé- l’efficacité du conseil d’administration,
rence de leur déploiement (processus, mais aussi à l’effectivité et l’efficience
moyens, contrôle/reporting) et à l’effi- des mécanismes d’audit et de contrôle,
cacité des résultats (indicateurs, parties notamment des risques de responsabi-
prenantes, controverses). Ces différents lité sociétale, le respect des droits des
angles rassemblent les questions pré- actionnaires, notamment minoritaires,
cises et points d’observations à partir ou encore la transparence et la rationa-
desquels les analystes et auditeurs de lité de la rémunération des dirigeants.
Vigeo collectent, sélectionnent et quali-
fient les informations pour émettre leurs - Engagement sociétal
opinions. Les scores par critères sont
ensuite consolidés par domaine. La dimension « engagement sociétal »
prend en compte l’effectivité et l’inté-
- Ressources humaines gration managériale de l’engagement,
la contribution au développement éco-
Ce domaine vise à apprécier l’amé- nomique et social des territoires d’im-
lioration continue des relations profes- plantation et de leurs communautés
sionnelles, des relations d’emploi et humaines, les engagements concrets en
des conditions de travail. faveur de la maîtrise des impacts socié-
taux des produits et des services ou, en-
Droits humains sur les lieux de travail fin, la contribution transparente et parti-
cipative à des causes d’intérêt général.
Cette dimension concerne le respect
de la liberté syndicale et la promotion - Environnement
de la négociation collective, la non dis-
crimination et la promotion de l’éga- Ce domaine s’intéresse à la protection,

162
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

sauvegarde, prévention des atteintes à matière de responsabilité sociétale et


l’environnement, et à la mise en place qu’elle présente des garanties raison-
d’une stratégie managériale appro- nables de management des risques. La
priée, en matière d’éco-conception, de note 100, enfin, témoigne d’un enga-
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protection de la biodiversité et de maî- gement avancé dans la promotion des
trise rationnelle des impacts environne- objectifs de responsabilité sociétale.
mentaux sur l’ensemble du cycle de vie
des produits ou services. - La performance financière

- Comportement sur les marchés Trois variables de nature financière ont


été retenues et intégrées dans les diffé-
Ce domaine vise la prise en compte rents modèles, deux de nature comp-
des droits et intérêts des clients, mais table et une de nature boursière.
aussi l’intégration de standards sociaux
et environnementaux dans la sélection Le taux de rendement des actifs
des fournisseurs et sur l’ensemble de la (ROA) et le taux de rentabilité finan-
chaîne d’approvisionnement, le respect cière (ROE), mesures de performance
des règles concurrentielles ou encore la fréquemment utilisées dans les études
prévention effective de la corruption. menées sur le lien entre RSE et perfor-
mance financière (Waddock, Graves,
Chacun des six domaines fait l’objet 1997 ; Preston, O’Bannon, 1997 ;
d’une notation, qui s’inscrit dans une Graves, Waddock, 1999 ; Seifert,
échelle conventionnelle, de 0 à 100, Morris, Bartkus, 2003). Le ROA a été
hiérarchisée en quatre degrés de scores mesuré par le ratio « résultat net/total
discriminants visant à déterminer le actif moyen sur l’année » et le ROE par
niveau d’engagement de l’entreprise le ratio « résultat net/capitaux propres
dans sa responsabilité sociétale et le moyens sur les deux dernières années ».
management des risques associés.
Une variable de nature boursière a
La note 0 signifie que l’implication de également été prise en compte (MTB).
l’entreprise en matière de responsabi- Là encore, c’est une constante dans
lité sociétale est très faible ; les garan- les études menées pour mesurer le lien
ties d’un management des risques as- entre RSE et performance financière,
sociés sont pauvres, voire très pauvres. qui prend différentes formes : le ren-
La note 30 indique qu’une démarche dement des titres (Vance, 1975), le
a été initiée, et que les garanties d’un Bêta (Alexander, Buchholz, 1978 ;
management du risque sont faibles à Aupperle, Carroll, Hatfield, 1985), le
modérées. La note 65 signifie que l’en- ratio « market to book » (Seifert, Mor-
treprise a un engagement confirmé en ris, Bartkus, 2003) ou encore le Q de

163
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Tobin (Cavaco, Crifo, 2009). Dans la unis par des liens familiaux possède
présente recherche, la variable bour- une part significative du capital et des
sière a été appréciée par un indicateur droits de vote et exerce une influence
de création de valeur anticipée, rap- effective sur le pouvoir de direction.
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portant la valeur boursière des capi-
taux propres à la valeur comptable de Les variables financières
ces capitaux.
Une variable représentative de l’endet-
- Les variables de contrôle tement financier (DEBT), susceptible
d’avoir une influence sur la gouver-
Plusieurs variables de contrôle, sus- nance de l’entreprise en limitant les
ceptibles d’influencer la relation entre ressources à la disposition des diri-
responsabilité sociétale et perfor- geants, dans le cadre de la théorie du
mance financière, ont été prises en free cash flow (Jensen, 1986), a par
compte. Baird et alii (2012), notam- ailleurs été intégrée. Elle est mesurée
ment, estiment que la relation dépend par le ratio « dette financière nette/
de l’interaction d’un certain nombre capitaux propres ».
de facteurs, en particulier des capaci-
tés uniques de la firme et du contexte Le risque systématique, facteur déter-
de l’industrie. Le choix a été fait de minant de la performance financière
prendre en considération la structure (Fama, French, 1993), a également
d’actionnariat de l’entreprise, des va- été intégré (RISK).
riables financières ainsi que la taille et
le secteur d’activité. La taille et le secteur d’activité

La nature familiale de l’entreprise La prise en compte des effets « taille » et


« secteur d’activité » s’impose lorsqu’on
Il importe de prendre en compte la na- cherche à avoir une vision comparative
ture de l’entreprise, familiale (FAMI=1) de la performance des entreprises.
ou non familiale (FAMI=0), dans la me-
sure où elle est susceptible d’avoir une L’intégration de la variable « taille »
influence positive tant sur le niveau de (SIZE), tout d’abord, s’avère néces-
responsabilité sociétale (Dyer, Whetten, saire. Il importe, en effet, de mesurer
2006 ; Bingham, Dyer, Smith, 2011), l’impact de cette variable sur le degré
que sur la performance financière de d’« humanisation » de l’entreprise, à
l’entreprise (Anderson, Reeb, 2003 ; savoir l’influence de la proximité ou, à
Sraer, Thesmar, 2007). A été consi- l’inverse, de la distance hiérarchique,
dérée comme familiale une entreprise induite par un accroissement de la
dans laquelle un groupe d’actionnaires taille, sur l’attention portée par les diri-

164
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

geants aux problématiques humaines, Analyse statistique


dans les différentes dimensions carac-
téristiques de la responsabilité socié-
Afin d’examiner les relations de cau-
tale de l’entreprise. La variable « taille
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salité entre la responsabilité sociétale
» a été opérationnalisée par le loga-
et la performance financière, des ana-
rithme du total des actifs.
lyses de régression linéaire et le test
de causalité de Granger (1969) ont
L’appartenance sectorielle constitue été mis en œuvre, à l’instar de l’étude
une autre variable de contrôle. La de Makni et alii (2008). Le test de
performance des entreprises doit être Granger a pour objet de déterminer
évaluée en relatif, en fonction de la si une variable x « cause selon Gran-
santé du secteur auxquels elles appar- ger » une variable y en observant dans
tiennent, et des marges de manœuvre quelle mesure les valeurs passées de
financières que cela procure à leurs y expliquent la valeur actuelle de y et
actions. L’environnement conditionne, de voir ensuite l’amélioration de l’esti-
de surcroît, les réponses apportées mation grâce à la prise en compte de
aux demandes des parties prenantes valeurs retardées de la variable x. Y
(Baird, Geylani, Roberts, 2012). Les pouvant être considérée comme « cau-
firmes de l’échantillon ont été regrou- sée selon Granger » si la variable x
pées en six catégories, sur la base de est déterminante dans l’estimation
leur code SIC : agriculture, forêt, pêche de y ou si les coefficients des valeurs
et mines (IND1), construction (IND2), retardées de la variable x sont signifi-
secteurs manufacturiers (IND3), trans- cativement différents de zéro. Bien que
ports et services publics (IND4), com- faisant l’objet de critiques (Jacobs et
merce (IND5), services (IND6). Une alii, 1979), compte tenu en particulier
variable dichotomique a été constituée de sa sensibilité aux erreurs de spéci-
pour chacune de ces industries. fication, ce test a malgré tout été mis
en œuvre compte tenu de l’intérêt qu’il
Les données comptables, de même que présente pour déterminer les relations
les données boursières, ont été collec- de causalité entre deux variables.
tées grâce à Infinancials, base de don-
nées financières internationales, et aux Deux ensembles de modèles de type
rapports financiers des sociétés. causal ont ainsi été mis en œuvre :

Model 1 :
J
CSRGi , 2010 = a 0 + a 1CSRGi , 2009 + a 2 F
P i , 2009 + � g j C ij + e1i , i = 1, …, N
j =1

165
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Model 2 :
J
EFPi , 2010 = b 0 + b1 F
P i , 2009 + b 2 CSRGi , 2009 + � d j C ij + e 2i , , i = 1, …, N
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j =1

Dans le modèle 1, CSRGi , 2010 et logiciel SPSS, qui ont permis de réa-
CSRGi , 2009 représentent les scores liser les tests des modèles 1 et 2. Les
de responsabilité sociétale pour les tests de causalité au sens de Granger
années 2010 et 2009 et pour cha- ont été effectués, quant à eux, grâce
cune des firmes i de l’échantillon. Si au logiciel eviews.
le coefficient a 2 est significativement
différent de zéro, alors il sera pos-
sible de conclure que la performance Résultats
financière en 2009 « cause au sens de
Granger » la responsabilité sociétale
La présentation des statistiques descrip-
de l’entreprise en 2010.
tives sera suivie de celle des analyses
explicatives.
Dans le modèle 2, F P i , 2010 et F
P i , 2009
représentent la performance financière, Statistiques descriptives
dans ses différents indicateurs (ROE,
ROA, MTB), pour les années 2010 et
Le tableau n°2 présente les statistiques
2009 et pour chacune des firmes i de
descriptives pour l’ensemble des va-
l’échantillon. Si le coefficient b 2 est si-
riables de l’étude, ainsi que les princi-
gnificativement différent de zéro, alors
pales caractéristiques de l’échantillon du
il sera possible de conclure que la res-
point de vue du secteur d’activité et de
ponsabilité sociétale en 2009 « cause
la zone géographique d’appartenance.
au sens de Granger » la performance
financière de l’entreprise en 2010.
Interprétés à la lumière de la grille de Vi-
geo, les résultats révèlent que les entre-
Au sein des deux modèles, les va- prises de l’échantillon se caractérisent
riables de contrôle sont les mêmes. par un niveau de responsabilité socié-
Cij est la jth variable de contrôle pour tale intermédiaire, avec un score moyen
la firme i, avec j = 1, …, J, et e1i et e 2i de 36,50 en 2009 et 38,83 en 2010,
sont des termes d’erreur non corrélés. ce qui montre qu’une démarche a été
engagée, loin toutefois du score 60 qui
Ce sont des régressions linéaires par témoignerait d’une implication forte en
les moindres carrés, réalisés grâce au matière de responsabilité sociétale.

166
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

Tableau 2 : Statistiques descriptives

Ecart-
Min Max Moyenne
type
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Responsabilité sociétale

CSRG 2010 15 67 38.83 10.03

CSRG 2009 8 65 36.50 11.39

Performance financière

ROA 2010 -5.77 35.25 6.89 6.10

ROA 2009 -19.53 35.05 4.85 7.20

ROE 2010 -17.81 157.43 18.19 19.01

ROE 2009 -90.91 354.03 13.79 27.61

MTB 2010 0.40 30.10 2.92 2.75

MTB 2009 0.40 21.80 2.92 2.82

Variables de contrôle

DEBT 2009 -1.23 7.07 0.48 0.95

RISK 2009 0.16 2.12 0.98 0.34

SIZE 2009 5.43 8.88 7.03 0.60

Industries n %

Agriculture, Forêt, Pêche, Mines 40 12.16

Construction 19 5.77

Secteurs manufacturiers 130 39.51

Transport & services publics 41 12.46

Commerce 40 12.16

Services 59 17.93

Zones géographiques n %

Europe 161 48.93

Amérique du Nord 135 41.03

Asie Pacifique 33 10.03

167
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Par ailleurs, les sociétés étudiées repré- en représentent plus du tiers, suivies par
sentent de manière satisfaisante les diffé- les entreprises de la zone Asie-Pacifique.
rents secteurs d’activité : les entreprises
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du secteur industriel sont majoritaires Le tableau n°3 présente les coefficients
(près de 40%), suivies par les entreprises de corrélation de Pearson entre les va-
de services (près de 18%) puis, dans des riables 2009 et les variables 2010. De
proportions équivalentes, par les entre- manière très cohérente, il convient de
prises agricoles et minières, des trans- souligner de fortes corrélations, le plus
ports et du commerce. En outre, les trois souvent statistiquement significatives au
zones géographiques sont représentées seuil de 1%, entre les scores de respon-
dans l’échantillon final : les entreprises sabilité sociétale 2009 et 2010, de
européennes représentent près de la même qu’entre les trois mesures de la
moitié de l’échantillon, suivies par les performance financière 2009 et 2010.
entreprises implantées en Amérique, qui

Table 3: Corrélations de Pearson

CSRG ROE ROA MTB


2010 2010 2010 2010

CSRG 2009 0.834*** 0.038 -0.048 -0.088


ROE 2009 -0.01 0.553*** 0.373*** 0.562***

ROA 2009 -0.094* 0.417*** 0.594*** 0.439***


MTB 2009 -0.093* 0.775*** 0.546*** 0.881***

DEBT 2009 0.053 0.182*** -0.185*** 0.124**

RISK 2009 -0.051 -0.219*** -0.197*** -0.177***

SIZE 2009 0.356 -0.107* -0.205*** -0.216***

***/**/* Significatifs aux seuils de 1%, 5% et 10% respectivement

Analyses de régression sures de performance financière (ROE,


ROA et MTB). Les différentes variables
ont été intégrées conformément aux
Les tableaux 4, 5 et 6 présentent les
modèles 1 et 2 exposés précédem-
analyses de régression et les tests de
causalité au sens de Granger entre le ment, à l’exception de la variable
score global de responsabilité socié- « IND3 » compte tenu de la colinéarité
tale (CSRG) et chacune des trois me- entre variables. La qualité d’ajustement

168
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

des modèles apparaît très satisfaisante boursière (MTB 2010). Et tandis que
et la détection des problèmes de multi- l’endettement exerce un effet positif sur
colinéarité a été vérifiée par le facteur la rentabilité financière (ROE 2010)
d’inflation de la variance (VIF). au seuil de 1%, l’appartenance au sec-
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teur de la construction (IND2) exerce
Dans le cadre du modèle 1, les analyses un effet négatif, au seuil de 5%, sur la
de régression montrent que chacune rentabilité économique (ROA 2010)
des trois mesures de la performance et financière (ROE 2010), et l’appar-
financière exerce, de manière statisti- tenance au secteur des transports un
quement significative, au seuil de 5%, effet négatif sur la création de valeur
une influence négative sur le score glo- boursière (MTB 2010). L’absence d’in-
bal de responsabilité sociétale en 2010 fluence de la structure d’actionnariat
(coefficient de -,081 dans le cas du ROE doit, de nouveau, être soulignée.
2009, de -,109 dans le cas du ROA
2009 et de -,075 dans celui du MTB Les tests de causalité au sens de
2009). Il convient de noter, simultané- Granger indiquent, pour leur part,
ment, un impact négatif, statistiquement une relation unidirectionnelle entre la
significatif au seuil de 5%, du risque de performance financière et le score glo-
l’entreprise (RISK 2009) sur cette même bal de responsabilité sociétale : si la
variable, mais l’absence d’influence de performance financière, uniquement
la structure d’actionnariat, de l’endette- mesurée par le ROA, cause au sens
ment, de la taille ou du secteur d’activité. de Granger la responsabilité sociétale
des entreprises de l’échantillon, mais
Dans le cadre du modèle 2, les tests ré- de manière négative (probabilité de
vèlent que le score global de responsa- rejet à tort de l’hypothèse nulle infé-
bilité sociétale n’exerce aucun impact rieure à 1%), il n’est en revanche pas
statistiquement significatif sur les me- possible de conclure que la responsa-
sures comptables de la performance bilité sociétale en 2009 cause au sens
financière (ROE et ROA), mais qu’il de Granger la performance financière
exerce un impact négatif, statistique- des entreprises de l’échantillon.
ment significatif, sur la performance
boursière (MTB) (coefficient de -,059, Au regard de l’ensemble des tests réalisés
significatif au seuil de 5%). Il convient et des conclusions dégagées, et dans le
de souligner, dans le même temps, que cadre du champ temporel d’investigation
la taille de l’entreprise exerce un effet retenu, l’hypothèse H1 de la recherche,
négatif, statistiquement significatif au « Un niveau de responsabilité sociétale
seuil de 5%, sur la performance comp- supérieur (inférieur) cause au sens de
table (ROE 2010 et ROA 2010), mais Granger une performance financière
non significatif sur la création de valeur supérieure (inférieure) », est rejetée.

169
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Tableau 4 : Analyses de régression


Test de la causalité au sens de Granger entre score global de RSE et rentabilité financière

Variables dépendantes
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Variables
CSRG 2010 (N=329) ROE 2010 (N=329)
indépendantes
Coefficient t p-value Coefficient t p-value VIF

CONSTANT 13.889 3.496 .001 48.881 4.349 .000

CSRG 2009 .849 24.990 .000 -.046 .915 .361 1.285

ROE 2009 -.081 -2.468 .014 .492 10.099 .000 1.186

DEBT 2009 .012 0.382 .702 .170 3.588 .000 1.125

RISK 2009 -.079 -2.248 .025 -.094 -1.793 .074 1.359

SIZE 2009 .003 .088 .930 -.151 -2.834 .005 1.425

FAMI -.024 -.769 .442 .055 1.190 .235 1.077

IND1 -.030 -.862 .390 -.005 -.105 .916 1.333

IND2 -.038 -1.179 .239 -.117 -2.466 .014 1.128

IND4 .062 1.820 .070 -.094 -1.841 .067 1.307

IND5 -.020 -.607 .545 -.003 -.069 .945 1.234

IND6 .009 .280 .779 -.058 -1.146 .253 1.277

F 72.499*** 16.591***

R2 .716 .365

Adjusted R2 .706 .343

***/**/* Significatifs aux seuils de 1%, 5% et 10% respectivement

Pairwise Granger Causality Tests

Null Hypothesis: F-Statistic Prob.

ROE 2009 does not Granger Cause CSRG 2010 0.22137 0.8015

170
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

Tableau 5 : Analyses de régression


Test de la causalité au sens de Granger entre score global de RSE et rentabilité économique

Variables dépendantes
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Variables
CSRG 2010 (N=329) ROA 2010 (N=329)
indépendantes
Coefficient t p-value Coefficient t p-value VIF

CONSTANT 14.772 3.721 .000 16.593 4.736 .000

CSRG 2009 .839 24.872 .000 .038 .774 .439 1.286

ROA 2009 -.109 -3.231 .001 .568 11.645 .000 1.275

FAMI -.022 -.725 .469 .036 .809 .419 1.073

DEBT 2009 -.014 -.461 .645 -.039 -.856 .393 1.110

RISK 2009 -.089 -2.534 .012 -.014 -.273 .785 1.378

SIZE 2009 .006 .169 .866 -.172 -3.343 .001 1.425

IND1 -.042 -1.216 .225 .047 .924 .356 1.367

IND2 -.045 -1.411 .159 -.108 -2.343 .020 1.138

IND4 .052 1.501 .134 -.079 -1.586 .114 1.337

IND5 -.023 -.694 .488 -.003 -.062 .951 1.234

IND6 -.002 -.065 .948 -.013 -.274 .784 1.295

F 73.862*** 19.936***

R2 .719 .409

Adjusted R2 .710 .388

***/**/* Significatifs aux seuils de 1%, 5% et 10% respectivement

Pairwise Granger Causality Test

Null Hypothesis: F-Statistic Prob.

ROA 2009 does not Granger Cause CSRG 2010 0.00266 0.9973

CSRG 2009 does not Granger Cause ROA 2010 0.16697 0.8463

171
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

Tableau 6 : Analyses de régression


Test de la causalité au sens de Granger entre score
global de RSE et création de valeur boursière
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Variables dépendantes
Variables
CSRG 2010 (N=329) MTB 2010 (N=329)
indépendantes
Coefficient t p-value Coefficient t p-value VIF

CONSTANT 16.051 3.810 .000 1.607 1.613 .108

CSRG 2009 .848 24.932 .000 -.059 -2.003 .046 1.284

MTB 2009 -.075 -2.273 .024 .864 30.406 .000 1.211

FAMI -.018 -.581 .562 -.023 -.865 .388 1.071

DEBT 2009 .017 .522 .602 .010 .363 .717 1.163

RISK 2009 -.073 -2.113 .035 .018 .619 .536 1.327

SIZE 2009 -.014 -.374 .709 -.015 -.464 .643 1.494

IND1 -.020 -.591 .555 -.083 -2.783 .006 1.320

IND2 -.046 -1.432 .153 -.051 -1.840 .067 1.159

IND4 .064 1.864 .063 -.062 -2.097 .037 1.305

IND5 -.022 -.663 .508 -.012 -.429 .668 1.234

IND6 .008 .229 .819 -.068 -2.332 .020 1.279

F 72.208*** 107.493***

R2 .715 .789

Adjusted R2 .705 .781

***/**/* Significatifs aux seuils de 1%, 5% et 10% respectivement

Pairwise Granger Causality Tests

Null Hypothesis: F-Statistic Prob.

MTB 2009 does not Granger Cause CSRG 2010 0.33006 0.7191

CSRG 2009 does not Granger Cause MTB 2010 0.60393 0.5473

172
Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
des entreprises et performance financière : approche internationale

Discussion et conclusion En présence d’une performance finan-


cière élevée, les dirigeants seraient ten-
tés de réduire leurs dépenses sociales
La présente recherche semble conforter afin de maximiser leurs bénéfices pri-
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la Managerial Opportunism Hypothe- vés. La maximisation à court terme de
sis identifiée par Preston et O’Ban- leur propre fonction d’utilité les condui-
non (1997), qui postule sur le plan rait notamment à indexer leur rémuné-
théorique une influence négative de ration sur le profit plutôt que d’enga-
la performance financière sur la res- ger des dépenses sociales nouvelles. A
ponsabilité sociétale des entreprises. l’inverse, en cas de diminution de la
Elle contredit, en cela, l’hypothèse performance financière, les dirigeants
d’un cercle vertueux, c’est-à-dire d’une seraient enclins à compenser l’insuffi-
relation positive et d’un renforcement sance des résultats financiers par des
mutuel entre performance financière programmes sociaux d’importance.
et responsabilité sociétale (Waddock,
Graves, 1997). Sur le plan empirique, L’un des résultats de la recherche est
elle relativise la tendance, identifiée probablement de nature à conforter
par les revues de la littérature sur le la Managerial Opportunism Hypothe-
sujet, à la mise en évidence de liens sis, tout en apportant une confirma-
positifs entre responsabilité sociétale tion partielle à la Trade-Off Hypothe-
et la performance financière (Margo- sis (Friedman, 1962, 1970; Vance,
lis, Walsh, 2003 ; Orlitzky, Schmidt, 1975), voire à la Negative Synergy
Rynes, 2003). Elle infirme aussi les Hypothesis dans la mesure où l’on
recherches soulignant la neutralité de observe, pour certains des indica-
la relation, comme celle conduite par teurs de performance, une relation de
Mahoney et Roberts (2004), tout en causalité négative. La responsabilité
confirmant l’un des résultats mis en sociétale des entreprises n’exercerait
exergue par Makni et alii (2008), qui aucune influence sur la rentabilité des
constatent qu’une plus grande per- actifs, pas plus que sur la rentabilité
formance sociale cause, au sens de financière, mais aurait un impact néga-
Granger, une plus faible performance tif, statistiquement significatif, sur la
boursière ; impact négatif qui était création de valeur boursière. Le mar-
également souligné dans l’étude de ché apprécierait défavorablement les
Baird et alii (2012). actions à visées sociales engagées par
les entreprises, supposées, en ce sens,
Les dirigeants rechercheraient leurs in- ne pas contribuer à l’objectif de maxi-
térêts propres au détriment des autres misation de la valeur actionnariale.
parties prenantes, non seulement des Par opposition, les dirigeants auraient
actionnaires mais aussi des salariés. donc intérêt, par opportunisme, à ré-

173
Gestion 2000 2 janvier - février 2014

duire les dépenses d’ordre sociétal afin d’une volonté opportuniste des entre-
de maximiser le cours de bourse et, prises à des fins de communication
par voie de conséquence, leur rému- institutionnelle. Accusées des échecs
nération indexée sur la performance de la société, dans un contexte de
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boursière, sous forme d’actions ou de crise économique sévère, leur image
stock-options. Un parallèle pourrait, s’en trouve dégradée et leur légitimité
d’ailleurs, être opportunément établi affaiblie, ce qui conduit les gouverne-
avec les annonces de restructurations ments à imposer, sous la pression des
et de suppressions d’emplois, dont les organisations non gouvernementales
effets positifs sur le cours de bourse et des consommateurs notamment, des
sont ambivalents (Worrell, Davidson, mesures qui affectent la compétitivité
Sharma, 1991 ; Kalra, Henderson, des entreprises et la croissance. Por-
Walker, 1994 ; Palmon et alii, 1997). ter et Kraemer (2011) estiment que les
Enfin, une autre explication serait sus- entreprises, plutôt que de subir la taxa-
ceptible d’éclairer la relation négative tion de leurs externalités négatives,
observée entre responsabilité sociétale devraient au contraire « internaliser »
et performance financière. Baird et alii ces effets en se fixant, au-delà de leurs
(2012) considèrent, en effet, que l’op- objectifs stratégiques, des objectifs en
portunisme managérial peut être consi- termes de développement humain, de
déré comme une forme de risque idio- bien-être des populations locales ou
syncratique de la firme, entraînant un encore de protection de la nature, ce
taux de rendement exigé plus élevé et qui implique de véritablement prendre
un cours de l’action plus faible. Toutes en compte les attentes des parties pre-
choses égales par ailleurs, les firmes nantes et d’entrer en coopération avec
socialement responsables seraient plus les différents acteurs du territoire. L’en-
risquées que les autres (Baird, Geyla- jeu, précisent-ils, n’est pas de protéger
ni, Roberts, 2012). l’environnement des agissements des
entreprises, mais que ces dernières,
Plus fondamentalement, les résultats en gagnant respect, estime et considé-
obtenus conduisent à s’interroger sur ration de leurs partenaires, renforcent
les évolutions nécessaires de la respon- leur compétitivité. Ainsi, les entreprises
sabilité sociétale des entreprises, dans « créeraient de la valeur économique
le sens souhaité par Porter et Kraemer en créant de la valeur sociale ». Là
(2011), vers une meilleure « valeur réside, sans doute, la clé d’un nouveau
partagée ». Ces auteurs considèrent cercle vertueux qui permettra de « réin-
que la responsabilité sociétale résulte, venter le capitalisme ».
au mieux, d’obligations imposées
de l’extérieur – la société civile, les
medias, les gouvernements –, au pire

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Les relations de causalité entre responsabilité sociétale
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