Vous êtes sur la page 1sur 20

Une expérience africaine de coaching : le coaching des

PME par les experts-comptables dans le processus de


changement OCAM-OHADA en Afrique
Jules Roger Feudjo, Jean-Paul Tchankam
Dans Recherches en Sciences de Gestion 2013/3 (N° 96), pages 47 à 65
Éditions ISEOR
ISSN 2259-6372
DOI 10.3917/resg.096.0047
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2013-3-page-47.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour ISEOR.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
revue Recherches en Sciences de Gestion-Management Sciences-Ciencias de
Gestión, n°96, p. 47 à 65

Une expérience africaine de coaching : le coaching des


PME par les experts-comptables dans le processus de
changement OCAM-OHADA en Afrique

Jules Roger Feudjo


Professeur
Pôle de Recherche en Comptabilité et
Gouvernance des entreprises en Afrique (PRCGEA)
Université de Ngaoundéré – FSEG

Jean-Paul Tchankam
Professeur Senior
CREFF, Université Montesquieu Bordeaux IV
BEM-Bordeaux Management School

Cet article se cristallise autour de la problématique du coaching


des PME contraintes d’effectuer le changement comptable OCAM-
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


OHADA en Afrique. Des différentes analyses, il ressort que la
contribution des experts s’inscrit dans un continuum qui va du
diagnostic de la fonction comptable à la formation et l’information
des bookkeepers en passant par la confection des manuels et
procédures comptables et l’assistance juridique auprès des PME.
Cette recherche apporte le témoignage que le succès d’un changement
comptable dans les PME est moins fonction de la pression de
l’environnement que des dispositifs organisationnels, techniques et
cognitifs d’accompagnement.

Mots-clés : Coaching, changement comptable, OCAM, OHADA,


PME.
48 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

This article deals with the issue of accounting coaching in


African SMEs which have to make the transition from OCAM to
OHADA accounting system. It appears from our analyses that the
contribution of chartered accountants is a continuum, covering from
accounting function diagnosis, bookkeepers’ information and training,
to preparing accounting manuals and procedures, and providing legal
aid. The present work shows that the success of an accounting change
depends more on organizational, technical and cognitive conditions of
support measures than on environmental factors.

Key-words: Coaching, accounting change, SME, OCAM, OHADA.

El presente artículo se centra alrededor de la problemática del


coaching de las Pymes obligadas a efectuar el cambio contable
OCAM-OHADA en África. Los diferentes análisis destacan que la
contribución de los peritos se inscribe en un proceso continuo que se
inicia con el diagnóstico de la función contable, y termina con la
formación e información de los bookkeepers pasando por la
elaboración de manuales y procedimientos contables y la asesoría
jurídica a las Pymes. Dicha investigación es testimonio que el éxito de
un cambio contable depende menos de la presión del entorno que de
los dispositivos organizacionales, técnicos y cognoscitivos de
acompañamiento.

Palabras claves: Coaching, cambio contable, OCAM, OHADA,


PYME.
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


Introduction

Le basculement du plan comptable OCAM au système OHADA1


constitue, sans aucun doute, le changement comptable le plus décisif
et le plus effectif que l’Afrique ait connu depuis environ sept

1. Depuis janvier 2001, le plan comptable OCAM (Organisation de la communauté


africaine et malgache) a été remplacé dans les pays au sud du Sahara par le Système
Comptable OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires). L’OHADA comporte aujourd’hui dix sept (17) pays membres à savoir : le
Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte
d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, le Mali, le
Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo, la République Démocratique du Congo (RDC).
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 49

décennies. Elle a pendant longtemps navigué sur la voie d’une


normalisation, certes taillée sur les besoins de ses entreprises, mais
beaucoup plus ordonnée de l’extérieur. En effet, du plan français de
1947 à celui de 1957, les pays d’Afrique en général, et le Cameroun
en particulier, sont passés sans succès au plan OCAM de 1970
(Pérochon, 2000). Aujourd’hui ils s’expriment, en matière de tenue
des comptes, dans un langage d’intégration et de développement
évolué, axé sur un référentiel comptable africain unique : le système
comptable OHADA (SYSCOHADA). En observant la manière avec
laquelle les PME (Petites et moyennes entreprises) africaines vivent ce
changement, on peut regretter que la qualité conceptuelle et
règlementaire de ce référentiel ne leur confère pas automatiquement
une facilité dans sa mise en œuvre, car implanter un nouveau
référentiel exige un savoir nouveau, un savoir-faire nouveau, un faire
savoir nouveau mais, surtout, un savoir-être nouveau qui dépasse
largement les contrées des pouvoirs habituels des bookkeepers. C’est
bien là quelques difficultés réelles auxquelles font face les PME
lorsqu’elles décident d’embrasser seules une réforme comptable. Dix
ans après l’entrée en vigueur de ce nouveau référentiel, l’étude de la
problématique du coaching des PME par des experts-comptables nous
semble d’un intérêt capital. Rappelons que ce basculement OCAM-
OHADA a déjà fait l’objet de débats passionnants et d’une extrême
richesse. En d’autres termes, de nombreux chercheurs et enseignants
en sciences de gestion se sont déjà déployés et ont pris d’assaut cette
nouveauté « historico-culturelle », notamment en lui consacrant des
études empiriques ou des analyses théoriques 2. Malgré l’intensité des
débats et des écrits, aucune recherche n’a, jusqu'à présent, été initiée
sur la contribution des experts-comptables à l’accès et à la
domestication de ce nouveau référentiel comptable par les PME. Les
écrits les plus connus portent uniquement sur la vulgarisation, les
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


innovations et l’architecture du SYSCOHADA. En observant cette
situation, nous avons initié cette recherche sur les apports des experts-
comptables aux PME dans le processus du basculement intervenu en
janvier 2001 dans les pays d’Afrique. La présente étude ne se limite
pas seulement à la compréhension, mais s’étend à la mise en exergue
de l’étendue du travail des experts-comptables dans le coaching et à
l'identification des facteurs influençant ce changement. Loin
d’embrasser tout le champ de la problématique liée à ce type d'étude,
deux interrogations majeures guident notre réflexion. En quoi a
consisté le rôle des experts-comptables auprès des PME dans le

2. On peut consulter à ce sujet : Kamdem (2004), Bell Bell (2002), Bigou-Lare (2004),
Pérochon (2000).
50 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

basculement comptable OCAM-OHADA en Afrique ? Et quels ont été


les facteurs susceptibles d'influencer le succès de cette intervention
auprès des PME ? Les réponses éventuelles susceptibles d'être
apportées sont d’un grand intérêt non seulement pour les acteurs
impliqués dans la démarche, mais aussi pour les États et pour les
chercheurs en sciences de gestion. Cet article est construit autour de
trois points : l’approche conceptuelle, le canevas de la recherche, et la
discussion des principales conclusions.

L’approche conceptuelle de la recherche

Après une brève précision du concept de coaching, on décrira


respectivement les entreprises en attente de mutation comptable, les
experts-comptables coachs et quelques traits singuliers du système
comptable OHADA.

Le coaching dans l’orientation de la mutation

Audet, Couteret et Avenet (2004) font remarquer, et à juste titre,


que l'enchevêtrement des concepts de coaching, mentorat et conseil est
l'un des problèmes fondamental qui se pose au chercheur intéressé par
ce champ de recherche. Il faut ajouter à cette complexité, le fait qu'il
existe différents types de coaching et de mentorat selon le contexte
dans lequel ils sont utilisés. On peut ainsi penser au coaching sportif,
entrepreneurial, managérial, ou encore au coaching individuel ou de
groupe (team building). Quant au mentorat, il se pratique soit pour
guider le développement d'un employé soit pour accompagner un
dirigeant (Fourès, 1996 ; Fortier, 2003) ou un client (Hamilton, 2003).
Il est généralement à titre gratuit et moins intensif. En outre, le mentor
agit à titre de modèle et non de formateur, le mentoré apprenant des
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


comportements et des réussites de son mentor considéré comme un
modèle idéale (Hamilton, 2003). Le mentorat est centré sur la
personne alors que le coaching est axé sur le savoir-faire. D'après
Audet, Couteret et Avenet (2004), si l'on compare le coaching au
conseil, la principale différence se situe au niveau de l'action de
l'intervenant. Le coach montre au dirigeant comment faire de sorte que
ce dernier devienne éventuellement autonome, alors que le conseil
exécute à la place du dirigeant, sans souci de transmission de
connaissances ou de compétences. Si la différence entre coaching et
mentoring reste assez claire, certains auteurs à l’instar de Hamilton
(2003) les utilisent de façon synonyme. Pour cet auteur, mentoring et
coaching relèvent d’un même métier qui a pour finalité de conduire un
client, un groupe de personnes ou un manager vers un challenge.
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 51

Les auteurs de cet article ont choisi de retenir la définition qui


cadre le mieux avec la réalité contextuelle. Le coaching est considéré
ici comme une méthode d’accompagnement destinée à accroître la
performance de la personne accompagnée dans son métier habituel ou
dans un processus de mutation. Dans le cas de la relation PME -
expert-comptable, le coach utilise son savoir-être pour apporter son
savoir et son savoir-faire au coaché ; non pas dans une relation de
dépendance mais, plutôt dans un rapport de partenariat et de
coopération. Il s’agit en fait, pour l’expert-comptable, d’accompagner
la PME sur le périmètre et dans le processus du changement envisagé.
La question de l’accompagnement se réfère d’abord à l’approche
relationnelle adoptée par l’expert-comptable accompagnant (Sammut,
2004). Ce choix implique un autrement-faire et surtout un autrement-
être en relation durant la mutation (Sammut, 2004 ; Gray, Ekinci et
goregaokar, 2011). Il s’agit d’une relation de type : équipe de football
- entraîneur. L’entraîneur qui est le coach doit accompagner l’équipe
dans la compréhension et la maîtrise des enjeux de la compétition,
dans l’assimilation des règles et des principes du jeu, dans la
résolution des difficultés d’entraînement et dans la domination de la
compétition sur toute sa durée.
L’accompagnement suppose, comme le note Sammut (2004),
une relation de partage, d’échanges, de communication d’un élément
substantiel, un mouvement vers une parité de relation, même dans la
disparité de position, de place et de durée. Ainsi, à l’instar de
l’accompagnement d’un malade, d’une équipe de football, etc.,
coacher une PME dans une telle transition c’est partager un temps, un
espace et un objectif donné, dans une relation de confiance librement
consentie. Dans ce sens, l’expert accompagnateur ne doit se placer ou
se substituer à l’organisation accompagnée. Il doit être présent dans
cette relation et cheminer à « bon pas » sur la voie tracée avec ladite
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


organisation. Il doit faire preuve de "directionalité" pour atteindre
l’objectif ou les objectifs convenus. Coacher, c’est faire acte
d’humilité tout autant que faire acte de présence véritable. Ces deux
mots sont indissociables de la notion d’accompagnement. Ce que
l’expert peut apporter de plus précieux, c’est la profondeur de sa
présence, la finesse de l’attention accordée à l’organisation
accompagnée. Plus les acteurs de l’organisation ont de l’espace pour
s’exprimer, mieux la mutation avec l’aide du professionnel se fera
aisément et inversement. L’expert ne doit pas s’ériger en psychologue
ou en donneur de leçons aux dirigeants de la PME. Il doit, au
contraire, créer un cadre convivial, un climat de confiance mutuelle,
permettant le partage des difficultés de la PME et l’expertise du coach.
Ces points constituent en quelque sorte les défis de l’accompagnement
52 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

dans une mutation. Il se doit d'analyser, d'écouter, d'observer pour


amener l'individu à retrouver une confiance et à être performant
(Lenhardt, 2002).

Les entreprises en attente de mutation comptable

La mutation comptable dans son acception la plus répandue


traduit une idée de changement ou de réforme. C’est un mouvement
vers une nouveauté, l’évolution ou le passage d’un dispositif désuet,
anachronique, vers un outil plus adapté ou arborant des éléments
nouveaux. Cette action nécessite l’abandon d’un paradigme au profit
d’un autre au nom de son attractivité, de sa pertinence, de son
pragmatisme ou de sa légalité. On affirme qu'à chaque type de
changement il y a une appréhension et même une approche différente
en fonction des référentiels théoriques (Halbout, 1996). L'individu se
confronte, selon Lenhardt (2002), à des paradoxes : d'une part la
volonté de changer et, de l'autre, une difficulté à faire le deuil de la
situation initiale. Pour l'auteur, il y a la phase de deuil, de rupture et la
dimension paradoxale ; tout cela intervenant de manière cyclique. Le
changement comptable OCAM-OHADA en Afrique s’inscrit parfai-
tement dans cette logique. Cette mutation induit des conséquences
pour les convenants et pour les entreprises tenues de muter. A cet
effet, Amblard (2000) a pu identifier deux comportements
antagonistes couramment observés lors d’une réforme dans le
domaine de la comptabilité : la coopération et l'affrontement.
Pour ce qui est de la coopération, deux types sont distingués par
l'auteur : d'un côté, on a le recadrage qui désigne un changement du
contenu informationnel que la convention délivre aux convenants - ce
changement permet de s’adapter à la philosophie du nouveau
référentiel -, de l'autre, on trouve la cohabitation qui correspond à une
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


scission d'entreprises en deux sous-groupes : un premier ancré dans les
valeurs de l’ancien canevas et un second qui bascule pour s’arrimer à
la nouveauté. C’est un comportement quasi-automatique lors de
l’entrée en vigueur d’une disposition aménageant ou reformant la
comptabilité. Les réactions d’affrontement ou d’inertie, voire de
résistance, peuvent résulter du manque de pertinence du nouveau
référentiel, de son caractère plutôt moins séducteur ou de la rigidité de
ses fondements.
Audet, Couteret, et Avenet (2004) signalent que dans le dossier
spécial d'Experts et Décideurs" sur le coaching en PME (2002), on
identifie deux freins psychologiques supplémentaires se manifestant
chez l'entrepreneur, à savoir la perception qu'en tant que "patron" il n'a
rien à apprendre et la peur que la confidentialité des échanges ne soit
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 53

pas respectée. Il importe que soit établi une sorte de contrat moral
spécifiant les objectifs visés, les moyens mis en place pour les
atteindre, les rôles respectifs du coach et de son coaché et un plan
d'action comprenant un échéancier (Covin et Fisher, 1991 ; King et
Eaton, 1999). Ce contrat doit permettre aux parties de gérer et de
structurer leur relation, tout en permettant une certaine flexibilité pour
ajuster le tir en cours de route (Audet et Couteret, 2002). Le tableau de
bord du coach devient alors une nécessité incontournable.
Un autre aspect de la relation coach et coaché a été signalé par
Bayad et Persson-Gehin (2003). Pour ces auteurs, l'entrepreneur ne
saurait limiter son apprentissage à une forme de mimétisme
(apprentissage en simple boucle au sens d'Argyris et Schön). Il doit au
contraire générer un savoir actionnable, dont les modalités se
définissent et se modifient "chemin faisant". Pour y parvenir, il doit
disposer d'une enveloppe culturelle minimale" (ECM), un ensemble de
points qu'une entreprise recherche lorsqu'elle doit faire appel à un
coach. Elle cherche à ce que l'enveloppe culturelle minimale soit en
accord et ait la même vision que celle de l'entreprise (Lenhardt, 2002).

Les experts-comptables coachs et le processus de mutation


comptable

Un expert-comptable est un professionnel de la comptabilité. Il


peut s'agir d'une personne physique ou morale (cabinet comptable)
habilitée ou inscrite à l’ordre des experts-comptables et comptables
agréés d’un pays voire d’un groupe de pays. La convention comptable
en vigueur en Afrique a voulu, et ce depuis le premier janvier 2001,
qu’on présente l’information comptable, non plus selon l’ancien
canevas (plan comptable OCAM), mais en harmonie avec les
nouvelles exigences (normes OHADA). Dans une logique transitoire,
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


les prérogatives des experts-comptables et comptables agréés dans les
entreprises deviennent inévitables. La vocation naturelle d’éducateur
des experts-comptables ne tient pas, comme on pourrait le croire, à
l’acte uniforme portant sur le droit comptable, mais plutôt aux goûts,
aptitudes particulières ou à la spécialisation de certains d’entre eux. Il
s’agit bien au contraire, d’une nécessité, qui trouve son explication
dans les conditions d’exercice de la profession (OECCA, 1987). Elle
résulte en effet de la nature et des modalités d’exécution d’un certain
nombre de missions relativement éparses, et notamment de missions
de conseil, dont la réussite est étroitement liée à la qualité et au
contrôle des comptabilités des entreprises (OECCA, 1988 ; Béthoux,
2000 ; Burlaud, 2007 ; Pérochon, 2000). Pour y parvenir, il faut
informer, voire former, surtout dans la mouvance actuelle, où la
54 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

mutation comptable OCAM-OHADA s’invite sur la fiche de


l’actualité des services comptables des entreprises. A notre sens,
l’expert doit, non seulement jouer un rôle informatif, mais également
se positionner, une fois pour toutes, comme l’alpha et l’oméga de la
domestication des normes du nouveau référentiel. Il doit former et
veiller à l’application des principes donnés aux apprenants durant la
formation. Il lui revient aussi d’examiner la qualité du travail au
moyen de tests. Le professionnel doit également se muer en éducateur,
pour expliquer ce qu’il y a lieu de faire, dire comment le faire et
mettre en évidence les fautes à ne pas commettre. Cette activité qu’on
ne peut aujourd’hui enlever de l’éventail de ses missions apparaît
comme le prolongement normal et obligatoire de la signification
plurielle de son nom : un homme pluridisciplinaire. La formation que
peut apporter l’expert aux apprenants, membres des organisations
clientes, si elle n’est pas réalisée par lui, risquerait bien souvent de
compromettre la recherche d’efficacité (Spitz, 2003). Cette formation
est fondamentale pour les comptables des entreprises apprenantes
(Spitz 2003 ; Scheid, 2000). Fort de cela, les experts-comptables eux
mêmes estiment, à tort ou à raison, que nul mieux qu’eux n’est
capable de le faire, lorsqu’il s’agit d’enseigner des pratiques et
techniques qui nécessiteront en fin de compte un examen annuel
attentif de la régularité et la sincérité des informations comptables et
financières produites (OECCA, 1988).
Innover dans son travail, dans ses habitudes, nécessite une
certaine connaissance ou du moins une certaine représentation mentale
de l’avantage à retirer du changement (Chanut-Guieu et Meschi,
2003 ; Soparnot 2003). Beaucoup de comptables peuvent répondre
favorablement ou défavorablement face à une nouveauté qui touche
ou modifie superficiellement, voire considérablement, le cadre du
déroulement de leurs activités. Les "optimistes" sont motivés dans leur
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


vision par la recherche d’une information de qualité, tandis que les
"pessimistes" ne perçoivent pas, ou refusent de percevoir, cette
nécessité urgente. L’expert-comptable doit s’investir dans la
communication en direction de ses clients (OECCA, 1988 ; Scheid,
2000) afin de détruire les germes du pessimisme. Il doit utiliser cette
communication pour véhiculer des informations sur le socle de
l’accompagnement, sur les perspectives de la nouveauté et sur l’intérêt
qu’elle apporte aux dirigeants de l’entreprise. Sa prouesse dans cette
mission détermine le comportement d’inertie ou de coopération des
entreprises appelées à effectuer le changement. A ce sujet, Bac-Charry
(1998) fait remarquer qu’il existe un fort décalage entre les attentes
fondées sur les nouvelles normes et les jugements qu’elles suscitent
après leur mise en place. Cette situation, soutient l’auteur, est en
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 55

substance due à une crise du système de communication. La


communication constitue donc, de façon déterminante, la clé de la
réussite de tout changement organisationnel. Lenhardt (2002) va plus
loin et parle de méta-communication ; il sous-entend "communiquer
sur la façon dont on communique". Pour lui la communication et la
manière dont on perçoit une communication dépendent de son cadre
de référence.

La pertinence du SYSCOHADA et le basculement OCAM-


OHADA

Né de la volonté des pays membres de l’OHADA de partager le


même langage des affaires, les mêmes outils de mesure et donc de
favoriser leur intégration économique et le développement des
échanges entre les États, le SYSCOHADA est un référentiel
identitaire différent de celui qu’il a remplacé. Les objectifs qu’il
s’assigne, le cadre d’ouverture et d’évolution qu’il offre aux
entreprises dans les États membres témoignent de la pertinence de son
cadre règlementaire et conceptuel. Il s’agit entre autres :
- de la mise sur pied de pratiques comptables uniformes dans
l’ensemble des pays signataires, de façon à rendre homogène les
informations produites par les entreprises dans les différents pays ;
- de rendre fiables et pertinentes les informations fournies par les
entreprises à travers leurs états financiers de synthèse ;
- de faire de l’image fidèle du patrimoine, de la situation
financière et des résultats de l’entreprise l’objectif cardinal des
travaux comptables ;
- de faire de la comptabilité un véritable levier de pilotage des
entreprises et d’information des partenaires ;
- de sa fidélité prouvée aux principes du modèle comptable
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


continental et de son ancrage aux normes comptables internationales ;
- et pour finir, d’amener une plus large gamme d’entreprises à
tenir une comptabilité, notamment en leur proposant des états
financiers modulables en fonction de leur taille.
Ce référentiel unique vient mettre fin à la disparité des pratiques
comptables dans les pays membres d’Afrique. Par leur approche
historique biennale, les états financiers de synthèse qu’il propose sont
de précieux outils de l’analyse financière. Les comparaisons inter-
États ou intra-région apparaissent ainsi amorcées et l’intégration
économique facilitée.
56 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

Méthodologie d’investigation

Afin d'apporter des réponses aux multiples interrogations


suscitées par cette de recherche, l’étude de cas a été la méthodologie
la plus appropriée et ceci dans une perspective empirique. Elle va
permettre d'effectuer des investigations à partir des situations réelles et
d'obtenir des informations intéressantes (Hlady Rispal, 2002 ; Miles et
Hubermann, 2003). De plus la recherche se prête à une posture
descriptive. Des entretiens en face-à-face ont donc été conduits auprès
des PME et auprès des Experts comptables. Seule le seuil de
saturation, c'est-à-dire un niveau optimal d'entretien ou toutes les
informations deviennent redondantes, devrait déterminer le nombre
d'entretien. Au bout du processus, à l'exception du premier cas (cas1)
où nous avons eu quatre entretiens, nous avons effectué au total trois
entretiens avec les dirigeants des PME et deux entretiens avec les
experts-comptables. L'entretien réalisé, aussi bien auprès des experts-
comptables qu'auprès des PME était semi-directif et interactif. Dans
toutes les entreprises, l'entretien a été suivi d'une exploitation des
documents mis à notre disposition, à savoir : les conventions
d'accompagnement, le cahier de charge, le rapport de formation et
bien d'autres documents comptables relatifs à la transition.
La recherche explore quatre PME et quatre cabinets d’expertises-
comptables (août, septembre et octobre 2008). Le choix des cas obéit
à une démarche qui allie stratégie personnelle et liens relationnels.
Toutefois les cas choisis devraient contenir le phénomène étudié. Dans
le cas d’espèce, la réceptivité et la disponibilité de nos informants
étaient déterminantes dans la sélection des cas. La rencontre entre le
chercheur et l’unité d’échantillonnage pour la collecte effective des
données s’est faite sur rendez-vous. La première étape a consisté à
identifier et à contacter les cabinets d’expertise comptable. Pour être
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


retenu, le cabinet contacté devait avoir suivi au moins une PME ayant
effectué la mutation comptable OCAM-OHADA. La première phase
de l’entretien avec les quatre cabinets sollicités a permis d’identifier
les PME accompagnées par ces experts lors de la mutation. La
deuxième étape a consisté à contacter ces PME et à solliciter un
rendez-vous. A l’issue de cette phase, quatre PME ont été retenues,
soit une par cabinet. La phase empirique a consisté à mener une
double investigation : auprès des PME et auprès des experts-
comptables. La méthode « va et vient »3 retenue se justifie par la

3. Les cas 1 à 4 représentent respectivement les entreprises suivantes :


POLYPHARMA ; COCIMECAM ; TMC ; SIPCA.
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 57

nécessité de recouper les informations recueillies avant leur


traitement.
Nous avons pour des raisons de confidentialités, voulu renommer
les entreprises et les experts. Ils nous ont laissé le choix de faire ou de
ne pas le faire. Nous avons choisi de ne pas le faire. Il est vrai que
l'anonymat permet de parler librement surtout lorsqu'on est sous
contrôle et qu'il faut obtenir une autorisation pour publier certaines
informations. La liberté manifestée par les interviewés au sujet de
l'anonymat peut provenir de l'incompréhension qu'ils ont avec les
organes dirigeants. Le climat des affaires est tendu depuis l'annonce
du changement. Le tableau suivant présente les principales
caractéristiques des PME étudiées.

Tableau 1 : principales caractéristiques des PME étudiées

Désignation Cas1 Cas2 Cas3 Cas4

Année de 1997 1993 2000 1982


création

Secteur Commerce Commerce Commerce Industrie


d’activité

Forme SARL SARL SA SA


juridique

Effectifs 25 200 30 100


employé

Chiffre Entre 100 et Supérieur à Entre 200 et Entre 2 et 3


d’affaires 250 millions 10 milliards 400 millions milliards de
annuel de FCFA de FCFA de FCFA FCFA
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


Toutes les entreprises étudiées sont des PME dont trois opèrent
dans le secteur commercial et une dans l’industrie. Le cas 2 a un
chiffre d’affaires très élevé. Il s’agit, en fait, d’une entreprise qui
achète et revend des matériaux de construction. Elle dispose de coûts
d’approvisionnement très élevés, d’un cycle d’exploitation très court
et d’une vitesse de rotation des stocks très élevée pour la plupart de
ses produits, ce qui peut expliquer le niveau de son chiffre d’affaires.
Il en est de même du cas 4 qui reste une PME de par son effectif. Elles
ont dans leur ensemble commencé la tenue de leur comptabilité avec
le plan comptable OCAM avant de muter au SYSCOHADA. Le
tableau suivant présente le déroulement de l’entretien.
58 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

Tableau 2 : le déroulement de l’entretien


Désignation Cas1 Cas2 Cas3 Cas4

Entretien4 Dirigeant (1) Dirigeant


avec le (1)
dirigeant ou Comptable(3) Comptable Comptable (3)
le comptable (3) Comptable
(2)

Nombre Quatre Trois Trois Trois


d’entretiens

Durée totale 2 heures 2 heures 15 2 heures 40 1 heure 30


par entretien minutes minutes minutes

Accès aux Oui Non Non Oui


documents
internes

OKALLA AFRICAN
TRUST
Cabinets AHANDA CONSULTIN
MAZARS CONSULTIN
Comptables ET G
G
ASSOCIES ENTREPRISE
Résultat de
L’accompa- Succès Succès Succès Succès
gnement6
Durée totale 2 heures 50 2 heures 40 4 heures 1 heure 55
de l’entretien minutes minutes minutes
avec l’expert
ou son
collaborateur

Dans certaines entreprises, l’entretien a été suivi d'une


© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


exploitation des documents mis à notre disposition, à savoir : les
conventions d’accompagnement, le cahier des charges, le rapport de
formation et bien d’autres documents comptables relatifs à la
transition. Les experts-comptables qui ont participé aux entretiens se
sont montrés très ouverts et intéressés par l’étude. Nous en avons
profité pour approfondir la recherche et comprendre tous les enjeux de

4. Le chiffre entre parenthèses indique le nombre d’entretiens réalisés avec chaque


personne.4 Elle consiste, dans un premier temps, à collecter les données auprès des PME
et des experts-comptables ; ensuite, à revenir (une ou plusieurs fois) auprès de chacun
des deux partenaires, soit pour vérifier les informations fournies par lui même ou par
son partenaire, soit pour un complément. Ce succès est dû, entre autres, à l’implication
des collaborateurs de l’entreprise coachée et par la prise de conscience de l’enjeu du
basculement.
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 59

la relation PME - experts-comptables. La double approche « Expert -


PME » adoptée et la méthode « aller et retour » chez les deux
partenaires ont permis de faire des vérifications, de filtrer les
informations recueillies afin de dégager des conclusions.
Le guide de l'entretien comprenait plusieurs points : les enjeux
de la relation PME - experts-comptables, le dispositif servant de base
à la transition et les difficultés de sa mise en œuvre, le comportement
des acteurs en présence, le rôle concret des experts-comptables, Les
raisons du succès ou de l'échec de l'opération.

Présentation et analyses des résultats

Les résultats issus du processus ci-dessus montrent le rôle joué


par les experts-comptables et les difficultés auxquelles ces derniers
ont eu à faire face.

Le rôle des experts dans la conduite du changement

La mutation comptable OCAM-OHADA a été selon les experts


une grande opportunité offerte, aux entreprises en général et aux PME
en particulier, pour faire un examen détaillé des forces et faiblesses de
leurs dispositifs de production et de diffusion de l’information
comptable. En effet, l’audit qu’a exigé la refonte a consisté
notamment à se prononcer sur l’existence et la disponibilité au sein de
la PME des ressources humaines, intellectuelles et matérielles pouvant
aider ou faciliter le basculement. Pour ce faire, l’expert appelé au
chevet de la PME avait de multiples casquettes : il devait d’abord faire
preuve d’une bonne maîtrise du diagnostic, mais aussi être un
spécialiste en conseil avec une visée prospective encline à
l’amélioration du système d’information comptable et financier. Dans
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


cette tâche, notons que le concours des comptables des PME s’est fait
aussi ressentir. Ceux-ci étaient tenus de participer et de faciliter le bon
déroulement de l’opération. Ce brassage des deux équipes de travail a
facilité le bon déroulement de la phase d’évaluation, mais on ne peut
pas dire pour autant que celle-ci s'est déroulée sans heurts. C'est ce
qu'affirment avec beaucoup de conviction les responsables rencontrés.
Le plan des comptes est le support de la transcription des
données économiques en comptabilité. Le manuel des procédures est,
quant à lui, un guide de l’enregistrement de ces faits et apparaît
comme incontournable dans la schématisation des écritures et dans la
collecte et la circulation des données. Il est en outre un précieux outil
de contrôle et d’autocontrôle de l’activité quotidienne des comptables.
60 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

Dans les cas 1 et 3, les experts ont dû superviser la réalisation de cette


tâche, tandis que dans 2 et 4, ils étaient de véritable maîtres d’œuvre
dans l’élaboration de ces deux supports. Tout comme dans la phase de
diagnostic, les experts étaient secondés dans leur mission par le
personnel comptable des PME étudiées. Seul l’établissement de la
table de correspondance, outil nécessaire pour le basculement, n’a pas
demandé le concours de personnes internes à la PME. Certes, la
confection de ce dispositif relève de la compétence de l’expert qui le
fait hors de l’entreprise et plus précisément dans son cabinet ou dans
les locaux de l’Ordre. Il était toutefois nécessaire d’y associer les
cadres assurant des tâches de comptables dans les PME. Cette
association aurait sans doute permis à ces derniers de mieux
s’approprier le dispositif et de mieux l’utiliser dans le basculement
présent et les améliorations à apporter. Sur ce point, qui, à notre avis,
semblait sensible, aucune entreprise n'a manifesté de regret quant à la
non-collaboration directe expert-comptable – cadres dans l'élaboration
de la table de correspondance. Elles affirment reconnaître les énormes
efforts qu'exige ce genre de travail.
Pour ce qui est du passage du compte OCAM aux comptes
OHADA, la mission de l’expert a consisté à faire, selon les cas, soit
un reclassement compte par compte, soit un retraitement compte après
compte. Le reclassement concerne les comptes OCAM dont l’expert
pouvait trouver sans difficulté un corollaire ou un substitut dans la
nomenclature du plan comptable OHADA. Il ne s’agit aucunement
pour l’expert de s’arrêter aux données d’un seul exercice, comme cela
était coutume dans l’ancien référentiel, mais de pousser la logique,
dans le passé, pour traiter deux exercices consécutifs, comme l’exige
le nouveau référentiel. Ce retraitement et le reclassement des comptes
s’ouvrent sur la confection d’une balance d’ouverture OHADA. Cet
outil de contrôle arithmétique a été facilité par la table de
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


correspondances conçue dans chaque cas par l’expert accompagnateur
Cette table indique, en effet, comment passer sans difficulté majeure
de la comptabilité OCAM à la comptabilité OHADA.
Le passage du système des registres au système de comptabilité
informatisé a été une étape, non le moindre, à surmonter. L'expert a
débuté par le paramétrage de la structure au moyen d’un
microprogramme informatique (Sage saari par exemple). Il consiste à
passer du système manuel à partir des registres devenus caducs pour le
système d’écriture binaire. Il se pose à ce niveau : la problématique du
choix du logiciel de comptabilité qui répond le mieux aux besoins de
la PME ; celle de l’équipement servant de support à ce logiciel ; et
celle de la formation de l’équipe chargée d’animer le nouveau
système. Là encore, les experts-comptables étaient très sollicités et les
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 61

rôles qu’ils ont dû jouer ont eu pour point focal les fondamentaux qui
viennent d’être évoqués.
La rédaction de la documentation attestant l'effectivité du
basculement était très attendue par les chefs d'entreprise. Il s'agit pour
ces derniers d'une preuve du travail accompli. Il sert également de
base de contrôle de l'effectivité du basculement, de la régularité et de
la sincérité dans la transcription des comptes de l'ancien référentiel au
niveau système.
Quant aux séminaires d'imprégnation et de vulgarisation animés
par les experts-comptables, ces séminaires étaient destinés aux
membres du personnel comptable du client. L’objectif de cette
préformation était de permettre à ces derniers d’assimiler le nouveau
référentiel comptable. Comme le soulignent de façon conjointe les
PME et les experts-comptables, ces séminaires, en dépit de leur coût
très élevé, ont permis aux dirigeants et aux comptables de PME de
s’approprier le nouveau dispositif de façon autonome. En outre, ces
séminaires étaient conçus comme des pseudos formations à visée
communicative. La formation donnée par les experts-comptables aux
cadres des PME était organisée autour de trois concepts : le
comptable, l’organisation et le système d’information comptable. Le
premier module de formation orienté vers les chefs et les cadres
comptables a pour objectif de fournir les rudiments indispensables
pour l’évaluation de la performance du service comptable. Le contenu
du second module de formation est l’établissement de la déclaration
statistique et fiscale (DSF) version OHADA. Après avoir rappelé les
obligations légales qui sous-tendent l’établissement et le dépôt de
cette DSF, sont détaillées et passées au peigne fin les différentes
articulations. La participation à la conception et à l’implémentation du
système de contrôle interne a fait également l’objet de modules de
formation et a même joué un rôle à part entière. Comme l’indiquent
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


joyeusement les responsables des quatre PME, cette formation,
contrairement aux séminaires d’imprégnation et de vulgarisation sus
indiqués, a permis aux dirigeants et aux cadres des entreprises de
dominer le nouveau système. Ceci a été relayé, en amont, par les
experts-comptables, comme motif de satisfaction. Cette maîtrise
s’étend sur tout l’arsenal technique du nouveau système en matière de
tenue des comptes, de préparation et de présentation des états
financiers de synthèse et sur les implications juridiques et
managériales du traité de l’OHADA. Ici également, les experts ont
joué un rôle capital.
L'assistance juridique et fiscale a consisté pour l’essentiel à
guider les entreprises dans leurs choix comptables et fiscaux, dans la
mise sur pied de structures de gouvernance conformes aux exigences
62 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

du traité de l’OHADA (constitution ou non d’un conseil d’admi-


nistration, choix ou non d’un administrateur général, etc.) et sur les
responsabilités du dirigeant et du comptable dans les choix et les
décisions comptables, voire en cas d’inobservation avérée des
principes et des règles de tenue des comptes. De manière formelle, il a
été recommandé aux chefs d’entreprises de s’adjoindre un membre de
l’ONECCA, pour le suivi du basculement car au sein de l’ordre, toutes
les dispositions ont été prises pour amener les entreprises même les
plus petites à la maitrise totale de la nouveauté.

Les difficultés de basculement des PME

Malgré le rôle important joué par les experts-comptables, toutes


les entreprises n’ont pas basculé à ce jour. Pour expliquer la situation
qui prévaut en Afrique en général et au Cameroun en particulier, trois
facteurs peuvent être évoqués : la taille réduite de l’effectif des experts
accompagnateurs, la limite liée à leur répartition spatiale et la cherté
des honoraires des experts-comptables. A titre d’exemple, le tableau
suivant présente sur les dix régions que compte le Cameroun, les cinq
îlots de la profession comptable.

Tableau 3 : Répartition régionale des experts-comptables au Cameroun

Villes Nombre %

Littoral (Douala) 60 75,94

Centre (Yaoundé) 15 18,98

Nord-ouest (Bamenda) 2 2,53


© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


Sud-ouest (Limbé) 1 1,26

Ouest (Banganté) 1 1,26

Total 79 100

Source : ONECCA (2008)

Force est de remarquer que le Cameroun ne compte que 79


experts-comptables et comptables agrées. 75,94% de ces derniers sont
localisés dans la capitale économique du pays. Cette forte con-
centration corrobore, certes, la forte concentration des activités
économiques dans cette région, mais il faut également noter que cinq
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 63

régions (l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême - Nord, l’Est et le Sud) sont


totalement dépourvues de professionnels de la comptabilité. Le
problème se pose donc au Cameroun, comme partout en Afrique, d'un
manque criant d'experts-comptables. Cette carence a constitué un
grand obstacle à la transformation comptable OCAM-OHADA dans
les différents pays. La conséquence logique et même naturelle de cette
situation est le coût élevé des marchés du changement comptable. Ces
difficultés rejoignent, en tous points, celles évoquées par les PME. On
peut citer entre autres :
- le manque de formation qui a conduit beaucoup parmi les membres
du personnel comptable à éprouver des difficultés pour comprendre
les subtilités et le bien-fondé de la transition ;
- l’insuffisance des équipements aussi bien matériels qu’immatériels
pour conduire le changement ;
- la tendance, certes marginale, de certains experts à vouloir mystifier
leurs missions afin de créer la dépendance des PME vis-à-vis de leur
expertise ;
- l'absence d’un observatoire des pratiques comptables qui rendrait
compte au secrétariat permanent de l’OHADA des réalités de la
conduite de la mutation ; elle a constitué l’une des entraves à ce
changement dans le domaine intrinsèque de la comptabilité.

Conclusion et implications

La présente étude a permis de comprendre que le succès d’une


mutation comptable ou d’un changement organisationnel dans un
contexte donné est moins fonction de la pression de l’environnement
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


(environnement juridique, économique, politique ou social) que des
dispositifs organisationnels, techniques et cognitifs d’accom-
pagnement. L'étude démontre aussi que le succès de la relation
« PME/experts externes » dans un processus d’accompagnement ou de
changement, est subordonné à l’observation des cinq règles d’or
suivantes :
1) une relation contractuelle explicite, de dépendance ou
d’indépendance, librement consentie entre la PME qui demande d’être
accompagnée et l’expert qui accepte d’accompagner ;
2) une volonté avérée de la PME de changer ou de basculer vers la
nouveauté ;
3) une foi partagée entre la PME et l’expert qui permet aux deux
partenaires de s’engager et de s’échanger toutes les informations (y
64 Jules Roger FEUDJO & Jean-Paul TCHANKAM

compris les données stratégiques) sur l’objet du changement et sur les


personnes impliquées dans le processus ;
4) la disponibilité permanente de l’expert et des membres de la PME
impliqués dans la mutation ;
5) la disponibilité, tant du côté de la PME que de l’expert, des outils
pédagogiques, techniques et des capacités cognitives nécessaires pour
accueillir et conduire le changement.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

AMBLARD M. « Le changement des règles comptables : une interprétation par


la théorie des conventions ». in : Les actes du 21e congrès de l'AFC :
Angers, 18-20 mai 2000, AFC, Paris, 2000, p. 21-36.
AUDET J., COUTERET P. & AVENET G. « Les facteurs de succès d'une
intervention de coaching auprès d'entrepreneurs : une étude exploratoire »
7e Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME : 27, 28
et 29 octobre 2004, Montpellier, AIREPME. BAC-CHARRY, B.
« Normalisation comptable et inertie face au changement dans les PME »,
Revue française de gestion, n°121, 1998, p. 129-138.
BAYAD M. & PERSSON-GEHIN S. « L'accompagnement des porteurs de projets
au défi de la complexité : le coaching ? ». in : Les communications du
Grand Atelier MCX : la formation au défi de la complexité : Lille, 18-19
septembre 2003, CUEEP, Villeneuve BETHOUX, R. « Audit : les grands
acteurs ». In : B. Colasse (Dir.), Encyclopédie de comptabilité, contrôle de
gestion et audit, Economica, Paris, 2000, p. 49-61.
BELL BELL J M., « Le basculement comptable OCAM/OHADA », ONECCA –
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


INFO, N°6, Février, 2002, p. 25.
BIGOU-LARE N. « Le SYSCOA : vers des normes comptables uniformes dans
l’UEMOA ? Une analyse de la pratique togolaise », Comptabilité contrôle
audit, tome 10, vol. 1, 2004, p. 63-78.
BURLAUD A. « Quel droit comptable pour les PME ? », Revue du financier,
n°168, 2007, p. 121-137.
CHANUT-GUIEU C. & MESCHI P.-X. « S’il fallait faire le point sur le
changement organisationnel », Observer pour agir, n°2, 2003, p. 9-17.
COVIN T.J. & FISHER T.V. « Consultant and client must work together »,
Journal of Management Consulting, vol. 6, n°4, 1991, p. 11-20.
FORTIER G. « Mentor ou coach ? Voilà la question ! ». In : Ordre des
conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du
Québec (ORHRI), Le média du travail et de l’emploi, ORHRI, Montréal,
2003.
FOURES E. Comment coacher, Ed. d’Organisation, Paris, 2003.
EXPÉRIENCE AFRICAINE DE COACHING DES PME : LES EXPERTS-COMPTABLES 65

GRAY D., EKINCI Y., & GOREGAOKAR H., “Coaching SME Managers:
Business Development Or Personal Therapy? A Mixed Methods Study”,
The International Journal Of Human Resource Management, vol. 22, N°.
4, February, 2011, p. 863-882.
HAMILTON B. “Coaching The Small-Business Owner”, Commercial Lending
Review, 2003, p. 45-46.
HALBOUT R.-M. « La place des outils dans le coaching ». In : Société
française de coaching, Paris, 1996, p.1à4. < http://www.sfcoach.org>.
HLADY RISPAL M. La méthode des cas : application à la recherche en gestion,
De Boeck Université, Bruxelles, 2002.
KAMDEM D. Système comptable OHADA, SYSCO : comptabilité générale,
Dianoïa, Chennevières-sur-Marne, 2004.
KING P. & EATON J. « Coaching for results », Industrial and Commercial
Training, vol. 31, n°4, 1999, p. 145-151.
LENHARDT V. « Les responsables porteurs de sens : culture et pratique du
coaching et du team-building », INSEP, Paris, 2002.
MILES M.B. & HUBERMANN M. Analyse des données qualitatives, De Boeck,
Bruxelles, 2003.
OECCA. Les missions de l'expert-comptable : défis et perspectives : actes du
43e Congrès de l’Ordre des experts-comptables et des
comptables agréés, Saint-Malo, 17-20 septembre 1987, Ed. Comptables
Malesherbes, Paris, 1988.
ONECCA. « Le passage au système comptable OHADA : le système
comptable OHADA et les contrôles internes et externes », ONECCA Info,
n° spécial, 2002, p. 25.
PEROCHON C. « Normalisation comptable francophone ». In : B. Colasse
(Dir.), Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit,
Economica, Paris, 2000, p. 905-918.
SAMMUT S. « L’accompagnement de la jeune entreprise », Revue française de
gestion, n°144, 2004, p. 153-164.
SCHEID J.-C. « Professions comptables en France ». In : B. Colasse (Dir.),
Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, Economica,
Paris, 2000, p. 1005-1022.
© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)

© ISEOR | Téléchargé le 16/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.217.196.21)


SOPARNOT R. « Le pilotage du changement organisationnel : la gestion du
changement », Observer pour agir, n°2, 2003, p. 43-62.
SPITZ J.-C. « L’expert-comptable dans la petite entreprise », La lettre de
l'OCED, n°22, 2003, p. 1-12.

Vous aimerez peut-être aussi