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© Les Presses des Mines | Téléchargé le 20/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.115.238.84)
Khalid Chafik est enseignant chercheur à l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Tanger
(ENCGT). Il est Responsable de la formation Doctorale « Économie et Gestion » à l’Université
Abdelmalek Essaadi et responsable du groupe de recherche « GREMSI » à l’ENCGT.
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L’impact des ERP sur le contrôle de gestion est un sujet très débattu ces dernières années. La revue
de la littérature sur cette thématique montre des perspectives différentes concernant l’évolution des
pratiques et des métiers de cette fonction dans les organisations.
En se basant sur une étude de cas comparative, les principaux résultats mettent en évidence que les
changements demeurent conditionnés par la prise en considération du degré d’intégration de l’ERP.
Toutefois, ces transformations doivent être examinées en tenant compte de la façon avec laquelle
les structures et les comportements interagissent dans un contexte donné.
Mots clés : ERP, contrôle de gestion, étude comparative.
The impact of ERP on management control has been a subject of considerable debate in recent
years. The review of the literature on this topic shows different perspectives regarding evolution
of practices and professions of this function in the organizations. The main results of our
research show that changes remain conditioned by the integration of the ERP. However, these
transformations must be examined taking into account the way in which structures and behaviors
interact in a given context.
L’introduction des ERP a fait du contrôle de gestion (CG) un sujet très débattu
ces dernières années : a-t-il changé ou non ? Devrait-il changer ? Le débat est
toujours d’actualité (Kholeif, 2011). L’examen de la littérature sur ce sujet nous
a permis de mettre en évidence deux perspectives. D’une part des études qui
confirment des contributions valorisantes des ERP à l’évolution du rôle des
contrôleurs de gestion vers des tâches d’analyse et/ou de conseil, d’autre part,
des études qui considèrent ces progiciels comme une menace pour leur place et
leur importance dans les organisations. Ces divergences concernent également
les autres aspects de la fonction : son organisation, ses techniques, les tâches des
contrôleurs, etc. (Chafik et El Atiki El Guennouni, 2015).
De leur côté, les ERP ne représentent pas un concept statique (Rowe, 2009) : ils ont
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subi plusieurs changements depuis leur apparition et sont en constante évolution
sous l’impulsion des innovations technologiques et des facteurs organisationnels
(Bidan, 2006). Du côté des éditeurs, plusieurs ambiguïtés persistent : ils décrivent
seulement ce que leurs logiciels peuvent faire et ne disent rien de ce qu’ils ne
peuvent pas faire (Dechow et Mouritsen, 2005).
Afin d’essayer d’apporter des réponses à cette question, nous allons d’abord
rappeler les principaux éléments de débats qui existent dans la littérature sur le
sujet. Ensuite, nous allons présenter le cadre méthodologique de notre recherche
basée sur une approche qualitative. Dans le dernier point, nous allons exposer les
principaux résultats et les pistes futures de cette recherche.
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de gestion dans les entreprises, les interrogations sur la pertinence de résultats
exclusivement financiers et sur la nécessité de recourir à des indicateurs qualitatifs
et opérationnels sont toujours posées.
Toutefois, l’appréhension de ce qu’on entend par un ERP n’est pas une tâche
facile et nécessite des précisions sur plusieurs niveaux. Selon Rowe (2009), les ERP
possèdent particulièrement des possibilités dynamiques d’évolutions en termes
de périmètre et de nature. Actuellement, ces systèmes ont changé sous l’influence
de plusieurs innovations : Intégration d’applications d’entreprise (EAI), Web,
architecture orientée services (SOA), BigData, le Cloud, Mobilité, etc. Parallèlement
à ces évolutions, leur couverture est toujours en croissance : informatique
décisionnelle (BI : Data warehouse, Data mining), traitement analytique en ligne (Online
ERP et métiers des contrôleurs de gestion 137
Dans la littérature plusieurs recherches ont traité la relation entre les ERP et le
contrôle de gestion. Parmi les recherches les plus importantes, nous citons la
recherche de Granlund et Malmi (2002) et de Rom et Rohde (2006). Les premiers
montrent dans leur modèle que le contrôle de gestion et les contrôleurs de gestion
(variables dépendantes) sont affectés directement par l’implémentation de l’ERP
(variable indépendante) et indirectement par les changements des pratiques et des
processus de gestion (variables médiatrices) (Figure 1).
Pour leur part, Rom et Rohde (2006) proposent, à partir de la littérature, un cadre
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théorique très riche pour étudier l’impact des systèmes d’information intégrés
(SII) (en particulier les ERP) sur le contrôle de gestion (Figure 2).
Figure (2) : Modèle de recherche proposé par Rom et Rohde (2006). À l’aide de ces cadres théoriques
et conceptuels, nous avons mené une étude de cas dans deux entreprises marocaines disposant d’un ERP
(Cim1 et Cim2). Ce choix a pour objectif d’établir une première conclusion sur la base d’observations
issues d’une série de cas différents.
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En nous basant sur les principes d’échantillonnage théorique, nous avons mené
une étude de cas comparative auprès de deux entreprises marocaines appartenant
au secteur de la cimenterie. Le choix de ces deux entreprises nous a permis de
stabiliser certaines variables de contingence, notamment les caractéristiques
de l’environnement externe, la nature de l’activité, la taille, la technologie de
production, la stabilité du contexte social, la taille du service contrôle de gestion,
la couverture opérationnelle des principaux domaines fonctionnels, etc.
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Pour réaliser notre recherche, nous réalisé une période d’observation (de quatre
semaines) au niveau du service contrôle de gestion dans une entreprise (Cim1).
Cette période d’observation nous a permis de nous faire une idée du contexte,
des acteurs et des configurations locales. Par la suite, nous avons planifié une
vague de visites (pendant une année) pour effectuer des interviews, centrées sur
le thème de l’impact de l’ERP, avec le responsable administratif et financier et son
contrôleur de gestion. L’approfondissement des investigations au sein de ce cas
ERP et métiers des contrôleurs de gestion 139
a été motivé par les recommandations de Bogdan et Biklen (2007). Ces auteurs
préconisent aux chercheurs, dans le cas d’une étude multiple, de focaliser leur
travail sur un seul site. Après avoir terminé le premier cas, le chercheur verra que
les cas ultérieurs sont plus faciles à aborder : le premier cas sert de référence pour
définir les paramètres des autres (Bogdan et Biklen, 2007, p.70). Ainsi, dans une
seconde étape, nous avons effectué une série de visites auprès d’une entreprise
concurrente (Cim2) afin de comparer ses pratiques avec celles de (Cim1).
Afin de préparer le terrain pour la discussion des résultats, nous allons présenter
d’abord le contexte général des deux cas, les caractéristiques de leurs systèmes
d’information et la place de la fonction contrôle de gestion dans chaque
entreprise. Ensuite, nous allons procéder à une comparaison pour identifier les
ressemblances et les différences.
L’entreprise Cim1
Cim1 est une usine de ciment qui a été construite en 1953. C’est une SA qui
compte environ 142 employés. Les ventes annuelles sont d’environ 973 000 000
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DH. La production annuelle s’élève à 1 156 000 Tonnes. L’entreprise est dans la
phase de maturité et le mode de production est en processus continu.
L’entreprise dispose d’une solution Oracle JDE qui a été mise en place depuis
2004. C’est la même marque qui se retrouve chez toutes les filiales du groupe.
Les caractéristiques actuelles du SI de l’entreprise sont présentées dans le tableau
suivant (Tableau 1) :
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Comme nous pouvons le constater sur l’organigramme ci-dessous (Figure 4),
le service contrôle de gestion est rattaché hiérarchiquement au responsable
administratif et financier (RAF) de l’usine. Les dirigeants de l’entreprise sont
sensibilisés aux activités et à l’importance du contrôle de gestion. Ils soutiennent
les activités des contrôleurs au niveau opérationnel et stratégique : la seule
information qui compte est celle du contrôle de gestion.
L’entreprise Cim2
L’entreprise Cim2 a été créée en 1991. C’est une SA qui compte environ 115
employés. Les ventes annuelles sont d’environ 1 400 000 000 DH. La production
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annuelle s’élève à 1 000 000 Tonnes. Pour certains projets (par exemple les ports,
les ponts, etc.), la qualité du ciment demandée l’oblige à modifier tout le processus
de fabrication. L’environnement externe de Cim2 est identique à Cim1.
L’entreprise dispose d’une solution SAP EBM qui a été mise en place
progressivement depuis 2004. C’est la même marque qui se retrouve chez toutes les
filiales du groupe. La dernière mise à jour a été réalisée en 2014. L’automatisation
du processus de production a été réalisée en 2012 en partenariat avec ABB qui
a mis en place des capteurs qui alimentent SAP avec des indicateurs techniques
en temps réel. Le processus d’automatisation concerne tous les domaines
fonctionnels de l’entreprise.
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(Figure 5).
Le contrôle de gestion est une fonction stratégique dans l’entreprise. Les dirigeants
de l’entreprise sont sensibilisés aux activités et à l’importance du contrôle de
gestion. Ils soutiennent inconditionnellement les activités du contrôleur au niveau
opérationnel et stratégique.
Le CrG communique avec le DAF par écrit et par téléphone. Ce dernier dispose
d’une expérience dans un autre secteur d’activité. Au niveau du siège, c’est le
contrôleur de gestion corporate qui est chargé d’analyser la performance de
l’ensemble des usines du groupe. Le contrôleur de gestion de Cim2 a actuellement
huit ans d’expérience dans le poste. Il a passé 18 mois de formation avec la société
en tant que stagiaire. Pendant cette période, il a fait plusieurs formations au Maroc
et à l’étranger. Il maîtrise Excel et il a un bon niveau en informatique (il a des
connaissances sur la technologie des bases de données et le langage SQL). Il a
des compétences en programmation avec le JAVA et le WB ce qui lui a permis de
comprendre facilement la méthode du paramétrage de SAP (surtout les Business
Objects). Il dispose également d’une forte formation financière : il vient d’avoir
son diplôme d’expertise comptable.
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A déclaré le CrG (Cim2).
présenter les comparaisons entre nos deux cas sous forme de tableaux (Tableaux
3, 4 et 5).
Le premier tableau (Tableau 3), décrit les principales différences entre Cim1 et
Cim2 en matière de techniques utilisées.
Tableau 3 : Techniques du CG chez Cim1 et Cim2
Cim1 Cim2
Calcul des coûts Coût complet ABC
Sur Excel (révision Automatisée : Budget
Gestion budgétaire
trimestrielle) glissant
Tableaux de bord Sur Excel Automatisée
Reporting Sur Excel Automatisée
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en place mettent en évidence également des particularités au niveau des profils
des contrôleurs de gestion comme le montre le tableau suivant (Tableau 4).
Tableau 4 : Aspects organisationnels et profils des CsG de Cim1 et Cim2
Cim1 Cim2
Niveau d’encadrement Elevé Faible
Formation RAF (Usine) DAF (Siège)
Tâches Gardien de scores Business partner
Profil Licence gestion Expertise comptable
Dans le cas de Cim1, la fonction contrôle de gestion est assurée par le CrG et
supervisée directement par le RAF. Par conséquent, les actions et les propositions
du contrôleur de gestion sont fortement liées à la volonté du RAF. Ce dernier
profite de son expérience au niveau du siège pour encadrer le travail du contrôleur
de gestion et l’orienter vers les choses les plus importantes et stratégiques pour
l’entreprise ; le RAF passe la moitié de la semaine dans le siège avec la direction
générale du groupe et il est membre du comité de direction de Cim1. Par contre,
l’encadrement du CrG Cim2 par son DAF se place sur un autre niveau d’analyse.
Le DAF de Cim2 possède une expérience au niveau d’une autre activité et
ERP et métiers des contrôleurs de gestion 145
Les profils et les compétences des CsG sont également différents. L’environnement
du travail du contrôleur de gestion Cim2 nécessite la maîtrise de l’informatique
pour les besoins de paramétrage des business object (BO). Par contre, la maîtrise
d’Excel est la seule compétence informatique requise pour le contrôleur Cim1. La
pression des reporting et le besoin d’analyse des chiffres poussent les deux CsG
à adopter plusieurs stratégies. Nous avons catégorisé ces comportements en trois
types : offensifs, stimulants, et pacifiques (Tableau 5) :
Tableau 5 : Stratégies comportementales des contrôleurs de gestion
Cim1 Cim2
Stratégie Pacifiques × ×
comportementales Stimulantes × ×
Offensive ×
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importante de l’activité pour pouvoir challenger les opérationnels ; c’est un
comportement intermédiaire puisqu’il y a utilisation du pouvoir de la maîtrise de
l’activité (offensif) et en même temps basé sur la négociation avec les opérationnels
(pacifique).
D’une façon générale, les résultats de cette recherche mettent en évidence que
les pratiques du contrôle de gestion demeurent conditionnées par la prise en
considération du degré d’intégration de l’ERP. Toutefois, les transformations
du métier des contrôleurs de gestion doivent être examinées en tenant compte
de la façon avec laquelle les structures et les comportements interagissent dans
un contexte donné. Les facteurs de contingence se retrouvent à l’intérieur des
processus observés : l’interaction des conditions et des éléments du contexte
détermine les stratégies et les comportements adoptés par les contrôleurs de
gestion. Ces stratégies conduisent l’évolution de leur métier vers de nouvelles
perspectives : analyste, business partner ou à l’obstination de leur rôle traditionnel
de gardiens de scores (Figure 6).
146 Numérique et territoires
Conclusion
Le contexte théorique des recherches portant sur l’impact des ERP sur le contrôle
de gestion est un sujet de controverse dont les grands traits se caractérisent par
l’existence de deux visions antagonistes : l’une valorisante, l’autre dévalorisante.
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ERP différents, plusieurs idées et conclusions nous ont conduits à établir un
protocole de collecte de données (guide d’entretien semi-directif). Ce guide a
été soumis à l’évaluation de la part des contrôleurs de gestion de Cim2 et de
Cim1 et du responsable administratif et financier de Cim1. Les discussions de ce
protocole avec les responsables avaient comme intérêt d’éviter d’inclure dans le
questionnement des éléments qui ne soient pas tirés du terrain de la recherche et
qui n’auraient alors que très peu de chances d’être significatifs (Aktouf, 1987). En
nous basant sur ce guide, nous avons mené une étude de cas plus élargie auprès
des entreprises qui manifestent des variations concernant les caractéristiques de
l’intégration de l’ERP. Les résultats de cette recherche seront prochainement
publiés.
Bibliographie
Aktouf, O. (1987), Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations.
Presses de l’Université du Québec, Montréal.
Chafik, K. et El Atiki El Guennouni, A., L’impact de l’intégration des ERP sur la fonction
contrôle de gestion : transformation ou stabilité ? Essai d’élaboration
d’un cadre conceptuel de recherche, AIM, 2015.
Creswell, J.W. (2007), Qualitative inquiry and research design: Choosing among five approaches,
Sage, Thousand Oaks.
Gautier, F. et Giard, V. (2000), Vers une meilleure maîtrise des coûts engagés sur le
cycle de vie, lors de la conception de produits nouveaux. Comptabilité
Contrôle Audit, Vol.6, No. 2, 43-75.
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Kaplan, R. S. and D.P. Norton (1992), The Balanced Scorecard: Measures that Drive
Performance, Harvard Business Review, (January-February), 71-79.
Kholeif, A. (2011), The Impact of ERP on Management Accounting: A Literature Review and
Directions for Future Research, in Review of Management Accounting Research,
M. Abdel-Kader (ed.), Palgrave Macmillan Ltd, UK, 111-138.
Rom, A. and Rohde, C. (2006), Enterprise resource planning systems, strategic enterprise
management systems and management accounting: a Danish study,
Journal of Enterprise Information Management, Vol. 19, No. 1, 50-66.