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© Management Prospective Editions | Téléchargé le 05/04/2024 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.165.13)
Résumé
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Cet article cherche à évaluer dans quelle mesure les entreprises procèdent
à des changements dans leur façon de planifier leurs opérations lorsqu’elles
sont amenées à évoluer dans des environnements incertains, et en
particulier lorsque la demande devient imprévisible. Sur la base d’une étude
de cas menée dans le secteur informatique, nous cherchons à montrer
quels moyens l’entreprise met en place pour s’adapter à la variabilité des
marchés, et nous nous interrogeons particulièrement sur l’évolution des
systèmes de planification. Les résultats de l’étude montrent que la gestion
des ressources couplée à une totale reconfiguration de la supply chain se
substitue aux outils de planification classiques afin de pouvoir assurer la
pérennité de l’entreprise dans un contexte fortement évolutif.
Abstract
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La gestion de l’incertitude dans une chaîne
logistique globale : une étude de cas dans
le secteur informatique
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Cet article, basé sur une étude de cas empirique, a pour but d’observer les
pratiques de planification dans une entreprise soumise à cette incertitude liée
au marché, et de s’interroger sur les éventuels changements dans les méthodes
de travail comme dans la structure de la chaîne logistique intégrée, dans un
contexte changeant et imprévisible. Notre objectif principal est d’enrichir la
littérature académique de deux façons : d’une part en analysant comment une
entreprise adapte un modèle théorique de planification de la demande à trois
niveaux (stratégique, tactique, opérationnel) afin d’obtenir des informations plus
justes ; d’autre part en apportant une illustration concrète des limites des outils de
planification visant à maîtriser l’incertitude. Cette étude de cas nous permettra
dans un second temps de discuter les solutions mises en œuvre par cet acteur du
secteur informatique pour mieux maîtriser les aléas liés à son marché et garantir
sa pérennité. Enfin, nous apporterons un éclairage sur les choix stratégiques liés
à la configuration de la chaîne logistique et leur nécessaire articulation avec les
objectifs opérationnels à court terme dans un contexte incertain. L’article s’attarde
donc tout d’abord sur des questions opérationnelles liées à la planification, pour
ensuite venir s’interroger sur des aspects plus stratégiques en lien avec les
problématiques de structuration des chaînes logistiques.
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Dans les secteurs caractérisés par une production de masse avec peu de
possibilités d’adaptation du produit au client final, la planification des flux se
traduit par un système qui pousse les produits vers les marchés et par une
information sur la demande qui remonte le flux physique sous la forme de
prévisions. Ce modèle de planification est qualifié de « tiré par les prévisions »,
en opposition au modèle « tiré par la demande ». Bien qu’il soit considéré comme
efficient par de nombreux auteurs, ce modèle se caractérise par une certaine
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rigidité (Zhang et Chen, 2006 ; Zäpfel, 1998 ; Ohlager, 2003). Le modèle « tiré
par la demande », apparu plus récemment, vise à pallier les insuffisances des
systèmes de planification uniquement basés sur la prévision des ventes en
introduisant une approche où les flux physiques sont organisés directement à
partir des évolutions du marché. Nous détaillerons ci-après les caractéristiques
de ces deux modèles.
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La gestion de l’incertitude dans une chaîne
logistique globale : une étude de cas dans
le secteur informatique
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Figure 1 : Le point de découplage (Christopher, 2000)
Pendant longtemps, les entreprises ont cru que les stratégies « lean » et « agile »
étaient des approches exclusives de la supply chain, et qu’il n’était pas possible
de les combiner. Les objectifs de ces deux stratégies semblent être aux antipodes
l’un de l’autre tout comme les environnements favorables à la mise en place de
ces stratégies et les méthodes d’application (Fabbe-Costes, 2007). Par ailleurs,
les modèles de Fisher (1997) ou Lee (2002) identifient des environnements
différents pour la mise en place de ces deux stratégies.
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Les entreprises qui possèdent une chaîne logistique mature tendent toutes à
atteindre un modèle de production qui soit un hybride entre les modèles lean et
agile. La différenciation retardée qui s’inspire à la fois des prévisions mais aussi
des commandes fermes en est une parfaite illustration. Le but de la stratégie
hybride est de créer une réponse flexible et agile à la demande du client final
en s’appuyant sur des processus lean jusqu’au point d’entrée de la commande
dans le processus de production du produit. Ce point est matérialisé par un stock
stratégique de produits semi-finis. Le point de découplage se situe au moment où
la production passe de lean à agile, le tout matérialisé par un stock stratégique et
optimisé sur la base de prévisions de produits génériques ou semi-finis.
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La différenciation retardée est une stratégie supply chain qui convient aux
entreprises se trouvant dans une situation où les délais de production sont longs
et où la demande est difficilement prévisible. Grâce à un mode de production
pour le stock, les délais de réponse à la commande sont fortement réduits et
l’utilisation de stocks génériques permet de contrer l’incertitude du marché : les
produits sont indifférenciés et pourront répondre à différents types de demandes
du marché. Finalement, selon Baglin et al. (2007), cette structuration permet de
maintenir une bonne productivité et un risque faible, tout en offrant des produits
nombreux répondant aux besoins de clientèles diversifiées.
Utilisée dans le cadre d’un système poussé par l’amont, la production pilotée
par les prévisions est très efficiente mais repose sur des calculs stochastiques
complexes qui utilisent des données historiques ainsi que des projections pour
créer les plans de production (Holweg et Pil, 2004). A contrario, les chaînes
logistiques dans lesquelles la majeure partie des opérations seront conduites
par la demande réelle du client sont qualifiées de chaînes logistiques tirées
par la demande ou demand-driven supply chain (Simchi-Levi et al., 2003). Une
chaîne logistique tirée par la demande est caractérisée par la prise en compte
de la demande réelle afin de fabriquer le bon produit, dans les bonnes quantités,
dans un délai acceptable, en cherchant à réduire les stocks sur l’ensemble de
la chaîne (Heskett, 1977). Les quantités à produire ne sont déterminées qu’à la
réception du signal de la demande ce qui permet de réduire considérablement
l’incertitude de la demande. Les concepts de Kanban, Juste-A-Temps, Time-
Based Manufacturing, ou plus généralement le lean management renforcent
cette tendance (Zäpfel, 1998).
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Les différents modèles de supply chains sont donc la résultante de choix qui
amènent l’entreprise à se positionner sur un spectre délimité par deux variables
clés : la diminution des coûts (efficience) et l’augmentation de la satisfaction
clients (efficacité) (Chopra et Meindl, 2007).
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l’économie de marché, en temps de crise les effets de cette incertitude sont
accrus. Traditionnellement, le pilier de la maîtrise de l’incertitude était la gestion
des stocks de sécurité se calculant grâce à la loi de Poisson. Ces dernières
années, ce pilier a progressivement été supplanté par trois autres permettant,
en plus de maîtriser les incertitudes, d’améliorer les prévisions à la base. Ceux-
ci sont : l’information, la communication et la collaboration dans la supply chain
(Spalanzani et Evrard Samuel, 2007). En période de récession, il est toujours
difficile pour une entreprise de prévoir à quel moment et sur quels volumes son
activité va se réduire. Il en découle de fortes incertitudes pour les planificateurs
qui voient leurs bases prévisionnelles dériver fortement par rapport à la réalité.
Le modèle de Fisher (1997), bien qu’élaboré il y a plus d’une décennie, est toujours
d’actualité et fait aujourd’hui encore l’objet de diverses recherches ayant pour but
de démontrer ou de réfuter sa validité (Selldin et Olhager, 2007 ; Sun et al., 2009 ; Lo
et Power, 2010). En effet, ce modèle tente de répondre à une question essentielle
dans le domaine du supply chain management : quelle stratégie supply chain
adopter en fonction des particularités du produit ? Fisher (1997) a démontré que
suivant le type de produit que l’entreprise souhaite vendre, il était plus ou moins
difficile de récolter des informations. En effet, cet auteur classe les produits selon
deux catégories, « innovants » ou « fonctionnels ». Les produits fonctionnels ont
une demande plus prévisible, et leur environnement se caractérise par une faible
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incertitude ; plus le produit est innovant, plus il est difficile d’évaluer la demande
et donc plus le degré d’incertitude de l’environnement est élevé.
Lee (2002) ajoute à ce modèle deux facteurs clés d’incertitude qui concernent la
demande du produit et l’incertitude en matière d’approvisionnement. Il propose
ainsi un canevas représentant les différentes incertitudes environnementales au
sein des chaînes d’approvisionnement des entreprises, lorsque ces dernières
cherchent à élaborer la stratégie la plus en adéquation avec leur marché. Les
principaux résultats de la recherche montrent que le type de supply chain à mettre
en place dépend du couplage entre incertitude de la demande et incertitude de
l’approvisionnement. Chopra et Meindl (2010) ont illustré ce concept d’incertitude
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en prenant comme exemple l’industrie informatique. Ils ont expliqué que pour les
nouveaux composants électroniques, les rendements de qualité du processus
de fabrication ont tendance à être bas et les pannes fréquentes, impliquant des
difficultés à livrer selon un calendrier bien défini et entraînant donc pour les
fabricants d’ordinateurs une forte incertitude sur les approvisionnements. Plus la
technologie de production devient mature, plus les rendements s’améliorent, et plus
les fabricants sont capables de fournir des produits de qualité tout en respectant
les délais, ce qui permet de fiabiliser les flux en amont de la chaîne logistique.
Cependant, les cycles de vie des composants en informatique sont très courts,
car l’innovation permanente dans ces technologies implique un renouvellement
fréquent des produits. De plus, le secteur informatique se caractérise par une
demande qui est extrêmement volatile (Feitzinger et Lee, 1997). Si la demande
est incertaine et que l’approvisionnement peut présenter des difficultés, alors il
est légitime de penser que les chaînes logistiques qui obéissent à un modèle tiré
par les prévisions devraient avoir une difficulté accrue à répondre rapidement à
la demande. Idéalement, le déclenchement des opérations de l’entreprise par
les commandes des clients et non par les prévisions permettrait d’accroître sa
réactivité, comme c’est le cas dans d’autres secteurs d’activité (Holweg et al.,
2005 ; Pine, 1999). Cependant, il subsiste des barrières obligeant les entreprises
à travailler sur la base de prévisions. En effet, lorsque celles-ci achètent des
composants, délocalisent ou encore sous-traitent des opérations de production
dans des pays lointains pour des raisons économiques, mais aussi pour accéder
à des compétences technologiques, l’entreprise n’a pas d’autre choix que
de prévoir l’ensemble de ses flux qui devront être orchestrés afin de servir le
client de manière optimale. Bien que des recherches questionnent la viabilité
des modèles tirés par les prévisions dans le secteur de l’automobile (Holweg et
Miemczyk, 2003), il existe à notre connaissance peu de recherches sur ce thème
dans d’autres secteurs.
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logistique globale : une étude de cas dans
le secteur informatique
s’ils s’éloignent trop des objectifs atteignables par les forces commerciales
de l’entreprise. Il est donc nécessaire d’adapter les modèles de planification
en prenant mieux en compte la demande réelle afin d’éviter les phénomènes
d’amplification de la variation de la demande démontrés par Forrester (1961) et
expliqués sous le terme bien connu de « Bullwhip Effect » (Lee et al., 1997). Sur la
base d’une étude de cas que nous avons menée dans le secteur de l’informatique,
nous proposons de montrer comment un environnement fortement incertain
amène une entreprise à remettre en question ses processus de planification de
la demande lorsque ceux-ci se basent uniquement sur des prévisions.
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2. Méthodologie de la recherche
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Cet article est exploratoire par nature, ce qui justifie le recours à une monographie
afin d’analyser en profondeur les changements dans les pratiques et les méthodes
de travail mises en œuvre dans l’entreprise (Eisenhardt, 1989). La littérature
portant sur le management des chaînes logistiques dans des environnements
incertains est récente et montre que malgré l’augmentation constante des risques,
il n’existe que peu d’outils pour gérer les perturbations qui atteignent les chaînes
logistiques, en particulier en période de crise (Natarajarathinam et al., 2009). Pour
analyser les processus de prévision, une étude empirique est particulièrement
appropriée car elle va permettre une observation de phénomènes complexes et
de leur évolution (Stuart et al., 2002). L’entreprise qui fait l’objet de notre étude
travaille avec un processus important de prévisions des ventes débouchant sur
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plusieurs niveaux de planification. Ce processus est supporté par une structure
fortement développée de systèmes d’information et d’outils collaboratifs.
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3. Analyse du cas AB
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son pouvoir de négociation auprès des fournisseurs de composants. Le panel
des fournisseurs est réduit au maximum d’une part, car les composants achetés
sont spécifiques, et d’autre part parce qu’il existe une volonté de mettre en place
des partenariats à long terme avec un nombre restreint de fournisseurs afin de
massifier les achats. Les clients, pour l’unité d’affaires étudiée, se situent en
Europe, au Moyen-Orient et en Afrique et sont principalement des distributeurs
(grande distribution et distribution spécialisée) qui revendent les produits au
grand public. Les délais depuis la production par les ODM jusqu’à la livraison
des produits aux distributeurs varient selon les produits. Par exemple, pour des
unités centrales, ce délai est de huit semaines environ. Ces délais peuvent aller
de une à douze semaines en fonction de la nature des produits proposés.
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Source : document interne AB
Le plan financier est établi pour une année et révisé au second trimestre. Cette
révision concerne les parties « chiffre d’affaires », « volume » et « marge » et est
effectuée à l’issue d’un échange autour de la faisabilité du plan entre la direction
et les équipes commerciales.
Le plan opérationnel détermine les prévisions des volumes des ventes et est
comparé avec les prévisions de revenus et de marges données par le plan
financier. Il n’existe donc pas un lien « top down » entre ces deux plans. Le
plan opérationnel est réalisé mensuellement sur la base d’une concertation au
sein d’une équipe multifonctionnelle : des membres du marketing, des finances,
du business développement (ou management commercial) et de la logistique
opérationnelle. Ceux-ci travaillent à partir de l’historique des ventes de l’entreprise
et d’études de marché réalisées par des consultants externes. AB garde néanmoins
un esprit critique vis-à-vis des études de marché achetées en particulier lorsque
le contexte est fortement incertain. Par ailleurs, lors du processus d’élaboration
du plan opérationnel, les données venant des équipes commerciales basées
dans les différents pays remontent selon un principe « bottom up ». Ces équipes
commerciales informent la fonction marketing (ou business development) de
l’entreprise de la santé des différents marchés ce qui constitue un excellent
complément d’informations. Puis la logistique opérationnelle, en charge de
l’approvisionnement et du management des fournisseurs, informe des contraintes
de capacité de production des ODM, permettant d’adapter le plan opérationnel. Le
but visé est que les prévisions du plan opérationnel soient alignées aux objectifs
donnés par le plan financier. Ainsi, dans le plan opérationnel, il est possible de
jouer sur les volumes indiqués sur les différents produits, sur les prix de vente
ou encore sur les marges, afin que le volume total prévu atteigne le niveau de
revenus et de marges demandé par le plan financier (voir Figure 3).
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Le plan opérationnel cherche à être en phase avec le plan financier. La dernière
étape du processus d’élaboration du plan opérationnel est d’ailleurs la validation
(ou non validation) de ce dernier vis-à-vis des objectifs donnés par le plan financier.
Si le plan financier n’est pas validé, alors le plan opérationnel devra être révisé ou
le management devra prendre la décision d’accepter un plan opérationnel qui est
susceptible de ne pas atteindre les objectifs du plan financier.
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On observe que le modèle utilisé par AB est bien plus complexe que le modèle
classique, notamment par l’utilisation d’un nombre de plans plus important. La
différence majeure reste cependant une double entrée des données du marché
dans le processus de planification. En effet, pour l’élaboration du business plan
et du plan financier, les données du marché sont prises en considération, mais
elles le sont de nouveau pour l’élaboration du plan opérationnel (qui correspond
en réalité, et par comparaison aux objectifs d’un PDP, à un niveau tactique).
Les données concernant le marché sont de nouveau analysées sous un angle
différent pour la modification du plan à long terme (PLT) par le biais du fichier
appelé Configuration Matrix (CM). Il est ainsi possible de s’approcher au mieux de
la demande réelle avec une réactualisation des données du marché régulière au
fur et à mesure que la première date d’expédition de chaque produit approche.
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Un autre outil a été mis en place suite aux problèmes de justesse des prévisions
données par les équipes commerciales. Ces problèmes existaient déjà par le
passé mais ont été accentués par la chute brutale des ventes. Les volumes
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à sécuriser (Volume To Be Secured ou VTBS) sont les volumes qui doivent
être assurés d’un point de vue financier pour ne pas menacer la pérennité de
l’entreprise. Ils représentent un chiffre d’affaires à risques. Ces volumes sont donc
prévus par les équipes des ventes et inscrits dans le module de planification de
la demande de l’APS mais ils ne correspondent à aucune commande ferme d’un
distributeur. Ils sont listés par les planificateurs. En 2009, les VTBS représentaient
environ 50% du business pour les moniteurs. Même si le projet de montrer plus
clairement ces volumes à sécuriser date d’avant les perturbations du marché,
c’est la situation économique qui a exacerbé ce besoin de mettre en évidence
les quantités inscrites dans le système d’information ne correspondant pas à des
commandes fermes. La mise en place des volumes à sécuriser relève avant tout
d’enjeux financiers : en désignant ces volumes, les services financiers peuvent
améliorer leurs propres prévisions en termes de chiffre d’affaires. Cette pratique
génère cependant des difficultés pour la gestion des fournisseurs car lorsque
le risque financier est élevé, l’entreprise réduit les volumes approvisionnés, ce
qui peut mettre certains fournisseurs en difficulté et contribue à détériorer les
relations.
Les actions mises en œuvre par AB ne lui ont pas véritablement permis d’anticiper
une variation majeure de son marché, et la réaction à cette évolution a été difficile.
Cela démontre des freins réels pour modifier et pour faire évoluer un système de
planification basé sur des prévisions qui a des impacts forts sur le processus
d’élaboration de l’offre pour le marché. Les adaptations de la chaîne logistique
dans un marché incertain s’appuient davantage sur d’autres processus qui feront
l’objet de la discussion qui suit.
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contexte économique incertain qui influe sur la variabilité des marchés. En effet,
il semble logique que les entreprises qui organisent toute leur activité sur la
base de prévisions aient dû procéder à des modifications de leurs processus
de planification afin d’appréhender au mieux les turbulences des marchés et
d’en limiter les effets négatifs, notamment sur le plan financier. Cela implique de
garder un niveau de vente acceptable vis-à-vis des compétiteurs, tout en gardant
les marges qui permettent de faire des bénéfices, mais aussi de ne pas avoir des
niveaux de stock trop élevés et ne pas être pénalisé sur le besoin en fonds de
roulement. Dans cette optique, le service supply chain management n’est pas
le seul acteur interne à mettre en place des actions ayant pour but de réduire
l’incertitude. La complexité industrielle générée par un grand nombre d’acteurs
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dans la chaîne logistique doit être appréhendée à la fois en interne avec les autres
services (marketing, achats, vente) et en externe avec les différents partenaires
(fournisseurs, prestataires logistiques, distributeurs). Ces interactions multiples
génèrent un besoin fort de coordination entre les acteurs mais aussi des relations
collaboratives qui feront l’objet de l’analyse qui suit.
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les erreurs de prévision générées par l’effondrement du marché, les fournisseurs
ne faisaient plus confiance aux informations données par les prévisionnistes
d’AB. Ces prévisions leur semblant parfois fantasques, les fournisseurs avaient
tendance à les retravailler dans une démarche plus proactive, notamment lors
des échanges d’informations. Du côté des relations entre les planificateurs et les
commerciaux, les premiers devaient souvent demander aux seconds de vérifier
les prévisions qu’ils communiquaient ou encore de chercher des commandes
possibles pour, par exemple, des moniteurs qui se vendaient moins bien que
prévu. Dans ce processus, le prévisionniste est un acteur majeur : il doit faire
passer des messages forts auprès des commerciaux afin de préserver les relations
qu’il a avec les fournisseurs, mais il doit aussi être capable de leur montrer que le
donneur d’ordres maîtrise l’évolution incertaine du marché en communiquant des
informations sur les volumes à produire les plus justes possibles.
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localisation d’une grande partie des sous-traitants en Asie du sud-est.
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un nombre restreint de partenaires, afin de réduire les incertitudes attachées
à la coordination des entreprises du réseau. C’est le cas de l’entreprise AB
qui a choisi de réduire le nombre de ses sous-traitants. AB a donc compris
l’importance des piliers « information, communication, collaboration » dans la
maîtrise des turbulences. Il faut cependant encore trouver d’autres moyens de
garantir la pérennité de l’entreprise sur un marché très évolutif. La méthode
choisie peut sembler être la plus simple et ressemble à ce que les compétiteurs
ont fait depuis un an déjà : diminuer les coûts de structures. Dans une entreprise
X, cette diminution des coûts passe généralement par la sous-traitance d’une
activité. Dans une entreprise comme AB, ayant déjà concentré son activité au
maximum autour de son cœur de métier afin d’optimiser sa chaîne de valeur, il
est aujourd’hui presque impossible d’externaliser d’autres activités. La réduction
des frais de structure passe donc par une réduction de la masse salariale qui
peut s’effectuer de différentes manières : 1) appliquer une baisse des salaires
générale ; 2) expatrier certaines fonctions vers des pays aux salaires moins
élevés ; 3) licencier des employés. Suite à ses mauvais résultats, AB a annoncé
au premier semestre 2009 des réductions de salaires plus ou moins importantes
selon les niveaux hiérarchiques des employés. Les résultats étant encore moins
encourageants au second semestre, l’entreprise a ensuite annoncé plusieurs
milliers de suppressions d’emplois dans le monde. La réduction de la structure
de coût passe aussi par une réorganisation interne consistant à fusionner les
services supply chain auparavant dédiés respectivement au marché grand public
pour l’un et au marché entreprises pour l’autre. A côté de ces solutions ayant
pour but de sauvegarder la rentabilité de l’entreprise à court terme, la volonté
d’AB de travailler avec des sous-traitants situés plus près des marchés est en
train de prendre forme : certains ODM asiatiques s’installent aujourd’hui dans
des pays d’Europe de l’est, ce qui permet une simplification de la planification
et des flux, une forte réduction des délais de livraison et une meilleure visibilité
de la demande au moment de la production. Cette restructuration de la chaîne
logistique globale permet de mieux appréhender les difficultés provoquées par
les incertitudes environnementales.
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Conclusion
Cette recherche avait pour vocation de montrer que des modifications dans
le processus de prévision et de planification de la demande sont nécessaires
lorsque l’incertitude liée au marché s’accroît. L’analyse du cas AB a montré que
cette hypothèse se devait d’être fortement nuancée. En effet, des adaptations ont
été mises en place afin d’améliorer l’activité de prévision mais ces adaptations
restent superficielles et ne répondent qu’à des besoins à très court terme. Une
question se pose : pourquoi AB n’a t-elle pas revu plus tôt son processus de
planification ? Même si le modèle de planification d’AB est bien plus abouti que
le modèle théorique, ce modèle a révélé ses failles. Pourtant, la mise en place
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d’une nouvelle méthode de planification n’a pas été envisagée car elle implique
une remise en question des processus trop lourde et trop coûteuse. Le projet
de rapprocher de plus en plus de fournisseurs des lieux de vente garantit, du
point de vue des dirigeants d’AB, une meilleure flexibilité et une possibilité accrue
de travailler dans une logique tirée par la demande. Ce modèle implique une
importance moindre des prévisions. Enfin, alors que des licenciements sont mis
en place, les ressources humaines disponibles pour mettre en place un nouveau
modèle de planification sont presque inexistantes. Cependant, la réorganisation
de la supply chain pourrait avoir pour but, à long terme, de faire évoluer le modèle
basé sur les prévisions, celui-ci ne correspondant a priori plus aux besoins du
marché et aux menaces présentes dans l’environnement de l’entreprise.
La question de l’avenir de ce modèle est donc bien posée. Dans le cas que nous
avons exposé, la crise économique et les incertitudes qui en découlent n’ont été
que les révélateurs de la faiblesse des méthodes de planification dans un contexte
plus global. Il est probable que la prévision de la demande reste un exercice
sensible pendant encore plusieurs années, comme le montre d’ailleurs une étude
prospective récente dans le secteur de la logistique de distribution (Gozé-Bardin,
2009). Les entreprises cherchent à adopter des modèles plus agiles répondant
mieux à la demande, mais l’agilité est d’une certaine manière le contraire d’un
modèle de planification basé sur des prévisions (Christopher, 2000). Cette
recherche d’agilité se caractérise par le terme « leagility », mélange de « lean »
et d’« agility » dans le secteur de l’électronique et de l’informatique (Naylor et
al., 1999 ; Mason-Jones et al., 2000). D’autres éléments contextuels pourraient
favoriser la mise en place de supply chains agiles, comme l’augmentation du
prix du baril de pétrole entraînant une inflation des coûts de fabrication et de
transport. Cette tendance pourrait pousser les entreprises à revoir leurs modèles
économiques en relocalisant leurs usines ou en les localisant au plus proche des
lieux de consommation.
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La gestion de l’incertitude dans une chaîne
logistique globale : une étude de cas dans
le secteur informatique
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