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Développement durable et choix des indicateurs : le cas de

l’hébergement type Airbnb


Isabelle Senn Zilberberg, Raphaël Dornier, Noureddine Selmi, Thomas Majd
Dans Management & Avenir 2016/3 (N° 85), pages 171 à 190
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.085.0171
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Développement durable et choix des indicateurs : le
cas de l’hébergement type Airbnb
Isabelle SENN ZILBERBERG1
Raphaël DORNIER 2
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Noureddine SELMI3
Thomas MAJD4

Résumé
Peu de travaux se sont intéressés au caractère durable des locations
saisonnières entre particuliers. En nous basant sur une méthodologie
qualitative, nous avons identif ié 15 critères destinés à évaluer
l’engagement durable des entreprises de ce secteur. Des éléments
de réf lexion sont aussi apportés quant aux freins et motivations
des acteurs de ce secteur à formaliser leur engagement durable et à
l’implication des parties-prenantes.

Abstract
Few studies have focused on the sustainability of short term rentals.
Based on a qualitative methodology, we identified 15 criteria to
evaluate the sustainability involvement of companies in this sector.
Comments are also made on the brakes and motivations of the actors
to formalize their commitment in sustainable tourism and on the
stakeholders’ involvement.

1 Isabelle SENN ZILBER BERG : Chargée de mission à ECO CO2, Isc Paris Business
School Alumni.
2 Raphaël DOR NIER : Isc Paris Business School - rdornier@iscparis.com
3 Noureddine SELMI : Groupe ESC Troyes - noureddine.selmi@get-mail.fr
4 Thomas M AJD : Groupe ESC Troyes - Thomas.majd@get-mail.fr

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1. Introduction

L’objectif de ce travail est d’initier la réflexion quant à l’application d’indicateurs de


tourisme durable dans le secteur de la location d’hébergement entre particuliers pour
des durées limitées. Il s’agira d’identifier les parties prenantes les plus représentatives,
de proposer un processus d’identification et de sélection des indicateurs, de définir
l’échelle (internationale, nationale ou locale) appropriée pour cette démarche et, enfin,
d’aboutir à une proposition d’indicateurs de durabilité pertinents pour l’hébergement
entre particuliers, qui en est à ce jour dépourvu. Des questionnements sur l’évolution et
le contrôle de ces indicateurs complèteront cette réflexion. L’émergence de la location
saisonnière d’hébergements entre particuliers, portée dans son développement par les
possibilités du web 2.0, rend pertinente une réflexion sur la durabilité de cette forme
de tourisme qualifiée de post-moderne par certains auteurs (Grit et Lynch, 2012).
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Le tourisme est grandement concerné par les questions de développement durable
en tant que générateur d’impacts négatifs, responsables notamment d’environ 5 %
des émissions de gaz à effet de serre. Or, parmi les 14 sites Internet de location d’hé-
bergements entre particuliers passés en revue pour ce travail (par exemple Airbnb,
Wimdu et Housetrip), aucun n’affiche une démarche explicite de RSE, une charte de
développement durable ou un engagement environnemental. Pourtant, l’actualité du
secteur de l’hébergement entre particuliers, notamment à Paris, montre qu’il semble
urgent pour les différentes entreprises de formaliser un cadre de discussions avec les
parties prenantes. Syndicats, organisations professionnelles de l’hébergement tou-
ristique classique, ministères, communes, etc. s’expriment en effet tour à tour sur le
flou juridique qui profite aux nouveaux venus, sur la concurrence déloyale faite aux
acteurs classiques, sur des revenus non déclarés et un manque à gagner pour l’Etat,
sur le lien de ces acteurs avec la pénurie de logements pour des locations de longue
durée… Tout ceci dans un contexte où plusieurs de ces acteurs ont fait récemment ou
prévoient de réaliser de nouvelles levées de fonds pour pérenniser leur développement.
Le moment semble ainsi venu pour ces entreprises de se positionner et d’engager une
réflexion par rapport au développement durable. Afin de mesurer et contrôler les
performances durables de ces entreprises, il semble donc nécessaire d’identifier des
indicateurs pertinents pour ce secteur.

Un grand nombre de recherches sur les indicateurs de tourisme durable ont vu le jour,
pour tous types de séjours et de lieux : l’écotourisme, les parcs nationaux, l’hôtellerie, les
sites d’héritage industriel, le tourisme urbain, le tourisme en milieu insulaire… Quant à
l’hébergement entre particuliers, il commence depuis quelques années à faire l’objet de
travaux, en particulier dans sa déclinaison d’échanges de maisons ou d’appartements
(ex. Andriotis et Agiomirgianakis, 2014), dans celle de l’accueil non marchand chez l’ha-
bitant avec l’exemple du couchsurfing (ex. Rosen et al., 2011) et concernant son impact
sur l’hôtellerie (ex. Zervas et al., 2014). Mais le lien entre les deux grandes tendances
n’a à ce jour pas été réellement exploré. Il n’existe pas ainsi à notre connaissance de
travaux sur les indicateurs durables spécifiques à l’hébergement entre particuliers.

Dans une approche durable, il importe d’évaluer l’amélioration qualitative des systèmes
sociaux, naturels et humains (Choi et Sirakaya, 2006). Le secteur de l’hébergement

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Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement
type Airbnb

classique, notamment les hôtels et résidences de tourisme, s’est largement satisfait


d’indicateurs essentiellement environnementaux, sous forme de certifications ou la-
bels comme l’Ecolabel européen, la Clef verte ou l’ISO 14001. Les indicateurs peuvent
concerner tant la construction que l’exploitation de l’entité. Mais dans le cas de l’hé-
bergement entre particuliers, l’hôte n’est que rarement le constructeur de son bien,
et l’hébergé aura tendance à ne pas surconsommer les ressources (Priskin et Sprakel,
2008). Le critère environnemental semble alors moins prépondérant que dans le cas
de l’hôtellerie classique. En revanche l’étude des dimensions sociales, socioculturelles
et éthiques de l’hébergement chez le particulier peut fournir des indicateurs pertinents
tant ce type de séjours est aujourd’hui fortement lié à la relation qui se crée entre
hôte et hébergé, qu’elle soit virtuelle (avant et après le séjour), ou physique, lorsque
la rencontre a lieu (Pultar et Raubal, 2009).
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2. L’hébergement entre particuliers

L’apparition du web 2.0 a facilité les échanges entre internautes. Ces sites consti-
tuent des plateformes réunissant, à des fins marchandes ou non, des offreurs et des
demandeurs de biens, services et informations. Dans sa dimension de partage et de
meilleure utilisation de capacités oisives, l’économie collaborative prétend contribuer
au développement durable, en limitant la quantité de nouveaux biens produits grâce
à une utilisation plus intensive des biens existants. Le courant académique associé
à l’économie collaborative est issu notamment de l’ouvrage de Botsman et Rogers
(2011). Selon Jacquet (2015), l’économie collaborative repose sur quelques axiomes : un
changement culturel avec de nouvelles valeurs, un changement technologique, l’envie
d’un lien social plus fort, le rejet de l’économie classique et des grandes entreprises et
une préoccupation pour l’environnement. Cette évolution générale concerne également
l’industrie touristique, et l’on parle aujourd’hui de tourisme collaboratif et participatif,
l’entreprise Airbnb (plateforme communautaire qui met en relation des voyageurs et
hébergeurs du monde entier) étant fréquemment citée comme une des entreprises
emblématiques de cette économie.

2.1. Spécificités de l’hébergement entre particuliers


Après plusieurs années de développement continu, l’économie collaborative fait l’objet
actuellement dans les médias d’articles assez critiques, car elle intervient dans des
secteurs comme le transport et l’hôtellerie, où lobbies professionnels et institutions
la montrent du doigt, les premiers pour concurrence déloyale, les seconds pour le
manque de recettes fiscales5.

L’ancêtre de l’accueil gratuit organisé chez l’habitant se nomme Servas, organisation


fondée en 1949 et issue des mouvements de réconciliation de l’après-guerre. Quoique
ces organisations « historiques » disposent toutes d’un site Internet, elles n’ont pas
réellement bénéficié du développement exponentiel rendu possible avec le Web 2.0, qui
est le fondement des organisations auxquelles s’attachera exclusivement notre étude.

5 http ://internetactu.blog.lemonde.fr/2013/08/09/la-regulation-de-leconomie-collabora-
tive-en-question/, consulté le 25 janvier 2016.

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Les chambres d’hôtes ou « bed and breakfast » classiques, ou les locations de maisons
ou appartements référencées par exemple par Gîtes de France, ne seront pas abordées
ici car ne relevant pas de cette économie dite collaborative. Les sites d’hébergement
entre particuliers mettent surtout en avant, à côté de l’authenticité de l’expérience, les
avantages économiques d’une adhésion à leur structure : un complément de revenu
pour l’hébergeur, et la possibilité de voyager pour un budget hébergement réduit voire
inexistant, côté voyageur. Grit et Lynch (2012) distinguent 4 types d’hébergement entre
particuliers, en combinant deux axes, commercial / non-commercial, et la présence /
absence de l’hôte pendant le séjour du touriste. Toutefois, les frontières entre catégories
ne sont pas étanches et certains acteurs pratiquent à la fois l’hospitalité marchande et
non-marchande, comme Lovehomeswap, qui affiche aussi bien des appartements en
troc qu’en location6.

2.2. Enjeux et risques du secteur


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Avec de nombreux acteurs généralistes et spécialisés (par exemple sur des cibles gays,
séniors, enseignants…), la concurrence dans ce secteur devient de plus en plus intense.
Parmi les principales caractéristiques distinctives de l’économie du Web 2.0 figurent
la confiance et la réputation, ingrédients indispensables du système, en particulier
quand il s’agit d’héberger un inconnu. Car comme le souligne Molz (2012), à la diffé-
rence d’un réseau social comme Facebook, qui permet de rester en lien avec ses amis,
ces communautés d’hospitalité sont constituées de façon à choisir en ligne chez qui
on aimerait être hébergé ou qui on aimerait accueillir. La relation virtuelle précède
donc la relation en face-à-face, qui peut aussi, dans le cas par exemple de l’échange
de maisons, ne jamais avoir lieu si les échanges se font de manière simultanée. À dif-
férents degrés, tous les intermédiaires proposent des systèmes de gestion du risque,
parfois avec la possibilité de faire vérifier son identité et adresse, et toujours avec
un système de profil de membre ou adhérent. La clé de voûte de cette économie de
la confiance est constituée par un système d’évaluation, où hébergeurs et voyageurs
sont invités à formuler un avis. La réciprocité et la « publicité » des évaluations tissent
peu à peu un « réseau de confiance », et chacun, à travers ses propres évaluations,
contribue à la sécurité de tous, pour créer « an openly closed hospitality community »,
selon Molz (2007). La première norme volontaire pour fiabiliser le traitement des
avis en ligne des consommateurs a été publiée par l’AFNOR le 4 juillet 2013 après
18 mois de travaux avec 43 parties prenantes7. Malgré les affirmations des acteurs
eux-mêmes et les études déjà citées qui vantent les avantages économiques de cette
nouvelle forme d’hébergement8, plusieurs grandes villes montrent des velléités d’in-
terdire ou restreindre l’activité de l’hébergement entre particuliers, parfois sous la
pression des lobbies d’autres professionnels de l’hébergement touristique. Si Airbnb
et ses concurrents directs laissent pour l’instant à l’hébergeur la seule responsabilité

6 http ://www.lovehomeswap.fr/ ?utm_source=BlowfishGoogle, consulté le 27 janvier 2016.


7 http ://www.afnor.org/liste-des-actualites/actualites/2013/juillet-2013/afnor-publie-
la-premiere-norme-volontaire-pour-f iabiliser-le-traitement-des-avis-en-ligne-de-consommateurs,
consulté le 17 janvier 2016.
8 http ://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202823816237-airbnb-se-
targue-d-aider-paris-575028.php, consulté le 10 janvier 2016.

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type Airbnb

de se conformer aux lois et règlementations locales, des voix s’élèvent dans l’industrie
pour travailler à une harmonisation des règlementations qui permette aux hébergeurs
d’avoir une activité « transparente, déclarée et imposable »9.

Malgré les manques actuels formulés ci-dessus, et qui concernent pour beaucoup la
gouvernance de ces entreprises et la relative non-prise en compte de certaines parties
prenantes, l’hébergement entre particuliers dispose d’atouts forts pour participer à
un tourisme durable. Il répond notamment à l’exigence d’adaptabilité du secteur du
tourisme, dans la mesure où il contient les deux facteurs qui constituent cette capacité
d’adaptation : la réversibilité des choix, et la diversité de l’offre touristique. En offrant
aux voyageurs la possibilité de résider non pas dans des infrastructures spécifiquement
construites pour eux, mais plutôt d’utiliser de façon plus intensive des biens existants,
le secteur évite les impacts négatifs liés à la construction et l’exploitation d’hôtels ou
résidences. D’après les études citées, les voyageurs en hébergement entre particuliers
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restent plus longtemps à destination.

Par ailleurs il faut noter que Tripadvisor a lancé en avril 2013 le programme
« GreenLeaders », développé en partenariat avec l’EPA (agence de protection envi-
ronnementale des Etats-Unis), le Conseil américain pour les constructions écologiques
et le PNUE10 (Programme des Nations Unies pour le développement). Il permet aux
hébergements (hôtels et B&B) de se classer sur une échelle à 5 niveaux concernant leurs
pratiques écologiques. Déclaratif au départ, deux niveaux de vérification sont prévus :
le feedback des voyageurs, et un échantillon d’audits aléatoires, en partenariat avec
un cabinet d’expertise en durabilité. Les audits peuvent aussi être déclenchés à partir
de retours voyageurs contestant les pratiques écologiques affichées par les hôtels11.
Un système similaire pourrait tout à fait être envisageable pour l’hébergement entre
particuliers.

3. Les indicateurs de durabilité dans le tourisme

Une fois définis les spécificités, les enjeux et risques du secteur de l’hébergement entre
particuliers, nous allons mettre en exergue une proposition d’indicateurs de durabilité
pertinents propres à ce secteur d’activité.

3.1. Tourisme et développement durable


Selon Elkington (1998), au niveau micro-économique trois dimensions du dévelop-
pement durable doivent être considérées : l’efficacité économique, l’équité sociale et
l’intégrité de l’environnement, auxquelles s’ajoute la gouvernance. En août 2004, l’OMT
(Organisation Mondiale du Tourisme) a défini le tourisme durable de la façon suivante :
« Les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion durable

9 http ://www.lechotouristique.com/article/homeaway-abritel-le-jugement-impliquant-airb-
nb-nous-concerne,55860, consulté le 19 janvier 2016.
10 http ://www.travelmole.com/news_feature.php ?news_id=2006239, consulté le 11 janvier
2016.
11 http ://www.tripadvisor.com/help/greenleaders, consulté le 15 janvier 2016.

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du tourisme sont applicables à toutes les formes de tourisme dans tous les types de desti-
nation, y compris au tourisme de masse et aux divers créneaux touristiques. Les principes
de durabilité concernent les aspects environnemental, économique et socioculturel du
développement du tourisme. Pour garantir sur le long terme la durabilité de ce dernier,
il faut parvenir au bon équilibre entre ces trois aspects »12. En 2006, l’OMT et le PNUE
ont publié « Vers un tourisme durable : guide à l’usage des décideurs »13. La recom-
mandation de l’OMT est de toujours travailler avec d’une part des éléments universels,
correspondant à des indicateurs clés, permettant une harmonisation et comparabilité
des pratiques au niveau international, et d’autre part avec des éléments variables et
localement pertinents, pour tenir compte de la spécificité de chaque destination. À
partir de 2007, une coalition internationale d’acteurs du tourisme, composée d’agences
de l’ONU (Organisation des Nations unies), tour-opérateurs, hôteliers, organismes de
certification, offices de tourisme nationaux etc., a élaboré une liste de critères mondiaux
de référence pour un tourisme durable. Ce travail a été mené avec l’aide d’ISEAL Alliance
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(International Social and Environmental Accreditation and Labelling Alliance), une as-
sociation mondiale pour les standards durables.14 Ce travail sur les critères durables a
donné naissance en 2011 au GSTC, Global Sustainable Tourism Council, dont l’objectif
est de promouvoir « l’adoption généralisée de normes mondiales de tourisme durable
afin de s’assurer que l’industrie du tourisme continue à conduire la conservation [des
ressources] et la réduction de la pauvreté »15.

Ce qui caractérise la durabilité dans le tourisme est une vision à long terme associée à
une stratégie pertinente (Miller, 2001). Un projet touristique, pour être durable, doit
disposer d’une approche holistique qui cherche, dans la durée, à équilibrer les trois
piliers économique, social et environnemental. L’autre dimension indispensable, liée à
la gouvernance, est la participation active de multiples parties prenantes, et notamment
des communautés locales (Choi et Sirakaya, 2006).

3.2. Le rôle des indicateurs


Les indicateurs nous permettent de simplifier et résumer, souvent de manière quan-
titative, des volumes de données importants, de façon à les transformer en outils de
prise de décision (Ciegis et al., 2009). Il y a aussi, dans la définition d’un indicateur, les
notions d’évaluation à intervalles réguliers, ce qui lui permet de remplir sa fonction de
vecteur de communication (Ciegis et al., 2009). Selon Ceron et Dubois (2003), lorsque
l’on crée des indicateurs, cela se fait généralement en lien avec un processus de prise
de décision et de résolution de problèmes. En entreprise la première étape de la mise
en place d’une stratégie de développement durable est politique, recouvrant la création
de politiques et de processus de gouvernance, un cadre pour créer des définitions,
principes, stratégies de déploiement, indicateurs, plans d’actions et systèmes de suivi

12 http ://www.veilleinfotourisme.fr/definition-du-tourisme-durable-definition-of-sustai-
nable-tourism--28077.kjsp, consulté le 16 janvier 2016.
13 http ://www.pcet-ademe.fr/sites/default/files/Vers_un_tourisme_durable_guide%20deci-
deurs_pnue.pdf, consulté le 21 janvier 2016.
14 http ://www.isealalliance.org/about-us, consulté le 13 juillet 2013.
15 http ://www.gstcouncil.org/about/learn-about-gstc.html, consulté le 13 juillet 2013.

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type Airbnb

opérationnels du tourisme durable. Il importe également, à ce niveau, de s’assurer


un soutien politique juridiquement contraignant à toutes les échelles, internationale,
nationale, régionale et locale, pour obtenir informations, financements, formation et
expertise (Choi et Sirakaya, 2006). Ciegis et al. (2009) critiquent la naïveté de certains
développeurs d’indicateurs, qui laissent s’instaurer un écart entre la politique de tourisme
durable affichée et les efforts faits pour que les indicateurs créés mesurent réellement
la mise en œuvre de cette stratégie. Ils soulignent aussi la nécessité de tenir compte,
quand il s’agit de créer des indicateurs, de l’équilibre entre ce qui est écologiquement
urgent et socialement souhaitable, avec ce qui est politiquement faisable. Ceron et
Dubois (2003) pour leur part insistent sur la nécessité d’intégrer la question de la
disponibilité des données dès le processus de sélection des indicateurs.

3.3. Les critères de sélection d’indicateurs


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La littérature de recherche concernant les critères de sélection d’indicateurs de déve-
loppement durable en général, et de tourisme durable en particulier, est abondante.
Torres-Delgado et Saarinen (2014) proposent une synthèse de cette littérature. Parmi
les critères de sélection génériques les plus cités figurent la robustesse de l’analyse, la
mesurabilité et l’accessibilité (Ciegis et al., 2009 ; Miller, 2001). Un critère fréquemment
cité, tant par les organisations internationales (OCDE : Organisation de Coopération et
de Développement Economiques) que les chercheurs (Castellani, 2010 ; Choi et Sirakaya,
2006 ; Ciegis et al., 2009 ; Miller, 2001 ; Park et Yoon, 2010) est celui de la pertinence
par rapport à la politique formulée et par rapport à ce que l’indicateur devra mesurer.
Il y a ainsi un double lien entre indicateur et pertinence : alors que l’indicateur doit
être pertinent par rapport à la politique définie, le processus même de sélection des
indicateurs contribue en retour à mieux définir quelle politique de développement
touristique durable mettre en place (Castellani, 2010). D’après Tanguay et al. (2012) et
Leroux et Pupion (2014), un indicateur de développement durable sera d’autant plus
pertinent qu’il recouvrira plus d’une des trois dimensions du développement durable.

Une autre question que posent les chercheurs est de savoir s’il est judicieux d’avoir
des indicateurs qualitatifs, ou s’ils doivent être purement quantitatifs. Miller (2001)
rappelle qu’historiquement l’on faisait davantage confiance à des indicateurs quanti-
tatifs qui apparaissaient comme plus scientifiquement vérifiables. Ciegis et al. (2009)
estiment qu’il est possible d’avoir des indicateurs de nature différente, mais que cela
requiert plus d’expérience que pour les seuls indicateurs quantitatifs. Les éléments
économiques et environnementaux sont par ailleurs plus facilement traductibles en
mesures quantitatives que les dimensions sociales.

Un autre point important avancé par Miller (2001) concerne les parties prenantes,
dans le sens où, pour être efficaces, les indicateurs doivent être connus, compris, ac-
ceptés et soutenus par le public concerné. Choi et Sirakaya (2006) évoquent la né-
cessité d’organiser des ateliers ou sessions d’information pour que le public puisse
prendre correctement conscience de la valeur du tourisme durable, et participer de
façon constructive à la planification et la prise de décision. Miller (2001) explique
qu’il est préférable parfois, au départ, de choisir un indicateur qui éveille la curiosité
du public et lui permette de prendre conscience d’un enjeu, même s’il ne s’agit pas de

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l’indicateur le mieux adapté pour rendre compte correctement d’une situation. Une
fois la prise de conscience établie, l’indicateur de départ pourra être remplacé par
un indicateur scientifiquement plus solide, en suivant par exemple la méthodologie
proposée par Leroux (2010).

3.4. Méthodologies d’identification des indicateurs de tourisme


durable
Des méthodologies diverses ont été utilisées dans la littérature académique pour iden-
tifier des indicateurs de tourisme durable. La technique Delphi, utilisée dans plusieurs
études, consiste à identifier un groupe d’experts, souvent sur la base du nombre d’articles
qu’un chercheur a publiés sur le tourisme durable dans des revues de renom (Choi et
Sirakaya, 2006 ; Miller, 2001). Ces experts doivent alors se prononcer sur la pertinence
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des indicateurs, jusqu’à parvenir à une forme de consensus. Tanguay et al. (2012), pour
leur part, ont classé les 507 indicateurs de tourisme durable répertoriés au niveau de
l’OMT selon les trois dimensions du développement durable (environnemental / social
/ économique), puis en ont éliminé les doublons. Après une analyse de 11 études de cas
concernant différentes zones, régions, ou villes, ils ont identifié les indicateurs les plus
fréquemment utilisés et bénéficiant donc en général d’un large consensus. Ensuite, ils
ont vérifié que les indicateurs couvraient bien tous les domaines considérés comme
majeurs en termes de tourisme durable par l’OMT, regroupés en 20 problématiques.

Enfin, il convient de s’interroger sur la disponibilité des données et leur mesurabilité


dans le temps. Ceci peut conduire à l’élimination de certains indicateurs sélectionnés, et
à l’intégration d’indicateurs de substitution. Plusieurs auteurs précisent, dans le cadre
de leurs travaux sur la sélection d’indicateurs, qu’il doit s’agir d’une première partie
d’une étude menée dans un cadre plus large incluant, en plus des experts scientifiques,
des professionnels du tourisme, des décisionnaires politiques, des associations de
résidents etc. (Choi et Sirakaya, 2006 ; Leroux, 2010 ; Miller, 2001).

4. Méthodologie

4.1. Le processus de sélection des indicateurs


À partir de la compréhension des enjeux du développement de l’hébergement entre
particuliers, il s’agit de construire une sélection d’indicateurs de tourisme durable
spécifiques à ce secteur. Il semble pertinent de partir d’indicateurs existants dans un
premier temps, tout en ayant conscience que tous avaient été développés pour des
contextes spécifiques : tourisme communautaire, tourisme rural, tourisme de l’héritage
industriel, tourisme événementiel, etc. Le constat s’est imposé qu’au-delà des spécificités
de chaque forme de tourisme, des problématiques communes aboutissaient à des indi-
cateurs similaires, quoique formulés différemment. La revue de ces différentes sources
a ainsi permis de transposer une série d’indicateurs à l’hébergement entre particuliers.

De l’approche du Global Sustainable Tourism Council et de ses 37 critères mondiaux de


référence pour un tourisme durable, il a été retenu que les 3 dimensions économiques,

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type Airbnb

environnementale et sociale, étaient précédées par une quatrième, la gouvernance.


Parmi les 37 critères du GSTC, 3 critères de management, 2 critères socio-économiques
et 7 critères environnementaux peuvent potentiellement être transposables à l’héber-
gement entre particuliers. Des travaux de Roberts et Tribe (2008), l’intérêt d’assortir
les indicateurs d’objectifs potentiels a été conservé pour ce travail, ainsi que 16 indi-
cateurs proposés par ces chercheurs, et 20 des 125 indicateurs proposés par Choi et
Sirakaya (2006).

Ce travail de sélection a abouti à une première liste de 48 indicateurs potentiels, avec


une forte prééminence d’indicateurs environnementaux, ainsi que des aspects de ma-
nagement et de politique. De cette liste, les indicateurs trop vagues ont été éliminés, tels
par exemple la volonté de fournir des informations sur le mode de vie local, ainsi que
des indicateurs non adaptés au tourisme très diffus et non organisé qu’est l’héberge-
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ment entre particuliers, comme la saisonnalité, les tensions entre résidents et clients,
la qualité de l’air, ou la préservation de la biodiversité. En effet, certains indicateurs
applicables à des projets de tourisme communautaire, souvent situés dans des régions
en voie de développement, ne peuvent trouver d’application lorsque l’on se trouve face
à une multitude de prestataires individuels en milieu essentiellement urbain et dans
des pays développés. Des indicateurs avec des contenus et formulations proches ont
ensuite fait l’objet d’un regroupement, car de l’avis de nombreux chercheurs, mieux
vaut un nombre limité d’indicateurs. Ce travail de sélection, toujours en gardant à
l’esprit les critères de pertinence par rapport au secteur, d’utilité et de disponibilité
des données, a abouti à une liste finale de 15 indicateurs.

4.2. Les entretiens et personnes interrogées

Cette sélection d’indicateurs a été soumise à plusieurs experts représentant différents


types de parties prenantes. Le choix a porté sur des personnes issues du monde de
la normalisation et de la certification, spécifique au tourisme ou non, ou du conseil
en tourisme durable, ou du secteur de l’hébergement entre particuliers. Il s’agissait
d’entretiens qualitatifs semi-directifs, notre guide d’entretien comportant cinq grands
thèmes :

a) Expérience de la personne dans le domaine du tourisme durable, la sélection /


évolution d’indicateurs, la certification, l’économie collaborative, l’hébergement entre
particuliers,

b) Appréciation de la série d’indicateurs sélectionnés,

c) Questions sur la mesure et le contrôle de ces indicateurs,

d) Questions portant sur les motivations et freins quant à l’engagement des acteurs de
l’hébergement entre particuliers dans le tourisme durable,

e) Commentaires et propositions d’indicateurs supplémentaires ou alternatifs, et ques-


tionnement sur le processus et les parties prenantes à impliquer.

179
N°85 - Avril 2016

Nous précisons que les 15 indicateurs retenus ont été présentés, et ce de manière
systématique, à chaque répondant. Tous les entretiens se sont déroulés par téléphone
et ont duré environ une heure. Les personnes interrogées ont été les suivantes :

• Un consultant en tourisme durable habilité à représenter en France la certifi-


cation de tourisme durable Travelife version tour-opérateurs, et identifié par CTD.

• Un auditeur de l’AFNOR référent de la certification propre aux tour-opérateurs


ATR (Agir pour un Tourisme Responsable), ayant travaillé de nombreuses années à
l’élaboration, au déploiement et au suivi de cette certification, et identifié par AFNOR1.

• Un Business Manager d’un organisme de certification international pour l’in-


dustrie du voyage, identifié par BMCV ; il a rejoint l’organisme il y a deux ans et a
participé au processus de revue des indicateurs, qui a duré 18 mois et associé une
variété de parties prenantes, selon les standards ISEAL.
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• Un chef de produit Développement durable / RSO, Département Innovation
Développement, AFNOR, et identifié par AFNOR2.

• Un Chef de marché tourisme, AFNOR, qui a une longue expérience dans les
processus de création de référentiels, certifications et normes pour le secteur, et
identifié par AFNOR3.

• Un Responsable Développement d’une entreprise leader de l’hébergement


entre particuliers, identifié par RDHP, et qui a rejoint cette organisation en 2012.

5. Résultats

5.1. Appréciation des indicateurs présentés


Du fait de leurs profils différents, tous les interlocuteurs n’ont pas formulé d’apprécia-
tions sur les indicateurs proposés. CDT, BMCV et AFNOR3 ont approuvé la segmenta-
tion de l’applicabilité des indicateurs, qui permettrait de mesurer de façon distincte
l’engagement de l’entreprise et des hébergeurs. RDHP a également approuvé cette
distinction, jugeant toutefois difficile de mettre en place, dans une entreprise de petite
ou moyenne taille en pleine évolution, les indicateurs destinés à la gouvernance et à
l’engagement de l’entreprise.

CDT a exprimé la conviction qu’il fallait garder un ensemble de critères valables partout,
avec cependant des cas où certains critères ne pourraient être appliqués localement. Il
citait comme exemple la différence des pratiques de tri sélectif entre arrondissements
parisiens. Il recommandait par ailleurs de se limiter à des critères économiques et
environnementaux pour les hébergeurs, avec un maximum de 10 critères au départ
plutôt qualitatifs comme par exemple de demander à l’hébergé de trier ses déchets
selon le mode de tri sélectif local.

180
Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement
type Airbnb

5.2. Mesure et contrôle des différents indicateurs


La mesure et le contrôle des indicateurs au niveau de l’entreprise n’ont pas suscité
de commentaires spécifiques. Par contre, les indicateurs applicables aux hébergeurs
ont été sujets à discussion. AFNOR2 les jugeait invérifiables car se situant justement
au niveau des particuliers ; il s’appuyait pour cela sur sa longue expérience avec la
certification ATR. Selon lui, les clients qui choisissent un tour-opérateur pour son
engagement responsable ne représentaient qu’une minorité de voyageurs, et même
ceux-là ne faisaient pas des engagements durables des fournisseurs du tour-opérateur,
auxquels il comparait les hébergeurs particuliers, un critère de choix de celui-ci. Les
mesures véritablement intéressantes à réaliser dans le cadre de l’hébergement entre
particuliers concernaient selon lui la dimension économique, à savoir les impacts sur
l’économie locale, mais il n’était pas persuadé que cela puisse réellement se mesurer de
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manière fiable et régulière. AFNOR3 estimait pour sa part qu’auditer des particuliers ne
posait pas de difficultés particulières à partir du moment où ils l’acceptaient, sachant
que cela ne concernerait qu’un échantillon limité. C’est précisément sur ce point que
AFNOR2 exprimait des réserves : le nombre très élevé d’hébergeurs ne rendrait-il pas
la démarche d’audit ingérable ou, si cela ne portait que sur un échantillon de quelques
hébergeurs, non significative ? Il rappelait aussi que contrairement à un hôtel ou une
chambre d’hôtes, créés avec la volonté de durer dans le temps, un hébergeur parti-
culier pouvait facilement décider d’arrêter cette activité du jour au lendemain. Les
comparaisons effectuées à intervalles réguliers en seraient donc moins pertinentes
car potentiellement basées sur un échantillon d’hébergeurs à chaque fois différent.

CDT mentionnait pour sa part l’exemple d’Airbnb, qui fait appel à des photographes
indépendants lorsqu’un particulier souhaite devenir hôte. Il s’interrogeait sur la possi-
bilité de fournir aux photographes un questionnaire leur permettant, lors de la visite,
de vérifier quelques points d’engagement durable simples (comme la présence d’am-
poules basse consommation, d’un tableau de suivi de la consommation d’eau prévue,
etc.) afin d’en avoir un regard extérieur et une appréciation initiale.

La suggestion de rendre les voyageurs acteurs de l’évaluation des indicateurs suscitait


auprès des interlocuteurs de l’intérêt et de l’approbation, dans la mesure où l’éva-
luation réciproque fait déjà partie intégrante du fonctionnement de ces plateformes
intermédiaires. CDT citait l’exemple de TripAdvisor, qui avait intégré l’évaluation par
les clients des pratiques durables des hôteliers en avril 2013. Il proposait la création
d’un critère « durable » à ajouter aux critères d’évaluation existants sur les sites des
entreprises. BMCV suggérait pour sa part de mener une enquête auprès des hébergeurs
pour savoir si, et si oui, combien, les hébergeurs seraient prêts à payer pour un audit
indépendant. Cette possibilité lui semblait envisageable dans les grandes villes où le
nombre d’hébergements justifiait une telle approche. Il n’était pas favorable à un audit
pris en charge par l’entreprise intermédiaire par crainte de confusion d’intérêts ainsi
que de coûts potentiellement élevés pour l’intermédiaire.

RDHP estimait de son côté qu’il n’était pas envisageable d’imposer aux hébergeurs
des engagements formalisés en matière de développement durable, mais il pensait
possible de le faire sur la base d’un engagement volontaire, et de faire évaluer ceux

181
N°85 - Avril 2016

qui se seraient engagés. Les indicateurs destinés aux hébergeurs lui semblaient dans
ces conditions plutôt réalistes.

5.3. Freins et motivations à la formalisation de l’engagement durable


AFNOR2 résumait les enjeux en estimant que l’entreprise intermédiaire devait avant
tout décider si elle allait engager seulement des actions ponctuelles, ou une démarche
de développement durable globale. Cela déterminerait le niveau de gouvernance ainsi
que les moyens financiers et humains alloués. Cette étape de réflexion devait permettre
à l’entreprise de savoir jusqu’où elle souhaitait aller et ce qu’elle comptait retirer de
la démarche en termes de bénéfices matériels et immatériels. Il évoquait aussi une
question de fond, celle de s’engager seul, ou de se réunir entre concurrents du secteur.
En y allant seul, disait-il, on fixait la barre des exigences plus ou moins haute, sachant
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que dans un second temps, la concurrence devait suivre, et qu’il était alors possible
d’harmoniser les approches. Le secteur étant encore jeune, il imaginait possible que
les acteurs se réunissent pour engager une démarche commune. Il mettait toutefois en
garde contre le mirage d’un cahier des charges idéal et parfait dès le départ, en tablant
plutôt sur une démarche de progrès perfectible dans le temps.

AFNOR1 ne put identifier aucune motivation pour un acteur de l’hébergement entre


particuliers à s’engager dans une démarche de tourisme durable. Il estimait même
que de mettre en avant certains hébergements pour leur engagement durable risque-
rait de freiner le développement de ces organisations puisque cela reviendrait à dire
que les autres hébergements ne devraient pas être choisis par les clients car étant de
moindre qualité.

AFNOR3 témoignait d’une difficulté certaine, propre au monde du tourisme, à s’engager


dans des démarches durables quand celles-ci n’étaient pas soutenues par des subven-
tions. L’exception étant, d’après son expérience, l’Ecolabel européen, qui continuait à
attirer aussi bien des chaînes que des hôteliers indépendants convaincus souhaitant
se distinguer, pas tant par les actions en faveur de l’environnement que par une offre
différenciée par rapport à la concurrence. L’Ecolabel, ajoutait-elle, bénéficiait grâce à
son caractère européen d’une bonne résonance auprès de la clientèle communautaire,
et faisait par ailleurs rapidement réaliser des économies substantielles à ses adhérents.
Mais selon elle, l’environnement ne constituait pas encore une véritable attente de la
part de la clientèle, freinant ainsi beaucoup de professionnels à s’engager pour l’instant.
CTD estimait pour sa part qu’un engagement en faveur d’une démarche durable pou-
vait être perçu comme quelque chose de lourd par les acteurs de l’hébergement entre
particuliers, et générant peu de retombées économiques pour l’entreprise. AFNOR2
s’interrogeait lui aussi sur les freins économiques, à savoir si ce « supplément vert »
permettrait ou non à l’intermédiaire d’accéder à une rémunération plus importante,
ce qui pouvait influer sur le choix de son niveau d’engagement. Dans son expérience,
le choix des clients se portait plus facilement sur une offre durable quand celle-ci était
à prix égal avec les offres classiques. RDHP n’était pas favorable à un engagement dans
une démarche formalisée de tourisme durable, même s’il disait que cela avait été évoqué
par le passé. Il expliquait sa position par le fait que d’une part, en tant qu’acteur de
l’économie collaborative, les valeurs de protection de l’environnement, de création de

182
Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement
type Airbnb

nouveaux liens sociaux, d’utilisation optimisée de biens existants, de développement


économique local faisaient déjà partie de leur ADN. D’autre part il trouvait peu réaliste,
pour une entreprise de petite ou moyenne taille et en pleine évolution comme la sienne,
de mettre en place de façon autre qu’implicite des éléments comme une gouvernance
formalisée, la formation des employés à la démarche de développement durable etc.
Enfin, il considérait qu’il n’était pas opportun, pour une entreprise de l’économie colla-
borative, de se soumettre à des référentiels existants créés par et pour les entreprises de
l’économie classique. Il jugeait que leurs impacts aussi bien que leur façon de travailler
étaient radicalement différents et que ce serait plutôt au sein de la communauté col-
laborative qu’ils s’investiraient pour faire émerger un référentiel qui rendrait compte
de cette nouvelle vision. Il était défavorable à imposer une contrainte quelconque aux
particuliers hébergeurs, estimant que le rôle de l’entreprise se limitait à les informer,
les accompagner, les réunir pour faire émerger des liens, créer des communautés lo-
cales, mais en aucun cas de les obliger à se conformer à des exigences. Tout au plus
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pouvait-il envisager l’adhésion à une charte sur une base volontaire. Il expliquait que
son entreprise se limitait à être une simple plateforme de mise en relation entre hé-
bergeurs et voyageurs, que l’entreprise avait en charge l’animation de la communauté
des hébergeurs mais que c’était ensuite de la responsabilité de ces derniers de guider
les voyageurs. L’entreprise ne souhaitait par exemple pas se substituer aux hébergeurs
en proposant des liens vers des associations ou autres informations locales sur leur
site, car cela relevait du travail de guidage effectué par les hébergeurs.

Malgré quelques freins exprimés, la majorité des interlocuteurs, excepté AFNOR1 et


RDHP, ont considéré qu’il devait exister des motivations fortes pour les acteurs de ce
secteur à s’engager dans une démarche de développement durable.

CTD avançait la possibilité qu’avec l’essor que connaissaient ces entreprises, certaines
soient dans les années à venir concernées par l’article 225 de la loi de Grenelle II, donc
obligées d’avoir une politique RSE et de communiquer dessus. Il trouvait par ailleurs
souhaitable que ces entreprises s’engagent à plus de transparence, par exemple en
s’assurant que les hébergeurs inscrits soient bien des particuliers propriétaires de
leur résidence principale, ou locataires ayant obtenu une autorisation de la part de
leur propriétaire. D’autre part, il convenait de ne pas rejeter sur ce dernier la seule
responsabilité du respect des lois et règlementations. La nécessité de suivre ses impacts,
à l’échelle d’une ville ou d’un territoire, par exemple en matière de marché locatif (prix
pratiqués et niveau de l’offre) lui semblait également un motif d’engagement dans une
démarche. Ceci d’autant plus que les acteurs du secteur sont accusés de pratiques dé-
loyales par des professionnels de l’hébergement, et rendus partiellement responsables
d’une certaine pénurie de logements locatifs par certaines municipalités. Enfin, le fait
de proposer, parmi les critères de recherche sur le site, un critère durable permettrait
selon lui d’attirer vers cette offre plus que les 9 % de clients pour qui il s’agit d’un critère
sine qua non. En effet si un voyageur ne perd pas en pertinence sur ses autres critères
de recherche, il sera susceptible de choisir un hébergement qui en plus de répondre à
ses principales préférences serait aussi durable. Cela élargirait peu à peu le cercle de
touristes qui intégreront la durabilité dans leurs critères de choix.

Pour BMCV, il était important que ces entreprises qui se réclament de l’économie
collaborative s’approprient le développement durable le plus tôt possible, dans la

183
N°85 - Avril 2016

mesure où elles s’appuient sur d’importantes levées de fonds déjà effectuées ou pré-
vues. Il expliquait que, étant donné que les entreprises du secteur seront rapidement
confrontées à la question de la pérennité économique, il fallait qu’elles se saisissent
de cette transformation d’un modèle très communautaire vers celui d’une entreprise
profitable pour chercher des investisseurs potentiels en prenant des engagements
très clairs en matière de durabilité. Il y avait selon lui deux approches possibles, une
« business-friendly » et une engagée. La première consisterait à ne pas imposer au dé-
part de preuves à ses hébergeurs, et d’entamer la démarche sur une base volontaire,
qui deviendrait obligatoire pour tous seulement par la suite. La seconde serait celle
où tous les hébergeurs devraient répondre à certains prérequis et s’engager sur un
minimum de critères, faute de quoi ils ne pourraient plus être hébergeurs chez tel ou
tel intermédiaire.
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AFNOR3, en matière de motivations pour les entreprises à s’engager, évoquait le ca-
ractère actuellement un peu flou des différentes offres. Pour les acteurs de l’écono-
mie collaborative il y a présomption de durabilité, mais aujourd’hui cela manque de
transparence, et l’on n’a pas de garantie sur les pratiques réelles. Or, le développement
durable existe à travers des actions concrètes, il implique une notion de progrès sur
des points précis qu’il faut pouvoir mesurer ; par conséquent, il faut selon elle que les
entreprises s’engagent de façon formelle.

5.4. Commentaires et propositions complémentaires


Plusieurs interlocuteurs se sont exprimés sur le travail à réaliser avec les parties pre-
nantes. BMCV citait en référence le travail de révision des standards effectué selon
les recommandations de l’ISEAL qui avait associé aussi, au-delà des parties prenantes
directes, des chercheurs. AFNOR2 a mis en avant une caractéristique propre à l’héberge-
ment entre particuliers : les réunions locales physiques des communautés d’hébergeurs,
animées par des collaborateurs des entreprises intermédiaires. Ces communautés
pouvaient selon lui constituer des panels de particuliers à consulter dans le cadre
d’une co-élaboration des indicateurs de durabilité. D’autres parties prenantes avec qui
engager le dialogue étaient selon lui les collectivités, organisations professionnelles et
assureurs. Dans la relation avec les parties prenantes, il soulignait l’importance primor-
diale de la communication. Elle devait se dérouler en trois temps : au départ, un temps
de diffusion d’informations, de bonnes pratiques, suivi d’une collecte d’avis auprès des
parties prenantes, par exemple pour s’exprimer sur un projet de démarche durable
les concernant. Après cette phase de co-élaboration, l’entreprise doit décider seule de
ce qui en sera retenu, mais elle devra en faire un retour à ceux qu’elle a consultés. Il
indiquait que cette phase de « feedback » faisait souvent défaut dans les relations, ce
qui pouvait avoir des effets décourageants car la communication avec les parties pre-
nantes doit se faire tout au long et non seulement au démarrage d’un projet. AFNOR3
indiquait que si l’AFNOR était sollicitée par un ou plusieurs acteurs de l’hébergement
entre particuliers, elle s’adresserait dans un premier temps à la sous-direction du
tourisme pour une identification complète des parties prenantes du secteur. RDHP
témoignait de la pratique de collaboration de son entreprise avec des associations de
quartier, des événements avec d’autres acteurs de l’économie collaborative et, sans

184
Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement
type Airbnb

qu’il nomme cela collaboration avec les parties prenantes, la démarche s’en rapproche
pourtant dans l’esprit.

Les interlocuteurs ont majoritairement convenu que le secteur de l’hébergement entre


particuliers avait atteint un stade de développement où les nombreux enjeux justifiaient
un positionnement clair en faveur d’une démarche durable. Les avis exprimés seront
maintenant confrontés à la littérature de recherche.

6.Discussion des résultats

Cette partie est organisée en deux sous-parties : premièrement, nous confronterons les
avis des personnes interrogées avec les approches présentées dans la revue de litté-
rature. Dans un second temps, les indicateurs retenus comme pertinents pour établir
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un premier état de durabilité auprès des acteurs de l’hébergement entre particuliers
seront présentés.

6.1. Le cadre de création des indicateurs


À l’instar de ce que recommandent les chercheurs, tous les interlocuteurs qui se sont
exprimés en faveur de l’application d’indicateurs de durabilité pour le secteur de l’hé-
bergement entre particuliers ont placé la gouvernance, l’engagement de l’entreprise
et la création d’une politique durable contraignante en amont de toute réflexion sur
des indicateurs. Là où dans les travaux de Miller (2001) les répondants chercheurs
estimaient que, à défaut de savoir se-réguler elle-même, l’industrie du tourisme devait
compter sur les gouvernements nationaux pour légiférer, les interlocuteurs de cette
étude se sont au contraire dits favorables à ce que ces organisations entreprennent une
démarche d’autorégulation, par voie de certification ou d’une démarche d’entreprise
plus globale.

6.2. La participation de la communauté locale


Parmi les interlocuteurs, BMCV, AFNOR2 et AFNOR3 se sont exprimés pour une large
participation des parties prenantes, en mettant en avant l’animation des communautés
d’hébergeurs pratiquée par certaines organisations, qui pouvait constituer un cadre
favorable pour cet objectif. Cette position est en accord avec celle de Rey-Valette et al.
(2010) concernant la mise en place de processus de consultation innovants. Les po-
sitions défendues par les trois interlocuteurs rejoignent aussi Landorf (2011) et Choi
et Sirkaya (2006) pour qui l’association des communautés doit se faire sur un temps
long, avec des retours réguliers vers les parties prenantes.

6.3. Les critères de sélection des indicateurs


Au-delà de l’accord exprimé au sujet de la segmentation de l’applicabilité des indica-
teurs (entreprise et / ou hébergeurs et / ou voyageurs), les interlocuteurs se sont peu
prononcés sur la pertinence concrète des indicateurs qui leur avaient été présentés.
CTD s’est cependant clairement exprimé en faveur d’indicateurs qualitatifs, rejoignant

185
N°85 - Avril 2016

Choi et Sirakaya (2006) au sujet de la validité d’une telle approche. Leroux (2010)
estime pour sa part que des indicateurs quantitatifs sont essentiels pour mesurer le
développement durable au sein d’une destination. BMCV a considéré que les indica-
teurs proposés étaient compréhensibles par le public concerné et pouvaient susciter
l’adhésion. Il jugeait qu’il fallait sortir du cercle des initiés si l’on voulait avoir des in-
dicateurs efficaces. En cela, il est en accord avec Miller (2001), pour qui cette question
de prise de conscience et de soutien du public est potentiellement plus importante, au
début d’une démarche, que d’avoir trouvé le meilleur indicateur possible. Sa position
rejoignait aussi les chercheurs sur la nécessité de revoir régulièrement les indicateurs
afin de vérifier leur performance ainsi que leur adaptation aux besoins futurs (Ciegis
et al., 2009).

6.4. Méthodologies de sélection des indicateurs


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Aucun des interlocuteurs sollicités n’a évoqué la technique Delphi pour aboutir à un
consensus, celle-ci étant peut-être plus adaptée à des experts chercheurs géographi-
quement dispersés. Seul trois interlocuteurs (BMCV, AFNOR2 et AFNOR3) ont évoqué
une méthodologie proche de celle détaillée par Tanguay et al. (2012) : ils envisageaient
de s’appuyer sur des indicateurs, et plus largement, sur des référentiels existants ayant
obtenu des validations nationalement (AFNOR) ou internationalement (GSTC) reconnues
plutôt que de partir de la littérature de recherche. Seul BMCV a explicitement nommé
les chercheurs parmi les parties prenantes à consulter dans le processus de sélection
d’indicateurs ; les deux autres interlocuteurs envisageaient plutôt un large tour de table
composé d’institutionnels, organisations professionnelles, fédérations, associations de
consommateurs, et assureurs. Ils étaient en cela alignés avec la démarche prônée aussi
bien par Tanguay et al. (2012) que par l’équipe de l’Office for National Statistics (2011)
de faire valider les indicateurs par les parties prenantes. AFNOR1, non convaincu de la
faisabilité de la démarche, rejoignait pour sa part la conviction exprimée par Ceron et
Dubois (2003) au sujet de la disponibilité des données qui doit faire partie intégrante
du processus de sélection. Il estimait que ce ne serait pas le cas pour des données
relevant essentiellement de la sphère privée des hébergeurs particuliers.

6.5. Présentation des indicateurs sélectionnés


Parmi les 15 indicateurs retenus (voir Tableau 1), 7 s’appliquent uniquement à l’en-
treprise intermédiaire, 5 exclusivement aux hébergeurs, et 3 concernent l’entreprise,
l’hébergeur et le voyageur.

186
Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement
type Airbnb

Tableau 1 - Proposition d’indicateurs de tourisme durable applicables


aux organisations de l’hébergement entre particuliers
Problématique Responsabilité Indicateur Dimension Lien
GRI
Mise en place démarche RSE ou sys-
Gouvernance Entreprise Gouvernance NA
tème de management durable
SO5,
Collaboration active à l’établisse-
SO7,
Conformité légale Entreprise ment et au respect du cadre légal de Social
l’activité
SO8
Pertinence et durée des formations à
Formation des
Entreprise la politique de développement du- Social LA 10
salariés
rable et aux enjeux identifiés
Sensibilisation Dispositif d’informations sur le déve-
des prestataires Entreprise loppement durable à l’intention des Economique EC6
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(Hébergeurs) prestataires hébergeurs
Dispositif d’informations sur la des-
Information des
Entreprise tination et développement durable à social PR3
voyageurs
l’intention des voyageurs
Mesure de la sa-
Entreprise Mesure de la satisfaction clients social PR5
tisfaction clients
Adoption et utilisation de technolo-
Technologie entreprise Environnemental EN7
gies nouvelles à faible impact
Entreprise/
Ethique des Prestataire/
Critères d’évaluation utilisés Social PR8
évaluations
Voyageur
Consommation Suivi de la consommation d’eau
Prestataire Environnemental EN8
d’eau prévue
Gestion des Type et év. Quantité des déchets
Prestataire Environnemental EN22
déchets collectés/recyclés
Consommation EN3,
Prestataire Suivi de consommation d’énergie Environnemental
d’énergie EN5
Prévention de EN19,
Minimum / remplacement des pro-
pollutions d’ori- Prestataire Environnemental EN21,
duits domestiques polluants
gine domestique EN27
Entreprise / Contrôle volume d’émission de GES
Emission GES Environnemental EN16
Voyageur / voyage
Entreprise /
Contribution à Part de dépenses effectuées dans les EC6,
Prestataire / Economique
l’économie locale commerces locaux EC9
Voyageur
Consommation Pratiques de consommation bio /
Prestataire Social SO1
responsable local / équitable / collaborative

Le premier indicateur sélectionné relève de la gouvernance, car aucune démarche de


développement durable ne sera pérenne et efficace si elle n’a pas été pensée, initiée,
déployée et soutenue par les instances dirigeantes. L’identification des parties pre-
nantes, le dialogue avec ses principaux représentants afin d’identifier et hiérarchiser les
enjeux sont les premières étapes de toute stratégie durable. Deux indicateurs relèvent
de la dimension économique, et 6 respectivement des dimensions environnementale
et sociale. L’importance de cette dernière dimension peut surprendre, alors que nous
avions conclu précédemment à la présence de peu d’enjeux sociaux dans le cadre de
l’hébergement entre particuliers. Il s’agit en effet plutôt de 5 indicateurs sociétaux,

187
N°85 - Avril 2016

et d’un indicateur véritablement social, relatif à la formation des salariés aux enjeux
et à la politique de durabilité de l’entreprise. Comme déjà souligné précédemment,
la classification des indicateurs par dimensions de développement durable n’est pas
homogène dans les travaux de recherche. La catégorisation utilisée ici est basée sur un
rapprochement des indicateurs sélectionnés avec des items du GRI (Global Reporting
Initiative, V.3.1), là où nous avons pu identifier une équivalence ou du moins une proxi-
mité de portée ou de formulation.

Conclusion

Si différents chercheurs ont exploré l’hébergement entre particuliers, leurs études ont
principalement eu pour objet les liens entre la sphère virtuelle, basée sur les réseaux
sociaux et la sphère physique, concrète, des rencontres en face à face, et comment les
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relations entre hébergeurs et voyageurs se sont transformées avec l’apport du Web 2.0.
Ces recherches sont essentiellement dédiées à l’acteur singulier qu’est CouchSurfing,
alors que l’hébergement entre particuliers prend différentes formes, marchandes ou
non, et n’est pas limité à l’accueil gratuit chez l’hébergeur en sa présence. Dans l’en-
semble, le secteur a fait l’objet de peu de publications académiques.

Le domaine des indicateurs de tourisme durable est à l’inverse largement et depuis


vingt ans couvert dans la littérature de recherche, et aborde les formes de tourisme les
plus variées. L’objectif de cette étude était ainsi de se faire rencontrer les deux sujets,
car l’hébergement entre particuliers n’a pas encore été analysé du point de vue de la
durabilité, et les recherches sur les indicateurs de tourisme durable ne se sont pas pen-
chées sur ce secteur d’hébergement émergent et en forte croissance. Une des limites de
notre travail tient certainement au fait qu’un seul dirigeant d’une entreprise de location
d’hébergements entre particuliers a été interrogé. Une perspective intéressante serait,
à l’instar de Leroux (2010), d’interroger un échantillon d’une vingtaine d’experts pour
identifier des indicateurs de durabilité propres à l’hébergement entre particuliers,
puis de les classer avec un système de pondération d’indices. Ensuite, comme le pré-
conise cet auteur, chaque expert sera amené à évaluer l’hébergement type Airbnb sur
chacun de ces indicateurs, pour ensuite mesurer de manière systématique les écarts
par rapport à la valeur « idéale » de ces indicateurs pour cette forme d’hébergement. Il
serait également souhaitable de prendre en compte le poids à attribuer aux indicateurs
identifiés (Leroux, 2010 ; Mikulic et al., 2015). Enfin, la prise en compte des perceptions
des hébergeurs et hébergés quant à l’engagement durable des acteurs de la location
saisonnière entre particuliers serait intéressante à étudier.

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