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Paris et la France

La marque du territoire, ou un marketing rêvé ?


Jean-Luc Margot-Duclot
Dans Revue française de gestion 2011/9 (N° 218-219), pages 67 à 89
Éditions Lavoisier
ISSN 0338-4551
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MARQUE FRANCE
JEAN-LUC MARGOT-DUCLOT
Agence régionale de développement
Paris Île-de-France

Paris et la France
La marque du territoire, ou un marketing rêvé ?
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Les concepts de marketing et de marque territoriale ne sont
pas réellement opératoires pour les territoires : ce sont
d’abord les marques des entreprises présentes et de leurs
produits qui en portent la légitimité. On ne trouve dans aucun
des nombreux classements internationaux la marque d’un
territoire comme critère de décision pour l’implantation ou
l’investissement d’une entreprise. Les rangs qu’y occupe Paris
ne reflètent pas sa puissance économique réelle. Son image
de capitale mondiale de l’art de vivre et du romantisme doit
paradoxalement servir de levier pour une promotion efficace
de la réalité économique de la région capitale, premier PNB
d’Europe.

DOI:10.3166/RFG.218-219.67-89 © 2011 Lavoisier, Paris


68 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

L
e concept de marque appliqué à la aux « facteurs mobiles » (capitaux, facteurs
France oblige, dans le souci de sa de production, savoir-faire, etc.) qui les
pertinence opérationnelle, à lever obligent à créer des « facteurs visqueux »
quelques préalables en interrogeant d’abord c’est-à-dire des politiques territoriales d’at-
la nature même des stratégies développées tractivité destinées à attirer et fixer ces fac-
par les territoires, à partir de l’observation teurs mobiles. Mais celles-ci sont vite
des pratiques mondiales et de l’expérience confondues avec la notion à la mode mais –
tirée de l’action. En effet, comment appré- et on verra pourquoi – souvent approxima-
hender les meilleures stratégies que devrait tive de « marketing territorial », souvent
déployer un territoire pour la gestion de son parce qu’elles ne tirent pas toutes les consé-
image et la promotion efficace de son attrac- quences de l’explosion mondiale de l’offre
tivité ? Compte tenu du poids et des caracté- des territoires, à savoir l’obligation d’adop-
ristiques de l’image de Paris, de son rang ter une démarche rigoureuse, et de la clair-
dans les classements internationaux, com- voyance dont ils doivent faire preuve quant
ment définir sa relation avec le concept de à leurs marges de manœuvres réelles, en
marque France ? excluant par avance tout nombrilisme.
En fait, comment faut-il penser la notion de On examine donc successivement :
« marque » appliquée à un territoire ? – la pertinence du concept de produit appli-
Confronté au poids des classements inter- qué à un territoire et les limites d’une trans-
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nationaux, à l’inertie de sa propre image, position des méthodes du marketing d’en-
aux difficultés qu’il rencontre pour modi-
treprise – y compris celles de la marque – à
fier si nécessaire son offre, il est clair que
la promotion de l’attractivité territoriale,
les bonnes pratiques marketing d’un terri-
– le rôle, les critiques et le parti à tirer de
toire ne sont pas en réalité réductibles à une
l’industrie des classements internationaux,
application scolaire des grands auteurs et à
ainsi que la curieuse absence en leur sein
la simple transposition des démarches mar-
d’une problématique de marque, que celle-
keting bien connues des entreprises.
ci concerne les métropoles mondiales ou les
Aujourd’hui, la promotion de son attracti-
pays, y compris Paris et la France,
vité par un territoire repose sur les présup-
– quelques suggestions d’actions dans la
posés suivants : celui-ci, comme condition
perspective d’une marque France, compte
de sa survie dans la mondialisation, se doit
tenu de la place particulière qu’occupe
maintenant d’être repéré, il l’est (ou devrait
être) à travers la mise en avant de sa propre Paris dans l’attractivité de la France.
attractivité. Il doit donc se préoccuper de sa
promotion internationale, par conséquent I – LE TERRITOIRE CONSTITUE-T-IL
de sa « marque ». RÉELLEMENT UN PRODUIT, AU
SENS OÙ L’ENTEND L’ENTREPRISE ?
Plus joliment dit par Élie Cohen1, ces « fac-
teurs fixes » de la mondialisation que À première vue la réponse est oui. En réa-
constituent les territoires doivent faire face lité et après analyse, nous voyons que la

1. Intervention au conseil régional d’Île-de-France en 2006, à l’occasion de l’élaboration du Schéma régional de


développement économique (SRDE) 2006-2010.
Paris et la France 69

réponse est sans doute non2. À l’instar du plosion d’internet, des low-cost, du yield
reste de l’économie, la mondialisation a management, etc. On est ainsi passé en
entraîné un encombrement inouï et relative- soixante ans de moins de 100 millions de
ment récent de l’offre, et a généré pour les touristes internationaux pour une vingtaine
territoires l’exigence d’appliquer les de destinations à 940 millions aujourd’hui4
méthodes du marketing d’entreprises pour pour plusieurs centaines, voire pour des
leur permettre d’accéder à un marché qu’ils milliers de destinations5.
considéraient comme leur : l’implantation L’obligation s’est donc rapidement imposée
d’entreprises, de capitaux, l’attraction des d’adopter une démarche marketing spéci-
touristes, mais aussi des talents. Cette fique et nouvelle – parce qu’elle concernait
conviction a été renforcée par le constat des un espace géographique et non un produit
bienfaits que représente le développement physique –, soumis à des constantes spéci-
sur leur territoire d’une économie de type fiques et contraignantes (accès, relief, cli-
résidentielle3, au premier rang de laquelle mat, paysages, etc.). La nature historique-
figure le tourisme. ment restreinte de l’offre (mer/montagne) a
été balayée par l’apparition de nouveaux
1. Le tourisme, origine de la
mondialisation des aires géographiques segments, liés aux pratiques de séjours :
dénommées « territoires » urbains, sportifs, culturels, découvertes,
C’est à travers le développement du secteur gastronomiques, bien-être, et depuis
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du tourisme, à partir des années soixante, quelque temps, éthiques et solidaires. La
que l’explosion mondiale de l’offre des ter- multiplication de ces nouveaux segments
ritoires trouve son origine, qui a constitué est allée de pair avec celle des autres com-
pour ceux qui en ont bénéficié à la fois le posantes structurelles de l’offre touristique
premier véritable coup de projecteur braqué que sont l’hébergement, la durée des
sur eux et le principal vecteur de leur image. séjours (fractionnés ou non), la saisonna-
Une destination touristique repose en effet, lité, etc. L’offre touristique mondiale (on
par nature, sur des facteurs prédéterminés pourrait aussi écrire : l’offre mondiale des
que sont son socle géographique, ses carac- territoires) présente donc aujourd’hui au
téristiques climatiques, humaines et cultu- consommateur une gamme exceptionnelle,
relles, qui constituent donc son territoire. en profondeur et en largeur, de produits
Mondialisé avant beaucoup d’autres sec- marchands concurrentiels.
teurs de l’économie, le secteur du tourisme C’est ainsi que s’est amorcé la mondialisa-
a été puissamment porté, outre par la hausse tion des territoires, que la France est devenue
continue des niveaux de vie, par la baisse un des plus grands pays touristiques, et Paris
tendancielle des coûts de transports, l’ex- la première région touristique mondiale6.

2. Voir à ce sujet Fabrice Hatem « Les agences de développement, des services marketing pour les territoires ? »,
dossier « La marque et le territoire », Inter Région, Revue du CNER, n° 296, mai-juin 2011.
3. Cf. Davezie et autres.
4. Sources : OMT ; prévisions 2020 : 1,5 milliard (id.).
5. Une destination = un lieu, un thème, un hébergement, une durée de séjour, un mode de transport et un prix.
6. 150 000 chambres d’hôtels en IDF, dont 50 % de fréquentation étrangère (représentant à elle seule près de 50 %
du total national des nuitées hôtelières internationales).
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La création d’une image distinctive (tra- tique produit8, donc de marque : en matière
duite le plus souvent à travers un logo et une de promotion touristique, les deux vont
charte graphique), a constitué la part priori- bien ensemble.
taire des politiques de communication
mises en œuvre par la majorité des destina- 3. Le marketing des territoires-
destinations est en réalité
tions7 ; image créée comme une sorte de celui des entreprises du territoire
repère complice pour le consommateur et
Dès lors apparaissent des points communs
transformant les contraintes citées plus haut
et des différences si on compare les
en atouts géographiques, climatiques, cul-
méthodes du marketing touristique d’un
turels, etc. L’objectif final restant d’implan-
territoire – et qui ont prouvé leur efficacité
ter durablement le « territoire-destination »
– à celles applicables à la promotion inter-
sur son marché, en s’appuyant sur des pro-
nationale de son attractivité9.
duits touristiques performants, et le rendre
Le principal d’entre eux étant que ce sont
ainsi identifiable dans l’explosion de la
prioritairement les entreprises, en tant
concurrence mondiale.
qu’acteurs directs de l’offre touristique ter-
2. Image et marques touristiques : ritoriale, qui conçoivent et mettent en
répartition des rôles œuvre des politiques marketing visant à
Les véritables politiques de marques ont été capter à leur profit une part des flux d’indi-
le fait des grands opérateurs européens et vidus constituant un marché de masse de
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mondiaux, par nature « trans-destina- 940 millions de touristes internationaux
tions », et non pas des territoires : les pro- (sans compter les nationaux). Elles maîtri-
duits sont constitués de séjours commercia- sent et adaptent leurs produits, leurs prix,
lisables, répartis sur de nombreux leur distribution et leur communication, et
territoires. La marque de l’opérateur garan- sont soumises aux sanctions et aléas de
tit leur qualité vis-à-vis du client, ainsi que leurs marchés respectifs, majoritairement
celle des prestations qui les accompagnent, B2C, et plus marginalement B2B.10
indépendamment du territoire support : Du coup, l’accompagnement public se jus-
c’est le cas pour Nouvelles Frontières, le tifie dès lors qu’il peut s’appuyer sur des
Club Méditerranée ou Fram, pour ne citer produits compétitifs et maîtrisés, opérés par
que les grandes marques françaises, ont des entreprises qui dégagent elles-mêmes
adopté cette politique. leurs propres ressources commerciales et
Donc, aux territoires la politique d’image marketing, et qui le considèrent alors
(et pas de marque), aux opérateurs la poli- comme un appoint bienvenu.

7. Voir la qualité des campagnes image mises en œuvre par l’Espagne, la Tunisie, mais aussi New York, Londres, etc.
8. Exemple emblématique : les campagnes couplées entre la chaîne Barrière et les villes de Deauville, Cannes et La
Baule ; il s’agit bien là du croisement entre la promotion « image », à la charge du territoire, et la promotion de sa
marque, à la charge de l’opérateur (Barrière), et des hôtels locaux de cette chaîne.
9. Curieusement, le concept d’attractivité n’est quasiment jamais appliqué aux entreprises, ni utilisé par elles. Sans
doute n’ont-elles pas lu les bons auteurs.
10. Schématiquement, la source du marché B2B est d’abord celui – mondial et très concurrentiel – des rencontres
et des événements professionnels (salons, congrès) liés aux entreprises ou aux sociétés savantes, et organisés pour
des raisons autres que le séjour touristique.
Paris et la France 71

La promotion de l’attractivité économique concerne, directement ou indirectement,


d’un territoire dans son ensemble présente l’action publique.
toutefois des caractéristiques spécifiques. Fondés sur de très nombreux critères, ils
Le « marché »11 des décideurs écono- sont l’objet d’évaluations dans les classe-
miques mondiaux à la source des investis- ments internationaux, et contribuent forte-
sements directs étrangers (IDE) ou des ment à l’image du territoire. On verra plus
talents, n’est pas un marché de masse, loin que l’ordre de préférences relatives peut
comme celui du tourisme, et reste structu- varier d’un classement à l’autre, mais qu’au-
rellement plus difficile à appréhender. Les cun d’entre eux ne concerne, de près ou de
processus de décisions sont différents, ainsi loin, la « marque » éventuelle du territoire.
que le sont les critères de choix : la consom- On cite pour mémoire les critères les plus
mation touristique constitue un flux par courants pour définir et classer les perfor-
définition d’une durée limitée dans le mances d’un territoire :
temps, l’implantation d’entreprise et la – le niveau de compétence et de qualité de
migration des talents s’inscrivant au la main-d’œuvre,
contraire dans une perspective longue voire – le coût du travail et le droit du travail,
très longue. De plus, et paradoxalement, la – la fiscalité et les taxes,
cohabitation avec une économie touristique – le niveau de sûreté juridique et de stabilité
déjà existante peut rendre plus complexe la politique,
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gestion de leur image pour certains terri- – la taille et les caractéristiques du marché
toires, comme c’est le cas par exemple pour local,
Paris12. – la qualité des infrastructures d’accès et les
Si les méthodes de promotion touristique et performances du réseau de transports
celles appliquées à l’attractivité écono- publics,
mique du territoire ne peuvent se – la qualité et le niveau de la recherche
confondre, ce n’est pas tant parce qu’elles scientifique et technologique,
ne visent pas les mêmes cibles et ne subis- – le niveau de spécialisation économique,
sent pas les mêmes contraintes, c’est parce – la qualité des services publics (éducation,
que, et c’est là le point principal, ni les santé, sécurité, etc.) et le niveau de com-
« produits » – et leurs composantes – ne plexité administrative,
sont de même nature, ni surtout les capaci- – la présence d’équipements pour les ren-
tés des « producteurs » à pouvoir les modi- contres professionnelles (centres de
fier, le cas échéant. congrès, parcs d’exposition, etc.),
– la présence de lycées et collèges interna-
4. Les composantes de l’offre territoriale tionaux,
En pratique, la gamme des composantes – la qualité et la notoriété de l’enseigne-
« produits » d’un territoire est très large et ment supérieur,

11. Par ailleurs assez difficile à définir précisément.


12. Il n’y a évidemment pas que Paris qui cumule développement touristique et développement économique : c’est
aussi le cas de Londres, New York, Shanghai et beaucoup d’autres métropoles, y compris françaises. Mais pour
aucune d’entre elles, leur image touristique occulte à ce point celle de leurs autres activités économiques comme
c’est le cas pour Paris (cf. plus loin).
72 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

– la qualité de vie : les temps de transports, politiques. Le niveau de complexité de l’ac-


la qualité de l’air, de l’eau, la présence d’es- tion publique se situe donc à des années-
paces verts, etc. lumière de celui que doit prendre en compte
– l’intérêt touristique, gastronomique, la une entreprise dans l’élaboration de sa poli-
richesse culturelle du territoire, etc. tique de produits ou de gamme.
D’autres critères entrent de plus en plus en Il en va naturellement de même pour les
ligne de compte : le niveau et l’effectivité autres variables du mix marketing que sont la
des politiques de développement durable, la politique de prix, de distribution ou de force
qualité de l’urbanisme et de l’architecture de vente par exemple, notions peu opéra-
des nouveaux projets urbains, l’investisse- toires pour l’action publique – sauf à vouloir
ment public dans les secteurs d’avenir recréer le Gosplan – à l’exception naturelle-
(numérique, biotechnologies, etc.). ment de la politique de communication.
Naturellement tous ces éléments véhicu- La réactivité d’une entreprise sur son mar-
lent, de manière variable et plus ou moins ché n’est donc en rien comparable à celle
intensément, l’image du territoire, ils la dont dispose, mesurée à la même aune, l’ac-
construisent et participent à son évolution tion publique. Si celle-ci possède d’autres
dans le temps. atouts dans la bataille mondiale des terri-
toires, c’est une illusion de penser qu’il lui
5. Les contraintes spécifiques suffirait d’appliquer comme des recettes
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Cette liste pointe le rôle de l’intervention « prêtes à cuire » les méthodes marketing
publique pour ses capacités réelles à modi- des entreprises au motif que, comme elles,
fier, si cela devenait nécessaire, la compéti- elle est confrontée à un marché concurren-
tivité de chacune de ses composantes. Les tiel et mondialisé. Les concepts ne sont que
leviers dont elle dispose pour ce faire ne peu interopérables, les contraintes en jeux
sont évidemment pas de même nature que de nature différente et les échelles de temps
ceux des entreprises. Les échelles d’inves- sans commune mesure14.
tissements ou les échelles de temps ne sont Se pose donc clairement pour chaque terri-
pas du même ordre : combien de milliards toire l’obligation d’une prise en compte
et combien d’années pour améliorer les lucide de ces contraintes et de l’étalonnage
transports publics d’un territoire13, le de ses ambitions à l’aune de ses réelles capa-
niveau de formation de sa main-d’œuvre, cités d’action à court, moyen et long terme
ou encore celui de sa recherche scienti- sur son offre de services (terme préférable à
fique ? Plus clivant encore : les contraintes celui de « produits »), à savoir les prestations
liées aux modifications – si tant est qu’en publiques qu’il est en mesure d’offrir à ceux
apparaisse la nécessité – de l’environne- qu’il souhaite attirer sur son sol, grand public
ment juridique et fiscal du territoire ou du (touristes), professionnels, entreprises ou
droit du travail, domaines qui par essence talents, d’autant qu’aujourd’hui elles sont
relèvent du pouvoir régalien et de choix désormais placées sous le regard des autres.

13. Projet du Grand Paris, désormais composante pleine et entière du projet territorial de l’IDF : 32 milliards d’euros
d’investissements sur 15 à 20 ans à partir de 2011, nonobstant le temps des négociations institutionnelles préalables.
14. Rejoignant en cela Fabrice Hatem sur le sujet (op. cit.).
Paris et la France 73

II – LE TERRITOIRE en effet les plus à même de juger et donc de


SOUS LE REGARD DES AUTRES : comparer les prestations les plus apparentes
LA RAISON DES BENCHMARKERS qu’offre un territoire : efficience des trans-
INTERNATIONAUX
ports (aéroports internationaux, gares,
Un grand nombre des composantes, voire la taxis), qualité de l’accueil et des services
totalité de l’offre de services (ou de presta- qui s’y rattachent, comme l’hôtellerie, mais
tions) territoriale fait elle-même l’objet aussi la qualité de l’organisation de l’espace
d’un « benchmark » continu par différents urbain, la qualité de l’air, la sécurité des
niveaux d’observateurs, dont les notations personnes et des biens, la gastronomie et la
peuvent s’avérer redoutables pour l’image culture locale, l’art de vivre, etc.
de ceux qui en sont l’objet. Les classements Ce sont souvent des leaders d’opinion dans
internationaux sont en effet devenus au fil leur secteur, donc des vecteurs importants
des ans des outils – voire des armes – de de l’image d’un territoire dans le monde, en
communication face aux territoires, et atti- particulier dans les pays cibles visés par sa
sent de fait la concurrence qu’ils se livrent. propre politique de promotion.
Tout en ayant créé de toutes pièces et pour Paris et l’Île-de-France en accueillent
leur propre compte, un véritable « mar- chaque année plusieurs millions15, à l’occa-
ché », celui des « ranking » mondiaux. sion de réunions professionnelles organi-
Le caractère variable – voire critiquable – sées à l’avance : salons internationaux,
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des méthodologies d’un classement à congrès, rendez-vous professionnels, vie
l’autre ne semble pas pour autant altérer courante des affaires. Après Paris, ils vont à
leur audience internationale. L’enjeu pour Londres, Francfort, Shanghai, Milan,
les territoires exposés est donc consistant, Mumbai, São Paolo ou New York, quand ils
les réponses à leur apporter doivent donc n’en viennent pas…
l’être tout autant. Le territoire est donc jugé et comparé en per-
Ils obligent en effet la puissance publique à manence par un flux important de décideurs
se préoccuper de chacun des segments de et de leaders d’opinion internationaux, qui,
son offre, à commencer par les plus visibles s’ils restent en général anonymes, sont les
aux yeux des observateurs que sont les témoins privilégiés, en tant qu’utilisateurs
voyageurs d’affaires internationaux, les lea- contraints parce que professionnels, des dif-
ders d’opinion, la presse internationale, etc. férences de qualité de prestations entre les
1. Premier niveau d’observation : grandes places mondiales. Leur opinion peut
les « amateurs » éclairés, naturellement être déterminante le moment
c’est-à-dire les voyageurs internationaux venu : ils sont donc partie prenante de la
Leur importance dans la diffusion interna- politique d’attractivité du territoire.
tionale de l’image du territoire est capitale À la suite de nombreuses études et rapports
et pourtant souvent sous-estimée. Ils sont sur le sujet16, les principales forces et fai-

15. 45 % des arrivées hôtelières de l’Île-de-France en moyenne annuelle.


16. Voir à ce sujet outre le rapport de l’auteur au président de la région Île-de-France sur le tourisme d’affaires
(2005), le rapport parlementaire du député J.P. Charié (« Foires salons et congrès en France », 2006) et plus récem-
ment, celui de G. Pélisson « Le tourisme d’affaires dans le Grand Paris » (juin 2011) pour le compte de la ministre
de l’Économie et des Finances et du ministre du Tourisme.
74 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

blesses des composantes les plus visibles de préalables : la qualification de la main-


la prestation territoriale de la région-capi- d’œuvre, les caractéristiques du marché
tale sont progressivement traitées. local, les centres de recherches, la fiscalité,
C’est en en tenant compte que le « Pack etc. Un second niveau de benchmark est
accueil » a été créé, complément logique de donc à l’œuvre, domaine quasi exclusif des
l’implantation par la région IDF de comp- cabinets de consultants internationaux, en
toirs d’accueil touristiques dans les diffé- général de grande notoriété, dont ce n’est
rents terminaux des aéroports de Paris. pas le métier principal mais dont l’interna-
Cofinancé par le CRT et les principaux opé- tionalisation de leur activité impose à leur
rateurs (Viparis, ADP) il offre dans les enseigne d’entretenir leur visibilité dans les
aéroports des services d’accueils gratuits en grandes métropoles où ils sont déjà implan-
faveur des exposants, visiteurs ou congres- tés. Compte tenu de l’intérêt qu’ils suscitent
sistes participant aux cinquante plus impor- auprès de nombreux décideurs publics
tants événements internationaux annuels de locaux, les classements constituent donc
la place : panneaux de bienvenue personna- pour leurs éditeurs une part non négligeable
lisés aux couleurs de l’événement, flé- de leur politique de communication vers ces
chages à l’intérieur des terminaux, navettes cibles particulièrement stratégiques.
gratuites vers les principaux sites de salons Les classements les plus connus proviennent
et les centres de congrès, etc. Dans le même de cabinets tels qu’Ernst & Young, KPMG,
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esprit, les ADP (aéroports de Paris) ont Cushman & Wakefield, Price Waterhouse
décidé de mettre en place, après nombre Cooper, Mercer, Deloitte, mais aussi de sup-
d’aéroports internationaux, des files d’at- ports tels que le Financial Times17, qui a
tentes spécifiques (fast-tracks) en faveur constitué sa propre base de données. Leur
des voyageurs des « classes avant » aux parution annuelle constitue en soi un élé-
arrivées des terminaux de Roissy CDG, ment de « teasing » et de mise ne scène le
étant entendu qu’une partie de ces mêmes jour de leur publication.
voyageurs constituent une des cibles des Donnant lieu en général à des présentations
classements internationaux (ranking) devant un public sélectionné de décideurs
publiés par ceux qui appartiennent au locaux, leurs conclusions sont largement
deuxième niveau des évaluateurs internatio- reprises par la presse économique nationale
naux, celui des « professionnels »… et internationale.
Le nombre et la nature des critères soumis à
2. Deuxième niveau d’observation : évaluation sont variables d’un classement à
les « professionnels » du benchmark l’autre, de même que le nombre de villes ou
Certains critères cités dans la liste plus haut pays étudiés.
ne peuvent être soumis à l’évaluation Paris y est présent dans tous et figure à un
directe par les voyageurs de passage et rang souvent honorable, mais inégal suivant
requièrent un minimum d’investigations les critères et quelques fois paradoxal en

17. L’Agence régionale de développement (ARD) Paris Île-de-France a lancé une étude comparative des méthodo-
logies des différents classements concernant la place de Paris.
Paris et la France 75

raison du manque d’homogénéité des Le critère « qualité des infrastructures de


méthodes utilisées : qualité des échan- transport et de logistique » est considéré
tillons, nature des critères soumis à appré- comme le plus important parmi les dix qui
ciation, périmètres géographiques, etc. forgent le choix des décideurs interrogés.
C’est l’investissement dans les projets
3. Quelques exemples parmi
majeurs d’urbanisme et d’infrastructures
les publications les plus connues
qui est considéré comme le plus porteur en
– International Living’s Annual Quality of matière d’augmentation de l’attractivité et
Life Index 2011 (étude documentaire, 9 cri- de la visibilité d’une ville pour les investis-
tères de qualité de vie étudiés dans 191 pays, seurs internationaux.
des États-Unis 1er, à la Somalie 191e : – KPMG-Opinionway 2011 pour PCE : Glo-
La France est 4e au classement général bal Cities Monitor (classement des métro-
(note : 75) derrière les États-Unis (86), à un poles mondiales, 511 décideurs interrogés).
seul point derrière la Nouvelle Zélande et Paris reste au 3e rang de la meilleure image
Malte (sic). Mais obtient la note maximum mondiale, après New York et Londres et
de 100 (comme nombre d’autres pays) sur devant Shanghai. Mais au classement géné-
les items culture et loisirs, liberté, santé et ral de l’attractivité perçue (choix entre deux
sécurité. capitales mondiales pour l’implantation
– E&Y : European Attractive Survey 2011 d’une activité pour votre entreprise) Paris
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(étude documentaire sur base de données arrive au 13e rang derrière Berlin et Barce-
dédiée, et étude de perception auprès de lone et juste devant Londres18. Au 4e rang
812 décideurs internationaux). en 2009 pour le nombre d’implantations,
La France arrive en deuxième position pour Paris perd une place en 2010 (derrière
son attractivité européenne derrière la Londres, Shanghai, Hong-Kong et Moscou).
Grande-Bretagne, mais juste devant l’Alle- La tendance sur cinq ans révèle une dégra-
magne. De manière homothétique, Paris, dation de la place de Paris pour le nombre
avec 21 % des suffrages, figure au de projets par rapport à ces mêmes villes,
deuxième rang derrière Londres (30 %) mais elle conserve son 2e rang en Europe
mais devant Berlin (13 %) et Francfort derrière Londres. Par ailleurs Paris reste la
(8 %). 3e ville mondiale pour les centres de
En deux ans, Londres progresse plus vite que recherche, derrière Beijing et Shanghai (il
Paris dans ce classement, qui n’arrive qu’en s’agit de flux, pas de stocks)19 Enfin l’exa-
12e position (sur 15) à la question concer- men du détail des items sur dix critères stra-
nant la ville qui aurait le plus de chance d’ac- tégiques d’investissement montre que Paris
cueillir les prochains « Microsoft ou ne figure dans le top 5 pour seulement
Google » (Shanghai 1re, San Francisco 2e, deux d’entre eux : la qualité de l’éducation
Mumbai 3e, Londres 6e). (4e) et la qualité de vie (2e).

18. Contrairement à la réalité statistique observée des projets comptabilisés annuellement : Paris suit de près
Londres pour le nombre de projets réalisés, et précède lui-même très largement Berlin et Barcelone.
19. Avec 8 % du total sur son sol, l’Île-de-France représente la plus importante concentration de chercheurs en
Europe.
76 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

Par rapport à 2009, l’évolution constatée devant Berlin (qui y figure, en milieu de
sur le premier critère – présenté comme le classement) ou Madrid (idem). Paris n’est
plus important : stabilité politique et sécu- toutefois en tête sur aucun des douze prin-
rité juridique – montre que Paris ne figure cipaux facteurs de décision (y compris la
plus dans les cinq premières villes mon- qualité des infrastructures de transport
diales, et passe derrière Shanghai… Idem internes et externes, où Paris est 2e derrière
pour la qualité de ses infrastructures de Londres) En 4e position pour la qualité de
transports, pourtant régulièrement mises en vie (contre 7e en 2009) en 6e pour ses com-
avant par d’autres classements (cf. E&Y pétences linguistiques (contre 9e en
ci-dessus, et Price Waterhouse Cooper ci- 2009)… Enfin, Paris est 25e (sur 36) pour
dessous) la qualité de son environnement…
– PWC, Cities of opportunities 2011 (étude Heureusement, Paris reste dans le top 5
comparative de 26 villes mondiales, sous des destinations favorites pour les cinq pro-
l’œil d’experts mondiaux de toutes origines). chaines années, derrière Moscou, Varsovie
Paris figure en tête de ce classement pour la et Istanbul, mais devant Londres.
qualité de ses infrastructures de transport, – Deloitte pour PCE : l’innovation compa-
devant New York et Chicago… Et 5e pour le rée dans 7 métropoles européennes
capital intellectuel et l’innovation (2e en (septembre 2010) (entretiens approfondis
Europe derrière Stockholm), 2e pour son avec 40 acteurs clés + étude documentaire).
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poids économique20 (derrière Londres21) et L’étude documentaire qualifie le critère
pour la qualité de vie (derrière New York)… « infrastructures de transport » comme fac-
mais largement au milieu du classement pour teur support qui ne vient qu’au 7e rang (sur
la santé (en contradiction avec International 8) des critères prioritaires en matière d’in-
Living, cf. plus haut), le développement novation (1er critère : capital humain, suivi
durable, la facilité des affaires et la démogra- de financements de la R&D et du K-Inves-
phie (?). Au classement général Paris arrive tissement, puis entreprenariat et réseaux,
8e avec 1 117 points (contre 1 226 pour New environnement institutionnel et fiscal, enfin
York, au 1er rang) juste derrière Chicago et vie sociale et culturelle (références : Euro-
Londres, et conserve sa place de 2e en pean Innovation Scoreboard).
Europe. Beijing, Shanghai ou Moscou Paris est au 2e rang derrière Londres pour la
obtiennent des scores totaux presque moitié capacité d’innovation, les télécommunica-
moindres que ceux de Paris… tions et la fiscalité R&D, 1er pour l’attracti-
– Cushman & Wakefield : European Cities vité en matière de centre de R&D, le nombre
Monitor 2010 (500 décideurs interrogés sur de brevets déposés et le nombre de ses cher-
36 villes européennes). cheurs (ce qui corresponds aux valeurs sta-
Paris conserve sa 2e place derrière tistiques constatées) et enfin au 4e rang pour
Londres, devant Francfort (qui ne figure les infrastructures de transport (derrière
pas dans le classement de PWC), loin Stockholm, Londres et Amsterdam).

20. Paris y confirme son 2e rang mondial derrière Tokyo pour l’accueil des sièges sociaux (classement Fortune 500).
21. En réalité, 1re région européenne avec un PNB 560 milliards d’euros de PNB, comparable à celui des Pays-Bas
ou de Taïwan (source : Eurostat), Paris précède Londres d’assez loin.
Paris et la France 77

Ce qui range finalement Paris au 1er rang tisme, de l’art de vivre, du luxe et de la cul-
du classement général sur l’ensemble des ture23, gérant des flux de touristes hors de
critères, devant Stockholm, Berlin, Amster- portée de la plupart d’entre elles, mais pas
dam et Londres. de celle d’une ville d’affaires24.
Il en va malheureusement tout autrement Même si les réalités statistiques disent tout
pour l’étude qualitative sur la perception autre chose : outre son rang de 1er PNB
des personnalités interrogées : cette fois d’Europe, elles pointent une population
Londres passe en tête (et gagne 4 places !), importante et jeune, un niveau élevé de for-
suivie de Paris, Stockholm, Berlin Amster- mation professionnelle, l’excellence de cer-
dam, Barcelone et Milan… taines filières d’avenir (numérique, image,
etc.) la qualité des accès internationaux (air,
4. Perception et image
fer, routes) et des transports publics, la flui-
Que nous apportent ces classements et dité et les performances du marché de l’im-
quelles conclusions peut-on en tirer pour mobilier d’entreprise, le niveau élevé de
l’action ? revenu par tête (47 000 euros), un secteur
De manière générale, on observe que le logistique majeur en Europe, etc. Mais c’est
rang de Paris varie assez fortement en fonc- vrai que ces arguments sont moins glamour
tion de l’opinion des personnes interrogées, et font peu rêver25 : dans la division inter-
et que celle-ci ne correspond pas toujours nationale du travail, et pour le monde entier,
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aux réalités statistiques. C’est sans doute là le job de Paris est de faire et continuer à
que réside pour Paris et la France la ques- faire rêver…
tion centrale et qui devrait constituer le
sujet principal de préoccupation. 5. Survol critique
On l’a vu pour le tourisme ou les IDE, et il Parmi les critiques les plus évidentes,
y aurait fort à parier que les réponses à une quelle foi accorder aux variations (qui peu-
question (jamais posée au demeurant) por- vent être importantes d’une année sur
tant par exemple sur le classement des l’autre) du rang de Paris sur la perception
régions économiquement les plus puis- de certaines de ses composantes structu-
santes d’Europe verrait Londres arriver en relles et résilientes de son offre de service ?
tête pour la majorité des sondés, alors qu’en Par exemple, sur la pratique locale de l’an-
réalité le PNB de la région parisienne lui est glais, la sécurité juridique et politique ou la
d’environ 20 % supérieur22. qualité des transports en commun, Paris
Paris y dispose de l’image, perçue comme perd plusieurs places d’une année sur
positive, de capitale mondiale du roman- l’autre, suivant l’un des classements cités,

22. Cf. Précédemment.


23. Même si sur ce point les choses semblent évoluer en faveur de certains de nos voisins, par exemple l’Italie désor-
mais citée comme première destination gastronomique devant la France (étude Maison de la France, 2003).
24. Particulièrement en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Europe du Nord, et de manière générale, dans les pays
anglo-saxons, les Brics, etc. À l’inverse l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Hollande y sont perçues comme des
pays « sérieux » et « business minded »…
25. « Continuez à nous faire rêver ! » : réflexion de la responsable des achats d’une des plus prestigieuse chaîne
américaine de magasins de mode, lors d’une conférence à New York en faveur des salons parisiens de la mode et de
la création (mai 2011).
78 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

sur chacun de ces items. Sans qu’on ne 75 000 chambres d’hôtels et Londres
comprenne bien pourquoi : les Parisiens 90 000, la destination Paris (seule notion qui
parleraient moins bien anglais que l’année vaille) en offre 150 00026, ce qui la met au
précédente, la sécurité juridique et politique premier rang mondial devant Las Vegas27.
de la France serait subitement dégradée (et Mais Londres, forte du classement en ques-
ce au profit d’une grande ville chinoise !) et tion, pourra continuer de s’autoproclamer
le réseau de la RATP (un des points forts de première ville touristique mondiale auprès
Paris, parmi les plus appréciés par ses visi- des grands investisseurs internationaux.
teurs) aurait perdu les qualités exception- Il en va de même pour les projets d’inves-
nelles de densité et de praticité ! tissements directs étrangers (IDE). Un des
Les biais méthodologiques ne sont pas tou- classements n’hésite pas à présenter les
jours apparents pour le lecteur non averti : mêmes biais : 287 IDE sont annoncés pour
tous les classements ne prennent pas en Londres, contre 87 pour Paris (en fait et non
compte les données géographiques pourtant précisé : intramuros) ! En réalité, « Paris-
facilement vérifiables, par exemple celles Region » (traduction anglaise pour métro-
ayant trait à Paris et Londres. La ville de pole Île-de-France) en a accueilli le triple
Paris occupant 102 km2 pour 2,2 millions (tout en restant néanmoins derrière
d’habitants, celle de Londres environ Londres). Mais quel lecteur fera la diffé-
1 500 km2 pour 8 millions d’habitants, les rence, à la lecture du Financial Times ou de
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comparaisons ne sont bien entendu pas opé- Newsweek depuis Singapour, New York ou
rantes en l’état. La métropole parisienne, même Londres ?
qui forme son unité économique, constitue Le mode de comptabilisation des implanta-
la bonne unité de comparaison. Elle compte tions étrangères sur un territoire varie d’une
près de 12 millions d’habitants sur environ étude à l’autre : certains d’entre eux ne
12 000 km2, incluant la petite couronne qui comptabilisent pas les implantations com-
en compte un nombre comparable à celui de merciales, l’hôtellerie ou la restauration,
Londres, sur une surface légèrement infé- d’autres si.
rieure à 800 km2. Cela n’empêche pas Idem pour la qualification « internatio-
Londres de devancer Paris dans certains nale » d’un investissement étranger, qui
classements, peu attentifs au respect de ces varie elle aussi : pour l’un des cabinets
cohérences d’échelles métropolitaines. cités, elle commence à 10 % du capital
Par exemple, dans un des classements cités investit, quand d’autres28 mettent la barre à
plus haut, Paris est classé derrière Londres 50 %.
en matière de tourisme. Si effectivement la Dans ces deux derniers cas, compte tenu
ville de Paris (intramuros) compte environ des définitions adoptées, on comprend qu’il

26. À eux seuls, les territoires de Roissy CDG, La Défense et Disney accueillent chacun entre 10 et
15 000 chambres, soit pour chacun l’équivalent, ou plus, de la capacité hôtelière de la ville de Nice, deuxième ville
touristique française.
27. Nonobstant le volume des arrivées de touristes : près de 60 millions pour Paris-IDF (dont 50 % d’internatio-
naux) (Comité régional du tourisme-IDF).
28. Dont l’AFII (Agence française des investissements internationaux).
Paris et la France 79

ne faudra pas s’attendre à des rangs Mieux : les capitales que sont Washington
brillants pour Paris dans les classements et Brasilia ne figurent pas dans le top 3 des
correspondants. villes les plus attractives d’Amérique (Nord
Enfin, le choix des critères peut lui aussi et Sud), au profit de New York, São Paolo et
prêter à interrogation : d’une étude à San Francisco.
l’autre, leur importance relative varie consi- Il en va de même pour Price Waterhouse
dérablement : par exemple le critère de la Cooper : sur les 26 villes mondiales les plus
qualité des transports publics vient en tête attractives, 10 d’entre elles ne sont pas des
dans certains classements, mais pas dans capitales, et cinq (comme KPMG) figurent
d’autres. Aucune étude ne prend en compte dans les cinq premières : New York,
des critères peut-être peu courants mais Toronto, San Francisco (les trois premières)
dont la pertinence a pu être vérifiée, par ainsi que Sydney et Chicago, Paris venant
exemple la préférence donnée par les inves- en 8e position, deuxième capitale figurant
tisseurs, toutes conditions égales par au classement, derrière Londres (6e).
ailleurs, aux territoires offrant des équipe- Washington n’apparaît pas dans ces deux
ments adaptés aux rencontres internatio- classements, à l’inverse de Tokyo (14e).
nales, tels que les parcs d’expositions ou les Ce sont donc les métropoles économiques
centres de congrès29. Ce critère est d’autant et non les capitales en tant que telles qui
plus pertinent que des agences de dévelop- sont prises en compte, et c’est au titre de
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pement des territoires, y compris l’ARD métropole mondiale que Paris y figure, et
Paris Île-de-France ou l’AFII, utilisent lar- non comme capitale de la France.
gement ces événements comme outils pour – Autre constat : si Paris représente 29 % du
leur prospection internationale. PNB français, proportion importante et fai-
sant encore débat en France, beaucoup de
6. Paris, en tant que capitale de la France capitales, voire des métropoles régionales
ou en tant que métropole mondiale ? figurant dans les classements, concentrent
Il est intéressant de relever la typologie des une part plus importante que Paris de leur
classements en ce qu’ils ont de commun PNB national (en particulier en Europe du
pour Paris, et en filigrane pour la France : Nord).
– Tout d’abord, ceux-ci prennent en compte Au-delà du fait que ces métropoles, capi-
autant les capitales que les autres métro- tales ou non de leur pays, en constituent
poles telles que Sydney, Shanghai, Mum- naturellement aussi le reflet, comme Paris
bai, São Paolo, New York, etc. Seulement celui de la France, leur poids relatif dans
cinq capitales figurent dans le top 10 des leur économie nationale ne constitue pas en
villes mondiales les plus attractives du clas- soi un critère : ce sont les valeurs absolues
sement de KPMG, et cinq aussi dans les qui comptent.
dix suivantes. – Or Paris est dans la quasi-totalité des cas la
Donc seule une ville sur deux est une capi- seule métropole française à figurer dans les
tale dans le top 20 mondial des villes les classements mondiaux, quand les États-Unis
plus attractives. en alignent cinq (mais pas leur capitale),

29. DATAR, étude sur les critères de choix des investisseurs internationaux, début des années 2000.
80 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

l’Inde deux (New Delhi et Mumbai), la Paris ne fait pas exception, ni la France
Chine deux (Beijing et Shanghai), l’Alle- quand il s’agit d’elle.
magne deux (Francfort et Berlin) ainsi que Il est vrai qu’on chercherait en vain une
l’Espagne (Madrid et Barcelone). corrélation entre des villes dotées d’une
C’est heureusement moins vrai pour les clas- éventuelle politique de marque et leurs
sements spécifiquement européens, pour niveaux de performances dans ces mêmes
autant qu’ils comparent les régions : pour la classements. Cela confirme, si besoin en
France, c’est la région Rhône-Alpes qui est était, les différences de nature entre le mar-
la plus souvent citée après l’Île-de-France. keting des entreprises et celui dit des terri-
Mais Paris fait partie du club des « Villes- toires : ce qui serait considéré comme une
Monde », pour l’instant très fermé, qui catastrophe pour les unes (la marque
comprend en outre New York, Londres et absente des critères de choix des consom-
Tokyo. Si trois d’entre elles sont des capi- mateurs !) devient anodin, voire inexistant,
tales, de nombreux candidats se pressent pour les autres…
aujourd’hui à ses portes, comme Shanghai, Il n’existerait donc pas de demande mon-
Mumbai ou Sidney, qui n’en sont pas. diale de « marque de territoires », en un
– Dernier point : nombre de villes figurant mot pas de « marché » – or pour celle que
dans les tops 10 ou 20, qu’elles soient capi- les territoires attribuent à leurs entreprises
tales de leur pays ou non, se prévalent d’une ou à leurs produits locaux dûment estam-
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politique d’image plus ou moins ancienne pillés, et sur lesquels ils s’appuient pour
et affirmée ; si certaines, mais pas toutes asseoir leurs promotions.
(Shanghai, Mumbai, São Paolo, etc.) ont Est-ce si grave que cela ?
adopté des logos et des chartes graphiques, N’y a-t-il pas, en réalité, confusion dans le
ce ne constitue pas pour autant des poli- sens des mots entre marque et logo, d’une
tiques de marque. part, et entre marque et image, d’autre
Au moins à l’examen de ces différents part ? N’est-ce pas d’abord et prioritaire-
points pourrait-on conclure qu’en raison de ment d’image dont il s’agit, les observa-
l’absence d’autres villes françaises dans les teurs, les décisionnaires internationaux,
classements mondiaux, Paris risque de gar- économiques ou scientifiques, les bench-
der encore longtemps son statut de miroir markers, sentant confusément qu’il n’est à
de la France : non parce qu’il en est la capi- la portée d’aucun territoire au monde de se
tale, mais parce que sa puissance écono- garantir lui-même en tant que « produit »
mique (« Economic Clout » pour PWC) (qualité, prix, etc.), toujours et partout,
reste mesurable à l’aune de celle des comme le ferait la marque d’une entreprise
grandes métropoles mondiales. pour ses produits vis-à-vis de ses clients ?
7. La marque dans les classements ? 8. Paris : c’est l’image
Plus intéressant encore, il n’est nulle part N’est-ce pas justement à cause de la force
fait référence, dans aucun des classements, exceptionnelle de l’image de Paris qu’un
à la « marque » du territoire concerné, nombre important de grands acteurs franci-
quelle que soit son acception, en tant que liens de toutes natures ont choisis pour leur
critère explicite de choix d’investissement. dénomination d’y adjoindre « Paris », en
Paris et la France 81

plus des secteurs traditionnels du luxe et de pas intégrer le phénomène mondial des
la création ? Citons par exemple les cas de classements internationaux dans les straté-
Paris-La Défense (aménagement urbain), gies d’attractivité qu’ils souhaitent mettre
de Disneyland-Paris (tourisme et loisirs)30, en œuvre.
de Paris-Nord Villepinte et Paris-Porte de Parce que ces classements disent en
Versailles (parcs d’expositions) et de leur quelque sorte le droit en matière d’attracti-
opérateur Viparis (pour « Venues in Paris ») vité et constituent, qu’on le veuille ou non,
principal gestionnaire de parcs d’exposi- les arbitres de l’image comparée des terri-
tions et de centres de congrès de la place31, toires, même si, on l’a vu, beaucoup d’entre
mais aussi des trois aéroports parisiens de eux appellent des critiques méthodolo-
l’association académique ParisTech, d’HEC giques, et ne sont toujours pas cohérents
désormais « Paris », etc. avec les vérités statistiques.
Ces exemples concernent des opérateurs pri- Devenus des vecteurs importants de l’image
vés ou semi-publics, ayant pour point com- des territoires à travers le monde, auprès des
mun une certaine emprise physique sur le mêmes publics que ceux qu’ils visent, en un
territoire de l’Île-de-France (constituant mot ces classements réunissent tous les attri-
d’ailleurs souvent des territoires à eux tous buts d’un médium, et à ce titre, rejoignant
seuls), alliée à de fortes ambitions interna- Mac Luhan, ils sont le message.
tionales : ils ont tous des « produits » à Aux territoires donc de les traiter comme
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vendre sur des marchés internationaux (très) tels, en utilisant à leur profit et de façon
concurrentiels. Et à ce titre, ils développent pragmatique, la hiérarchie des « urgences-
logiquement une politique classique de produit » complaisamment délivrée pas les
marque et de logo spécifique, qui s’appuie classements, celle-ci guidant naturellement
sur l’image (et non la marque) de Paris : les choix et les axes stratégiques de l’action
celles-ci aident puissamment à vendre32. publique. Plutôt que d’établir un plan mar-
Si les classements internationaux ignorent keting global du territoire, dont le caractère
donc le concept de marque appliquée à un trop indistinct conduirait au risque de dis-
territoire, néanmoins ils contribuent forte- persion et d’affadissement des messages, la
ment à lui bâtir et lui diffuser son image, et bonne méthode consisterait sans doute,
c’est sans doute un autre sens, plus interne après l’analyse critique des caractéristiques
aux territoires, qu’il faudra donner au terme de chacun des classements, à concevoir
autant de plans qu’ils contiennent de com-
de marque, ce qu’on verra plus loin.
posantes stratégiques prises une à une et
9. Les classements internationaux vus soumises à benchmark.
comme des médias : ils sont le message L’exemple du « Pack accueil » cité plus haut
Il est en effet devenu très difficile désor- est représentatif de cette priorisation :
mais pour les territoires concernés de ne répondant aux critiques récurrentes sur

30. Exemple symbolique : EuroDisneyland à l’origine, rapidement devenu Disneyland-Paris quelque temps après
son ouverture…
31. Filiale d’Unibail et de la CCIP.
32. Par exemple, le choix de se tenir à Paris pour un congrès international lui garantit une augmentation de 20 % de
sa fréquentation (source : Office du tourisme et des congrès de Paris).
82 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

l’accueil des visiteurs, sa mise en œuvre a sus préalable. Mais l’exercice restera toute-
été rapide, moins chère et plus facile à fois difficile à justifier dans le cadre d’une
mettre en place que par exemple la rénova- gouvernance commune et d’un accord en
tion du RER B, sujet tout aussi épineux amont sur un diagnostic et des stratégies
concernant la desserte de l’aéroport de partagés.
Roissy CDG et du parc des expositions de
1. Le management de l’information
Paris-Nord Villepinte. Dans un cas stratégique : bilan statistique,
quelques millions d’investissements régio- bilan d’image
naux sur cinq ans (dès 2005), dans l’autre,
On a vu plus haut les liens entre compo-
500 millions de 2010 à 2012.
santes de l’offre territoriale, surveillance et
benchmark international, images et mes-
III – ÉLÉMENTS DE RÉPONSES sages : l’écart souvent important entre les
POUR DES ACTIONS
perceptions des acteurs interrogés et la réa-
TERRITORIALES EFFICACES
lité statistique constitue sans nul doute l’un
On a identifié plus haut, de manière rapide, des plus difficiles problèmes à traiter. C’est
les différentes contraintes de l’action là le vrai défi et en fait la variable straté-
publique appliquée à la promotion de son gique la plus importante pour le territoire,
territoire. Est-il besoin de préciser à ce qui l’obligera à mettre en place les outils de
stade que celle-ci ne forme pas – et de loin gestion d’une information endogène et maî-
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– un bloc homogène, mais plutôt (et pour trisée, seule réponse possible pour parer à la
simplifier à l’extrême), une sorte de matrice diffusion mondiale d’informations pré for-
figurant le croisement entre les compé- matées, et donc subies.
tences thématiques d’une part, et les diffé- En d’autres termes, il s’agit de concevoir
rents échelons de compétences territo- une véritable politique de traitement de l’in-
riale d’autre part, garantissant l’efficacité formation stratégique en créant une fonction
globale du système ? spécifique de management stratégique de
Du moins en théorie. Dans les faits, livrer l’information. Comme toutes les fonctions
des batailles sur les compétences ou les par- de management, celle-ci devra définir des
ticularismes locaux (mon territoire n’est objectifs et organiser des plans d’action
pas comme les autres) constituent une pour s’engager sans état d’âme sur le champ
menace pérenne de la part des uns et des de bataille mondial de l’information, à l’ins-
autres. L’État, les régions, les départements tar des meilleures pratiques actuelles33, et
ou les communes conservent toujours la sans autres considérations pour le territoire
possibilité d’intervenir chacun à leur niveau qu’un meilleur contrôle de son image et le
dans la mise en œuvre des plans d’actions renforcement de sa visibilité.
communs, voire même d’adopter leurs L’outil de gouvernance devra d’abord se
propres plans, même si ceux-ci ont fait donner les moyens d’un diagnostic quanti-
l’objet d’une concertation et d’un consen- tatif fondé sur l’analyse des statistiques

33. Cf. celles de Londres, dans la presque totalité des compartiments du jeu, y compris pour l’obtention des
JO 2012. Mais aussi, dans un autre ordre, Lyon, Barcelone, Berlin ou encore, Shanghai ou Sydney.
Paris et la France 83

observables disponibles, condition néces- Si on considère les classements internatio-


saire à la réalisation des étapes suivantes. naux comme des médias, il faut donc les
Préalable à l’établissement d’un diagnostic traiter comme tels, à travers l’établissement
partagé sur l’état des lieux, cette première de liens efficaces et suivis avec leurs édi-
action aura pour but la collection et la syn- teurs. Bâtis par le territoire émetteur sur des
thèse des éléments statistiques les plus relations de confiance et de crédibilité, à
caractéristiques du territoire mais aussi les l’image d’une politique de relations avec la
plus utiles à la construction d’un futur argu- presse, elles obéissent à des règles simi-
mentaire34. Dans le but d’élaborer un outil laires : alimentations régulières en informa-
de conviction puissant, prioritairement à tions crédibles et vérifiables, discussions si
usage interne, et bâti sur un socle partagé nécessaire sur les méthodologies utilisées,
par l’ensemble des parties prenantes. mise en place de feedbacks réciproques
Suivra dans un deuxième temps la réalisa- dans des cadres qui ne sont pas nécessaire-
tion d’un état des lieux portant sur les diffé- ment formels, etc., dans l’objectif, assigné
rentes composantes de l’image du territoire, dans la durée, d’une meilleure emprise du
par l’analyse des distorsions de perception territoire sur le traitement extérieur de son
révélées par les classements internationaux, information stratégique.
utilisés eux-mêmes comme outils d’aide à Et concevoir en complément une politique
la décision. et des actions en direction de la presse éco-
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La confrontation des données statistiques nomique internationale, particulièrement
locales avec les éléments perçus tels qu’ils anglo-saxonne. Les actions tournées vers
apparaissent dans les classements puis l’ana- ses correspondants locaux constituent une
lyse des causes possibles des distorsions condition nécessaire mais pas suffisante.
éventuelles constituera l’étape suivante. Elles devront être complétées par l’organi-
C’est à partir de là que pourra être établi le sation d’actions proactives directement à la
bilan sans complaisance des forces et des fai- source, tels des déplacements thématiques
blesses du territoire, objectives et perçues, ciblés dans les pays définis comme priori-
ultime étape avant la mise au point de son ou taires. Ceux-ci seront organisés de telle
de ses positionnements spécifiques, élé- manière qu’ils offrent l’occasion, grâce à
ments structurant la stratégie et les contenus un thème soigneusement choisi, de commu-
du futur plan de communication. niquer localement les principales données
stratégiques du territoire et de parer ainsi
2. Priorités d’un plan de communication
territoriale aux éventuels paradoxes ou aux faiblesses
de son image.
À celui-ci de définir ses objectifs et de hié-
rarchiser ses cibles. Parmi celles-ci, 3. Actions collectives et ciblées : choisir
quelques axes devront prioritairement y les leviers
figurer, dans un esprit offensif mais aussi L’expérience montre qu’une présentation
pragmatique. seulement générale et non ciblée d’un terri-

34. C’est ainsi qu’a pu être établi que l’Île-de-France occupait le premier rang mondial en tant que région touris-
tique, avec un taux d’emploi local majeur, après des études approfondies des statistiques mondiales (OMT) et natio-
nales (Insee, GARP, etc.).
84 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

toire n’est que peu opérante, si on en juge bonne partie sont pourtant leaders mon-
l’efficacité à l’aune des retombées ulté- diaux35, et le prestige très ancien des salons
rieures. Il apparaît nécessaire de créer des allemands, dont les taux de fréquentation
effets de levier, en s’appuyant par exemple internationale sont plus élevés que ceux de
sur les secteurs de l’économie territoriale Paris. Ce programme de promotion interna-
particulièrement performants, et/ou un évé- tionale de place est collectif et concerté,
nement territorial particulier, dans les deux mais revêt aussi un caractère sectoriel, indis-
cas supposés attractifs pour la presse et les pensable à un meilleur ciblage des mes-
leaders d’opinion locaux. Ce qui implique sages. À ces différents titres, ce programme
de donner un caractère collectif et soigneu- suscite une forte adhésion de la part des pro-
sement scénarisés à l’action promotion- fessionnels. Leur présence, souvent au plus
nelle : par exemple, l’organisation de road haut niveau de représentation, aux confé-
shows thématiques, dont l’efficacité repose rences ou débats organisés par l’ARD dans
sur le caractère d’évènement local qu’ils les pays cibles36 contribue fortement à leur
seront susceptibles de revêtir. L’organisation donner sur place un caractère d’évènement,
de débats (plutôt que de présentations ex- améliorant en cela l’impact de ces actions
cathedra) entre les visiteurs (personnalités auprès des cibles visées (journalistes, lea-
du territoire : chefs d’entreprise, médias) et ders d’opinions, fédérations profession-
les leaders d’opinions locaux, en présence nelles, etc.) ainsi qu’auprès de nos représen-
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de la presse, en constitueront le support, sur tations diplomatiques.
des thèmes sectoriels communs intéressant
les deux parties. Les indispensables témoi- 4. « Paris, where business
meets inspiration »
gnages locaux seront eux aussi scénarisés, la
présence des autorités françaises locales Son industrie des salons constitue en effet
(ambassadeurs, chefs de mission) venant un excellent levier pour la promotion géné-
compléter le dispositif en lui donnant un rale de l’économie de l’Île-de-France : les
caractère à la fois animé et institutionnel. articles de presse consécutifs citent en
C’est ainsi que fonctionne le programme de général autant les salons franciliens eux-
promotion internationale des salons franci- mêmes que l’Île-de-France, dont la présen-
liens (PRTS) mis en œuvre depuis plusieurs tation publique fait l’objet d’adaptations
années par l’ARD Paris Île-de-France, dans permanentes en fonction de l’actualité et du
un contexte de concurrence territoriale très contexte local.
forte entre la place de Paris et de nom- Ce type d’action, organisée, consensuelle et
breuses villes européennes, en particulier s’inscrivant dans la durée permet de respec-
outre-Rhin. L’objectif stratégique principal ter plusieurs objectifs simultanés : l’amélio-
est de combler le « gap » d’image entre les ration des performances d’une filière locale
salons professionnels parisiens, dont une stratégique, transversale et multisectorielle,

35. Dans les secteurs automobile, aéronautique et espace, mode et création, agroalimentaires… mais aussi bâtiment,
cartes à puces, matériel de défense, etc.
36. Cinq en Europe, plus les États-Unis, le Japon, les Brics. Au total entre 15 et 20 évènements et conférences
annuelles, générant annuellement plusieurs centaines de citations ou d’articles en provenance des supports locaux.
Paris et la France 85

le soutient à la réalisation des objectifs nale ou internationale. Cette ambition peut


commerciaux des participants, enfin et par s’avérer particulièrement pertinente pour
effet de rebond, la diffusion d’informations des aires géographiques étendues et de forte
essentielles concernant l’attractivité écono- identité comme la Bretagne ou l’Alsace, ou
mique de l’Île-de-France. Dans le cas cité, encore moins étendues mais à faible iden-
un positionnement distinctif et spécifique a tité relative, comme l’Île-de-France37, his-
été soigneusement défini, exprimé en toriquement très ancienne mais de création
anglais par : « Paris, where business meets administrative récente, et pour qui se pose
inspiration ». Il devrait donc permettre, à la question récurrente de l’identité, tant à
force de répétitions, de modifier progressi- l’extérieur38 qu’auprès de ses habitants.
vement l’image de la place de Paris auprès C’est la voie préconisée par la nouvelle
des leaders d’opinion et des décideurs des stratégie de développement économique et
pays cibles, et par conséquent, d’améliorer d’innovation (SRDEI) récemment adoptée
les taux de fréquentation internationale de par le conseil régional d’Île-de-France. Sa
ses salons. décision de créer une marque est fondée sur
le constat que « chacun communique de
5. Consensus internes façon désordonnée » et la nécessité de
Il apparaît que les démarches engagées par « déployer une politique commune et ambi-
certains territoires en vue de créer leur tieuse de promotion », s’appuyant sur la
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propre marque – y compris comme, on l’a création d’une « marque commune ». L’am-
vu, celles destinées à des produits locaux ou bition est clairement affichée : que « cha-
nationaux comme ce que pourrait devenir la cun s’y retrouve », « engendrer une dyna-
marque « France » – n’ont pas comme but mique collective » en direction « du
unique d’aider à leur promotion extérieure. territoire vécu par ses habitants, perçu par
La promotion de l’identité du territoire l’extérieur, et voulu par ses promoteurs ».
auprès de ses propres habitants constitue Regrouper les nombreux acteurs locaux
une retombée qui n’est pas toujours antici- autour d’une « marque » commune, en par-
pée lors du lancement d’une démarche de ticulier ceux qui sont directement ou indi-
marque. En d’autres termes, celle-ci a pour rectement en charge de l’action internatio-
effet d’ériger la marque comme facteur de nale (prospection des investissements
cohérence territoriale et de création de directs étranger, promotion des exporta-
consensus à travers le processus de son éla- tions mais aussi promotion touristique), y
boration, et de dépasser ainsi la cible ini- intégrer une des images les plus puissantes
tiale des acteurs locaux directement concer- du monde – celle de Paris –, surmonter les
nés que sont les professionnels et les particularismes, autant de défis pour une
institutions chargés de sa promotion natio- tâche qui nécessitera patience, compétence

37. Huit départements (dont Paris), plus de 1 200 communes.


38. Par exemple, à la question posée au CRT-IDF à la fin des années 1990 : celui-ci, organisme de promotion du
tourisme régional, devait-il (et si oui comment), envisager de lancer la marque Île-de-France dans le monde ? La
réponse s’est vite imposée : combien de dizaines de millions d’euros et de décennies pour aboutir, alors que Paris
est connu dans le monde entier ? Le CRT a donc pris la dénomination « Paris Île-de-France ». Idem pour l’ARD
quelque temps plus tard : en français ARD Paris Île-de-France, en anglais : « Paris-Region Economic Development
Agency » (PREDA).
86 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

et pédagogie. L’enjeu de son inscription atout maître pour la France : l’offre de Paris
pérenne dans le moyen terme est donc aussi constitue en effet la réponse à des attentes
interne, et constitue ainsi une des compo- mondiales consistantes et durables.
santes majeure de la réussite de la future Si la mondialisation exprime donc aussi,
marque de l’Île-de-France. structurellement, des besoins de culture, de
romantisme et d’art de vivre que satisfont
IV – SYNTHÈSE ET CONCLUSION : au premier rang Paris mais aussi la France,
PARIS ET LA MARQUE FRANCE comment ne pas considérer ce constat
d’abord comme une force ?
Les éléments de réponse et les recomman-
Les conséquences positives sont nom-
dations décrites au chapitre précédant,
breuses, et pas uniquement pour le secteur
s’adressant aux territoires et s’appuyant sur
du tourisme : l’attraction des talents est
l’exemple de la place de Paris, peuvent-ils
aujourd’hui aussi importante que celle des
aussi s’appliquer à la marque France ?
capitaux, et les critères d’attractivité cultu-
Celle-ci ne peut en fait y échapper, les
relle, de créativité et de qualité de vie
contraintes et les logiques en œuvre étant de comptent aussi dans la décision d’implanta-
même nature. Tout en considérant naturelle- tion des entreprises, même s’ils figurent
ment qu’il ne s’agit-là que d’esquisses ne dans les classements derrière ceux de pur
prétendant pas décrire l’exhaustivité des business. Pour nombre de futurs impatriés
actions à entreprendre, mais aussi de socles
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et leur famille, devoir s’installer à Paris ou
méthodologiques bâtis sur l’observation des en France n’est pas ressenti comme la pire
faits. L’attractivité de la place de Paris et des contraintes professionnelles…
celle de la France sont par exemple intime- Mais il existe un inconvénient majeur : le
ment liées, si on se réfère à la presse ou aux fait est que cette image a pour conséquence
classements internationaux. Mais Paris, qu’elle masque l’étendue et la diversité de
seule métropole française à y figurer de l’offre française, expliquant en partie la fai-
manière récurrente, est dotée d’une image blesse relative de son contenu et de sa noto-
d’une puissance et d’une qualité exception- riété auprès des décideurs économiques
nelle, à l’épreuve du temps. Si Paris est mondiaux. L’image de la place de Paris et
incontournable dans tout dispositif de pro- de la France dans la bataille mondiale de
motion d’une marque France, c’est princi- l’attractivité économique reste donc en deçà
palement en raison de sa qualification de son potentiel, mesuré à l’aune de leurs
incontestée de métropole mondiale, et non forces objectives. Il s’agit là d’un défi
pas parce Paris est la capitale de la France : majeur, qui concerne autant la promotion
de plus, « Paris, c’est la France » pour de ses territoires que celle de la marque
nombre d’observateurs internationaux. France.
Mais Paris véhicule aussi des attributs qui Plusieurs pistes émergent, à partir des
lui sont propres : faire rêver le monde constats posés pour Paris, dont bénéficiera
entier, représenter la capitale du roman- utilement la future marque France, en ce
tisme et de l’art de vivre (et ses corollaires, qu’ils sont d’utilité commune à l’élabora-
l’histoire, la création, le luxe, etc.). Ceux-ci tion de leurs stratégies respectives de pro-
ne constituent pas une faiblesse mais un motion et d’image.
Paris et la France 87

1) D’abord admettre définitivement que le conduira à concevoir autant de plans straté-


concept de marque ne peut s’appliquer qu’à giques spécifiques et adaptés, soigneuse-
des produits – et donc à des entreprises –, ment ciblés et excluant tout positionnement
comme démontré plus haut. D’autant que, généraliste et univoque. La définition pour
comme on l’a vu, la marque supposée d’un chaque produit ou secteur de son position-
territoire, prise comme critère de décision, nement et de ses avantages concurrentiels
n’entre en ligne de compte dans aucuns par rapport à son environnement mondial
classements. Ce sont donc des produits sera complétée par celle des avantages
français qui porteront la future marque objectifs et quantifiables que lui offre le ter-
France, sous conditions de critères stricts ritoire sur lequel il est implanté, en l’occur-
d’excellence et de garanties offertes, et rence la France ou Paris. Ceux, qualitatifs
assoiront à ce prix, in fine, la pérennité du mais puissants liés à leur image tradition-
projet. Le caractère national de la démarche nelle, seront par conséquent présentés
devra conduire, au-delà des produits, à élar- comme un « plus produit », constitutif d’un
gir le champ de réflexion aux filières secto- positionnement unique et sans équivalents
rielles qui les portent. dans le monde.
2) Naturellement, réduire à terme les contra- Cette stratégie devra systématiquement
dictions d’images. Pour ce faire, plutôt s’appuyer sur l’administration de preuves,
qu’une approche frontale, on utilisera fondées sur la mise en avant non seulement
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chaque fois que nécessaire cet atout que des données quantitatives disponibles mais
constitue la force de l’image de Paris en tant aussi de témoignages crédibles auprès des
que reflet de la France, en jouant de manière différents décideurs locaux visés ainsi que
habile les paradoxes : « romantisme et art de des médias internationaux, en particulier
vivre » ne s’opposent pas à « business », anglo-saxons40. Ce qui pointe l’urgence de
« culture et histoire » ne s’opposent pas à penser une véritable politique de l’informa-
« secteur de pointe » ou « économie numé- tion stratégique, dans une perspective d’am-
rique », « architecture historique et monu- plitude mondiale.
mentale » ne s’opposent pas à « geste archi- Qui passe elle-même par une politique
tectural et nouvel urbanisme », etc. proactive vis-à-vis de l’industrie mondiale
3) En présentant simultanément ces des classements internationaux, tous d’ori-
(fausses) oppositions en tant que paradoxes gine anglo-saxonne. Sa première priorité
du Paris et de la France d’aujourd’hui, à tra- sera de combler le manque criant d’études
vers des stratégies de promotion sectorielle critiques sur les classements internationaux,
ciblées, on appuiera sur les leviers que et donc de confier à la recherche universi-
constituent les produits et secteurs d’excel- taire française ou européenne les missions
lence39 existant, ou encore les grands pro- d’observation, de critiques méthodologiques
jets urbains tel celui du Grand Paris. Ce qui et de suivi qui s’imposent. Simultanément,

39. Une dizaine rien qu’en Île-de-France, en plus des secteurs transversaux stratégiques (rencontres profession-
nelles, etc.) du projet du Grand Paris, des huit pôles de compétitivités mondiaux.
40. À l’instar par exemple de la campagne de l’AFII dans le milieu des années 2000 en direction de la presse éco-
nomique internationale.
88 Revue française de gestion – N° 218-219/2011

traiter les classements comme des médias, les métropoles asiatiques ou américaines
comme décrits plus haut, reste un impératif : devient naturellement celle de l’Europe. Paris
délivrance régulière et ciblée d’informations en est donc partie prenante, comme Milan,
stratégiques, dans la durée, mais aussi Francfort ou Barcelone le sont ou devraient
réponses publiques régulièrement apportées l’être dans les mêmes termes.
aux points faibles, révélés à partir des critères En un mot, plutôt que de nous la voir impo-
de choix comparés sur lesquels reposent ces sée par le reste du monde, anticipons et
classements (cf. pages 70 et 71 plus haut). bâtissons la solidarité nécessaire entre les
6) Enfin, last but not the least, la marque grandes métropoles européennes. Et désor-
France n’échappera pas à la loi du genre, à mais, pensons la stratégie d’attractivité de
savoir l’utilisation qui devra en être faite nos territoires respectifs, mais aussi celle de
d’abord pour fédérer les acteurs puis consti- la marque France, à travers celle que nous
tuer un élément de motivation commun à voulons pour l’Europe.
l’action concertée. Ceux-ci l’accepteront
d’autant plus qu’ils seront convaincus d’une APPENDICE
volonté publique à la fois réellement inscrite
Quelques idées et observations
dans le temps, mais aussi assortit des moyens complémentaires
correspondant à l’ampleur de la tâche.
Nous présentons ici quelques exemples des
Voir plus loin et plus grand : quelques problématiques les plus courantes, souvent
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idées simples insuffisamment prises en compte par un ter-
Parmi celles-ci, en prenant la hauteur ritoire désireux de promouvoir son attracti-
nécessaire que nous impose l’économie du vité. Elles trouvent généralement leur solu-
monde tel qu’il est aujourd’hui, il apparaît tion à travers l’utilisation rigoureuse des
impératif d’élargir notre champ de vision et outils classiques tels que les analyses des
d’inclure désormais nos territoires et Paris forces et des faiblesses, complétée si néces-
dans l’espace historique et culturel qui est saire par celle, plus délicate, des menaces et
le leur, l’Europe, et qui constitue toujours, des opportunités :
avec ses 490 millions d’habitants la pre- – La prise en compte des différentes varia-
mière puissance commerciale du monde ? tions, d’un pays ou d’un continent à l’autre,
Le regard porté sur l’Europe par les autres de la nature de la (les) demande(s), des
continents et les grands pays émergents a caractéristiques du ou des comportements
progressivement changé depuis dix-huit mois d’achat des cibles visées, sont les condi-
et la crise de la dette souveraine. La solidarité tions d’argumentaires et d’une communica-
européenne, en jeu dans la gestion de cette tion adaptée et réussie.
crise, devrait aussi s’appliquer pour la pro- – Si la mondialisation homogénéise les
motion internationale de l’attractivité des dif- offres, elle a aussi tendance à renforcer la
férentes régions métropoles qui la compose, volonté d’ériger en produit les particula-
et les conduire ainsi à des rapprochements rismes locaux : pourquoi pas. Mais corres-
stratégiques encore inenvisageables il y a pondent-ils à un marché ? Démarche inutile
quelques années. De plus en plus, la promo- sans vérification d’une demande existante
tion de la place de Paris et de la France dans ou potentielle.
Paris et la France 89

– Le manque de culture internationale des mique. Faiblesse qui ne fera vraisemblable-


décideurs de l’écosystème politico-admi- ment qu’empirer dans les années à venir…
nistratif français, qui va souvent de pair – Enfin, le succès d’une politique d’attrac-
avec une pratique de l’anglais insuffisante. tivité et de promotion territoriale se mesure
– Les faibles montants, récurrents et histo- aussi à travers l’état d’esprit que manifes-
riques, des budgets publics consacrés à l’in- tent ceux qui sont en charge de les porter.
dispensable promotion des territoires, aussi En un mot, c’est aussi d’optimisme et de
pertinente soit-elle, en faveur de leur activité confiance en soi et en l’avenir de son terri-
touristique ou de leur attractivité écono- toire, qu’il s’agit…41
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41. À ce sujet, cf. le numéro de juin-juillet 2011 de la revue d’HEC, dossier : « Que vaut la “Marque France” ? »

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