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Pratiques de diversité : portées et limites au regard du

contexte local
Jacques Igalens, Doha Sahraoui
Dans Management & Avenir 2010/8 (n° 38), pages 276 à 292
Éditions Management Prospective Ed.
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.038.0276
© Management Prospective Ed. | Téléchargé le 05/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.67.133.31)

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38

Pratiques de diversité : portées et limites au


regard du contexte local

par Jacques Igalens169 et Doha Sahraoui170

Résumé

L’objectif de ce papier est de présenter l’apport des femmes au management


ainsi que le business case qu’elles représentent pour les entreprises ;
ensuite de jeter un regard sur les différentes pratiques RH mises en place
pour atteindre cette égalité ; finalement, à travers le cas de trois Entreprises
Multi-Nationales opérant au Maroc, analyser la portée et les limites de ces
pratiques au vu du contexte marocain, un pays où la culture est différente
des cultures anglo-saxonnes et européennes où ont été élaborées ces
différentes pratiques.

Abstract
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The aim of this paper is to present the contribution of women to management
and the business case for companies they represent. Also, take a look at the
different HR practices in place to achieve this equality. Finally, through the
case of three MNEs operating in Morocco, analyze the scope and limitations
of these practices in light of the Moroccan context, a country whose culture is
different from the Anglo-Saxon and European culture where these practices
were developed.

Bien qu’inscrite depuis longtemps dans les textes juridiques l’égalité de traitement
des hommes et des femmes dans l’entreprise a longtemps été bafouée. Il a
fallu attendre l’irruption de la notion de « responsabilité sociale de l’entreprise »
(RSE) pour que le thème de l’égalité et celui de la diversité soient sérieusement
abordés par les directions générales et les directions des ressources humaines.
Les Entreprises Multinationales, EMN, en vue du double enjeu performance/
équité auxquelles elles font face, ont été les premières à adopter ces politiques,
notamment dans le cas de l’intégration des femmes au sein de toutes les
instances. Dans le cas de ces entreprises, les politiques de « féminisation » sont
décidées de manière stratégique au niveau de la maison mère et puis déclinées
dans les filiales de par le monde. Le résultat est comparé et vérifié à travers des
quotas de présence féminine exigée, qui sont considérés comme un indicateur
de bonne gestion des femmes. Or, ces indicateurs ne peuvent pas à eux seuls
être le reflet de la réalité que vivent les femmes en interne.

169.Jacques Igalens, Professeur des Universités, IAE Toulouse, jacques.igalens@iae-toulouse.fr


170. Doha Sahraoui, Doctorante, CRM, IAE Toulouse, GRESO, FSJES Marrakech, doha.sahraoui@gmail.com

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Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

La question que nous nous posons est de savoir si ces politiques sont adéquates
et adaptées à tous les contextes  ? L’ordre de priorité fixé par la maison mère
ne serait il pas différent d’un contexte à un autre  ? Autrement dit  : les EMN
devraient-elle contextualiser leurs pratiques de gestion de la diversité et d’égalité
professionnelle ?

Pour répondre à ces questions, nous présenterons d’abord le business


case de la présence des femmes dans les entreprises en l’illustrant avec les
particularités du contexte marocain. Nous reviendrons ensuite sur le débat
théorique, qui porte sur les politiques de gestion de la diversité et les politiques
d’égalité professionnelle, nous synthétiserons par la suite les pratiques RH les
plus souvent adoptées pour garantir l’égalité hommes/femmes. Pour finir, nous
présenterons un bref aperçu des particularités du contexte marocain, pour les
femmes cadres, et nous conclurons en analysant le cas de politiques appliquées
au sein de certaines multinationales au Maroc, nous comparerons ensuite ces
politiques de « féminisation » au contexte marocain et les contraintes de celui-ci
quand on est une femme cadre.

1. Le Business case des femmes dans les instances de


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management

On peut s’étonner que dans le livre vert de l’union européenne qui recommande
l’égalité entre les différentes catégories de salariés, les femmes soient dans
le même lot que les minorités ethniques, les travailleurs âgés, les chômeurs
de longue durée et les personnes défavorisées sur le marché de l’emploi. Ce
constat est renforcé par la classification sur les renseignements tirés des thèses
en GRH en France et édité dans la revue de l’AGRH, où on ne pourrait classer
les problématiques que vivent les femmes dans leur lieu de travail que dans
la catégorie « gestion des catégories particulières de personnel ». Cependant,
aujourd’hui la diversité des équipes dirigeantes, est un indicateur de performance
de l’entreprise. La législation, l’environnement macro- économique171 et l’évolution
sociale, poussent les entreprises vers une intégration des femmes. Les entreprises
ont malgré tout du mal à réussir cette intégration. De par le monde les chiffres
des femmes dans les postes de responsabilité sont encore faibles : 10% dans les
entreprises du CAC 40, un peu moins de 9% de femmes dirigeantes au Maroc
concernant les comités de direction. Le bilan social français permet de mesurer
la proportion de femmes cadres et, à de très rares exception près (L’Oréal) cette
proportion est toujours inférieure au pourcentage de femmes dans l’effectif total.
Au Maroc, cette perception de « cause sociale » de la situation de la femme est
plus accentuée. Pour illustrer ce propos nous présentons deux exemples.

171. Dans leurs differents sites web (BIT, Banque mondiale et OMC) recommandent l’intégration des femmes à l’économie afin de
garantir le développement.

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En premier lieu, dans le code du travail marocain, en plus du «  à travail égal,


salaire égal », la protection de la femme, s’arrête à la protection de la maternité
(congé de maternité plus heures d’allaitement), la protection du harcèlement
moral et de « l’incitation à la débauche ». Une évolution intéressante, consiste à
un passage de l’interdiction de faire travailler les femmes la nuit à une légalisation
du travail des femmes la nuit à condition de mettre à leur disposition les moyens
de transport nécessaires. Le code du travail marocain est encore dans  « une
logique protectrice » (Laufer,2004) d’une catégorie dite vulnérable ou fragile.

Deuxième exemple, dans un pays où le développement économique est


conditionné par l’intégration complète des femmes (BIT, OCDE), l’ONA,  Omnium
Nord Africain, qui est la plus grande entreprise marocaine en terme de chiffre
d’affaires ne compte aucune femme dirigeante et malgré une succession de PDG,
aucun de ces PDG n’a jamais été une femme. Or, l’intégration des femmes dans
le management, représente un véritable enjeu économique pour les entreprises.
Les Américains l’ont compris assez tôt, les études de Schwartz (1994) démontrent
que ce pays possède un avantage compétitif sur d’autres qui n’intègrent pas les
femmes dans leur économie. La « Glass ceiling commission »172, est également
un indicateur de cette politique visant l’intégration des femmes. Le Business
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Case se justifie par les qualités féminines et la performance organisationnelle
qui découlent de la présence des femmes.

Les qualités féminines : Les femmes présentent des qualités de management,


même si au sein de la communauté des chercheurs la spécificité du management
féminin est encore contestée. Certains avancent que tabler sur les qualités
féminines du management ne fait que les ghétoïser davantage (Debry, 2004).
D’autres avancent que les femmes managers ont le même style de direction que
les hommes managers, car pour atteindre ces postes de responsabilité elles ont
du en quelque sorte renoncer à leur féminité et adopter un style de Management
standard valable pour les hommes et les femmes (Kanter, 1997). L’affirmation
ne fait pas encore consensus, Rosener (1990) par exemple définit le style de
management féminin comme un style de leadership transformationnel, qui se
caractérise par son interactivité avec les différents collaborateurs, orienté vers
le relationnel, émotif et encourageant la participation ainsi que le partage de
pouvoir. Même si le débat n’est pas tranché quant à l’effectivité de la relation
entre le genre et le leadership, les perceptions sexuées du leadership restent
elles bien réelles. Le « Women’s Matter 2 », étude menée par le cabinet Mckinsey,
démontre que certains comportements de leadership, fréquemment observés
chez les femmes sont essentiels pour accompagner les enjeux économiques
auxquels font face les entreprises. L’étude démontre pour conclure que l’objectif
n’est pas de favoriser les femmes, mais plutôt de garantir une mixité qui serait
source de compétitivité pour l’entreprise.
.
172 La Glass ceiling Commission a été créée en 1991 en application de la loi publique n°102-106, qui complète la loi sur les droits
civils. Elle constitue un organisme consultatif relevant du ministère du travail.

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Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

Présence des femmes et performance : la mixité des équipes permet d’élargir


l’éventail des sources de recrutement et la panoplie des compétences. S’il est
vrai que la pression démographique fait courir à certains pays le risque d’une
guerre des talents, se priver de candidates dans les hautes qualifications revient
à se lancer dans la course économique en s’infligeant un handicap. Plusieurs
auteurs avancent (Debry, 1994 ; Laufer, 1994) que l’intégration des femmes dans
les équipes permettrait une meilleure fidélisation et une meilleure productivité.
Ainsi, l’intégration des femmes dans les équipes serait source de créativité, et
améliorerait le climat de travail. La présence des femmes n’aurait pas seulement
un impact sur la performance sociale, mais également sur la performance
financière des entreprises. Les études menées par Catalyst montrent que les
entreprises qui ont une proportion intéressante de femmes ont de meilleurs
résultats financiers que les entreprises qui ne comptent pas de femmes dans
leurs équipes dirigeantes. L’étude menée par le cabinet Mckinsey «  Women’s
Matter » va dans le même sens, en démontrant que les entreprises qui comptent
des femmes dans leurs équipes dirigeantes ont de meilleures performances
organisationnelles. Cette performance augmente en fonction d’une masse
critique de femmes dans les équipes dirigeantes (trois femmes dans une équipe
de 10). Ce chiffre est également cité comme nécessaire pour une féminisation
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efficace des conseils d’administration (Kramer, Konrad et Erkut, 2006). Une étude
menée par Michel Ferrary avance que les entreprises qui atteignent un quota de
30% dans les équipes dirigeantes ont mieux résisté à la crise financière que
les autres (Ferrary, 2009). Pour répondre à ce besoin de mixité et d’intégration
des femmes, les entreprises adoptent différentes politiques dont l’objectif est de
réussir la féminisation des équipes. La GRH est considérée par les théoriciens
comme la clé de voûte de l’intégration réussie des femmes. En pratique, l’égalité
Homme-Femmes passe par une politique RH intégrant des variables liées au
genre.

1.1. GRH et pratiques de féminisation 


Au sein des entreprises, la GRH est responsable du plafond de verre et de
l’avancement des cadres féminins (Laufer, 1997). Cette responsabilité se vérifie
au travers des principes d’équité et de justice distributive173 sur lesquels se basent
les politiques RH et qui prônent un comportement organisationnel semblable vis
à vis de tous les collaborateurs de l’entreprise. De plus, la femme étant salariée
de l’entreprise représente un « client interne », dont la fonction RH doit assurer la
satisfaction au même titre que les autres clients internes. Une gestion inefficace
de ce client entraîne une perte d’une valeur « ressource » pour l’entreprise. Pour
Landrieux-Kartochian (2005) « une gestion efficace des ressources humaines et
notamment de leur diversité permet aux entreprises de réduire leurs coûts, ce
qui augmente leur avantage compétitif.  L’existence de politiques de féminisation
agirait comme un signal de l’efficacité de ces entreprises ». Plusieurs pratiques
173. In Igalens J., A. Roger (2007), Master Ressources Humaines, Editions ESKA.

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sont répertoriées comme de « bonnes pratiques » sans que leur efficacité et leur
efficience soient toujours démontrées.

Les politiques d’égalité des chances ou égalité professionnelle se basent


sur un impératif légal et moral et s’appuient sur la négation à priori de toute
différence pour justifier et imposer la parité entre les genres. Les politiques
d’égalité professionnelle s’appuient sur la discrimination positive, en se focalisant
sur le nombre de représentants de la minorité faisant partie de chaque catégorie.
Les politiques d’égalité professionnelle, malgré leurs fondements égalitaires ont
suscité beaucoup de controverses. Ils seraient la cause de la stigmatisation des
catégories minoritaires, de la baisse des standards de recrutement et de promotion
(Bender, 2004). Ces politiques discrimineraient les catégories majoritaires des « 
hommes blancs ».

Pour pallier ces failles, une vision plus globale et stratégique a été intégrée au
sein des entreprises. Le management de la diversité a pour but que chaque
employé maximise son potentiel et sa contribution à l’entreprise. Le management
de la diversité ne consiste pas à renier les différences mais plutôt à les valoriser
et les mettre en avant. Ainsi les politiques de gestion de la diversité, valorisent
les différences et justifient que l’on utilise les femmes là où leur présence est
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supposée apporter un réel avantage. Les politiques de gestion de la diversité
ainsi que l’explique Bender (2004), reposent sur l’intégration de toutes les
catégories, et se focalisent sur la culture d’entreprise, la satisfaction du personnel
et la réalisation d’objectifs.

D’autres typologies existent notamment celle élaborée par Chui et Ng (2001,


1997) et qui distingue entre les politiques en faveur du travail des femmes
« Women friendly », et celles qui sont en faveur de la famille « Family friendly ».
Les premières ont pour objectif la femme au sein de l’organisation. Dans cette
optique, les politiques de GRH doivent être formalisées pour éviter l’impact des
réseaux sur les décisions de promotion et de recrutement où les femmes, comme
l’a démontré la littérature (Laufer, 2005), sont forcément lésées. Les politiques
contre la discrimination et le harcèlement sexuel, les possibilités de formation et
de développement notamment en cas de maternité, sont les axes de ces politiques
de « women friendly ». Les secondes politiques « family friendly » ont elles été
développées suite à plusieurs initiatives du gouvernement fédéral américain, et
servent aussi de « business model » (Bruce, Reed ; 1994). Elles ont pour objectif
de renforcer l’équilibre travail/famille et les avantages liés à la maternité ou à la
paternité tels que les avantages familiaux, la flexibilité de l’organisation du travail
et la garde d’enfants.

Une dernière approche est celle adoptée par Konrad et Linnehann (1995)
reprise dans les travaux de Bender (2004). Cette contribution distingue entre
les pratiques dites universelles qui s’appliquent à tous et les pratiques

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Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

catégorielles qui visent un groupe spécifique et s’apparentent aux approches


de l’égalité professionnelle.

Dans la pratique, les entreprises désireuses d’intégrer les femmes dans les
équipes dirigeantes choisissent ou combinent l’une ou l’autre de ces catégories,
en fonction de la culture de l’entreprise, son histoire, ses objectifs mais également
son degré de féminisation. Plusieurs travaux et recherches174 reprennent les
meilleures pratiques adoptées par les entreprises afin de réussir l’intégration des
femmes au sein des instances de directions. Nous pouvons les catégoriser de la
manière suivante :

Soutien de la direction  : consiste en une mise en place de politiques de


féminisation, qui se traduit par la formalisation et/ou la création d’une unité
dédiée à la gestion de la diversité. Toutes les parties prenantes sont impliquées
afin de mettre en place une culture interne de gestion de la diversité.

Recrutement  : L’objectif est d’établir des descriptifs de postes neutres sans


aucune référence au genre, avec des indicateurs des écarts entre les hommes et
les femmes. Les process de recrutement doivent veiller également à encourager
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les candidatures féminines notamment dans les postes masculinisés.

Rémunération  : Les entreprises désireuses de mettre en place l’égalité entre


les hommes et les femmes, instaurent des indicateurs pour vérifier l’égalité
salariale et s’efforcent de neutraliser l’effet de la maternité sur les augmentations
salariales.

Formation : Le plan de formation intègre la notion de genre ; et veille à ce que les


formations en management bénéficient de manière proportionnelle aux hommes
et aux femmes. Les femmes qui viennent de rentrer du congé de maternité
sont prioritaires pour les formations. Un système de formation continue est mis
en place pour aider les femmes à promouvoir leurs carrières. Des formations
spécifiques en leadership sont dédiées aux femmes Managers.

Gestion de carrières  : La carrière féminine étant différente de la carrière


masculine, les entreprises développent des pratiques spécifiques aux femmes.
Dans ce sens, les pratiques RH développement des pratiques officielles de
Mentoring et des réseaux officiels pour les femmes à haut potentiel. La direction
propose aux femmes des postes comportant des défis afin d’accélérer l’acquisition
d’expérience. Les critères d’évaluation et d’avancement doivent être clairs et
basés sur la performance, tout en mettant en place des indicateurs (Homme/
Femme) en matière de promotion.
174. Les catégories ci-dessus résume notamment les différents travaux de (Belle (1990)  ; Laufer (1998, 2008), Belghiti (2008),
Landrieux-Kartochian (2008), Bender (1994), Les rapports du BIT (1994), les rapports du Women’s Matter 1et 2, Apec (2005), Charron
(2008).

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Conciliation travail/famille  : La conciliation des sphères professionnelles et


privées se réalise à travers des procédures d’accompagnement dans le cas
de congé de maternité. D’autres procédures permettent l’accompagnement
des collaborateurs dans leur vie privée et de déménagement pour cause
professionnelle. Les Responsables RH favorisent les programmes de temps
partiel et l’obligation du résultat sur l’obligation de présence. Certaines entreprises
mettent en place des services dédiés à la personne.

1.2. Femmes cadres et contexte marocain 


Afin de mieux saisir les caractéristiques du contexte marocain, où évoluent les
EMN, dont les pratiques sont censées promouvoir la présence des femmes, nous
présenterons le contexte marocain :

Le statut de la femme dans le droit marocain : La législation marocaine connaît


depuis 2002 d’important progrès, plaçant le Maroc parmi les pays arabes qui ont
le plus avancé en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes.
Toutefois, il demeure encore des efforts à fournir en matière des droits de la
femme notamment en matière d’accès au marché de l’emploi, d’accès à la prise
de la décision dans l’administration, et de participation politique.
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Le code du travail marocain, malgré son évolution reste très flou en matière de
garantie de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Aucune
disposition précise n’est prévue en matière de discrimination dans le recrutement,
la promotion ou la rémunération.

Femme et Islam : L’impact de la religion sur la femme au Maroc est d’autant plus
difficile à saisir, que le contexte marocain représente une ambiguïté complète par
rapport à la question même du religieux.

D’une part, selon la constitution, l’Etat marocain est un Etat dont la religion
est l’islam, ainsi le Maroc est un contexte où le discours laïc est pratiquement
inexistant et où la classe politique entretient une certaine opacité sur le rôle
qu’elle pense faire jouer à la religion175.

D’autre part, le discours porté sur la place de la religion diffère d’une catégorie à
une autre ce qui fait vivre une réelle dualité à la femme marocaine par rapport à
l’impact même de la religion. Même si le Maroc, connait une montée des pratiques
islamiques. Ces mêmes pratiques demeurent mitigées au sein des entreprises.
Selon une étude publiée par la vie économique sur la vie des cadres176, les
entreprises n’auraient pas une organisation tenant réellement compte des
obligations de prière, mais toutes composent en fonction de la pression des
salariés et de contraintes de productivité et de performance.
175. «L’islam au quotidien » (2007), M.ELAyadi, Hassan Rachik, et M.tozy, Editions prologues.
176. www.vieeconomique.ma dossier Août 2008

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Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

Autre signe fort de la religion mitigée au sein des entreprises est le port du voile.
Une femme qui porte le voile, mais également le style de voile qu’elle porte
(Colorée ou sobre) entrainerait des réactions controversées. Ces réactions
seraient justement la cause de discrimination que subissent les femmes au sein
des entreprises. Qu’elles soient favorisées ou discriminées, les femmes voilées
sont dans tous les cas stigmatisées au sein des entreprises.

Certaines entreprises utilisent l’argument religieux comme une stratégie


marketing pour se positionner dans un marché où l’islam tient une place de
religion officielle.

Femmes et politique : Dans ce domaine aussi le Maroc connaît des évolutions


même si beaucoup de progrès sont encore à réaliser. En effet, l’exclusion des
femmes de la direction des affaires publiques est un phénomène qui a perduré
jusqu’en 1998, date à laquelle une femme a été nommée ministre chargée de
l’enfance, protection sociale et personnes handicapées. En 1999, une femme
est promue au poste de conseillère auprès du roi. En 2000, trois ambassadrices
ont été nommées dans différentes régions177. Dans le gouvernement actuel, on
compte 7 ministres femmes pour un total de 33 ministres, alors que le taux de
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représentativité des femmes dans le parlement demeure très faible.

Paradoxalement, alors que la volonté politique est de mettre les femmes en avant
en matière de gouvernance, les urnes ainsi que les partis politiques (au vu des
nombres de femmes présentées sur chaque liste électorale), démontrent que
les hommes et femmes sont encore hostiles à la participation des femmes à la
politique.

Femmes et économie : Les études faites par la Direction des Statistiques au


Maroc pour les années 1997 et 1998 montrent clairement que la participation
masculine dans l’activité économique est largement supérieure à la participation
féminine puisqu’on trouve que 82% d’hommes contribuent par leurs actions
dans l’activité économique. L’activité féminine est sous estimée, car elles sont
majoritairement dans des activités non rémunérées (Emploi de maison). Fait
intéressant, selon une enquête publiée par l’économiste178 chaque année sur
le salaire des cadres : plus une branche se féminiserait et plus le salaire de la
branche baisserait. Les entreprises sont pour recruter des femmes, mais pas
pour un salaire équivalent à celui d’un homme.

Pour conclure, on peut avancer que aujourd’hui la femme cadre vit une situation
délicate. Pour plusieurs raisons, d’abord d’un point de vue légal, la protection de
son égalité avec l’homme est très floue, et laisse place à diverses interprétations.
Ensuite, sur un plan religieux, elle se doit de respecter son statut de musulmane,
177. Malika Benradi 2000, femme et Gouvernance.
178. www.leconomiste.ma, 2007,in Dossier salaires des cadres.

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38

tout évitant d’en donner un signal flagrant avec le port du voile. Enfin, d’un point
de vue économique, malgré l’importance donnée à la femme pour maintenir un
développement économique. Cette place ne se ressent pas dans les chiffres et
indicateurs économiques de l’Etat. On constate néanmoins, de part et d’autres des
initiatives individuelles ou associatives visant à promouvoir le statut de la femme.
Ces initiatives manquent de soutien institutionnel fort, et sont compromises par
une mentalité encore très patriarcale179. On est loin des marches américaines
sous le slogan du « we are all one, we are women ! » ou du slogan chinois  « les
femmes sont la moitié du ciel ».

Selon nous, les EMN ont une responsabilité particulière et l’avènement de la


norme ISO 26000 «  Lignes directrices relatives à la responsabilité sociale  »
devrait, dès l’an prochain, rendre cette responsabilité plus visible. Selon cette
norme la question des droits humains (expression que d’aucuns préfèrent à
celle trop connotée de « droits de l’Homme ») devient pour elles une « question
centrale ». Cette Norme, dans son paragraphe 6.3.7.2. stipule que :

« Les femmes et les jeunes filles constituent la moitié de la population mondiale


mais il est fréquent qu’elles ne soient pas sur un pied d’égalité avec les hommes
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et les garçons pour ce qui concerne l’accès aux ressources et aux opportunités.
Les femmes ont le droit de jouir de tous les droits de l’Homme sans discrimination,
y compris dans le domaine de l’éducation, de l’emploi et des activités socio-
économiques, de même qu’elles ont droit de prendre les décisions en matière de
mariage et d’affaires familiales ainsi qu’en ce qui concerne leur contraception. Il
convient que les politiques et les activités de l’organisation respectent les droits
de la femme et promeuvent l’égalité de traitement des femmes et des hommes
dans les sphères politiques, économiques et sociales ».

Comme on le voit ce paragraphe dépasse les considérations habituelles touchant


au salaire ou à l’évolution de carrière de la femme. L’EMN est-elle vraiment
concernée ? De ce point de vue la norme ISO 26000 va très loin puisque, selon
elle, l’EMN est responsable de l’application des droits humains « dans sa sphère
d’influence  ». Le paragraphe 7.3.2. définit celle-ci de manière très extensive,
il inclut, par exemple, l’opinion publique. Ainsi il ne semble pas irréaliste de
prévoir que les EMN qui décideront librement de suivre les lignes directrices
de RSE proposées par ISO 26000 soient amenées à prendre des initiatives
non seulement pour améliorer la place, le rôle et le statut de la femme dans
leurs filiales mais également pour intervenir dans le débat public sur ce sujet.
En ce sens certains auteurs ont pu qualifier la norme ISO 26 000 de première
norme « politique » concernant les entreprises et leurs relations avec la société
civile (Igalens, 2008). Concernant le Maroc, les EMN ont en depuis plus de trois
ans, dans une grande majorité de cas, entamé des politiques de gestion de la
179. Rapport de l’AFDM (Association des femmes démocratique au Maroc) publiée en 2007, et qui étudie la place des rapports
Homme/ Femme au Maroc.

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Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

diversité. Le plus souvent elles ont adopté une politique, qui s’apparente à la
politique de la maison mère, mais avec des degrés d’évolution différent de la
maison mère et des autres filiales. Aujourd’hui la question que nous nous posons
c’est de savoir si ces pratiques adoptées correspondent aux besoins du contexte
national. Pour répondre à cette question, nous présenterons les pratiques de trois
Multinationales qui opèrent dans différents secteurs, nous analyserons par la
suite les pratiques de ces multinationales en fonction des exigences du contexte
marocain où évoluent les femmes cadres marocaines.

2. Cas des EMN au Maroc

Nous présenterons dans la présente section, les pratiques de féminisation au sein


de trois EMN qui opèrent au Maroc. Nous avons choisi ces entreprises car les
maisons-mères disposent de labels en matière d’égalité professionnelle. Ces EMN
présentent des degrés d’évolution différents en matière d’égalité professionnelle
entre les hommes et les femmes. Pour des raisons de confidentialité, nous
présenterons ces EMN comme les entreprises A, B et C.

Les entreprises A et B opèrent dans les secteurs des carburants et hydro-


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carburants, la multinationale C quant à elle opère dans le secteur pharmaceutique.
Sur la base d’entretiens avec les responsables de l’entreprise (Directeur des
ressources humaines et Responsable Opérationnel et ou DG) et des recherches
documentaires, nous avons pu identifier les pratiques de ces entreprises en
matière d’égalité professionnelle. Pour ce faire, nous avons construit des guides
d’entretiens semi-directifs basés sur les thèmes suivants :

• Stratégie et culture de l’entreprise


• Place des femmes dans le Management
• Description des pratiques RH
• Description des pratiques RH dédiées au genre.

Nous avons effectué 6 entretiens dans les 3 EMN, ces entretiens ont duré en
moyenne 1h30. Les différents entretiens ont été enregistrés et retranscris.
A travers l’analyse thématique horizontale et verticale et les documents de
l’entreprise nous avons pu aboutir aux résultats suivants.

De manière générale, les trois entreprises sont conscientes du business case


de la présence des femmes au sein de leurs organisations et notamment dans
les instances de Management. Ces pratiques s’apparentent plus à des pratiques
de gestion de la diversité que des pratiques d’égalité professionnelle. En effet,
malgré la volonté de féminisation affichée aucun quota n’est fixé en matière de
promotion. Il n’existe pas de structure proprement dite d’égalité professionnelle.

Les politiques pratiquées au sein de ces entreprises sont initiées et contrôlées par

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38

la maison mère. Tout en donnant aux filiales une grande marge de manœuvre,
pour l’application des pratiques et la réalisation de quotas d’égalité.

Le tableau ci-dessous reprend les pratiques dédiées aux femmes dans ces trois
multinationales :
Pratiques de
A B C
féminisation
- La direction soutient les - Un soutien du Management - Culture de gestion de la
politiques de féminisation des politiques de féminisations, diversité,
initiées par la maison
mère. - Des politiques de - Les politiques de diversité
féminisations formalisées avec sont gérées directement
Soutien de la
- L’engagement de des objectifs chiffrées. par la maison-mère,
Direction
la direction dans les
politiques de féminisation - Soutien de la direction
est relativement récent locale des politiques de
(5 ans) gestion de la diversité.
- Descriptif de postes - Descriptif de postes clairs - Descriptif de postes clairs
clairs et neutres des et neutres des références au et neutres des références
références au genre. genre. au genre

- Les managers sont - Encouragement des - Favorisation des


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Recrutement poussés vers le recrutements notamment pour recrutements divers
recrutement féminin, les postes masculins avec (nationalité, genre, religion)
des quotas de 50% à 70% de
- Recrutement féminin femmes comme chiffre objectif.
massif dans les sections
masculinisées ;
- La formation est - La formation est attribuée - La formation est attribuée
attribuée en fonction régulièrement aux hommes et aux hommes et femmes
des besoins du Service, femmes en fonction du besoin en fonction du besoin
du département et avec exprimé exprimé ;
Formation l’accord du supérieur
hiérarchique aux - Formation en leadership
hommes et aux femmes. et Management
spécifiquement pour les
femmes
- Le salaire est - Le salaire est fonction d’une - Le salaire est fonction
fonction d’une grille de grille de rémunération établie d’une grille de rémunération
rémunération établie pour les différents postes établie pour les différents
pour les différents postes postes ;

- Les femmes ayant été - Cette grille est


en congé de maternité annuellement mise à jour
bénéficient d’une prime en fonction des salaires
égale à la moyenne de offerts sur le marché.
leurs anciennes primes
Rémunération de productivité durant les
2 dernières années.

286
Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

- L’entreprise a - Un programme de parrainage


procédé à des est mis en place pour
promotions (verticales accompagner les nouvelles - Les grilles d’évaluation
et horizontales) pour recrues ; s’appuient sur des critères
accompagner sa quantitatifs et qualitatifs
politique de féminisation, - Mise en place d’un clairement définis ;
programme de mentoring
- Les grilles d’évaluation (avec un parrain d’une position - Les différentes promotions
s’appuient sur des supérieure dans une autre en management doivent
critères quantitatifs et filiale ou la maison mère de être approuvées par un
Gestion de qualitatifs clairement l’entreprise), est un programme représentant de la maison
carrière définis ; mis en place pour les femmes mère,
Les promotions à haut potentiel ;
féminines sont - La compétence prime en
appuyées ; - La carrière féminine dans des matière de promotion.
postes masculins est fortement
encouragée et appuyées par la - La présence féminine
direction, est exigée dans les
programmes de Succession
- Un indicateur genre en plan.
matière de promotion est mis
en place.
- Le résultat prime sur - Mise en place d’un - Mise en place d’un
la présence dans des programme de « Working programme de « Manager
Conflit travail- limites tolérables from home » qui permet aux diversity », qui permet aux
famille femmes en cas de besoin de managers qui s’inscrivent
travailler un jour ou deux jours au programme de travailler
de la semaine de la maison à partir de leur foyer.
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Les différentes pratiques de ces trois EMN, cadrent avec l’objectif de féminisation
affichée. D’ailleurs le nombre de femmes présents dans ces multinationales
(en moyenne 30% de femmes dans l’encadrement), suffit à prouver l’efficacité
de ces pratiques. Les EMN A et B sont dans des pratiques catégorielles qui
visent les femmes tout spécialement. Alors que la multinationale C adopte des
pratiques dites universelles, car l’objectif n’est pas une catégorie spécifique mais
l’intégration de toutes les catégories au sein de l’entreprise. La multinationale
A a développé les pratiques prioritaires pour féminiser rapidement les équipes,
la priorité donnée aux femmes dans les recrutements et les promotions, appuie
cet objectif. La rémunération moyenne attribuée en cas de congé de maternité
démontre également de la volonté de dépasser la perception de la maternité
comme un handicap. La multinationale B est dans un stade plus agressif
de féminisation, les pratiques de gestion de carrière sont particulièrement
développées et correspondent aux grilles des politiques de féminisations qui
existent de part le monde. La multinationale C est dans une démarche plus globale
d’intégration de toutes les catégories dites minoritaires, or l’évaluation des ces
pratiques est difficile, car la maison mère est impliquée de manière directe dans
les recrutements et les promotions pour les postes de Management. Et dans ce
cas le choix de la maison mère pourrait suivre un quota ou une orientation qui
découle directement de sa stratégie. Toutefois, la multinationale C se distinguent
par les formations en leadership spécifiques aux femmes. Ces formations, comme
l’indiquent la littérature permettent aux femmes de mieux se familiariser avec le
monde du Management initialement masculin.

287
38

On serait tenté d’avancer que ces EMN arrivent à renverser l’injustice sociale
que subissent les femmes. Or, une analyse plus détaillée de ces pratiques fait
ressortir quelques carences. Malgré l’adoption des pratiques d’égalité, ces EMN
ne comptent pas plus de deux femmes au comité de direction de chacune des
entreprises. Au vu du contexte local, ces pratiques présentent des failles. Premier
point de cassure l’inexistence ou presque de pratiques de conciliation du conflit
travail famille, dans une société où justement le conflit travail famille pèse lourd
sur les femmes managers. Les programmes de travail partiel/ ou de « working
from home » existent mais ne sont pas accompagnés d’une sensibilisation des
managers homme ou femme sur leur intérêt et leur apport. Dans un pays où le
e-travail n’est pas encore banalisé, choisir ce genre de programme reviendrait
à s’auto-limiter dans la perception des managers. Dans la même optique, la
maternité ne bénéficie pas d’un accompagnement de l’entreprise. A part le congé
de maternité imposé, aucun accompagnement formel n’est mis en place. Alors que
le congé de maternité est la boule de fer des carrières féminines (Laufer, 1997 ;
Debry, 2004, Bender, 2004). Même si la promotion des femmes est encouragée,
en l’absence de services dédiées à la personne pris en charge par l’entreprise,
l’accès des femmes à des postes de décision est rare, car une responsabilité
en plus au sein de l’entreprise vient en sus des responsabilités familiales dont
elle a la charge quasi-complète. De plus, dans ces multinationales, l’expatriation
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est une phase obligée de l’évolution de carrière. Or l’expatriation et la mobilité
en général, s’entendent difficilement sans un accompagnement de ces femmes
dans leur vie privée. Deuxième point intéressant est le recrutement, même si
ces EMN s’obligent à féminiser leur recrutement. Elles ne vont pas vers les
universités, ou les écoles de commerce pour amener ces femmes à l’entreprise.
Ils n’existent pas des programmes dédiés à informer sur la réalité des métiers
notamment dans le cas des EMN opérant dans un secteur masculinisé (Secteur
des carburants et hydrocarbures).

Le denier point est la formation, dans un pays où rares sont les modèles
féminins de dirigeantes, la formation est un moyen privilégié pour sensibiliser les
femmes sur leurs capacités en tant que leader, ainsi que sur les opportunités
de carrière (Kanter, 1997). L’absence de ces programmes conduirait à un auto-
plafonnement des femmes, ces dernières estimant que, en tant que femmes
elles seraient inadéquates avec certaines responsabilités de management. On
constate que la volonté d’égalité existe dans ces EMN. Une volonté appuyée par
la mise en pratique de politiques d’égalité professionnelle. Or, ces pratiques ne
règlent pas entièrement la question qui est dépendante du contexte dans lequel
évolue l’entreprise. La prise en compte des orientations de l’entreprise en matière
d’égalité et l’adaptation des politiques aux différents environnements (religieux,
culturel, sociétal) doivent aller de pair. L’appropriation des objectifs d’égalité
hommes/femmes dans des pays tels que le Maroc passe obligatoirement par
l’adaptation des politiques et des programmes aux idiosyncrasies marocaines.
La théorie de la contingence a démontré l’importance de la prise en considération

288
Pratiques de diversité : portées et limites au
regard du contexte local

de l’environnement dans l’élaboration des stratégies internes. Cette prise en


compte ne serait pas superflue, dans le cas des pratiques RH et l’égalité hommes
femmes.

Conclusion

Les EMN devraient-elles contextualiser leurs pratiques d’égalité et de gestion


de la diversité ? Pour le cas des trois multinationales présentées la réponse est
positive. En effet, on peut avancer que le cas de ces trois EMN démontre une
volonté de féminisation des équipes ainsi que la mise en place des politiques
appropriées pour atteindre cet objectif. Ces différentes politiques sont appuyées
par le soutien de la direction qui renforce le principe d’égalité recherché.
Toutefois, on remarque que si un effort important est fourni en interne, la relation
avec l’externe est quasiment occultée des process de féminisation. Or, ainsi que
le précise Laufer (1997) «  les entreprises sont tributaires des mécanismes de
domination masculine ». Atteindre un objectif de féminisation en vue du business
case de la présence des femmes dans l’entreprise, ne peut se faire qu’avec
une intégration de la dimension contextuelle, notamment dans des contextes
patriarcaux forts tel que celui du Maroc. En effet, si dans d’autres pays anglo-
saxons, ou même en France les marches féministes ont commencé depuis le
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19ième siècle (pour le droit de vote), et ont continué pour des droits égalitaires, au
Maroc le mouvement féministe est encore loin de cet aspect revendicatif. Dans
ce sens, la rareté des modèles de réussite au féminin dans le paysage public,
la charge familiale qui incombe aux femmes, rend les pratiques de formation,
d’intégration et de conciliation du travail-famille prioritaires pour ces entreprises.
Ces pratiques en plus des autres politiques égalitaires de promotion, et de
recrutement assureraient une meilleure intégration des femmes aux instances
de Management. Une sensibilisation aux rôles, et aptitudes des femmes au
Management incombe donc aux pratiques RH des entreprises, qui par ce biais
réussiraient mieux l’intégration des femmes. Enfin, pour la relation avec l’externe,
la politique de féminisation pourrait intégrer aussi un volet communication externe.
La communication avec l’externe notamment aurait un double impact :

Premièrement renforcer l’image de l’entreprise en tant qu’opérateur responsable


et conscient de la question féminine.

Deuxièmement, attirer les compétences féminines intéressées par un climat


de travail qui offre l’épanouissement professionnel et des opportunités égales
d’avancement.

Au Maroc, comme en France les « gender studies » ont une place institutionnelle
très effacée, pour ne pas dire inexistante. Les psychologues, les sociologues,
les anthropologues s’intéressent à la place et au statut de la femme dans la
société mais le regard posé sur les liens entre travail et famille est encore très

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38

«  classique  ». Il tend à faire peser les discriminations et les ségrégations qui


parcourent le monde du travail par les rapports sociaux de sexe dans la famille et
dans la religion alors que le monde du travail, l’entreprise en tout premier lieu, est
devenue une véritable institution productrice de valeurs et créatrice d’attitudes et
de comportements. Il revient aux chercheurs en gestion et notamment en GRH
d’apporter des éclairages nouveaux sur l’explication de ces inégalités et de ces
injustices qui frappent les femmes dans les entreprises.

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