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Victoire de Margerie
2008/3 n° 17 | pages 66 à 82
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.017.0066
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2008-3-page-66.htm
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Résumé
Le thème de l’organisation de la gouvernance et de son impact sur la
stratégie de l’entreprise a occupé la recherche académique depuis l’article
publié par Jensen & Meckling en 1976. Quatre théories principales ont
été développées : agence, dépendance des ressources, intendance
et démographie mais depuis 2000, la tendance est à la publication
d’articles « multi théoriques ». C’est aussi en 2000 que les acteurs
français de la gouvernance ont commencé à sortir de la seule conformité
réglementaire pour s’intéresser aux questions stratégiques jusque là
laissées à l’appréciation du seul PDG. La nature des élites et la structure
de l’actionnariat des entreprises expliquent que l’on ait attendu en France
des lois pour ce faire. Mais la pratique s’accélère et les changements de
dirigeants chez Accor, Vinci et EADS en 2006 montrent que nous passons
dans une phase où l’on ne fait pas seulement des lois, on adapte les
structures et on change certains acteurs. Pour refléter ce phénomène en
pleine évolution, nous avons retenu une approche qualitative fondée sur
l’interview de 62 administrateurs de 12 entreprises de l’indice SBF 120. Les
témoignages ont ensuite été conceptualisés pour proposer une typologie
de ces administrateurs (actionnaire patrimonial, actionnaire institutionnel,
expert secteur, expert professionnel, expert global) et une compréhension
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Abstract
Academic research in the field of governance and strategy started with the
reference article published by Jensen & Meckling in 1976. 4 major theories
have emerged: agency, resource dependency, stewardship and demography
but since 2000, all articles tend to refer to a combination of those theories.
2000 is also the year when French boards started to escape a pure regulatory
approach and to focus on strategic questions that were by then reserved to
CEO appreciation only. The specificities of the French elites as well as the
shareholding structure of French companies explain why we waited on laws
to start the process. But there has been an acceleration in the recent years
and the arrival of new CEOs at Accor, Vinci and EADS in 2006 show that we
do not only edict new laws, we also change the structures and some of the
actors. In order to explain this phenomenom, we have retained a qualitative
approach based on the interview of 62 directors of 12 companies of the SBF
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120 stock index.The results have then been used to develop a typology of
board members (long term investor, equity investor, sector expert, function
expert, global expert) as well as an understanding of each director type in
terms of strategic contribution.
Cet article présente ainsi les résultats d’une analyse qualitative de la composition
des conseils d’administration des 120 premières sociétés françaises cotées
et propose une typologie des membres de ces conseils. Il donne un éclairage
sur les caractéristiques de la gouvernance d’entreprise actuelle (hétérogénéité,
transformation) et future (internationalisation, professionnalisation) des
entreprises du SBF 120 et participe ainsi au débat sur la contribution des conseils
d’administration en matière stratégique (utilité, capacité, efficacité).
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1.1. La théorie de l’agence (Jensen & Meckling, 1976 mais aussi Amihud &
Lev, 1981 ; Fama & Jensen, 1983 ; Eisenhardt, 1989; Charreaux, 1993 ; Zajac
& Westphal, 1996) : elle énonce que dans le cadre de marchés efficients, les
administrateurs seront forcés de jouer leur rôle en faveur de la création de
valeur long terme pour les actionnaires face à des managers opérationnels qui
agissent essentiellement en fonction de leurs intérêts propres dans tous les cas
(batailles pour le contrôle de l’entreprise, décisions de restructuration, systèmes
de rémunération, choix stratégiques …). Les actionnaires imposent en effet des
contrôles (via le conseil d’administration) à leurs agents (les dirigeants exécutifs)
afin de réduire le « coût d’agence », c’est-à-dire la différence entre la création de
valeur maximale vue par les actionnaires et la création de valeur réelle compte
tenu des comportements « égoïstes » des agents. Le tout est de déterminer les
modalités pour que le système soit efficace et la théorie de l’agence en propose
principalement deux : le contrôle de la rémunération des dirigeants opérationnels
et l’indépendance des administrateurs (les administrateurs indépendants offrent
au CEO des avis et conseils neutres, au contraire des managers – soucieux de
leur carrière future- ou des consultants/fournisseurs – soucieux de leurs affaires
futures). C’est la théorie la plus citée et la plus utilisée.
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2. Méthodologie
La compréhension d’un sujet récent et évolutif n’est ainsi pas telle que l’on puisse
se permettre de s’engager d’emblée dans la voie quantitativiste C’est donc une
approche qualitative qui a été privilégiée sur la base d’interviews semi-structurés,
le questionnaire servant de point de départ à une discussion où l’administrateur
était invité à mettre en exergue ce qui lui paraissait le plus important. Le but
était de permettre l’émergence d’idées nouvelles, de rechercher des thèmes de
réflexion inattendus et de susciter des approches de solutions originales (Roberts
& Stiles, 1999).
Le territoire de référence retenu est l’indice français boursier SBF 120 afin de
recueillir la plus grande variété de profils d’actionnariat, de modèle de croissance
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et de performance (donc pas le CAC 40) tout en conservant une taille d’entreprise
et une exposition international suffisante (donc pas le SBF 250).
La plupart des recherches menées aux Etats Unis considèrent que l’actionnariat
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sont les autres ? Les financiers : RN, free cash flow, ROCE, valeur d’actif…? Les
non financiers : position concurrentielle, nombre de brevets, qualité des équipes,
satisfaction des clients…? Sur quel laps de temps les estimez vous ? Comment
doit on arbitrer entre les critères de performance court terme et long terme ?
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3. Résultats
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A noter par ailleurs la différence des types de formation : entre les deux extrêmes
(les administrateurs « actionnaires patrimoniaux » à profil quasi-exclusivement
universitaire et les administrateurs « actionnaires institutionnels », avec des
diplômés uniquement de Polytechnique, ENA et Sciences Po Paris), la palette de
profils est large, surtout quand il s’agit d’administrateurs « experts globaux ».
4. Discussion
Nous savons que la mise en commun des ressources est d’autant plus pertinente
quand il s’agit de ressources en capital humain car elles sont tacites, socialement
complexes et difficiles à s’approprier (Carpenter, Sanders & Gregersen, 2001).
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Par ailleurs, toute décision est la conséquence logique des limitations cognitives
des personnes qui la prennent ainsi que des informations par nature incomplètes
qui leur sont présentées pour la prendre (Brown, 1994).
Les entreprises de grande taille (et donc à structure complexe) ont donc intérêt à
favoriser l’échange des informations au niveau du conseil d’administration afin de
mieux contrôler leur environnement (Pichard-Stamford, 2000).
La composition du conseil joue donc un rôle clé et elle doit s’adapter tant aux
différentes étapes de développement – croissance, restructuration, globalisation,
délocalisation …- de l’entreprise (Carpenter, Pollock & Leary, 2003) qu’à son
contexte national, culturel et réglementaire (Fiss, 2006).
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Enfin la collaboration entre les dirigeants exécutifs et non exécutifs est encore
plus importante quand le succès économique se fonde plus sur une dynamique
de croissance et d’innovation que sur des problématiques d’efficience héritées de
la tradition fordiste (Hamel, 2006 ; Makri, Lane & Gomez Mejia, 2006 ; Margerie,
in Bournois & al, 2007 ; Philippon, 2007).
Il nous semble donc que les résultats de cette étude vont dans le sens de
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Conclusion
Nous pouvons déjà utiliser les résultats de cette recherche pour modéliser le rôle
et la composition des conseils en fonction de critères de caractérisation de la
réalité de l’entreprise décrits dans notre partie méthodologique : concentration de
l’actionnariat, stabilité du secteur et nature des actifs (Hambrick, 2007 ; Margerie,
2007).
L’on pourra bien sûr étendre le champ de cette étude en utilisant des méthodes
quantitatives qui permettraient d’évaluer la proportion de chacun de ces 5 grands
types d’administrateurs au sein de la population complète des administrateurs
du SBF 120 et répéter chaque année l’exercice afin de suivre les tendances
d’évolution.
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