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Brigitte Pereira
O
n assiste actuellement à un développement considérable
des chartes éthiques et codes de conduite au sein des
entreprises1. Ces dernières, et plus particulièrement,
les groupes de sociétés et multinationales se sont dotés de
documents éthiques visant à intégrer davantage les principes
d’une responsabilité sociale.
En effet, le commerce international est de plus en plus soumis à
des normes qui débordent de la sphère commerciale2. L’intégration
volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entre-
prises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs
parties prenantes3 constituent moins une question de mode qu’un
impératif lié aux pressions des organisations internationales et
Brigitte Pereira de la société civile. Ainsi, qu’il s’agisse du code de conduite,
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1. Chartes éthiques et codes de conduites : états des lieux d’un nouvel enjeu
social, synthèses, Centre d’études économiques et sociales Alpha, 2004 ;
Desbarats Isabelle, Codes de conduite et chartes éthiques des entreprises
privées : regard sur une pratique en expansion, JCP éd. Gén. 2003., doct. 1.
1129 ; Codes de conduite étude exploratoire sur leur importance économique,
Groupe de travail du comité des échanges de l’OCDE, juin 2000, doc. N° TD/
TC/WP (99)56/ FINAL ; OSMAN, Filali Avis directives, codes de bonne conduite,
recommandations, déontologie, éthique etc : réflexion sur la dégradation des
sources privées du droit, RTD civ. 1995, p. 510 ; Sobczak André, Le cadre
juridique de la responsabilité sociale des entreprises en Europe et aux Etats-
Unis, Droit social, n° 9-10, sept.-oct. 2002, p. 807.
2. Direction des relations économiques extérieures, Ethique et relations écono-
miques extérieures, Les notes Bleues de Bercy, 2006.
3. Définition de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) donnée par
la Commission européenne, Livre Vert de la Commission européenne, 18 juill.
2001.
4. Voir not. Les chartes de Arcelor, Axa, BNP Paribas, Carrefour, Orange,
Thomson ; le Code d’éthique des affaires d’Accenture ; les codes d’éthique des
groupes Valeo, Electrolux, des sociétés Thalès, Shell, Wavecom ; Alstom, UBS ;
les codes de conduite de Accor, Danone, Société Générale, Hennes et Mauritz,
Auchan, American express, Alcan, Total-Fina-Elf, Mattel, Adidas, Coca cola, Ikea,
A. Manoukian, Tupperware ; le code de bonne conduite d’Alcatel ; les codes de
déontologie des groupes Fiat, Renault ; le code général de principes de Philipps ;
Chartes éthiques et codes de conduites : états des lieux d’un nouvel enjeu social,
synthèses, du Centre d’études économiques et sociales Alpha, Etude préc.,
p. 20.
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destinée à matérialiser la responsabilité sociale. Ces codes et catalogue d’intentions et de principes à respecter, sans toutefois
chartes correspondent à des principes qu’une société ou organi- en garantir un contrôle adéquat. Néanmoins, s’agissant des
sation déclare respecter dans ses activités. Plus concrètement, conditions de travail des salariés, l’analyse comporte diverses
il s’agit de l’énoncé « des normes et des principes régissant la appréciations.
manière de conduire une société »5. En effet, c’est sur ce dernier point que l’on est conduit à s’inter-
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Certes, il existe une distinction à faire entre charte ou code de roger sur les effets de tels documents. Reprenant les principes
conduite et le code de déontologie. Ce dernier est fondé davantage de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme11, du Pacte
sur « un référentiel plus structurant de l’activité d’une profession » 6. International des droits civils et politiques12, les principes directeurs
Toutefois, parce que les entreprises se sont dotées de documents de l’OCDE13, ceux du Global Compact14, et plus particulièrement
éthiques comportant des intitulés, comme « déontologie » sans les interdictions du travail forcé, du travail des enfants et les
viser expressément un ordre professionnel, on peut entendre principes de non-discrimination, ces chartes et codes comportent
ces documents comme des documents destinés à promouvoir également des normes de conduite à l’attention des salariés. On
les principes et règles de conduite de l’entreprise. Par ailleurs, pourrait alors rechercher la valeur juridique de ces documents,
les termes utilisés par les entreprises ne répondent pas néces- de même que la mesure de leur application.
sairement à leur sens littéral : En réalité, ce corpus de règles, le plus souvent unilatéral et
D’abord, par « code » on entend « un corps cohérent de textes émanant de la direction, reprend à la fois des textes internationaux
englobant selon un plan systématique l’ensemble des règles et édictent des prescriptions de comportement, ce qui soulève la
relatives à une matière et issu, soit de travaux législatifs…, soit question du paradoxe éthique : consécration répétitive des droits
d’une élaboration réglementaire…, soit d’une codification formelle fondamentaux, mais aussi naissance d’obligations nouvelles
de textes préexistants… et reclassés selon leur origine »7. imposées à travers une déclaration de principes. Ce constat
Ensuite, le terme « charte » constitue l’acte de l’Ancien droit conduit à analyser le contenu de l’ensemble de ces textes pour
qui accordait un titre ou un privilège. En droit anglo-saxon, ce en dégager ses effets. Il semblerait que sur de nombreux points
mot désigne davantage l’acte fondamental relatif aux libertés l’engagement social soit un rappel déclaratif des conventions
publiques 8. Sur le plan international, il s’agit encore de l’acte internationales, tandis que sur d’autres points de véritables
constitutif d’une organisation internationale telle la Charte des prescriptions à la charge des salariés sont développées en dehors
Nations -Unies9. de toute négociation : la formalisation éthique recouvre alors un
En conséquence, ce n’est pas en ce sens que nous devons caractère équivoque (1).
retenir ces termes car il s’agit d’initiative privée constitutive Cependant, le caractère équivoque des chartes et codes d’entre-
de la « soft law » (droit souple) par opposition à la « hard law » prise ne conduit pas nécessairement à en déduire leur inutilité,
(droit dur). On pourrait, néanmoins, penser que l’énoncé de surtout sur le plan international. En effet, le droit international
principes sur des supports comportant des intitulés solennels comporte des limites face aux résurgences des souverainetés
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de développer leurs activités en dehors de toute contrainte16. La chartes et codes de conduite ne produisent pas moins d’effets
RSE demeure donc intéressante en tant que démarche volontaire à l’égard des salariés au point de se poser la question de leur
parce qu’elle permet de consacrer davantage les droits sociaux là valeur juridique. En effet, il existe des hypothèses qui dépassent
où ils ne sont pas garantis, voire d’influencer les législateurs sur le simple caractère déclaratif et qui intègrent le stade de l’enga-
l’adoption de lois nouvelles17. La mutation et le développement des gement formel, telle une adjonction au règlement intérieur d’une
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contribuer à », « encourage », « vise à promouvoir », « participe principe « nul n’est censé ignorer la loi ». Dès lors, les règles sur
à »26. En d’autres termes, non seulement les secteurs et domaines le respect de la loyauté sont rappelées aux salariés sous forme
concernés sont multiples et divers, mais chacun d’eux comprend d’éthique préventive, de la même manière que les engagements
des articulations générales et larges. Il en ressort une volonté de de l’entreprise sont énoncés à l’égard des tiers sous forme de
tendre plutôt qu’une affirmation de matérialisation des impératifs catalogue de bonnes intentions, tels que le respect de la qualité
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sociaux. Cela donne l’image d’un engagement illusoire en ce que des produits et de l’environnement.
les textes comprennent une forme de conditionnement selon les Néanmoins, il serait inexact de prétendre que ces documents ne
conflits d’intérêts d’ordre économique. Le souhait de promouvoir produisent que peu d’effets eu égard au simple rappel de la loi.
les droits de l’homme s’inscrit alors dans la mesure du possible. C’est à travers celui-ci et dans le contexte d’une consécration
Cette remarque conforte l’idée que le contenu éthique de ces de valeurs éthiques que l’on a pu dégager des prescriptions
documents est déclaratif et s’inscrit dans une logique de sauve- nouvelles à la charge des salariés. C’est la raison pour laquelle le
garde de la réputation des entreprises. Par conséquent, on ne caractère équivoque des chartes et codes de conduite comprend
peut occulter une certaine ambiguïté sur le degré d’engagement, non seulement une forme d’engagement illusoire parce que
sur l’étendue des principes énoncés et sur les obligations à la déclaratif, mais également son contraire : l’engagement formel
charge de la direction de l’entreprise. Il semblerait qu’il s’agisse au point de considérer certains codes comme de véritables
davantage d’une politique générale non accompagnée de concré- règlements intérieurs.
tisation opérationnelle. Dès lors, les développements relatifs à la
gestion des ressources humaines ne recouvrent aucune indica-
tion précise : seules sont édictées des formulations telles que 1.2. L’engagement formel :
« l’épanouissement des salariés » ou « le bien-être », « constituent l’adjonction au règlement intérieur
des préoccupations ».
Pour autant, les codes et chartes de conduite sont présentés Si à première vue, les codes et chartes ne semblent relever que
comme des instruments destinés à démontrer l’importance que de l’expression morale de l’entreprise et ne comportent pas de
les entreprises attachent aux valeurs telles que, notamment, la valeur juridique, il existe des hypothèses selon lesquelles certains
non-discrimination, le respect de l’environnement, l’interdiction textes recouvrent une formalisation telle qu’ils en deviennent des
du travail forcé. La question se pose alors de savoir si les textes outils de gestion des ressources humaines. La distinction entre
éthiques ne correspondent pas à une déclaration d’intentions les chartes ou codes éthiques et la règle de droit peut devenir
constitutive de la limite de la soft law. délicate. En effet, les documents éthiques peuvent prendre la
L’imprécision des normes éthiques conduit, en effet, à poser teneur d’une prescription à l’attention des salariés. Ces derniers
les limites de la soft law. Cette loi douce qui matérialise une intègrent alors de nouvelles obligations, parfois, sous couvert de
forme de privatisation du droit fait penser à la simple action de culture d’entreprise. On pourrait se demander s’il n’existe pas des
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selon la Circulaire de 1983, le règlement intérieur comporte des de résultat selon le maintien des bons clients. Il en est de même
règles qui ne sont justifiées que dans la mesure où elles sont pour un cadre d’une entreprise alimentaire susceptible de faire
nécessaires à la fois à assurer la coexistence entre les membres l’objet d’un licenciement pour faute grave pour avoir réétiqueté la
de la communauté de travail et à atteindre l’objectif économique viande périmée. Si le licenciement est justifié, on doit cependant
pour lequel cette communauté a été créée29. Il s’ensuit que les rappeler que les règles internes et contractuelles en entreprise
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par crainte du licenciement »36. Toutefois, les mêmes auteurs et leurs conditions d’application sous peine de sanction ont dû
rappellent que les salariés qui ont dénoncé les faits frauduleux intégrer des modifications pour ne pas s’exposer à des contra-
« ont souffert »37. C’est la raison pour laquelle la loi Sarbannes- dictions avec le droit du travail français : les textes relatifs à la
Oxley a vocation à permettre le principe de dénonciation de faits dénonciation sous peine de sanction ont été supprimés42.
graves sans crainte de représailles. Cependant, il serait réducteur de ne relever que les risques de
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Si un tel dispositif n’est pas condamnable en soi, à condition dérives émanant de la multiplication des chartes et codes éthiques.
d’être facultatif et de protéger la confidentialité des données, la Les entreprises, se développant sur le plan international, sont
question se pose de savoir si cette procédure peut être prévue confrontées à la diversité des droits et lois. Même si on peut
par un code de conduite ou une charte éthique. Cela revient à comprendre qu’elles aspirent à intégrer l’environnement le plus
se demander si les outils tels que conçus par la pratique anglo- avantageux, elles sont conduites à s’interroger sur l’application
saxonne peuvent trouver une application similaire dans les pays des règles en vigueur dans leur pays d’origine. Par ailleurs, si elles
plus légalistes. Par ailleurs, l’approche américaine s’inscrit interviennent dans les marchés non réglementés, le problème
dans un contexte culturel différent des pays à tradition romano- de la responsabilité sociale est alors posé face aux impératifs
germanique : la dénonciation auprès d’une autorité n’est pas internationaux sur la protection des droits fondamentaux. C’est
conçue de la même manière selon les cultures. Dans le système en ce sens que les chartes et codes éthiques recouvrent tout leur
romano germanique, c’est en effet au législateur qu’appartient intérêt et suscitent une certaine adhésion eu égard à leurs effets
de développer les dispositifs d’alerte. Ainsi, par exemple le Code positifs. Il semblerait que le développement de ces documents
du travail français comporte des dispositions équivalentes. En soit utile même si cette utilité est relative.
effet, selon l’article L. 422-1-138, le droit d’alerte est consacré
d’une certaine façon au profit des salariés et des délégués du
personnel lorsqu’il existe une atteinte aux droits des personnes 2. Une utilité relative
ou aux libertés individuelles et à leur santé physique et mentale. des documents éthiques
De plus, l’article L.461-1 du même code39 permet aux salariés
d’exercer leur droit d’expression individuel et collectif de manière Les codes et chartes de conduite recouvrent une utilité certaine,
directe sur leurs conditions d’exercice et d’organisation du travail. même si celle-ci n’est actuellement que relative. Cette utilité est
De plus encore, tout salarié dispose de la possibilité de s’adresser d’abord démontrée à travers sa nécessité dans de nombreuses
à l’inspection du travail pour des faits susceptibles de revêtir hypothèses concernant les salariés (2.1.). Aussi, la relativité de
notamment une qualification pénale. Par ailleurs, le droit pénal cette utilité est-elle davantage démontrée parce que les instru-
consacre également de nombreuses obligations de dénonciation ments adoptés par les entreprises sont voués à faire l’objet d’une
en matière de commission d’infractions40. En d’autres termes, évolution positive (2.2.).
les dispositions légales offrent déjà la faculté pour les salariés
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politique publique et sociale43. De plus la loi du 30 décembre Il peut s’agir de l’emploi de substances polluantes, de l’accepta-
2004 a permis la création de la Haute Autorité de lutte contre tion de cadeaux par les fournisseurs, des risques dénoncés de
les discriminations et pour l’égalité qui peut être saisie direc- certains produits chimiques. Il s’agit, en réalité, de la contrepartie
tement pour des faits de discrimination. Toutefois, les lois de du droit d’alerte professionnelle permettant aux intéressés d’être
2001, 2002, 200444 et encore 2006, conformes aux directives en définitive conformes à ce qu’impose le code de conduite. Il est
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des codes de bonne conduite49. Même si cette démarche visait le critère de la négociation avec les partenaires sociaux. Cette
en premier lieu la protection de la réputation des entreprises, hypothèse permettrait de conférer à ces documents une certaine
elle contribue actuellement à matérialiser la nécessaire respon- valeur consensuelle rendant les intentions éthiques des entreprises
sabilité sociale. Il en ressort une avancée progressive pour les conformes au droit social et aux conventions internationales.
salariés, eux-mêmes consommateurs. Ainsi, par exemple si une On pense, notamment, aux accords-cadres, instrument négocié
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entreprise fait la promotion de ses produits fabriqués selon le entre une entreprise multinationale et une fédération syndicale
respect des conditions essentielles de travail, le consommateur internationale54. Ces accords comprennent les principes fonda-
est plus enclin à l’acquérir. Si en l’acquérant, il découvre des mentaux dégagés par l’OIT relatives aux conditions de travail,
conditions de travail attentatoires à la dignité humaine, il peut ne mais aussi à l’hygiène et à la sécurité. Ce processus permet
plus l’acheter, voire même poursuivre l’entreprise pour publicité d’intégrer une forme de consensus adéquat à la finalité de
de nature à induire en erreur. Tel a été le cas de l’affaire Nike : un l’éthique avant de recouvrir une quelconque valeur juridique. En
consommateur américain a estimé que les déclarations publiques effet, pour qu’il existe une éthique ou une morale, il doit exister un
de l’entreprise sur des conditions de travail des sous-traitants attachement à un groupe55. Autrement dit, la morale d’entreprise
étaient mensongères. Cette affaire a abouti à un accord devant n’a de raison d’être que s’il existe une adhésion collective aux
la juridiction californienne selon lequel Nike s’engageait à investir valeurs. Cela signifie que ces valeurs doivent être la résultante
1,5 million de dollars pour la mise en place de programmes de la réalité du groupe, des salariés, acteurs commerciaux et de
d’éducation et d’audit50. la société civile dans laquelle elle est partie intégrante. On est
En définitive, on ne saurait ignorer l’utilité de la démarche éthique donc conduit à penser que la négociation entre les directions et
à travers la mise en place des codes et chartes de conduite. Cette les institutions représentatives des salariés pourrait restaurer la
utilité, comme démontrée, est certes relative en ce qu’elle ne peut finalité même de l’éthique : l’adhésion aux valeurs communes des
avoir pour vocation de se substituer au législateur de chaque Etat parties prenantes. On pourrait aller encore plus loin et admettre
en dépit des intentions inavouées des multinationales51. Mais, la négociation par voie d’avis, voire de partenariats avec les
parce que relative, l’utilisation et le développement des codes organisations internationales et les ONG. Cela a déjà été amorcé
et chartes est flexible. C’est admettre que ces instruments sont par certaines entreprises. En effet, actuellement, on assiste à
susceptibles d’évolution vers une plus grande éthique conforme une multiplication d’accords ONG-Entreprises face au besoin
au droit. de légitimation des entreprises par rapport aux pressions de la
société civile56. Par exemple, Amnesty International a conclu un
protocole d’accord avec la section française du groupe Casino
2.2. L’instrument sujet à évolution permettant la collaboration avec plusieurs autres entreprises dans
l’élaboration de leurs codes et chartes éthiques57. Ainsi, si les
Parce qu’il s’agit le plus souvent d’acte unilatéral, la plupart des entreprises évoluent vers plus de responsabilité sociale, les ONG
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54. Voir Etude Alpha préc, p. 40 ; par exemple : Union internationale des
49. Belot Laure, Les multinationales reconnaissent une responsabilité morale, Travailleurs de l’Alimentation de l’agriculture, de l’hôtellerie, restauration, du
Le Monde 26 sept. 2003. tabac et des branches d’activités connexes (UITA), Fédération des Travailleurs
50. Trebulle François-Guy, Responsabilité sociale des entreprises et liberté du Bois et du Bâtiment (FITBB) ; Fédération Internationale des Organisations de
d’expression : considérations à partir de l’arrêt Nike v/Kasky, Rev. Social, avril travailleurs de la Métallurgie (FIOM).
–juin 2004, n° 2 p. 261. 55. Durkheim Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris,
51. Thibierge Catherine, Le droit souple. Reflexion sur les textures du droit, 1998 (1912), p. 528.
RTD civ. 2003, p. 600 s ; Sobczak André, Le cadre juridique de la responsabi- 56. Fougier Eddy et Damien Jean, Les relations ONG-Entreprises : bilan et perspec-
lité sociale des entreprises en Europe et aux Etats-Unis, Droit social, n° 9-10 tives, Synthèse des réflexions du groupe de travail, IFRI-Institut de l’entreprise,
sept.oct. 2002, p. 807 ; thèse défendue par Mireille Delmas- Marty, in Aizicovici avril 2005, spéc. p. 25.
Francine, Quand les bonnes intentions inspirent les juges, Le Monde 27 nov. 57. Conférence Amnesty, Club d’affaires, Achats et sous-traitance en liaison avec
2001. les droits humains, 1er juin 2004, Paris ; Perrotin Roger et Loubère Jean-Michel,
52. Code éthique de Thalès ; http://www.thalesgroupenorthamerica.com. Nouvelles stratégies d’achat : sous-traitance, coopération partenariat ?, Ed.
53. Code éthique des affaires de la société Accenture ; cf. not. Sobczak André, d’Organisation, 1997 ; Casino sensibilise ses équipes aux droits de l’homme,
Le cadre juridique de la responsabilité sociale des entreprises en Europe et aux Les Echos, 12 nov. 2003.
Etat-Unis, art. préc. p. 807. 58. Par exemple, Coopération Carrefour et FIDH en 1997 (www.fidh.org).
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droit social plus concret, même si l’on ne peut confondre l’éthique et sociaux. On peut rapprocher cette démarche de celle de la
et le droit, le premier pouvant néanmoins inspiré le second. certification consistant à soumettre l’entreprise au contrôle opéré
Cette évolution conduit à penser que les négociations sur les par les cabinets d’audit indépendants60.
textes éthiques peuvent encore comprendre les quatre parties Cette évolution revient à admettre que le contrôle externe est
essentielles : les pouvoirs publics, les employeurs, les ONG et une nécessité fondamentale quant à l’application des documents
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de conduite pourraient constituer un des moyens significatifs de Gauthier L., L’impact des chartes éthiques, Rev. Française de
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mars-avril 2008
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