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UNITE OPTIONNELLE
Mireille SIGAL
Le dessin de l’enfant en
psychologie clinique
Mireille SIGAL
Le Petit Prince
A. de St Exupéry
Chapitre 5 Le bonhomme 35
A) Evolution génétique
B) Présentation
1) dimension et position
2) la tête
3) la bouche
4) les yeux
5) les oreilles
6) le nez
7) barbe et moustache
8) les cheveux
9) le cou
10) le tronc
11) la poitrine et les hanches-bassin
12) les membres supérieurs
13) les membres inférieurs
14) les caractéristiques identitaires
Bibliographie 72
Devoir n°1 73
Devoir n°2 74
Devoir n°3 77
Devoir n°4 78
MODALITES D’EXAMEN
Les élèves valideront l'option sur la base du contrôle continu et non plus au
terme d'un examen de fin d'année. Ce contrôle continu portera sur le contenu du
cours qui va suivre. ATTENTION : trois devoirs obligatoires sont à rendre
aux dates fixées pour la validation de l'option. (devoirs n° 1, 2 et 3).
Chapitre 1
Introduction générale
L’acte de dessiner est un processus cathartique naturel qui a un rôle
thérapeutique, c’est un message et un autoportrait dans lequel transparaissent les
préoccupations présentes, l’histoire passée et le devenir de l’enfant.
Dessiner est un acte complexe, qui fait intervenir des mécanismes biologiques,
sensoriels, cérébraux et moteurs qui doivent bien fonctionner et être en coordination
suffisante.
C’est une activité considérée comme libre, gratuite et gratifiante pour l’enfant, qui
s’inscrit dans une dimension de jeu et donc de plaisir.
1) Universalité du dessin :
Les enfants ont probablement de tous temps, en tous lieux et sur tous les supports
inimaginables (sable, pierres,…), spontanément dessiné. Il semble bien que l’on puisse
parler d’une universelle « pulsion graphique » depuis les premières empreintes de mains
préhistoriques jusqu’aux tags des adolescents d’aujourd’hui sans omettre les grands
chefs d’œuvres picturaux (tableaux de maîtres, d’amateurs,…).
La décharge motrice qui sert de support à la pulsion s’accompagne d’une véritable
jouissance du contrôle du mouvement corporel, une jouissance de cette liberté d’un
geste maîtrisé, un plaisir du corps dans l’éprouvé du tracé. Dessiner est source et but
d’une jouissance. C’est avec et à partir du corps que s’inaugure le geste graphique,
dessiner est donc un plaisir d’abord corporel. Ensuite vient le plaisir secondaire de
réaliser des formes harmonieuses et correspondant à son ressenti. Le plaisir de
communiquer avec un tiers vient donner au dessin sa pleine dimension.
Dès avant 2 ans l’enfant éprouve naturellement avec plaisir le besoin d’inscrire des
premières traces non encore figuratives : ce sont de simples marques, des taches, des
gribouillages ou des pointillages qui s’inaugurent dans un rapport étroit avec le corps. Il
s’agit de tracés lancés à partir du corps propre. Puis la trace prend forme, devient dessin,
se complexifie et imite le monde extérieur. Il raconte ce que l’enfant voit, croit, ressent,
perçoit… .
Le dessin est une activité appréciée car il stimule le désir universel de s’exprimer et
ainsi de montrer ce que l’on ressent. Pour la plupart des enfants le dessin est un mode
naturel d’expression ainsi qu’un moyen de communication privilégié. Les petits enfants
n’étant pas capables de s’exprimer de façon abstraite avec les mots, ils ont facilement
recours au dessin. A travers les dessins ils peuvent communiquer avec les personnes.
L’enfant est pris tout entier dans son activité et dans sa production qui apparaît
comme un prolongement de son corps en mouvement, un concentré de force motrice qui
réalise une trame, un tissu vivant. Le graphisme fait ancrage. Il est d’abord mouvement
de décharge et d’emprise, expérience jouissive de maîtrise et parfois même d’attaque du
support, froissé, déchiré, perforé… L’acte graphique s’enracine dans le pulsionnel.
Mise en acte d’un corps pulsionnel et de ses ressentis, il cherche, dès les premières
traces, à figurer un « corps psychique » : il présentifie un « être là » du sujet. L’enfant y
inscrit son identité : « Ici je suis. ». Le dessin est donc toujours un autoportrait : « mon
dessin me regarde et je me vois en lui ». Fierté, satisfaction ou au contraire
mécontentement et rejet accompagnent le dessin fini.
L’intérêt pour le dessin d’enfants se développe à partir du XIXè siècle. Ils font pour
la première fois l’objet d’une présentation à l’Exposition Universelle de 1900.
Avec l’enfant ce sont la technique du jeu et ses conséquences qui sont spécifiques.
La limite du langage de l’enfant semblait annoncer son inaccessibilité à l’approche
psychanalytique. En fait, le jeu introduit une différence technique mais pas une
différence de nature dans le travail psychanalytique. Il permet à l’enfant une expression
symbolique de ses angoisses.
Mélanie Klein a mis au point la technique de la psychanalyse par le jeu. En
introduisant le jouet et le matériel du jeu elle va à la rencontre des fantasmes sous
jacents comme s’il s’agissait d’un récit d’un rêve. Elle découvre ainsi que l’enfant est
dans une activité constante de personnification, et, donc qu’on peut considérer son
activité de jeu comme assimilable aux associations libres. Cette personnification ouvre
le théâtre du son monde interne et à ses espaces complexes. Toute la vie psychique
apparaît dominée par le jeu des fantasmes inconscients et les défenses qui y sont liées.
Pour D. Winnicott le jeu deviendra le lieu de l’expérience de la réalité, l’espace où
se déroulent les contacts, les transitions entre l’intérieur et l’extérieur. Le jeu est un
exercice de création d’objets. Le symbole est dans la distance entre l’objet subjectif et
l’objet qui est perdu objectivement. Il met en place la technique du squiggle.
La capacité de jouer ou de dessiner de l’enfant, qui fournit ainsi un texte aussi
analysable que les associations libres de l’adulte, va permettre de préciser le cadre de la
cure psychanalytique de l’enfant et celui des psychothérapies psychanalytiques adaptées
en fonction des troubles.
Les dessins retracent l’existence de celui qui les dessine et révèlent ses pensées et
son moi profond. Le dessin permet non seulement de s’exprimer mais également de
communiquer.
Il peut servir de support dans différentes approches psychologiques d’un enfant.
4) Valeurs du dessin :
Il s’agit donc d’une projection à part entière qui peut être pour certains source
d’angoisse (il n’est qu’à rappeler l’angoisse de la page blanche devant un sujet
d’examen, de l’écrivain, le choc au blanc dans le Rorschach, celui de la planche 16 du
TAT, la fascination du peintre devant la toile vierge,…).
- Valeur narrative
Le choix des objets représentés nous parlent des intérêts, des rêveries de l’enfant
(intérêt périodique : Noël, intérêt temporaire : rentrée des classes, intérêt lié à des
circonstances : divorce, naissance…).
Le choix des thèmes est également révélateur : dessins de princesses, dessins de
guerre pour enfants issus de pays en guerre, scènes de violence,….Thèmes
d’exploration, de découverte, de destruction, de dévoration, solitude, abandon,
agressivité, amour….
Les particularités du dessin signent un sujet spécifique : bonhomme amputé qui
correspond à une blessure, maison toute petite pour un sujet ayant du mal à s’exprimer,
….Aubin a étudié les dessins d’enfants et différentes pathologies : autisme, énurésie,….
Valeur symbolique des objets représentés : le soleil symbolise la chaleur, la vie
et le pouvoir fécondant. Le monde des objets est également un monde de symboles. Le
domaine imaginaire qui tient une si large part dans la vie de l’enfant s’exprime tout
naturellement dans ses dessins.
La lecture symbolique des objets représentés doit s’accompagner de la valeur
projective et affective propre au dessinateur. Ce n’est que dans ce rapport au sujet ici et
maintenant qu’un dessin peut être entendu.
Le choix des objets représentés dépend également des références d’actualité
(dessins animés, évènements récents,…).
L’enfant fournit lui-même les explications et évoque librement ce que le dessin
ou sa rêverie dessinée évoque pour lui.
- Valeur associative
Quand nous étudions le contenu des dessins d’enfant nous voyons que le choix
de certains objets, de certains thèmes, de certaines particularités stylistiques sont
inexplicables pour l’enfant et lui paraissent relever du hasard. Si nous lui permettons de
se livrer à des associations libres hors tout souci explicatif immédiat, ce qui au départ
paraissait inexplicable se trouve en rapport avec une série de thèmes, apparemment
étrangers au contenu du dessin.
Certains objets servent de véritable point d’appel pour des significations
multiples, les objets représentés servent de support à des thèmes de pensées divergents.
Les procédés psychiques primaires fondamentaux (condensation et déplacement) se
retrouvent dans l’élaboration du rêve comme dans celle du dessin. Plus nous disposons
de commentaires explicatifs, plus le sens se précise par un travail de recoupement entre
les différentes chaînes associatives de pensées, ce qui va apporter un élément nouveau et
plausible dans un enchaînement de sentiments et de représentations mentales qui
paraissaient manquer de cohérence.
psychanalytique n’est pas accessible par l’examen du dessin terminé, mais suppose
l’observation du dessin en cours d’exécution. L’étude du dessin achevé est celle d’une
chose qui n’a qu’un rapport indirect avec le déroulement de la pensée de l’enfant. Il
s’agit d’une trace qui n’a de sens que si on garde à l’esprit la série d’actes graphiques
dont elle est issue. Une lecture peut permettre d’avancer des hypothèses mais la
confirmation n’en sera fournie que par les associations individuelles dans une relation
thérapeutique.
L’avantage du dessin c’est d’offrir à l’enfant une activité agréable et
suffisamment désintéressée pour qu’au travers de celui-ci il puisse se laisser aller à
exprimer des sentiments et des pensées qui obéissent aux lois de l’inconscient et
donnent ainsi accès aux fantasmes inconscients.
L’enfant utilise des signes graphiques à valeur représentative, il cherche à
signifier ce qu’il veut représenter par des formes expressives. Il choisit donc parmi les
signes possibles ceux qu’il peut reproduire facilement et qui auront le plus grand
pouvoir expressif. La fonction associative du dessin s’exprime non pas dans le dessin
achevé mais l’élaboration même du dessin, dans sa dynamique constructive. Le dessin
ébauché fait appel à des nouvelles pensées, de nouvelles images qui vont chercher à
s’exprimer et le dessin va évoluer.
S’opposent deux tendances : l’une favorisant l’exécution du thème graphique
initialement conçu, l’autre favorisant des transformations, des adjonctions à l’exécution
du dessin. La seconde est souvent limitée par la première, au risque d’un dessin
stéréotypé, défensif, elle apparaît alors dans des modifications de détails (juxtaposition
insolite, forme ambiguë, éléments supplémentaires, éléments superflus,….).
Si l’acte de dessiner est source de plaisir, la lecture d’un dessin est plus délicate,
quant à son interprétation elle reste la part des thérapeutes.
Chapitre 2
C’est à considérer le dessin enfantin à la fois comme écho d’un moment de la vie
de l’enfant, de quelque chose qui a fait événement, et, comme reflet du travail
psychique qu’à nécessité cette irruption événementielle, de ce travail d’accommodation
nécessaire à l’enfant aux prises avec le monde, avec le réel, que la pratique du dessin a à
s’enrichir. Le dessin est le témoignage de l’enfant, dans son rapport au monde, il est la
traduction, la secondarisation (selon Freud) d’une expérience purement émotionnelle,
originaire (selon Pierra-Aulagnier).
Mais pour qui est-ce que l’enfant dessine? A qui est destiné le dessin? Dans
quelle dimension d’inter-relation s’inscrit-il? Autant de paramètres qui en modifiant la
destination modulent l’utilisation qu’il peut en être fait. A chacun sa valeur, son sens et
son devenir. Il faut savoir en tenir compte pour faire un juste usage des dessins
enfantins.
En général ces dessins sont inaccessibles. Ce sont ceux qui, s’ils n’ont pas
disparus, font partie des trésors inviolables de l’enfant. Parfois ils jalonnent pour les
plus grands les marges du cahier intime, de souvenirs, les bords des cahiers de
brouillon,...la marge de la copie (en manque d’inspiration).
Au départ non destiné à être communiqué à autrui, ces dessins une fois achevés
doivent garder ce statut de stricte intimité.
* Le dessin pour soi qui va être “offert” dans un lien d’une relation privilégiée:
C’est le dessin qui une fois achevé va sortir de cette stricte intimité et va s’offrir
aux regards et aux mots de quelqu’un de particulier. Non destiné à autrui il le devient
dans un après coup dans le témoignage d’une grande marque de confiance envers ce
quelqu’un.
* Le dessin destiné à quelqu’un d’autre mais qui vous est donné spontanément:
Détournement de destination et là encore quelque chose de l’ordre du don, du
témoignage privilégié. « Tiens j’ai fait un dessin pour maman et je te le donne ».
Initialement inscrit dans une dimension de communication il est possible de
parler autour de ce dessin. Mais parler de sa propre place et non de la place de celui à
qui il était destiné, celui qui a été momentanément déchut de sa fonction de dépôt. Ce
n’est pas la place du récipiendaire de penser pour le destinataire initial : « ta maman
aurait trouvé ton dessin joli ».
Il est surtout intéressant alors de travailler ce dessin en tenant compte de ce
changement de destinataire, changement qui n’est pas à assimiler à un déraillement. Il
témoigne d’une relation de confiance double, à vous destinataire présent, mais surtout à
celui qui est absent.
C’est dans cette dimension de trace d’une confiance à autrui que l’enfant veut
signifier à un tiers qu’il faut entendre ce dessin. Ce qui peut en être dit est soumis aux
lois réciproques de la reconnaissance et du respect. Il y a censure morale et sociale. Le
pivot de ce dessin reste l’équivalence de confiance (entre le destinataire
momentanément déchu) et la demande de reconnaissance par l’autre.
2) Demander un dessin :
Etre à l’origine de la demande de dessin implique un travail du respect qui
commence dans la mise à disposition du matériel.
Ne pas faire comme ces orthophonistes qui se plaignaient que “les enfants ne
nous font pas beaucoup de dessins, et puis ils ne nous en parlent pas”. Evidemment
l’une coupait les feuilles en 4 (pour que les dessins puissent entrer dans un dossier dans
les tiroirs), l’autre donnait le dos d’enveloppes usagées, l’autre celui de feuilles déjà
écrites, …
Le moindre respect est de donner une feuille blanche format standard, car cette
feuille le temps du dessin va leur appartenir. C’est pour cela qu’il ne faut pas qu’elle ait
appartenu à quelqu’un d’autre. Il en est de même du papier à entête négligemment
donné à l’enfant dans certaines consultations.
Cette feuille lui appartient, il peut en faire et y faire ce qu’il veut, cet espace est à
lui. Il est déconseillé d’y intervenir en gommant, en écrivant dessus ou en fignolant à la
place de l’enfant. Il est primordial de laisser la feuille à l’enfant, si des notes doivent
être prises cela doit se faire sur un autre support.
Et la mésaventure de cette stagiaire psychologue qui répondait « merci » à un
don de dessin et qui s’est entendue dire : “de toutes les façons tu y avais écrit dessus !”
n’arrivera pas. A qui appartient dès lors le dessin? L’air de dire « tu en avais tellement
envie que tu y a laissé tes traces », l’air de sous entendre que dès lors il a perdu de sa
valeur et qu’accepter de s’en séparer ne mérite pas un « merci » car il ne coûte rien, l’air
de vous dire que vous l’avez gâché, vous n’avez rien compris au monde des enfants, que
décidemment vous êtes comme tous les adultes, dirai le Petit Prince de St Exupéry « des
champignons ».
Même le nom et la date sont à porter à l’arrière du dessin (et après en avoir
demandé la permission) à moins que l’enfant accepte de le faire lui même en signant
son dessin. Ici la dimension est différente de la simple identité on passe à une
identisation dans et par le dessin, une marque d’appartenance. L’enfant signe alors où et
comme il le veut.
Vignette clinique : Natacha dessine avec application car quand on vient voir la
psychologue c’est pour dessiner. Elle semble tellement prise par son dessin que je n’ai
pas envie d’intervenir et je commence à écrire sur ma feuille. Natacha lève le crayon et
attend en me regardant, le silence devient lourd. Surprise je m’arrête et je la regarde et
lui demande “tu as fini?”. “Non” répond-elle, “et toi?”. Gênée et découverte dans mon
manège je ne lui réponds rien et elle se remet à dessiner. Son “et toi?” n’attendait pas de
réponse, il venait simplement marquer mon incorrection par rapport à elle. Il m’a fallu
un certain temps avant de trouver le juste comportement car lorsque j’arrêtais d’écrire
elle semblait agacée que je reste là à ne rien faire et à la regarder comme ça, à la
dérobée. Quand j’écrivais elle me remettait à ma place. Il fallait que je sois là pour elle
sans en avoir l’air. Je me suis donc tue et j’ai commencé à réfléchir à tout ça. Et Natacha
semblait satisfaite car elle dessinait, dessinait, au comble du plaisir.
vous vous posez comme sujet désirant. La demande vient de vous et vous en attendez
quelque chose, un retour. De plus vous lui demandez de vous donner son dessin.
Mise en demeure d’exister d’un sujet, l’enfant, et mise à l’épreuve d’une
relation, celle qui s’établit dès lors entre vous et celui-ci, la feuille blanche va se
transformer en dessin témoin d’un rapport au monde et inscrit dans une relation
historisante, celle du relationnel, du transfert.
Dessiner pour autrui c’est lui faire une demande, il y a des attentes de la part du
dessinateur. Ici c’est lui qui vous demande de recevoir un dessin. La dimension
transférentielle reste la même et le dépôt engage autant le récipiendaire que si c’était lui
qui était à l’origine de la demande. Les dessins vont signifier le passage du réel brut et
dangereux à une réalité acceptable et rassurante. C’est par leur moyen qu’une
individualité, un enfant, va signer à autrui sa présence, son mode d’être au monde à ce
moment là. Manière de se reconnaître en faisant signe: signe à soi-même et signe à
l’autre. Le dessin est alors une sorte de tremplin pour aller de l’avant et il attend de vous
accompagnement.
Dessiner est souvent nécessaire pour aller de l’avant, en laissant des traces
repérables (d’autant plus qu’elles ont été en quelque sorte labellisées par le social, par
l’éducatif, par l’adulte).
b) La dette
Dès lors qu’il y a don le récipiendaire est en dette: il va falloir répondre aux
attentes de l’enfant et en rendre compte, faire renvoi, retour. Cela l’engage à une
position de sujet de confiance (respect, éthique et déontologie) et de garantie.
Se pose alors la question de la qualité du regard porté sur le dessin et de l’attente
de l’enfant : des commentaires, du silence, des questions…. Comment en rendre
compte à l’enfant lui-même? L’enfant est maître d’œuvre de la relation qui émerge du
dépôt de son dessin. Il en décide les conditions et y engage le récipiendaire. Un enfant a
demandé de ne pas montrer ses dessins à sa mère qui attendait dans le couloir : « elle a
les siens, …. ».
Se pose alors la question de la confidentialité de ce qui va être échangé : ne pas
montrer le dessin à autrui, ne pas raconter ce qui a été évoqué à partir de ce dessin...
Parfois certains dessins témoignent de situation de crise où l’enfant peut être en danger
et il est possible dans le cadre de la protection de l’enfant que ce dessin et de ce qui en a
été dit sortent du secret. Un travail d’explication et de sensibilisation à cette démarche
doit se faire auprès de l’enfant. Si un travail de présentation publique (réunion de
synthèse ou article publié) doit émerger de ce dessin il est clair que l’enfant doit en être
informé et avoir donné son accord et ce dans le respect du secret professionnel et de
l’éthique
Se pose encore la question de l’archivage de ces dessins. Un dossier au nom de
l’enfant avec comme garantie que seuls l’enfant lui-même et le récipiendaire peuvent y
avoir accès. Ou bien affichage au regard d’autrui (frigo familial ou mur d’un bureau
avec l’autorisation de l’auteur). La durée de l’archivage est aussi une question qui se
pose. Un enfant me demandait régulièrement de voir son dossier, ses dessins et y mettait
de l’ordre en en éliminant certains dessins et en en rajoutant d’autres. Encore une fois
ces dessins sont sa propriété et lui seul en dispose.
Chapitre 3
Le trait du dessin
1) Le tracé
Dès que l’enfant arrive à un stade moteur contrôlé (2-3 ans) la maîtrise du geste
graphique permet l’élaboration de tracés premiers que sont les gribouillis jusqu’à
l’élaboration d’un dessin complexe. (Cf Chap 8 Génétique du dessin).
Le trait est un graphisme primitif d’avant la communication sociale, il reste de
l’ordre de la trace. L’écriture est un graphisme où la personnalité s’exprime tout en se
disciplinant en vue d’une communication, d’un échange.
A partir de ces premiers tracés on peut observer les tendances vitales du caractère du
dessinateur. Tracé agressif, triste, hésitant….
Parfois dans les dessins un sous ensemble, un raturage qui noircit un espace,
écrase le crayon, voire perfore la feuille relèvent de ce type de tracé à forte charge
pulsionnelle, à caractère agressif.
Prenons par exemple un gribouillage dit de type sadique anal.
Il est caractérisé par des traits acérés, appuyés, vigoureux avec des lignes droites,
anguleuses : sadique anal dit en flèches, avec agressivité franche.
La décharge pulsionnelle peut aussi prendre une forme arrondie, plus souple :
sadique anal rond, avec agressivité plus contenue, plus contrôlée.
Par exemple décharger son agressivité envers le petit dernier par un raturage de
son personnage de type sadique anal mais craindre les répercussions de désirs.
Parfois la tension est tellement forte que le crayon perfore, déchire le papier : la
trace est alors dans le trou, l’absence de trait.
Par exemple Emilie qui va ombrer certaines parties de son dessin du bonhomme.
Ces parties correspondent à une infirmité motrice cérébrale et donc à des zones du corps
non fonctionnelle, contre lesquelles elle est en colère.
Quand le tracé du dessin est plus souple, moins contraint il y a une meilleure
gestion des tensions générées par la partie concernée du dessin.
Par exemple le dessin d’une mère perçue comme autoritaire peut relever d’un
tracé de type sadique anal et celui de la sœur adulée relever d’un tracé dit de
sublimation.
Dans un même dessin plusieurs types de tracés peuvent coexister et refléter des
représentations différentes correspondant à des états psychiques différents selon la
partie dessinée et le ressenti de l’enfant en lien avec cette partie dessinée, cette trace sur
le papier.
2) La couleur :
Dés le commencement la vie de l’homme est réglée par deux couleurs : le bleu
foncé est associé à la nuit et le jaune vif est associé au jour. Ce sont des couleurs dites
« hétéronomes » car elles correspondent à des facteurs indépendants de la volonté de
l’homme (lever et coucher du soleil).
Le phénomène de l’arc en ciel et la diffusion de la lumière est également très
présent dès les origines de l’homme. La couleur a toujours joué un rôle important dans
la vie (des animaux avec les couleurs de parades amoureuses, de l’homme avec les arts
plastiques, les maquillages…).
crées par l’homme. Actuellement le mélange des couleurs répond à une attention
identificatoire (repeindre une pièce et faire faire sa couleur).
Très jeunes les enfants sont inscrits dans une dualité de couleur à référence de
différenciation sexuelle : le rose pour les filles et le bleu pour les garçons. Il s’agit d’une
composante socio-culturelle de la couleur. Le deuil se porte en noir en occident et en
blanc en afrique. Le mariage et le baptême dans les références judéo-chrétiennes se font
en blanc pour signifier la pureté. La couleur est alors une symbolique culturelle.
Chacun d’entre nous avons des couleurs préférées dans lesquelles « on se sent
bien » et qui guident bien de nos choix vestimentaires ou décoratifs. Puis des couleurs
rejetées qu’on ne trouvera pas dans notre environnement. Et bien mal arrive à celui qui
nous fait un cadeau de cette couleur là…. . Il y a des couleurs de références qui restent
la base de nos choix, et des couleurs occasionnelles en fonction du moment, de
l’humeur, du contexte. La couleur est alors reflet de notre humeur, de notre être-là ici et
maintenant. Elles sont également le résultat des différentes identifications du sujet.
Il y a quatre utilisations dans l’emploi des couleurs dans le dessin qu’il est
important de distinguer :
- l’usage non naturel, qui ne correspond pas aux normes de la nature et aux
conventions sociales: le soleil n’a pas à être noir (sauf éclipse), la peau n’est pas bleue
sauf à être dans un pays imaginaire, … . Dans ce cas il faut poser la question du choix
particulier de cette couleur et solliciter l’enfant sur les raisons de son choix. « j’ai fait le
soleil en noir parce qu’il est triste et tout seul dans le noir, il n’a pas de lumière et il a
peur », et cela peut renvoyer à un vécu propre à l’enfant.
L’utilisation des couleurs dans le dessin enfantin est très courante et la plupart du
temps elle renvoie aux références naturelles et aux conventions sociales. Par contre un
choix insolite, une utilisation inappropriée d’une couleur a valeur de projection propre à
l’enfant et à ce titre elle vient signifier un état d’être dont il faut tenir compte.
Une couleur a une structure constante, un sens objectif qui est le même pour tous
quelque soit la culture. Ce qui varie c’est l’attitude subjective du sujet face à cette
couleur : cela va de la préférence à l’aversion. Le choix des couleurs est fonction des
circonstances et reflète l’attitude du sujet, il se fait selon des besoins physiologiques ou
psychologiques.
M.Lüscher a mis en place un test à partir de huit couleurs dont le sujet doit
proposer une sériation allant de la couleur préférée à celle la moins aimée. Ce test
permet d’évaluer la personnalité du sujet selon 7 axes :
Etc…..
Chapitre 4
L’espace du dessin
Le support privilégié du dessin enfantin reste la feuille de papier blanc au format
classique. Les matériaux se réduisent à un simple crayon mais peuvent s’accompagner
de gomme, règle, colle, crayons ou feutres de couleurs selon la demande et le contexte.
Alors cet espace blanc, cette feuille de papier, quelle représentation a-t-elle ?
Que faisons nous lorsque machinalement nous glissons dans les doigts d’un enfant
feuille et crayon? Pour l’enfant à quoi cela correspond?
Espace privilégié de projection, car non organisé: il est blanc, immaculé sans
trace pouvant l’orienter, lui donner sens. L’enfant en dessinant crée et organise le
monde.
La feuille de papier blanc est une sorte de stimulus: elle appelle à organisation, à
gestion de sa structure, appel à, somme toute, projeter sa manière d’être au monde, de
gérer ce rapport au réel intrusif et dangereux.
Ce stimulus particulier (au sens expérimental du terme, c’est-à-dire appelant à
réaction, à réponse) va favoriser le travail psychique, et ainsi permettre en quelque sorte
la mise en oeuvre du sujet dessinant et désirant.
L’enfant y maîtrise son rapport au monde, y gère ses incertitudes, y module ses
inconnus, y exprime ses inquiétudes, y témoigne de ses apprentissages, de sa maîtrise
d’un code social et de sa socialisation (parler humain), y donne de lui-même, de sa chair
et de sa sueur.
Il va commencer ici, puis aller ailleurs, il va se déplacer sur cette feuille blanche.
Parfois au final il la signera. Il va organiser sa projection en reflet avec son organisation
psychique interne, il va s’organiser.
Chacun connaît l’angoisse de la page blanche et a déjà éprouvé la difficulté de
poser la première trace. Parfois mécontent la feuille est jetée, déchirée et le travail
d’empreinte est recommencé car insatisfaisant.
Il est très enrichissant de suivre pas à pas l’évolution du graphisme, ses
déplacements dans l’espace de la feuille, les contenus qui y sont placés, voire parfois
déplacés (gommage). Traduction de la manière dont le sujet va gérer une situation
nouvelle, va faire face, va prendre le risque d’y apposer sa trace sans se perdre soi
même.
Dans les consignes de relevé de dessins dans les tests projectifs à base de dessin
il est toujours demandé de relever l’évolution du dessin et les commentaires,
comportements au cous de la réalisation du dessin. Ce sont des informations essentielles
à la lecture du dessin.
M.Monod (test du village) délimite une zone centrale comme étant la zone de
projection du Moi actuel du sujet.
Conclusion :
L’endroit choisi pour poser sa trace c’est la place que le sujet s’attribue dans les
relations avec le monde, les autres et le sentiment qu’il a de la position qu’il occupe par
rapport à eux en fonction d’une consigne donnée.
L’endroit servant à dessiner telle partie est lié à une attribution projective
inconsciente. Il est normal que la tête soit située au dessus du corps sauf si l’on
s’appelle Dali ou si cela signifie quelque chose pour le dessinateur. Des conventions
sociales et d’apprentissage sont acquises peu à peu.
Chapitre 5
Dessin du bonhomme
A) Evolution génétique :
Avant toute lecture d’un dessin de bonhomme il est important de tenir compte de
l’évolution génétique de cette représentation humaine. Il s’agit d’une maturation à la
fois grapho-motrice et psychique.
A 2-3 ans le cercle est la synthèse du corps et de la tête, avec ou non les détails du
visage. C’est l’enfant qui nous signifie que ce bonhomme têtard est un monsieur ou une
dame.
Puis vers 4-5ans des jambes et des bras sont fixés sous le cercle central de ce
bonhomme têtard, le contenu du visage est marqué.
A 7 ans les bras et les jambes sont en double trait, l’identification du bonhomme
va se faire par les vêtements et les caractéristiques secondaires (chaussures, type
d’habit, objet,…), début du mouvement.
8 ans voit l’apparition du cou et des épaules, les jambes sont jointes et les pieds
orientés.
B) Présentation:
1) Dimension et orientation :
La taille du bonhomme (si dessin unique) est fonction de l’âge et de la morphologie
du dessinateur. Elle est l’expression de l’auto-estimation de l’enfant. Dans un dessin
multiple cette taille est en lien avec les fonction de la place attribuée au sein du groupe
par l’enfant.
Un grand bonhomme témoigne d’une assurance, d’une confiance en soi mais
également d’une surcompensation, d’une personnalité envahissante.
2) La tête :
La tête est le lieu de la communication sociale, celui du contrôle intellectuel sur
les impulsions, celui de la vie imaginaire.
Les bonhommes aux tête valorisées relèvent de personnalité soit narcissique, soit
d’un sentiment d’exclusion ou de dépression, soit d’une valorisation du l’aspect
intellectuel de la vie.
Les toutes petites têtes revoient à une démission dans les échanges socio
affectifs, un manque de contrôle ces échanges.
Les têtes sans visage témoignent d’une absence de communication, on les trouve
souvent chez les enfants très inhibés, parfois à tendance psychotique.
3) La bouche :
Elle a une double signification : alimentaire et affective, érotique.
Les bouches serrées linéaires, le bouche dentées, les bouches épaisses et dures
relèvent d’un état de tension voire d’agressivité.
Les bouches aux coins relevés signent un bon caractère, de la bonne humeur. A
l’inverse les coins tombants signent une tristesse, une bouderie,….
4) Les yeux :
C’est bien souvent ce que l’on regarde en premier dans une rencontre, on y
scrute la présence du sujet en face. Ils participent beaucoup au contact social, nous
renseigne sur les sentiments de celui qui est en face. Sorte de « fenêtre sur l’âme ».
Les yeux ascendants sont signe d’extraversion, les yeux descendants
d’introversion, de tristesse..
Toute particularité là encore est à évoquer avec l’enfant. Des yeux sans pupille
peuvent correspondre au non voir, à la cécité.
5) Les oreilles :
Lieu d’écoute du monde extérieur, elles signent quand elles sont particulières
une préoccupation pour l’entendre (les dires de quelqu’un), le savoir (désir
d’apprendre ou difficulté d’apprentissage avec les oreilles d’âne), une sensibilité à la
critique. Le sens en est donné par l’enfant lui-même quand on le sollicite.
Attention au lien avec une surdité réelle plus ou moins bien vécue.
6) Le nez :
Présence discrète dans le visage, le nez n’est en général pas un point
important du dessin.
Par contre toute accentuation ou déformation est à entendre avec l’enfant,
il est symboliquement un équivalent phallique (cf Cyrano de Bergerac).
7) Barbe et moustache :
Ils font partie des caractéristiques sexuelles secondaires (au même titre que
certains vêtements ou objets). On connaît les légendes concernant les femmes à barbe.
8) Les cheveux :
Tout le système pileux vient signifier l’appartenance sexuelle, le narcissisme. Là
encore on connaît les croyances populaires sur les performances sexuelles des hommes
chauves.
9) Le cou :
Il est le chaînon entre la vie intellectuelle (la tête) et la vie instinctuelle (le
tronc). Dans la majorité de dessins il est présent sans particularité.
Un long cou de girafe est signe de curiosité (tendre le cou), d’ambition. Un cou
épais ou resserré marque une tentative de contrôle des pulsions instinctuelles du
tronc avec signe d’impulsivité voire d’agressivité.
10) Le tronc :
Il est donc le lieux des instincts et des pulsions. Il peut être de deux types. Le
type féminin avec une ovalité harmonieuse, de type masculin avec un côté
massif et anguleux .
Parfois dans les poches, dans le dos, ombrées, scotomisées… c’est avec l’enfant
qu’il faut en saisir le sens.
La position des jambes et des pieds est en relation avec la sensation de stabilité
intérieure du dessinateur.
Le plus couramment les jambes et les pieds sont légèrement écartés et parallèles:
sujet sûr de lui, bien ancré dans la réalité, stable.
Les jambes et les pieds resserrés sont le signe d’une timidité, d’une inhibition,
d’un manque d’assurance.
Masculin : pipe, canne, chapeau feutre, cartable, pantalon, cravate, barbe, poils
torse et jambes, cigarette, fusil, …
Chapitre 6
Quand le dessin de la famille est fait de manière spontanée, il ne peut pas faire
l’objet d’une interprétation clinique. Il peut être parlé avec l’enfant à partir du texte de
son dessin et de ses commentaires. Il sert alors de support aux échanges relationnels.
Par contre quand il est demandé dans le cadre d’une évaluation psychologique il
fait référence au test du dessin de la famille selon son auteur Louis CORMAN (1967) et
répond aux exigences de passation et de cotation référencées à ce test.
Matériel : une feuille de papier blanc format A4, un crayon noir à mine dure.
L’usage de la gomme, de la règle, des couleurs est non exclu (cela rallonge simplement
le temps d’exécution).
Demande : « Dessine moi une famille » ou « imagine une famille de ton invention et
dessine la ».
Si on demande à l’enfant de dessiner « ta famille » la projection de soi et la
possibilité de s’écarter de la famille réelle, de projeter sa perception et de non coller à
une famille stéréotypée sont bloquées. Il est important de laisser la plus grande liberté
d’exécution (matériel, temps, commentaires…).
S’y rajoute toute question liée au dessin lui-même, à ses particularités. La présence
d’un monstre, d’un personnage imaginaire peuvent être signe d’inquiétude,
d’angoisse… .
L’interprétation clinique du dessin se fait selon 4 axes : les éléments formels, les
contenus, la cotation et la clinique. La lecture que nous allons proposer va prendre en
compte quelques éléments de la cotation et de la clinique. Elle ne peut en aucun cas
donner lieu à une évaluation standardisée.
La lecture du dessin commence par l’appréciation de certains éléments formels
comme le niveau graphique, l’emplacement des personnages suivant la symbolique de
l’espace, la qualité du trait du dessin: ampleur, force, épaisseur (se référer au tracé dans
le Test du Gribouillis) en fonction du personnage dessiné, le geste graphique ample, sur
toute la feuille (extraversion, expansion vitale) ou de faible amplitude (inhibition, repli
sur soi), le rythme du tracé : répétitions, stéréotypies, contraintes (manque de
projection),….Puis les modalités d’expression du ressenti par des processus particuliers
(mimiques, verbalisations, gestuelles,…).
Dans ce dessin deux personnages sont valorisés : la mère par sa grande taille, son
volume et sa place centrale, et un frère dont le graphisme qui lui est associé est en gros
caractères et traits épais (son nom et le lien familial).
Dans ce dessin le grand père est dévalorisé par sa situation isolée, sa position
allongée (faiblesse et /ou manque de communication).
Dans ce dessin le petit personnage en dessous du père est un personnage rajouté, qui
est le seul à ne pas être nommé, il est le double de la dessinatrice Coralie et est porteur
d’une relation proche d’avec le père (souhaitée ou rejetée selon les commentaires de
l’enfan dans une problématique oedipienne potentielle, ou une rivalité fraternellet).
Dans ce dessin le rapprochement des deux personnes est sans équivoque et très
sexuel (ligne rejoignant les deux sexes).
Ici chacun des personnages est « embullé » dans une poche, malgré le côté joyeux
du dessin le manque ressenti de communications est évident.
E) Clinique dudessin de la famille : deux axes sont essentiellement explorés dans cette
approche. Les rivalités fraternelles et les relations aux parents sont principalement
abordés.
a) Les relations fraternelles : au sein d’une cellule familiale la rivalité fraternelle est
normale et motrice dans le développement de l’enfant. On y trouve :
- la relation d’agressivité franche qui est rarement exprimée dans le dessin mais qui peut
sortir à l’enquête. Elle aussi peut être assumée par un animal. Le dessinateur peut
également s’omettre dans le dessin pour ne pas avoir à assumer l’agressivité ressentie,
- la relation agressive détournée par la dévalorisation du rival, le thème de l’enfant
unique (plus de rivalité), le dessin sans enfant (rivalité globale contre toute la fratrie), la
dépréciation du rival (dessin ou enquête),
- l’indifférence est plus rare,
-la réaction dépressive avec retournement de l’agressivité contre soi par élimination ou
dévalorisation de soi (peur de la punition de sa propre agressivité),
-la réaction régressive ou identification à un bébé: revenir à une époque moins
anxiogène (conflit non encore existant), dépression et régression sont alors associées.
Dans ce dessin la rivalité fraternelle est signifiée par la mise en clans : celui des
filles du côté de la mère, celui des garçons du côté du père. De plus la taille aussi
importante du petit dernier de 1 an et sa place en bout de ligne signifie bien la trop
grande importance ressentie et le désir de mise à distance par G 16 ans.
L’objectif est d’établir comment l’enfant gère l’enjeu des relations fraternelles, s’il
en est arrivé à un compromis d’agressivité et de tendresse (signe de bonne adaptation).
b) Les relations aux parents : tout comme les rivalités fraternelles, l’expression des
positions oedipiennes est normale et motrice du développement de l’enfant. On y
trouve :
- la situation oedipienne franche avec identification au parent du même sexe
(identification de désir), rapprochement avec le parent du sexe opposé, agressivité
jalouse contre le parent du même sexe, voire dévalorisation ou élimination du parent du
même sexe,
- les situations oedipiennes masquées: le conflit est important, la censure plus forte:
l’agressivité oedipienne est symbolisée par un animal (au-delà de 12 ans = immaturité),
des relations à distance entre les personnages, un repli narcissique sur soi (se dessine en
premier, se survalorise): déception dans les relations aux parents, une impossibilité ou
refus d’investir préférentiellement les images parentales, une régression pré-oedipienn
Le dessin d’une famille est d’une très grande richesse. Sa facilité de réalisation ne
doit pas masquer la difficulté de lecture de tels dessins. Il est très important de tenir
compte des commentaires de l’enfant pour guider notre lecture de son œuvre, sans eux
le dessin reste d’une platitude désespérante.
Il n’y a pas d’effet d’apprentissage et la qualité du dessin va varier en fonction de
l’évolution de l’enfant et de sa perception de la famille. En cela il est un bon outil
d’observation et de communication dans un suivi thérapeutique afin d’accompagner
longitudinalement les aménagements psychiques.
Quant à l’interprétation clinique (et non une lecture simple) plusieurs méthodes sont
proposées selon différents auteurs et est réservée aux professionnels.
3) L’enchantement :
Parfois la censure est trop sévère et la projection reste pauvre, conventionnelle.
L’utilisation de la technique de la famille enchantée selon M.KOS et G.BIERMANN
(1973) permet de lever la barrière de la censure par la mise en scène d’une rêverie
éveillée issue de l’enchantement. La levée du contrôle conscient de la censure va
permettre de redistribuer les cartes et de prendre le risque de dire car tout est l’œuvre de
l’enchanteur et non de l’enfant lui-même : attributs, formes, places, relations,…. Tout
peut y être dit sans risque.
Tout comme pour le dessin d’une famille l’essentiel est de prolonger le travail
projectif scriptural par une verbalisation autour de l’œuvre.
Demander prénoms, sexes et âges des intervenants.
« Et maintenant, raconte-moi ce qui s’est passé. Raconte-moi l’histoire de
l’enchantement ».
Noter le récit mot pour mot et indiquer les tonalités (les plus grands peuvent l’écrire)
La lecture du dessin de la famille enchantée relève des mêmes axes que pour le
dessin de la famille. Par contre ce qui est riche en informations ce sont les
enchantements, les modifications subies (suite au dessin de la famille) et les
commentaires de l’enfant à propos du résultat obtenu.
Il y en a qui gagent au changement « mon père est transformé en lion qui est très
très grand », d’autres non….
Une famille transformée en monstres méchants (selon les dires de l’enfant) peut être
significative d’agressivité ressentie, de… selon l’enfant.
Les enjeux des relations entre les personnages sont également exprimés.
Tous ensemble dans la même direction, famille camion du départ en vacances sur
autoroute…. ??
Ici l’enfant raconte que les deux gros chats vont manger le lapin et l’écureuil. La
rivalité naturelle entre animaux peut permettre d’exprimer des rivalités fraternelles, ou
entre parent et enfant, ou entre parents eux-mêmes.
Enchanter une famille peut permettre d’extérioriser ce qui est difficile à dire, ce
qui est perçu comme dangereux de l’exprimer voire de le penser sans prendre de risque
(le responsable est l’enchanteur).
Peut être plus que le dessin de la famille son enchantement ouvre des portes à la
compréhension de l’enfant et de ses problématiques. Il favorise beaucoup les valeurs
narrative et associative du dessin.
Chapitre 7
1) Le squiggle game :
D.W. Winnicott met en place et théorise une prise en charge par le biais du
dessin : le squiggle game. Il s’agit de jeu interactif et projectif avec pour médiation le
dessin et la créativité à deux. Le clinicien trace rapidement et très librement devant
l’enfant un gribouillis, lui demande de le regarder et d’imaginer comment le compléter à
sa façon pour le transformer en quelque chose. La transformation apportée par l’enfant a
valeur de projection. C’est ensuite à l’enfant de commencer le dessin en faisant un
gribouilllis que le thérapeute va transformer. Le thérapeute va proposer alors un
stimulus pour la psyché de l’enfant en fonction de la problématique concernée. La
transformation a pour objectif d’amener l’enfant à verbaliser certaines facettes de sa
problématique. Et ainsi de suite. La série de dessins élaborés va permettre au clinicien
de s’appuyer sur ces échanges et sur ce qui en émerge pour mieux approcher le monde
interne de l’enfant ainsi que sa dynamique psychique en vue d’une prise en charge
thérapeutique. Cette aire projective relève de l’intimité des deux partenaires dans
laquelle le thérapeute oriente vers le point de souffrance de l’enfant afin de
l’accompagner dans son expression et son aménagement psychique au travers du jeu du
squiggle. Le dessin est alors un excellent moyen de rentrer en contact avec des enfants
inhibés ou en crise. Au fur et à mesure de l’élaboration des échanges dessinés des
thèmes se répètent et peuvent servir de fil rouge à une travail thérapeutique.
Cette pratique ne se départit pas de la relation et du cadre thérapeutique, elle est
mise en place par un thérapeute reconnu comme ayant une formation sur cette méthode
clinique.
2) Catharsis et dessin :
Acte d’expression des émotions et ressentis pulsionnels : ça presse pour dessiner,
pour porter à l’extérieur, en image visuelle, l’éprouvé que le trait va contenir. Le d essin
peut devenir le support pour dire l’indicible, pour déposer une souffrance muette,
silencieuse. Il est alors l’expression des éléments importants de la vie psychique,
l’expression de la souffrance.
Ce sont essentiellement des dessins spontanés dont la thématique a un lien direct
avec une problématique psychologique préoccupant ici et maintenant. Le dessin va
servir de catalyseur des affects éprouvés et le dépôt a pour fonction de soulager le
dessinateur. Mais ces dessins engagent fortement le récipiendaire.
Le dessin est un moyen efficace pour libérer sa pensée, l’énergie psychique
inconsciente réprimée, de communiquer des sentiments intenses, douloureux,
d’extérioriser un symptôme.
Ce dessin appelle à la compréhension dans sa valeur d’expression d’un vécu et
donc rester dans le respect du secret et les modes modalités du cadre dans lequel il est
acté (en particulier transférentiel).
Cas clinique :
P., garçon de 13 ans, revient d’un séjour en classe verte avec sa classe. Il est
adressé à la psychologue car il est devenu turbulent, voire agressif, irrespectueux avec
les adultes allant jusqu’à les provoquer. Il ne veut pas parler mais agresse
continuellement. Ses résultats scolaires ont chuté, on est à 20 jours après la classe verte.
Après avoir rencontré les personnes qui avaient encadré la classe verte, un
évènement m’est rapporté qui va éclairer ce dessin et la violence qu’il contient.
P. a été surpris avec un copain nus dans un dortoir en train de faire des photos de
leurs attributs sexuels respectifs à grands renforts de commentaires et de plaisir.
Certains regardent qui fait pipi le plus loin d’autres comparent les tailles respectives. Et
puis nous sommes au 20é siècle et la technologie moderne est au service de toutes ces
découvertes. Certes sa mère en lui achetant un appareil photo jetable ne pensait pas à ce
genre de souvenir. Pour le moment rien de surprenant qu’une curiosité naturelle de deux
jeunes garçons en pleine découverte.
Ce qui a fait violence c’est la réaction de l’animatrice qui montrant son dégoût et
sa colère a jeté à la poubelle l’appareil jetable et a demandé qu’ils n’en parlent à
personne. Le sexe est jeté à la poubelle, on le castre et c’est sale. C’est de plus interdit
d’en parler.
Violence de l’interdit du sexe et symbolique de la castration ainsi réactivée chez
ce jeune garçon : d’où le couteau qui blesse le bout du sexe. Dégoût et honte du sexuel
avec les selles. Le traumatisme de la classe verte était là.
Le dessin lui a permis de déposer une souffrance indicible et de faire appel à être
entendu. Le dépôt ne se fait pas auprès de n’importe qui, il est adressé à un sujet
supposé entendre et savoir dans le respect de la confidentialité.
Cette technique est utilisée pour permettre de dépasser des situations de stress
post traumatiques dans la clinique d’enfants issus de pays en guerre, d’enfants ayant
vécu une catastrophe, d’enfants victimes de sévices (technique beaucoup utilisée dans
les enquête de maltraitance à enfant),….
3) Thérapie et dessin :
Le dessin est également utilisé pour permettre d’évaluer le cheminement
psychique de l’enfant au cours d’une prise en charge thérapeutique, d’évaluer l’impact
de celle-ci.
Des moments clefs servent alors de jalons pour cette évaluation : début et fin de
prise en charge, à chaque événement important survenant au cours de cette prise en
charge. Les thèmes ne sont pas fixes et restent la plupart du temps à l’initiative de
l’enfant. Ces dessins ont également valeur de discours et support d’échanges dans la
relation transférentielle.
Cas clinique
G., un jeune garçon âgé de 12 ans présente des difficultés scolaires et a déjà
redoublé une classe.
Le projet de l’année précédente était de passer en classe supérieure malgré des
résultats limites. Il a fait sa rentrée normalement et très rapidement il présente des
troubles de l’attention, des résultats médiocres et des troubles du comportement
(alternance de renfermement et d’hétéro-agressivité). Avant les vacances de Noël il
réintègre la classe précédente, y retrouve une enseignante qu’il connaît et avec qui il se
sent en sécurité. Il finit l’année dans cette classe.
En fin d’année scolaire il lui est annoncé que l’an prochain il changera de classe
comme prévu mais qu’il sera suivi par la psychologue.
Les dessins qui suivent sont issus de cette prise en charge et ponctuent trois
moments particuliers : l’annonce de passage de classe, la fin du premier semestre et la
fin de l’année scolaire.
Dessin 1 : On est en fin d’année scolaire et il lui est dit qu’à la rentrée il passera
dans la classe supérieure.
Il est tendu, a peur de ne pas y arriver et parle beaucoup de la précédente
tentative vécue comme angoissante, blessante et venant signer son incapacité. Blessure
narcissique et angoisse de l’échec.
Il choisit de dessiner une maison pour traduire tout son ressenti, fait peu de
commentaires spontanés pendant l’exécution du dessin. A l’enquête il répond volontiers
pour décrire les différents éléments de son dessin.
Au premier plan on aperçoit un fossé rempli d’eau qui entoure toute la partie
d’accès à la maison. Une volée de huit marches forme un gigantesque escalier prenant
toute la façade de la maison et permettant l’accès par une petite porte sans poignée.
De prime abord l’accès à cette maison est volontairement difficile et semé
d’embûches : fossé d’eau, escalier, pas d’ouverture de la porte.
Même une fois dans la maison les obstacles sont présents un labyrinthe très
étroit, une échelle, une pente pour aller à la cave. La vie y est semée de difficultés.
Son lit au dessus de la pente de la cave est vide, une ampoule sans lumière (il y
fait noir) et malgré de la fumée dans le cheminée il n’y a pas de feu, ni aucun élément
de vie quotidienne (à part le lit). Vie sans lumière, sans nourriture, sans feu, sans
personnages.
Pour protéger cette maison des menaces extérieures une double gouttière
renforce le mur extérieur. Le commentaire est criant de vérité « chiante » (phonétique)
sur le côté à l’adresse du thérapeute sans un regard.
Cette maison signe un ressenti de difficulté face aux jours à venir suite à
l’annonce du passage de classe.
Ce premier entretien a pour objectif de circonscrire les peurs, les incertitudes et
de rassurer par un accompagnement psychologique dès la rentrée scolaire.
G. part en vacances comme tous ses camarades, avec un rendez vous dès la
rentrée.
Il va être suivi en soutien psychologique pendant toute l’année et accompagné
dans ses difficultés quotidiennes
Sorte de maison caravane, très mobile avec de grosses roues pour aller de
l’avant. Cette demeure possède deux gros phares extérieurs pour voir où l’on va. Plus
d’obstacles, mais une grande mobilité éclairée.
La maison est enfin habitée : il s’y dessine avec son chat (aussi grand que lui, il
est son confident privilégié). Mais la porte reste sans poignée, l’ampoule non allumée et
la cheminée a perdu sa fumée, il n’y a pas de parents.
Sur la fin il tire un trait partant de la maison-caravane vers le thérapeute (qui est
assis en face de lui) et lance « c’est toi qui tire » traduisant ainsi tout l’impact de la prise
en charge psychologique sans laquelle il n’y serait pas arrivé. Ce trait symbolise le
transfert sur le thérapeute. Conscient de ses progrès mais restant encore très attaché au
thérapeute (symbolique du cordon ombilical).
Ce dessin nous renseigne sur un vécu beaucoup moins douloureux de sa
situation, il voit où il va et a envie d’y aller, mais il signe également la trop grande
dépendance au lien thérapeutique dont il va devoir apprendre à se passer.
Les six mois suivants vont œuvrer dans ce sens tout en gardant un
accompagnement au plus près de l’émergence des difficultés.
Dessin 3 : L’année scolaire est finie, les résultats ne sont pas merveilleux mais
suffisants pour passer en classe supérieure sans soutien psychologique cette fois. Il a
gagné en maturité et commence à apprendre à faire face à ses difficultés et à y trouver
seul des solutions. Pour conclure cette prise en charge il lui est demandé de redessiner
une maison pour les mêmes raisons que pour le dessin 2.
Il dessine rapidement, avec plaisir et parle de la maison qu’il aura quand il sera
plus grand, de ce qu’il va faire et va acheter.
Grande maison avec un chemin d’accès sans obstacle même si la porte n’a
toujours pas de poignée, trois ampoules au lieu d’une seule (pas allumées car il fait
soleil), un chat, une carpette. Un jardin avec des arbres, une piscine en premier plan, une
voiture avec des bagages, un jardinet devant avec des légumes et dans la remise un
motoculteur et un râteau (orientation professionnelle en horticulture).
La maison est indépendante, il a son propre moyen de locomotion et n’a plus
besoin d’être tiré. Tout commentaire est inutile, même s’il n’y est pas encore représenté
car penser son futur reste encore difficile.
Encore une fois cette lecture ne peut pas se faire sans le cadre thérapeutique et la
prise en charge psychologique, elle reste essentiellement issue des commentaires de
l’enfant et non des projections du thérapeute.
9 ans -- début du
> réalisme
perte des
lignes
géométriques
10
ans-->
monde intérieur
convention culturelle plus
fn
élaborée, moins schématique
Mireille SIGAL– URCA transparence 72 réalisme
réalistes ou stylisés découverte visuel
réalisme
Le dessin de l’enfant en psychologie clinique Unité Optionnelle
Bibliographie indicative
Ceci est le dessin de la famille d’une petite fille de 9 ans (représentée ici par le
dessin du milieu), qui vit avec sa maman, son papa et son grand frère (aîné de 4 ans,
dessin d. à droite).
A partir des éléments des cours effectuez une lecture minutieuse de ce dessin
demandé dans le cadre d’une consultation pour difficulté scolaire ? Argumentez vos
réflexions.
Fille de 10 ans, vivant dans une famille composée d’un père, d’une mère, d’elle
et d’une petite sœur, présence de son chat préféré nommé Filou.
Enfant en difficulté scolaire et ayant du mal à créer des liens avec ses camarades.
Pas d’agressivité franche, malgré un climat familial tendu. Le père est souvent absent
pour son travail, et il a été question du fait que sa petite sœur serait issue d’une autre
relation, le couple est en discorde. La mère travaille à mi temps et passe beaucoup de
ses loisirs avec ses copines. La petite sœur est souvent chez une nourrice et elle,
scolarisée mange à la cantine le midi, sort le plus tard possible le soir.